La crise de recrutement dans les métiers terrains
. Par Olivier Severyns, Fondateur et CEO de Snapshift qui s’inquiètent des difficultés de recrutement essentiellement dans les métiers de terrain.( la Tribune, extrait)
L’auteur porte surtout son analyse des difficultés sur l’insuffisance d’apport technologique dans ses métiers de base. Il aurait pu insister encore davantage sur les conditions de travail et l’insuffisance des rémunérations. Comment par exemple convaincre une assistante de vie à domicile qui effectue moins de 30 heures par semaine pour 800 € avec des horaires très tôt et très tard y compris dimanches et jours de fête. Par ailleurs, dans ces métiers les technologies ont des limites sauves par exemple dans la restauration qui a supprimé la préparation pour s’approvisionner en plats tout préparés dans l’industrie. Bref la de transformation du restaurant en cantine !NDLR
Depuis le mois de mai, pas un jour ne s’est écoulé sans qu’un nouveau gérant ou patron ne partage son désarroi et sa difficulté à recruter. Malgré les prises de parole répétitives et les diverses tentatives pour créer de l’attractivité, des milliers de postes saisonniers sont restés vacants un peu partout en France.
Alors que tout laissait à penser que la saison estivale cette année serait, pour la première fois depuis deux ans, synonyme d’activité économique forte, de tourisme de masse et de recettes similaires à celles des saisons antérieures à la crise du Covid-19, il semblerait que le spectre de la grande démission a fini par réellement frapper l’Hexagone.
Si le phénomène a été décortiqué et analysé Outre Atlantique pour tenter de comprendre la source du mal et les raisons qui attisent ce fléau, en France les travailleurs et salariés ont surtout été pointés du doigt. Jugés tour à tour d’idéalistes, d’hédonistes, de profiteurs ou de pantouflards, la plupart des voix qui se sont élevées ont souvent affirmé que les Français ne voulaient plus travailler.
Tandis que la saison touche à sa fin et que la problématique du recrutement de masse est momentanément derrière nous, il est grand temps de tirer quelques enseignements et de réfléchir à des solutions pérennes. La désillusion des salariés, appartenant majoritairement à des équipes terrains, est bel et bien réelle. Or celles et ceux qui ne croient plus à ce qu’on leur propose pourraient continuer de se désengager et devenir plus nombreux. Les difficultés à trouver de la main d’œuvre vont alors perdurer et s’intensifier.
En tant que patrons et managers, il est grand temps de prendre la mesure de cette vague d’absentéisme et de nous interroger sur les conditions de travail proposées. Aujourd’hui il n’y a pas de remise en question réelle de ce que nous offrons aux équipes terrain, or trop souvent les habitudes restent inflexibles et les méthodes inchangées.
Selon une étude publiée le 22 juin par la Dares, Direction statistique du ministère du Travail, 71% des entreprises ont actuellement des difficultés à recruter mais seulement 15% des employeurs estiment que cette pénurie est liée aux conditions de travail proposées. Le milieu de l’hôtellerie-restauration est finalement le secteur le plus conscient du phénomène, les employeurs sont 24% à reconnaître que leur problème de recrutement provient des conditions de travail.
Ces chiffres montrent à quel point le fossé entre employeur et équipe terrain se creuse et dans quelle mesure nous avons besoin d’une prise de conscience généralisée.
Si le manque de profils qualifiés et le niveau de salaire sont des freins véritablement existants, nous devons être une plus large majorité à affirmer que le problème vient aussi des conditions de travail, qui ne sont parfois plus acceptables et doivent être reconsidérées.
La désertification de certains secteurs est liée au manque de considération et à une sous valorisation permanente. Force est de constater que des méthodes de travail âgées de plus de 20 ans existent encore, tandis que les perspectives d’évolution et les innovations sont trop souvent absentes de l’équation.
En tant qu’ancien opérationnel de la restauration, auparavant gérant de 5 établissements, j’ai moi-même été confronté à la difficulté de conserver des équipes ainsi qu’aux limites d’un système et d’un fonctionnement papier-crayon. Nous parlons sans cesse de nouvelles technologies, de progrès, d’innovation, plus récemment de Métavers, alors que certaines professions n’ont toujours pas accès à un ordinateur et à des outils digitaux dignes de ce nom.
La revalorisation de certains métiers et l’attractivité de secteurs entiers passeront obligatoirement par une mise à jour des méthodes et des outils. Ces métiers terrain sont les grands oubliés de la transformation digitale. Alors qu’ils représentent 80% de la main-d’œuvre mondiale, seuls 1% des investissements en technologie les concernent !
Aujourd’hui ces travailleurs sont totalement déconnectés de tout écosystème digital dans leur quotidien professionnel, ce qui crée un sentiment d’exclusion. Revaloriser ces métiers passera aussi par l’inclusivité digitale et par la nouvelle expérience que l’employeur sera en capacité de proposer.
Il existe déjà des solutions tangibles qui donneront de nouveau aux salariés l’envie de faire partie d’une équipe, de recréer un sentiment d’appartenance et d’améliorer les conditions de travail.
Ce nouveau quotidien s’illustre par la modulation du temps de travail avec des plannings mieux gérés et plus de visibilité, qui permettent de trouver un équilibre positif entre vie professionnelle et vie privée. Pour regagner la confiance des équipes, une meilleure prise en compte des heures supplémentaires est également une évolution nécessaire et facile à imaginer dans le cadre d’un dispositif numérique efficace.
Enfin mettre en place des outils digitaux c’est aussi réduire les marges d’erreurs humaines pour une gestion de paie, RH et administrative plus fluide qui, in fine améliore considérablement les relations et la communication en interne.
Oui les métiers terrain ont aussi besoin du digital pour exercer correctement et c’est une erreur dans ce monde post-Covid de penser que ces secteurs doivent rester inchangés. Leurs conditions de travail, dépourvues de toute technologie et de toute amélioration en termes d’innovation, seront un fléau à long terme si nous n’investissons pas davantage en faveur de ceux qui représentent 80% de la main d’œuvre mondiale.