Russie: des tensions internes ?
Boris Bondarev a démissionné en mai de la mission permanente de Russie auprès des Nations unies en réaction à l’invasion de l’Ukraine, estimant que l’offensive russe montrait le niveau de répression de Moscou.
Dans une longue diatribe contre la Russie de Vladimir Poutine publiée lundi dans le magazine américain Foreign Affairs, l’ancien conseiller déclare que l’Etat russe est gangréné de béni-oui-oui (« yes men »), de flagorneurs, qui laissent les coudées franches au chef du Kremlin.
« Si (Vladimir) Poutine est chassé du pouvoir, l’avenir de la Russie sera profondément incertain », estime Boris Bondarev, qui a travaillé au ministère des Affaires étrangères de 2002 à 2022.
« Il est tout à fait possible que son successeur tente de poursuivre la guerre, d’autant que les principaux conseillers de (Vladimir) Poutine sont issus des services de sécurité. Mais personne en Russie n’a sa stature et le pays entrerait probablement dans une période de turbulences politiques. Il pourrait même sombrer dans le chaos », ajoute-t-il.
Les services diplomatiques russes n’avaient pas répondu dans l’immédiat à une demande de commentaire. Le Kremlin a rejeté ces propos et affirmé que la popularité du président russe s’était à plusieurs reprises illustrée dans les urnes.
Vladimir Poutine a déclaré vendredi qu’il ne regrettait pas ce qu’il nomme « l’opération militaire spéciale », une bataille existentielle selon lui contre un Occident agressif et arrogant, déterminé à détruire la Russie.
Mais près de huit mois après le début de la guerre, les objectifs de Moscou sont loin d’être atteints et son armée a connu des échecs cuisants face aux troupes ukrainiennes, bien plus modestes mais soutenues, en armes et en renseignement, par les puissances occidentales, les Etats-Unis en tête.
Boris Bondarev, qui se définit comme un « diplomate en exil » ayant sauté d’un « train fou », explique dans son article comment le système de récompenses en place au plus haut niveau encourage les diplomates à alimenter la propagande russe dans les câbles diplomatiques.
« Les diplomates qui écrivaient de telles fictions recevaient les applaudissements de leurs patrons et voyaient leur carrière s’améliorer », témoigne Boris Bondarev. « Moscou voulait qu’on lui dise ce qu’il espérait être vrai et non ce qui se passait réellement. Partout, les ambassadeurs ont compris le message, et ils ont rivalisé pour envoyer les câbles les plus exagérés. »
« Tout cessez-le-feu (en Ukraine) ne fera que donner à la Russie une chance de se réarmer avant d’attaquer à nouveau », poursuit-il. « Il n’y a qu’une seule chose qui puisse vraiment arrêter (Vladimir) Poutine, c’est une déroute complète ».
Ceux qui espèrent une implosion de la Russie doivent en mesurer les conséquences, ajoute le diplomate démissionnaire.
« Les Russes pourraient s’unifier derrière un leader encore plus agressif que (Vladimir) Poutine, provoquant une guerre civile, davantage d’agressions extérieures ou les deux ».
« Si l’Ukraine gagne et que (Vladimir) Poutine tombe, la meilleure chose que l’Occident puisse faire est de ne pas infliger d’humiliation », souligne Boris Bondarev, en référence à la période qui a suivi la chute de l’Union soviétique en 1991.
« Fournir de l’aide permettrait également à l’Occident d’éviter de répéter son comportement des années 1990, lorsque les Russes se sont sentis escroqués par les Etats-Unis et permettrait à la population d’accepter enfin la perte de son empire », juge l’ancien conseiller russe.