Taxe carbone : objectif fiscal ou environnemental ?
Le gouvernement a décidé de mettre en place une nouvelle fiscalité sur l’énergie, la nouvelle « contribution climat énergie ; cette taxe doit concerner l’essence, le gazole, le charbon et la houille, le gaz naturel, le fioul lourd et domestique mais aussi l’électricité. Le niveau de la taxe sera proportionnel à la teneur en en CO², le rendement fiscal devrait être de 2,5 milliards d’euros en 2015 et 4 milliards d’euros en 2016. En France, le secteur transport est le principal émetteur de CO2 (33% des émissions), il sera donc très affecté par cette fiscalité. Fiscalité qui vient s’ajouter aux autres : TICPE (taxe intérieure de consommation des produits énergétique) et bien sûr la TVA (qui augmentera, elle, mécaniquement). L’objectif officiel est de lutter contre le réchauffement climatique dont sont responsables certains polluants comme l’oxyde de carbone. D’où le nom de ce nouvel impôt. On escompte donc une réduction de la consommation de ces énergies et pour le transport notamment des reports modaux. 80% environ des déplacements sont en effet effectués par la route et les gisements d’économies se situent très majoritairement dans cette branche. Reste à savoir si des reports modaux peuvent ou non être influencés par un renchérissement du carburant. Si ce n’est pas le cas alors la contribution climat énergie ne sera que la énième version d’un produit de l’ingénierie fiscale.
Les principes de la taxe carbone
La contribution climat-énergie telle qu’elle avait été présentée lors du Grenelle de l’environnement, vise à orienter les comportements des particuliers et des entreprises, via la fiscalité. En donnant un «signal prix» aux émissions de carbone, elle est censée permettre d’accélérer la transition vers la sobriété énergétique et de faire baisser les émissions de CO2. Avec un prix fixe de la tonne de CO2 émise, les plus gros émetteurs contribuent davantage que les petits. Dans la version votée en 2009 (17 euros la tonne), cela revenait pour le transport par exemple à une augmentation de 4 centimes par litre de sans plomb. Mais dans son principe de base, la taxe carbone n’a pas pour vocation à constituer un prélèvement obligatoire supplémentaire mais doit avoir un effet neutre. Les produits fiscaux doivent être redistribués au profit des économies d’énergies. Les travaux du Comité pour la fiscalité écologique, présidé par l’économiste Christian de Perthuis, qui a rendu un rapport d’étape mi-juillet, insistaient aussi sur une «stricte neutralité budgétaire» et donc la mise en place d’un «système de compensations forfaitaires prévisibles dans le temps et faisant l’objet d’un compromis acceptable par le plus grand nombre». Christian de Perthuis proposait d’introduire dès l’an prochain une assiette carbone au taux de 7 euros la tonne de CO2 (qui grimperait jusqu’à 20 euros la tonne en 2020). Côté ménage, il préconise une mise en place neutre en 2014 (la taxe carbone est directement compensée par une baisse des taxes sur les carburants et le gaz), puis une montée en charge progressive entre 2015 et 2020. Avec au fur et à mesure, la réduction de la différence de fiscalité entre le diesel et l’essence. La compensation côté ménage se ferait «sous forme d’un crédit d’impôt dirigé sur les déciles de revenu les plus faibles et dégressif en fonction du niveau de revenu» accompagné d’un dispositif d’aide au remplacement des vieux véhicules diesel.
Les principales criques
La principale critique vise l’effet prix recherché, un effet prix suffisant théoriquement pour décourager les utilisateurs. En fait si l’effet prix est loin d’être complètement négligeable, il est cependant très insuffisant pour modifier de manière fondamentale les comportements et les technologies. Il faudrait un choc de l’ordre sans doute de 30à 50% sur le prix du carburant pour imposer des modifications significatives. Ce n’est pas une augmentation de 4 ou 6 centimes qui fera changer la situation, tout au plus peut -elle peut contribuer à une légère diminution de la consommation. A cet égard, on peut prendre exemple sur les différents chocs pétroliers qui, pour importants qu’ils furent , n’étaient pas déterminants pour peser de manière conséquente sur la consommation d’énergie. Ces derniers mois on a bien assisté à une très légère diminution mais elle liée autant à la crise qu’au seul prix de l’essence. La crise du pouvoir d’achat pèse sur toutes les dépenses et en particulier le transport, deuxième poste pour les ménages. Autre critique fondamentale, celle qui consiste à privilégier la marchandisation de l’environnement et à estimer que le marché régule mieux que les normes et la réglementation. Les quotas d’émission sont pourtant là pour démontrer l’échec de cette théorie. D’abord ces quotas démission ont été mal calculés au départ ensuite ils ont fait l’objet d’une spéculation éhontée qui rend obsolète et contre productif son principe. La fiscalité ne saurait être le seul moyen de régulation pour réorienter les transports d’autant qu’en France on détient déjà le record de prélèvement obligatoire ce qui limite l’ampleur des hausses possibles. Des hausses qui seront étalées jusqu’en 2017 précisément pour ne pas amputer davantage le pouvoir d’achat. Une préoccupation socialement fondée mais qui annule le choc énergétique. Dernière critique et non des moindres : les modes de redistribution de cette taxe normalement neutre ; Avec le risque soit de constituer une nouvelle cathédrale administrative soit de noyer le produit fiscal dans l’ensemble des recettes de l’Etat. Et sans doute vraisemblablement de ne rien redistribuer pour les économies d’énergie ou seulement de manière symbolique.
Les risques juridiques
En 2007, Nicolas Sarkozy lance le Grenelle de l’environnement et promet la mise à l’étude de la taxe carbone. Le projet sommeille un moment dans les cartons et refait surface en 2009, après la percée d’EE-LV aux européennes et à quelques mois du sommet climat de Copenhague. Une conférence de consensus présidée par Michel Rocard, en juillet, semble mettre tout le monde d’accord sur le principe et tente de rentrer dans le détail des modalités. Mais la rentrée politique a vite raison de ce semblant d’unité : Ségolène Royal pilonne «un impôt absurde, un impôt injuste.» Les députés UMP commencent à vaciller. En septembre, Nicolas Sarkozy présente les détails de la taxe, son montant et les modalités de redistribution. Le dispositif est modéré selon un double critère géographique et familial, notamment pour aider les ruraux. Mais il n’est pas question de critère social. Les gros émetteurs, déjà soumis au système européen des quotas sont dispensés. Au Parlement, des exemptions sont ajoutées pour certains secteurs. C’est ce qui aura raison de la taxe : le Conseil constitutionnel juge le dispositif contraire à l’égalité devant l’impôt et souligne que «les activités assujetties à la contribution carbone représenteront moins de la moitié de la totalité des émissions de gaz à effet de serre». La nouvelle version de cette taxe contribution climat énergie risque de rencontrer les mêmes difficultés juridiques si, comme annoncé, le gouvernement exonère certaines activités notamment les routiers, les pécheurs voire certaines industries. Pour échapper au refus du conseil constitutionnel, il faudra une réelle égalité de traitement. Donc taxer de la même manière tous les pollueurs de la même manière. Mais pour faire passer la pilule sans doute envisager des dégrèvements équivalents dans d’autres domaines fiscaux, ce qui d’une part annule l’effet prix d’autre part va constituer une inégalité de traitement déguisée.
Quel prix pour le carburant ?
Les prix du carburant dépendent de plusieurs facteur des prix du baril, des coûts de raffinage, des marges et surtout de la fiscalité (de l’ordre de 60 % de taxes, pourcentage qui varie selon l’évolution du cours du baril). Au cours de ces derneirs mois, surtout au premier semestre les prix se sont envolés et les automobilistes ont réduit leur consommation. La question est de savoir si c’est un phénomène conjoncturel ou structurel. Un phénomène par ailleurs vraisemblablemenet davantage liée à la crise (chômage, pouvoir d’achat) qu’au seul problème du seul coût constaté de l’essence. Sur longue période, il est difficile d’apprécier si le prix du carburant a vraiment augmenté. En francs courants, c’est indiscutable. Mais à partir d’autres éléments, c’est mois certain ; Il convient par exemple de tenir compte de l’inflation, une inflation mieux maitrisée depuis une dizaine d’années de l’ordre de 16% alors que le carburant a augmenté de 50%. Sur plus longe période, il faudrait surtout tenir compte de l’évolution du pouvoir d’achat, Sur une trentaine d’années, on constate que le prix du litre de carburant a baissé par rapport l’évolution de l’heure de travail. Encore une fois c’est surtout la crise qui révèle le poids du carburant dans le budget des ménages.
Un contexte politique peu favorable aux questions environnementales
L’environnement socio économique est peu favorable à un renchérissement significatif de la fiscalité sur le carburant. En effet la consommation des ménages est atone du fait de la relative stagnation du pouvoir d’achat ; Du coup, la croissance qui repose essentiellement en France sur la consommation est très faible (peut-être 0.3% en 2013)° ; Une consommation qui ne bouge pas depuis 3 ans en raison des dépenses contraintes (logement, transport, assurances, impôts etc.). En période de crise économique, la sensibilité aux questions environnementales diminue fortement. Les politiques marchent sur des œufs et tentent une introduction en douceur de la taxe carbone ; pour schématiser ils affirment d’abord ce n’est pas une vraie taxe, ensuite qu’elle sera faible, enfin qu’on la remboursera L’emploi apparaît et de très loin la priorité par rapport aux enjeux écologiques. Ainsi Bruno Le Roux, le patron des députés PS, a tenu à souligner que «ce n’est pas une écologie punitive, c’est quelque chose qui ne devra pas entraîner de recettes nouvelles mais qui devra changer les comportements». Najat Vallaud-Belkacem a,, elle aussi, insisté pour dire qu’il ne s’agissait pas d’une «nouvelle taxe». «Ce n’est pas un impôt supplémentaire, c’est une modification de l’impôt, a précisé Pascal Canfin, ministre écologiste du Développement, nous allons augmenter l’impôt sur les pollutions et nous allons en parallèle et en contrepartie baisser d’autres impôts». De leur côté, les députés EE-LV proposent que «l’intégralité des montants perçus au titre de la contribution climat-énergie prélevés sur les ménages sont reversés aux ménages», notamment sous forme de «chèques transition énergétique».Coté opposition, la taxe carbone est jugée inefficace et injuste, exactement les mêmes arguments que la gauche utilisait lors de la Taxe carbone Sarkozy de 2009 !
Privilégier la recherche et la réglementation
De l’avis de nombre d’experts, la fiscalité sera toujours moins efficace qu’une politique de recherche et que la réglementation. Deux exemples pour les transports. La nouvelle taxe du transport routier marchandises (l’écotaxe) va sans doute renchérir le transport mais ne provoquera pas de transfert modal (des transferts de pavillons, sans doute). Le rail en particulier ne va pas bénéficier du renchérissement très substantiel de la fiscalité routière en fret.( de l’ordre de 10% en moyenne) ; Il aurait été plus pertinent pour le transfert modal d’interdire par exemple certains transports par route notamment de transit au profit notamment du rail ; En transport urbain, force est de constater que le prix du carburant modifie moins les comportement que la réaffectation de l’espace viaire aux profit des transport collectifs ; d’une manière générale pour réduire de manière significative les émussions polluantes notamment le CO2 émis par les véhicules routiers ce sont les normes contraignantes et une politique des transports favorable aux transports collectifs qui agissent le plus efficacement. Une politique de normes qui contraint les constructeurs à engager des politiques de recherche visant à économiser l’énergie et à réduire la pollution. Mais le lobby automobiles s’y oppose et préfère une taxe carbone supportée par l’automobiliste plutôt qu’une véritable mutation de la voiture. En effet en plein débat sur le rôle de l’homme sur l’effet de serre, les constructeurs automobiles font de la résistance. Après Berlin, qui jugeait le nouveau dispositif européen dangereux pour son industrie automobile, les Français Renault et PSA militent aux cotés de BMW, Mercedes et Opel pour obtenir le report d’un nouveau dispositif présenté mercredi 25 septembre. Généralement concurrents, les constructeurs automobiles savent s’unir pour défendre leurs intérêts. Pas question pour eux que Bruxelles les obligent à ramener à 95 grammes par kilomètre la moyennes des émissions de CO² de leur gamme d’ici à 2020. Le seuil sera très difficile à atteindre, pour des raisons différentes selon les marques. Les groupes allemands, spécialistes des grosses berlines, seraient obligés de développer des modèles plus petits et moins sportifs. Quant aux Français, s’ils comptent aujourd’hui parmi les bons élèves sur la question en Europe, appliquer ce nouveau dispositif les contraindrait à développer de nouveaux moteurs capables de consommer en moyenne 4 litres au 100 kilomètres. De gros investissements en perspective, pour un marché déjà mature. Alors que les constructeurs ont aujourd’hui pour principale perspective la conquête des marchés émergents. Or là-bas, les normes de pollution ne sont pas la première préoccupation. En conclusion on voit bien les limite de la taxe carbone davantage un moyen d’alimenter le budget de l’Etat qu’un moyen de régulation pour orienter vers une nouvelle politique énergétique (par parenthèse on ne remet pas en cause le nucléaire, non polluant pour le carbone mais dont les autres déchets sont ingérables) ; Edf qui a déjà prolongé la durée de vie de ces centrales de 30 à 40 parle maintenant de 50 ans ! Seule la réglementation et notamment les normes peuvent imposer une politique industrielle et une politique des transports moins énergétivores. A cet égard la taxe carbone paraît bien désuète mais elle donne au moins satisfaction aux verts d’EELV en panne de propositions crédibles. Il faudra autre chose pour dynamiser le rail, une reforme SNCF notamment -et le plus vite possible- mais aussi une politique des transports qui fait du surplace depuis 30 ans.