Politique monétaire et Taux d’intérêt: Des hausses mortifères
Le banquier Jean-Claude Meyer s’élève, dans une tribune au « Monde », contre l’incohérence périlleuse des annonces des banquiers centraux.
À juste titre sans doute, le banquier Jean-Claude Meyer se demande si les banques centrales ne naviguent pas à vue avec avec une politique monétaire qui fluctue selon les mois. Des banques centrales qui comme nombre d’experts sur un ton doctrinal ne cesse d’annoncer le contraire de l’évolution économique et financière. Ainsi ils ont tous prévus ou presque la fin de l’inflation pour le milieu de 2023. Exactement le contraire qui se produit, l’inflation reprend de plus belle car elle a surtout des causes récurrentes ( l’inflation sous-jacente indique pudiquement l’INSEE ou la Banque de France). La vérité sans doute, c’est que personne ne sait exactement quelle direction prend le champ économique et financier. Un jour on annonce la récession, le lendemain la reprise et le jour suivant le statu quo. La plupart des experts oublie une chose essentielle à savoir qu’avec sa politique accommodante la banque centrale européenne et les autres banques centrales ont déversé des milliards et des milliards sans contrepartie de richesses réelles. Bref ils ont fabriqué de la fausse monnaie qu’ils ont distribuée sans discernement et même sans évaluation après. Aujourd’hui le système rétablit l’équilibre entre la valeur représentée dans la monnaie et la valeur réelle de la production et de l’actif. Une sorte de dévaluation générale qui prend la forme d’une inflation qui massacre le pouvoir d’achat et peut-être demain la croissance. NDLR
En plus des dangers géopolitiques actuels, menaçants, tragiques, et par définition imprévisibles, les pronostics des économistes et des banquiers centraux nous plongent dans une regrettable incertitude.
En janvier, ils prévoyaient une récession, un refroidissement de l’inflation, et donc une hausse modérée des taux d’intérêt. Mais deux mois après, le scenario s’inverse : le risque de récession s’est évanoui, l’inflation perdure (+ 6 % aux Etats-Unis en février), le marché de l’emploi surchauffe (3,6 % de chômage aux Etats-Unis, un taux jugé trop faible). La hausse des taux décidée par la Réserve fédérale américaine (Fed) le 22 mars était donc d’abord prévue à 0,50 %. Patatras ! à cause de la faillite de la Silicon Valley Bank, et du risque de panique dans les banques régionales américaines, on a imaginé que la FED marque une pause. Finalement, la FED a décidé une hausse de 0,25 %. De quoi nous déconcerter…
L’art est, il est vrai, difficile – inflation, emploi, croissance, taux d’intérêt et stabilité financière forment un réseau de vases communicants infernal. Au dilemme hausse des taux et récession ou croissance avec inflation, s’ajoute aujourd’hui pour les banques centrales cet autre dilemme beaucoup plus risqué : hausse des taux ou stabilité du système financier.
Le consensus du marché anticipait des hausses de taux jusqu’à cet été, puis un plateau jusqu’à la fin de l’année, avant une baisse progressive concomitante à une baisse de l’inflation en 2024. Comme chaque prévision est remise en cause le mois suivant, ce scenario rose d’un soft landing (« atterrissage en douceur ») – une utopie dans l’histoire économique – arrivera-t-il ? Rien n’est moins sûr. D’autant que les économies en guerre sont en général inflationnistes ; que la nouvelle division internationale du travail visant à relocaliser les industries à plus grande proximité des lieux de consommation l’est aussi ; et qu’enfin la transition énergétique sera coûteuse.