Archive pour le Tag 'talibans'

Afghanistan : Les talibans installent un climat de terreur

Afghanistan : Les talibans installent un climat de terreur

D’après des O.N.G. les talibans installent un climat de terreur. Leur  rapport documente une « litanie » de violations des droits humains : intimidation et répression des femmes, des défenseurs des droits de l’homme, représailles contre les fonctionnaires de l’ancien gouvernement, atteintes à la liberté d’expression. Basé notamment sur une dizaine de témoignages directs, le rapport couvre une période allant du 15 août, date de la chute de Kaboul aux mains des talibans, au 12 septembre.

« Conséquence du climat de peur engendré par la prise de pouvoir des talibans, de nombreuses Afghanes portent aujourd’hui la burka, s’abstiennent de sortir de chez elles sans un tuteur masculin et cessent certaines activités pour éviter violences et représailles », selon le rapport.

Afghanistan : les talibans demandent l’aide internationale

Afghanistan : les talibans demandent  l’aide internationale

Le nouveau ministre des Affaires étrangères, Amir Khan Muttaqi, réclame  plus d’aides à la communauté internationale.

 

 

Si la victoire politique est indéniable pour les talibans par contre  sur le plan économique et les plus que douteuse. Cela en raison de 40 ans de guerre, aussi d’une certaine incapacité de gestion des talibansLes talibans réclament davantage d’argent au titre de la solidarité internationale. Les talibans ont salué, mardi 14 septembre, l’aide de 1,2 milliard de dollars (1 milliard d’euros) promise par la communauté internationale à l’Afghanistan et exhorté les Etats-Unis à faire preuve de davantage de générosité. « Nous remercions et saluons l’engagement du monde d’environ un milliard de dollars d’aide et leur demandons de poursuivre leur aide à l’Afghanistan », a déclaré Amir Khan Muttaqi, ministre en exercice des Affaires étrangères au sein du nouvel exécutif afghan.

 

Afghanistan : Les talibans n’ont pas changé

Afghanistan :  Les talibans n’ont pas changé

Fawzia Koofi, ancienne députée afghane, était assignée à résidence à Kaboul depuis la prise de pouvoir des fondamentalistes. Depuis le Qatar, où elle s’est réfugiée, elle répond aux questions du « Monde »(Extrait).

 

Interview

 

L’ex-députée Fawzia Koofi a été l’une des rares femmes de la délégation de l’ancien régime de Kaboul qui négociait avec les talibans à Doha, au Qatar, pendant presque deux ans. Après la chute de Kaboul et la prise de contrôle du pays par les talibans, le 15 août, cette Afghane de 45 ans a été assignée à résidence. Le 1er septembre, le Qatar a obtenu sa libération. Aujourd’hui, depuis Doha, elle appelle la communauté internationale à exercer une pression supplémentaire sur les talibans en conditionnant ses aides à Kaboul

Selon vous, quelle forme prendra le prochain gouvernement taliban qu’ils tardent à annoncer ?

C’est très difficile à prédire. Mais une chose est sûre : les talibans cherchent à avoir la légitimité auprès de la communauté internationale. Si cette dernière demande aux talibans le respect de la liberté d’expression, des droits des femmes, l’accès de ces dernières à la scène politique et leur présence dans l’économie du pays, nous pourrions espérer un système moins strict. Mais les aides internationales à l’Afghanistan doivent être conditionnelles, et les pressions exercées sur les talibans continuelles.

Le processus de paix engagé entre les talibans et Kaboul avait-il une chance d’aboutir ? Ou bien a-t-il été une farce ?

Ce processus aurait pu aboutir. C’est bien pour cela que j’ai négocié avec les talibans à Doha pendant plus d’un an et demi. Même avant ces réunions, je faisais partie des premières personnes ayant entamé des pourparlers avec eux à Moscou. Pour moi, il était important de peser sur ce groupe militaire fondamentaliste, sachant que les talibans ne pouvaient pas se battre à l’infini. Mais les Etats-Unis ont signé l’accord de Doha [lors du mandat de l’ancien président américain Donald Trump], sans le gouvernement afghan et sans les femmes. Cela a donné aux talibans un sentiment de puissance. Joe Biden a également confirmé le retrait des troupes américaines [les dernières ont quitté l’Afghanistan le 30 août]. Voilà pourquoi la paix n’a pas eu lieu.

Quel a été le rôle du président Ashraf Ghani, aujourd’hui en fuite ?

Bien qu’il ait été écarté des négociations entre les Etats-Unis et les talibans, il aurait pu mieux gouverner. Il n’a rien fait contre la corruption.

Les talibans ont-ils changé ?

Par rapport à leur premier règne (1996-2001), ils veulent faire croire qu’ils ont changé. Mais ce changement n’existe qu’au niveau de leurs dirigeants politiques. Eux ont voyagé à l’étranger, en Russie, en Turquie, en Chine, au Kazakhstan et au Qatar. En réalité, les combattants et les commandants talibans qui ne connaissent que la guerre et les armes ne peuvent pas accepter les changements de la société afghane.

Talibans « inclusifs »: Un leurre rhétorique

Talibans  « inclusifs »: Un leurre rhétorique 

 

« Il est légitime de considérer le concept d’inclusivité, s’il est mobilisé par un énonciateur taliban, comme un leurre rhétorique destiné à satisfaire le fantasme de la démocratie universelle de nombre de dirigeants occidentaux », estime Jean-Louis Robert, se livrant à une analyse de son usage par le nouveau pouvoir afghan.

 

L’adjectif inclusif a pris, depuis quelques années, valeur de concept. Il a été récemment popularisé dans le champ graphique, où il est question d’écriture inclusive, celle qui rend visible les marques du féminin dans tout texte où les deux genres sont impliqués. Mais il s’était auparavant largement diffusé et avait conquis de nombreux domaines du social, comme l’attestent, par exemple, les syntagmes suivants : une ville inclusive, une habitation inclusive, une société inclusive, une éducation inclusive, un environnement inclusif…

Et voilà qu’il s’invite dans l’actualité la plus agonistique du moment, la prise du pouvoir par les talibans en Afghanistan. C’est ainsi que, trois jours après la prise de contrôle par les fondamentalistes, Jean-Yves Le Drian, au micro de France Inter, exprime le désir, naïf selon une grande partie de la classe politique française, que ceux-ci forment un « gouvernement qui soit vraiment inclusif et représentatif ». Quelques jours après, c’est un haut responsable taliban qui déclare à l’AFP que le cofondateur du mouvement fondamentaliste, le mollah Abdul Ghani Baradar, est à Kaboul « pour rencontrer des responsables djihadistes et des responsables politiques pour l’établissement d’un gouvernement inclusif ». Cela signifierait qu’y seraient représentées toutes les tendances de la société afghane, mais aussi toutes les ethnies, les Ouzbeks, Hazaras, Tadjiks… et pas seulement les Pachtouns, dont sont issus les talibans.

Un porte-parole du pouvoir taliban lors d’une conférence de presse à l’aéroport de Kaboul, le 31 août. WAKIL KOHSAR / AFP

Le deuxième énoncé apparaît ainsi, me semble-t-il, comme un écho ironique au premier, dans la mesure où le terme inclusif, par emprunt de sens (vers 1970) à l’anglais inclusive signifie « qui inclut »« qui n’exclut personne ». Si l’on se rappelle la pratique du pouvoir des fondamentalistes lors de leur première expérience politique (1996-2001), caractérisée par la destruction de toute opposition et l’institution de la terreur, on mesure la profondeur du fossé entre le signifiant agité par les responsables talibans et la réalité qu’ils disent vouloir instituer. C’est en fait une pratique exclusive du pouvoir que les talibans ont établie, l’épithète qualifiant ce qui appartient uniquement à quelques-uns, à l’exclusion des autres, par privilège spécial, et, à ce titre, n’admet aucun partage.

Il est donc légitime de considérer le concept d’inclusivité, s’il est mobilisé par un énonciateur taliban, comme un leurre rhétorique destiné à satisfaire le fantasme de la démocratie universelle de nombre de dirigeants occidentaux, c’est-à-dire l’extension de la démocratie à tous les peuples de la terre ; la vertu irénique d’un tel régime résoudrait tous les problèmes et conduirait à la fin de l’histoire.

Mais une autre lecture est possible, qui renverrait au sens originel du mot inclusif. D’après Le Petit Robert, inclusif est d’abord attesté (1507) au sens d’inclus, disparu ; inclus provient du latin includere, lequel peut se traduire par « enfermer » ou « renfermer ». Il s’applique ensuite à ce qui renferme (quelque chose) en soi, sens repris au 19e siècle et employé spécialement en linguistique. Le nom inclusion renvoie à des usages qui impliquent l’idée d’occlusion, de clôture, de réclusion, notamment en biologie, cytologie, minéralogie, odontologie ; dans ce dernier domaine, l’inclusion désigne l’état d’une dent emprisonnée dans l’arcade osseuse d’une mâchoire. Si nous osions filer la métaphore odontologique, l’arcade maxillaire serait le pouvoir effectif taliban et la dent emprisonnée le gouvernement inclusif, lequel ne serait qu’un gouvernement « Potemkine ».

Si l’on accepte cette interprétation, se référant au sens ancien du concept inclusif, on pourrait postuler que les talibans en usent non comme d’un écran de fumée, mais pour afficher littéralement leur véritable intention : celle d’enfermer la société afghane et de la soustraire aux yeux du monde.

Jean-Louis Robert, Sainte-Clotilde (La Réunion)

Afghanistan : des talibans armés à la télévision !

Afghanistan : des talibans armés à la télévision !

 

D’après une info du Figaro, un présentateur est apparu ce week-end à la télévision afghane entouré d’hommes armés, encourageant les téléspectateurs à «coopérer» avec les talibans. Quelques jours plus tôt, une femme journaliste déclarait être interdite d’accès à la chaîne publique.

Ces deux actes contrastent étrangement avec les annonces officielles des talibans, qui promettaient, dès leur prise de pouvoir, de respecter les droits des femmes, y compris l’accès à toutes les professions.

 

Afghanistan : les talibans autoriseraient la poursuite des départs

Afghanistan : les talibans autoriseraient la poursuite des départs

Les talibans auraient donné l’assurance à une centaine de pays que les évacuations pourraient encore minuit après la date butoir du 31 août.

 

«Nous avons reçu des garanties de la part des talibans que tous les ressortissants étrangers ainsi que tout citoyen afghan disposant d’une autorisation de voyager émise par nos pays sera autorisé à se rendre de façon sûre et ordonnée vers les points de départ, et à quitter le pays», ont écrit ces pays, dont les États-Unis, l’Allemagne, la France ou le Royaume-Uni.

 

«Nous nous engageons tous à nous assurer que nos citoyens, ressortissants ou résidents, employés, Afghans, qui ont travaillé avec nous, et ceux qui sont en danger, pourront continuer à voyager librement vers des destinations hors d’Afghanistan», poursuivent-ils dans un communiqué.

Confrontation probable entre l’État islamique et les talibans en Afghanistan

Confrontation probable entre l’État islamique et les talibans en Afghanistan

 

 

Spécialiste du terrorisme, Marc Hecker, directeur de recherche à l’Institut français des relations internationales (Ifri), décrypte pour le JDD les ambitions de l’État islamique au Khorasan, la branche afghane de l’organisation djihadiste, responsable de l’attaque suicide de jeudi à Kaboul qui a fait au moins 85 morts.

 

 Quel message l’État islamique a-t-il voulu faire passer en perpétrant cet attentat-suicide?
Daech a voulu montrer qu’il était un acteur sur lequel il fallait compter dans cet Afghanistan contrôlé par les talibans. Si le groupe a commis moins d’attaques ces derniers mois, il est encore capable de frapper ses cibles de prédilection : les étrangers, les talibans et les civils afghans ayant travaillé avec l’ancien gouvernement ou les Occidentaux. Tous sont vus comme des infidèles ou des apostats.

 

 

De combien d’hommes dispose le groupe?
Un récent rapport de l’ONU évoque entre 1.500 et 2.200 combattants avec deux provinces mises en avant, Nangarhar et Kounar, à l’est du pays. Ce sont des chiffres à considérer avec précaution. On sait en tout cas que Daech n’a pas réussi à contrôler de vastes territoires. Ce n’est pas faute d’avoir essayé : la volonté de Daech central, quand la province du Khorasan a été créée en 2015, était de dupliquer le modèle syro-irakien. Mais cela a échoué.

Pourquoi?
Parce que le groupe s’est heurté à une double opposition : celle du gouvernement afghan soutenu par les Américains qui ne voulaient pas voir émerger, après Al-Qaida, un deuxième groupe prônant le djihad global. Il fallait donc tuer la menace dans l’œuf. Et celle des talibans qui ont vu en Daech un concurrent potentiel.

 

Mais certains combattants de Daech ne sont-ils pas d’anciens talibans?
Au départ, il y a eu des défections des talibans au profit de Daech, d’autant que l’État islamique disposait de moyens financiers importants lui permettant de payer ses combattants. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles les talibans ont réagi vigoureusement. Certaines sources laissent entendre que l’émir actuel de l’État islamique au Khorasan, Shahab al-Muhajir, serait un ancien cadre intermédiaire du réseau Haqqani, lié aux talibans.

 

D’où venait cet argent?
Selon le chercheur Antonio Giustozzi, des combattants sont partis de la zone afghano-pakistanaise vers le Levant en 2012-2013 pour faire le djihad contre le régime d’Assad. Certains de ces combattants ont rejoint Daech et ont fini par rentrer en Afghanistan. Al-Baghdadi a soutenu cette dynamique – y compris financièrement. Le groupe aurait aussi bénéficié de dons privés venant du Golfe arabo-persique. D’après Giustozzi, Daech disposait ainsi de dizaines de millions de dollars à son apogée. Mais, depuis l’effondrement du califat syro-irakien, la province du Khorasan est en perte de vitesse.

Quel objectif poursuit l’organisation?
Depuis que sa stratégie de contrôle territorial a échoué, Daech s’en tient à une stratégie de terreur, en pratiquant des attaques et des attentats réguliers. Mais son activité décline : selon l’ONU, entre les printemps 2019 et 2020, 572 attaques ont été menées. Ce chiffre est passé à 115 l’année suivante. Soit une baisse d’environ 80%.

 

Daech ne va-t-il pas profiter de la prise de pouvoir des talibans, en se présentant comme le seul défenseur d’un islam pur?
L’État islamique, partisan du djihad global, essaie de déborder les talibans dans la radicalité. Il les accuse de collaborer avec les Américains. Lorsque les talibans tentent d’améliorer leur image internationale en communiquant sur la place des femmes ou des minorités ethniques, les membres de Daech considèrent que c’est un dévoiement de l’islam. L’État islamique va devenir un défi pour les talibans. Pas seulement sur le plan idéologique mais aussi pratique. S’il multiplie les actes de terreur, ce sera la démonstration que les talibans ne parviennent pas à stabiliser le pays.

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Afghanistan : talibans et État islamique , deux barbaries rivales

Afghanistan : talibans et État islamique , deux barbaries rivales

 

 

Les Américains sont à peine retirés d’Afghanistan, comme les autres occidentaux , que déjà certains experts envisagent des formes d’alliance avec les talibans pour combattre l’État islamique. Finalement, on se demande alors pourquoi avoir tant combattu les talibans ! Le problème est évidemment complexe et s’inscrit sur une très longue période historique.

 

Le terrain de l’Afghanistan a été utilisé alternativement par des grandes puissances pour développer le terrorisme. Les Américains bien sûr qui ont largement soutenu ceux  qui combattaient la puissance russe en Afghanistan, ensuite les Russes, les Chinois et les Pakistanais qui ont soutenu les extrémistes contre les Américains.

 

Sans parler évidemment des Afghans eux-mêmes qui ont toujours été divisés sur le plan local. Bref l’Afghanistan n’a jamais été réellement un pays ou une nation mais une mosaïque d’ethnies et de régions dont les revendications ont été instrumentalisées par l’extérieur. Certes les talibans et l’État islamique appartiennent au mouvement sunnite. Mais ‘ambition des talibans est cependant de limiter leur emprise à  l’Afghanistan ( il y a bien eu des mouvements talibans au Pakistan mais ils ont été vite réprimés puis retournés contre le pouvoir en place en Afghanistan ).

 

Géographiquement, économiquement et politiquement, l’Afghanistan va demeurer  très fragile. Les divisions internes vont continuer d’autant plus qu’elles seront alimentées par les pays extérieurs. L’Afghanistan prend surtout le risque de devenir le plus grand centre de formation de terroristes internationaux manipulés au gré des intérêts géopolitiques par les grandes puissances. Et la barbarie va s’installer durablement en Afghanistan dans tous les scénarios.

 

Négocier maintenant avec les talibans ?

Négocier maintenant avec les talibans ?

 

L’évolution du régime afghan, dans une mesure limitée mais réelle, dépendra de notre attitude à son égard, expliquent les chercheurs Adam Baczko et Gilles Dorronsoro dans le Monde. (extrait).

 

Tribune.

 

Le mouvement taliban a gagné la guerre et, en l’absence d’opposition crédible, il faudra composer avec ce régime en fixant nos lignes rouges et nos objectifs de négociation, sans garantie de succès, mais avec une chance d’influencer sa pratique du pouvoir. En ce moment même, des négociations portent sur l’extension du délai pour l’évacuation des étrangers et des Afghans menacés.

La victoire militaire du mouvement taliban pose plus généralement la question de l’attitude des pays occidentaux à l’égard du gouvernement qui se met en place. Pour l’instant, la transition, moins violente qu’en 1996 et 2001, est marquée par l’effondrement sans beaucoup de combats d’un régime discrédité et par l’humiliation des gouvernements occidentaux, incapables de prévoir un plan d’évacuation.

Alors que se dessine une politique de mise au ban de l’Afghanistan, il nous semble, au contraire, que le moment est propice à l’ouverture de négociations avec le régime en formation dans la mesure où, désormais au pouvoir, le mouvement taliban est paradoxalement dans une situation de faiblesse. Contrairement à une vision aujourd’hui répandue, les pays occidentaux ont donc les moyens d’influer sur le développement du nouveau régime, en particulier dans le domaine des droits humains et de la sécurité.

En effet, les talibans ont construit leur retour au pouvoir sur leur capacité à reconstruire les services publics, répondant ainsi à une demande d’Etat ignorée pendant deux décennies. Ils se sont implantés dans les campagnes en établissant des tribunaux islamiques, dont l’impartialité contrastait avec la corruption généralisée des services judiciaires, voire leur absence dans beaucoup d’endroits. La remise en route de l’administration est la priorité actuelle des talibans qui cherchent à ramener les fonctionnaires à leur poste, d’où les amnisties pour ceux qui ont travaillé avec l’ancien régime et les ONG. Ils ont, par exemple, annoncé que le ministre de la santé et le maire de Kaboul pouvaient rester en place.

Or, le mouvement taliban n’a pas les moyens de contourner l’obstacle financier qui se dresse devant lui dans la reconstruction de l’Etat. Les caisses sont vides : les détournements massifs de la classe politique afghane ont conduit à une faillite financière, alors que l’Afghanistan traverse, par ailleurs, une dépression économique sans précédent depuis le retrait de l’essentiel des forces de l’OTAN en 2014. La sécheresse historique qui sévit depuis quelques années explique en outre que certaines régions risquent d’être en pénurie alimentaire, ce qui aura pour conséquence des départs massifs vers les villes ou à l’étranger. Une aide alimentaire est donc nécessaire de façon urgente.

Afghanistan : la richesse de la mafia des talibans

Afghanistan : la richesse de la mafia des talibans

 

Michel Santi, économiste, explique comment fonctionne le système mafieux des talibans dans la Tribune (extrait)

l’Afghanistan (selon un rapport des Nations unies) produit actuellement 84% de l’opium mondial dont les revenus – 416 millions de dollars par an – vont dans leur écrasante majorité aux talibans qui pratiquent une gestion en bonne et due forme de ce qui est désormais une «industrie» taxée à hauteur de 10% à 20% de son chiffre d’affaires. Les minerais représentent par ailleurs une source de profits substantielle car les talibans se font en moyenne 500 millions de dollars l’an en autorisant les exploitants à poursuivre leur extraction de cuivre, d’or, de zinc, de marbre et d’autres métaux dont certains très rares.

Ce business est véritablement mafieux puisque les patrons de mines refusant ce type d’extorsions reçoivent dans un premier temps des menaces de mort avant d’être liquidés. Cet «impôt», qui est également prélevé sur la population et sur l’ensemble du milieu des affaires et du commerce évoluant dans les zones dominées par les talibans, leur a jusque-là rapporté 160 millions de dollars par an, chiffre qui inclut une taxe de 10% sur les récoltes et l’impôt islamique sur la fortune – « Zakat »-  de 2,5% sur les richesses détenues par les familles.

Les exportations de matériaux volés par les talibans (dont des armes Made in USA) et du minerai subtilisé aux exploitants leur procurent en outre 240 millions de dollars, auxquels doivent s’ajouter 80 millions de revenus immobiliers émanant entres autres du Pakistan. Les donations aux talibans, enfin, représentent 250 millions de dollars l’an, provenant d’institutions «charitables» et de trusts privés à travers le monde, principalement bien-sûr du Golfe Persique dont bien des pays et des citoyens éprouvent une grande sympathie pour la cause talibane. Le contre-terrorisme américain estime que 60 millions de dollars sont offerts annuellement aux talibans par des citoyens saoudiens, pakistanais, qataris et iraniens.

Il faut également être conscient du fait que les Etats de ces pays abreuvent les talibans à hauteur de 500 millions l’an, selon les mêmes sources qui reconnaissent toutefois que ces chiffres sont compliqués à vérifier car les pays donateurs usent évidemment de moyens de paiement échappant à tout contrôle.

Un chiffre (calculé par l’OTAN) démontre l’ampleur du pouvoir des talibans : c’est 1,6 milliard de dollars qui ont été générés par eux en 2020, montant qui achève de prouver la débilité de la politique et de l’approche américaines en Afghanistan et ce, dès le départ.

 

Il faut savoir (selon un tout récent rapport du  » US Special Inspector General for Afghanistan Reconstruction »), que les Etats-Unis ont «investi» 1.000 milliards de dollars en Afghanistan en 20 ans… qui ne leur ont pas pour autant permis d’emporter l’adhésion populaire. Et pour cause puisque (selon ce même rapport) 86% de cette somme astronomique fut injectée en faveur de l’armée. (Souvenons-nous du discours du Président Eisenhower de 1961 mettant en garde contre le «complexe militaro-industriel» de son propre pays, toujours d’une actualité brûlante).

L’Oncle Sam a brûlé 1.000 milliards de dollars Toujours est-il que le peuple afghan n’aura reçu en 20 ans que 130 milliards de dollars dont 83 se logèrent dans des forces de sécurité nationales… dont on a bien constaté l’efficacité ces jours derniers. 10 autres milliards furent destinés à la lutte contre le trafic de drogue et 15 autres à des agences US opérant en territoire afghan. Bref, ce rapport officiel américain indique que 2% (!) de ce trillion de dollars dépensés par l’Amérique en 20 ans le furent réellement au bénéfice du peuple de ce pays, de ses infrastructures, de l’éradication de la pauvreté. Pas un sou ne fut consacré à construire des écoles et des hôpitaux, en équipements agricoles, en programmes de nutrition, à l’édification d’un réseau de distribution de l’eau digne de ce nom, etc. Après 20 ans, l’Oncle Sam quitte un pays où il a brûlé 1.000 milliards de dollars et laisse derrière lui une espérance de vie de 63 ans et un taux de mortalité enfantine de 38% !

L’aventure afghane fut qualifiée de «guerre oubliée» - »forgotten war »- dès lors que les Etats-Unis tournèrent leurs obsessions en direction de l’Irak. M’est avis que ce débat ne fait que démarrer.

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(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d’Art Trading & Finance.
Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l’auteur d’un nouvel ouvrage : « Le testament d’un économiste désabusé ».
Sa page Facebook et son fil Twitter.

Afghanistan : Le fils de Massoud prône le dialogue et les talibans pour la guerre

Afghanistan : Le fils de Massoud prône le dialogue et les talibans pour la guerre

 

 

 

Forts de leur succès surprise les talibans ont annoncé qu’ils envoyaient des milliers d’hommes pour combattre les poches encore rebelles et notamment celle du fils du commandant Massoud. Ce dernier au contraire est partisan de la négociation avec les talibans

« Nous ne voulons pas qu’une guerre éclate », a-t-il ajouté lors d’un entretien téléphonique à Reuters, indiquant toutefois que ses combattants étaient disposés à se battre si les taliban, qui se sont jusqu’à présents tenus éloignés du Panshir, essayaient d’envahir la zone. « Ils veulent résister à tout régime totalitaire », a dit Ahmad Massoud.

Il a par ailleurs appelé à la formation d’un gouvernement inclusif où l’ensemble des différents groupes ethniques du pays seraient représentés, soulignant qu’un « régime totalitaire » ne devait pas être reconnu par la communauté internationale.

TALIBANS: LE RETOUR AU MOYEN ÂGE

 TALIBANS: LE RETOUR AU MOYEN ÂGE

(Par Xavier BROUET dans le Républicain lorrain )

Dans quelques semaines, le 20e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 aura un goût amer. D’ici-là, les derniers boys US auront sans doute plié bagage, laissant l’Afghanistan aux mains des talibans. Cruelle désillusion qu’un tel épilogue au fol espoir soulevé par la tentative d’importer la démocratie jusque dans les montagnes pachtounes. Gageons que le départ des derniers Américains ne nous donnera pas à revivre les scènes analogues à la fuite de l’ambassade de Saïgon en 1975. L’échec patent de la stratégie occidentale n’a nul besoin d’un supplément d’humiliation. Déjà les colonnes de réfugiés fuyant vers l’Iran, la Turquie ou le Turkménistan disent le tribut que la communauté internationale va devoir payer pour prix de sa coupable naïveté.

Carrefour d’Asie centrale, l’Afghanistan suscite toutes les convoitises. Face à la crédulité de Washington, le cynisme de Pékin, à la solde de son ambitieuse route de la soie, ne s’encombre pas de considérations émancipatrices. Le marchandage avec les dépositaires de feu le mollah Omar n’y aura pas attendu leur prise de Kaboul. Et qu’importe le rétablissement de la charia, de la burqa ou de l’interdiction des écoles de filles. Business as usual. Quant aux promesses de conciliation des talibans, ceux-là ne feront même pas semblant, abandonnant la jeunesse de Kaboul à son sort. Après avoir goûté aux libertés, va-t-elle devoir se résigner à une telle débâcle, synonyme d’un retour vers le Moyen-Âge ? Mais plombé par un régime corrompu, comment résister à des insurgés constituant la seule armée organisée du pays ? Comble de l’ironie, les talibans font main basse sur le matériel militaire américain à mesure que se couchent les seigneurs de guerre. Réduite pour l’heure à faire des moulinets, l’UE n’avait vraiment pas besoin d’ajouter un tel scénario à la menace terroriste. Fut-elle, pour l’heure, éclipsée par la pandémie.

Politique-Afghanistan : les raisons de la victoire foudroyante des talibans

Politique-Afghanistan : les raisons de la victoire foudroyante des talibans

Spécialiste de l’Afghanistan, Bernard Dupaigne, directeur émérite au Musée de l’Homme et professeur au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), analyse les causes du retour fulgurant des talibans au pouvoir. (Dans le JDD, extrait)

 

  • Tribune

Alors que le monde entier a les yeux braqués sur l’Afghanistan et s’interroge sur les raisons de la rapide victoire des talibans, un retour sur l’histoire récente et plus ancienne du pays s’impose. On ne saurait, en effet, bien comprendre les récents développements sans avoir une vue d’ensemble de l’évolution qu’a connue ce territoire au cours des dernières décennies. Une évolution qui l’a vu successivement se rapprocher de l’URSS, être envahi par celle-ci, sombrer dans la guerre civile, être dominé une première fois par les talibans, puis subir, vingt ans durant, l’intervention américaine qui vient de s’achever…

L’Afghanistan, pays enclavé, a bénéficié au XIXe siècle des subsides britanniques. Puis sont venues les attentions soviétiques et, ensuite, américaines. Durant la guerre froide, les massives aides étrangères ont abouti à l’apparition à Kaboul d’une caste de privilégiés coupés des réalités des provinces.

Dans les années 1960, Soviétiques et Américains ont rivalisé de financements pour attirer l’Afghanistan dans leur zone d’influence. À ce jeu, les Soviétiques ont gagné. Des milliers de bourses d’études en URSS ont été offertes aux jeunes Afghans. Ingénieurs et officiers prirent goût à la vodka et aux blondes russes, ce qui était pour eux le comble de la modernité. Beaucoup se sont mariés sur place, et sont restés après 1980. Surtout, les Soviétiques ont fourni en armes l’armée afghane et ont gagné les officiers à leur cause. Ce sont ces officiers convaincus qui ont organisé le coup d’État de 1978.

Face à l’URSS, les Etats-Unis ont financé les plus extrémistes

Répressions contre les religieux et propriétaires terriens s’ensuivirent, conduisant à des révoltes populaires, vite contrôlées par des partis hostiles aux communistes dont les responsables s’étaient installés au Pakistan voisin.

Dans l’idée d’affaiblir l’URSS, les Américains ont fourni une assistance considérable à ces partis. Leurs commandants locaux, qui se déplaçaient à moto, ont vite pris l’habitude des 4×4 japonais offerts par Washington. Toute l’aide américaine transitait par les généraux pakistanais et leurs services secrets. Malgré les mises en garde des Occidentaux connaisseurs du terrain, ce sont les partis extrémistes et les plus anti-américains (à commencer par le Hezb-e-islami, « parti de Dieu ») qui ont été les mieux financés. Après le départ des Soviétiques en 1989, dépités de s’être fait surprendre par Ahmed Chah Massoud pour la conquête de Kaboul en 1992, ils ont longuement bombardé la capitale et lui ont fait subir un blocus rigoureux.

En 2001, après les attentats du 11 septembre, organisés par Oussama Ben Laden depuis l’Afghanistan, où il avait été accueilli en 1979 en échange d’importants subsides, les États-Unis ne pouvaient pas ne pas réagir. La décision fut, dans un premier temps, de ne pas envoyer d’hommes sur le terrain. Ils se sont donc appuyés sur les commandants de la supposée « Alliance du Nord », aux intérêts déjà divergents. Des valises de dollars ont été distribuées pour inciter les chefs de guerre au combat.

Dans ce pays ultra-conservateur, les Occidentaux ont voulu imposer leur propre vision du monde

Les talibans une fois tués ou repliés dans leurs bases du Pakistan, les États-Unis – et la communauté internationale, sous l’égide des Nations unies – se sont mis en tête de reconstruire l’État afghan, faisant du « Nation building » tout en s’en défendant. Une Constitution à l’américaine, avec un président (et non pas à l’européenne avec un président et un premier ministre) fut adoptée en 2004, et violée en 2014 par les Américains eux-mêmes, avec la création, non prévue et imposée par eux, d’un poste de « chef de l’exécutif », pour contenter le candidat malheureux aux élections tenues cette année-là, Abdollah Abdollah ; ce chef tadjik, se présentant comme héritier du commandant Massoud, contrebalançait ainsi le président pachtoune Ashraf Ghani. Dans un pays ultra-conservateur, les Occidentaux ont voulu imposer leur propre vision du monde ; des ONG féministes scandinaves proposaient la parité hommes/femmes à tous les niveaux de conseils et de représentation, jusqu’aux villageois.

Les députés n’avaient aucun pouvoir… sauf celui d’accumuler de l’argent le plus vite possible. Une disposition de la Constitution demandait leur accord à la nomination des ministres. Ceux-ci devaient acheter le vote des députés, puis se dépêcher, par une intense corruption, de rentrer dans leurs frais. Des ministères importants restaient des mois sans titulaire, faute de compromis. Aucun des services de l’État ne fonctionnait. Les États-Unis payaient les fonctionnaires et les corrompus. De fausses embuscades étaient lancées sur les routes pour que soient payées des sociétés de sécurité possédées par des ministres ou chefs de guerre. Quelque 80 % du budget de l’État afghan venait de l’étranger.

Dans ce cadre de désillusion et de corruption généralisée, les talibans ont vite repris des forces dans les campagnes, instaurant une administration qui, quoique dure, était vue comme préférable au chaos.

L’Amérique payait des troupes afghanes inexistantes

Une fois le retrait américain annoncé, l’avancée des talibans a été fulgurante. Souvent, la paie des soldats du gouvernement de Kaboul était saisie par leurs officiers, l’équipement était déplorable, les soutiens logistiques inexistants. L’armée paraissait nombreuse, mais beaucoup de régiments n’existaient que sur le papier : les États-Unis payaient des troupes inexistantes.

Des notables du régime afghan ont acquis des résidences sur la nouvelle île artificielle créée à Dubaï, à partir d’un million de dollars, réglés cash, en liquide. Tout cela aux frais des contribuables américains. Pourquoi les soldats afghans, mal payés et abandonnés, se seraient-ils fait tuer pour permettre à leurs supérieurs de continuer à mener grande vie?

En 1996, les talibans d’alors avaient également vite conquis les provinces, sans rencontrer de résistance. La population s’était alors largement ralliée à eux, pour retrouver l’ordre et la sécurité. Ce qui a le plus surpris cette année, c’est leur progression très rapide, dès juin 2021, dans les provinces du nord du pays, peuplées surtout d’Ouzbeks. Les Ouzbeks, a priori opposés aux Pachtounes talibans d’aujourd’hui, ont également pensé retrouver la sécurité en s’alliant aux plus forts.

Les talibans et Daech sont incompatibles

On s’étonne également du nombre des combattants talibans, qui se sont révélés capables de prendre simultanément les postes de douanes, synonymes de rentrées financières, et les principales capitales provinciales. Leurs armements semblent inépuisables ; ils sont de modèle soviétique, et non américain. Certes, il y a eu des prises de guerre dans les postes gouvernementaux abandonnés, mais aussi, forcément, des apports extérieurs : du Pakistan, de l’Iran?

À présent, avec la fin probable des financements américains, toute une partie de la société de Kaboul, qui en profitait directement ou indirectement, se retrouvera sans emploi. Les femmes, qui avaient gagné des libertés dans cette atmosphère occidentale, se retrouveront contraintes, comme il y a cent ans. Beaucoup de femmes de Kaboul regrettent le temps du roi Zaher Châh (1963-1973) quand les citadines s’émancipaient, puis la brève période communiste (1978-1979), quand la libération des femmes était prônée et que les miliciennes se promenaient cheveux au vent à fouiller les paysannes voilées. Mais, finalement, « les femmes à la maison », ce n’est pas pour tant déplaire aux bons phallocrates villageois.

Les talibans se disent nationalistes ; ils veulent reprendre le pouvoir dans leur propre pays, le diriger à leur guise. En cela, ils se différencient des extrémistes de Daech, qui se veulent internationalistes. Pour les talibans, il s’agit de diriger la nation afghane ; pour Daech, c’est d’exporter partout un régime qu’ils appellent « islamiste ». Les deux mouvements sont incompatibles ; d’ailleurs, ils se sont affrontés pour la conquête de territoires, et les talibans ont gardé la supériorité. Les talibans sont là pour longtemps. Aucune opposition n’est prête à les affronter, aucun pays étranger non plus.

 

Afghanistan : les raisons de la victoire foudroyante des talibans

Afghanistan : les raisons de la victoire foudroyante des talibans

Spécialiste de l’Afghanistan, Bernard Dupaigne, directeur émérite au Musée de l’Homme et professeur au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), analyse les causes du retour fulgurant des talibans au pouvoir. (Dans le JDD, extrait)

 

  • Tribune

Alors que le monde entier a les yeux braqués sur l’Afghanistan et s’interroge sur les raisons de la rapide victoire des talibans, un retour sur l’histoire récente et plus ancienne du pays s’impose. On ne saurait, en effet, bien comprendre les récents développements sans avoir une vue d’ensemble de l’évolution qu’a connue ce territoire au cours des dernières décennies. Une évolution qui l’a vu successivement se rapprocher de l’URSS, être envahi par celle-ci, sombrer dans la guerre civile, être dominé une première fois par les talibans, puis subir, vingt ans durant, l’intervention américaine qui vient de s’achever…

L’Afghanistan, pays enclavé, a bénéficié au XIXe siècle des subsides britanniques. Puis sont venues les attentions soviétiques et, ensuite, américaines. Durant la guerre froide, les massives aides étrangères ont abouti à l’apparition à Kaboul d’une caste de privilégiés coupés des réalités des provinces.

Dans les années 1960, Soviétiques et Américains ont rivalisé de financements pour attirer l’Afghanistan dans leur zone d’influence. À ce jeu, les Soviétiques ont gagné. Des milliers de bourses d’études en URSS ont été offertes aux jeunes Afghans. Ingénieurs et officiers prirent goût à la vodka et aux blondes russes, ce qui était pour eux le comble de la modernité. Beaucoup se sont mariés sur place, et sont restés après 1980. Surtout, les Soviétiques ont fourni en armes l’armée afghane et ont gagné les officiers à leur cause. Ce sont ces officiers convaincus qui ont organisé le coup d’État de 1978.

Face à l’URSS, les Etats-Unis ont financé les plus extrémistes

Répressions contre les religieux et propriétaires terriens s’ensuivirent, conduisant à des révoltes populaires, vite contrôlées par des partis hostiles aux communistes dont les responsables s’étaient installés au Pakistan voisin.

Dans l’idée d’affaiblir l’URSS, les Américains ont fourni une assistance considérable à ces partis. Leurs commandants locaux, qui se déplaçaient à moto, ont vite pris l’habitude des 4×4 japonais offerts par Washington. Toute l’aide américaine transitait par les généraux pakistanais et leurs services secrets. Malgré les mises en garde des Occidentaux connaisseurs du terrain, ce sont les partis extrémistes et les plus anti-américains (à commencer par le Hezb-e-islami, « parti de Dieu ») qui ont été les mieux financés. Après le départ des Soviétiques en 1989, dépités de s’être fait surprendre par Ahmed Chah Massoud pour la conquête de Kaboul en 1992, ils ont longuement bombardé la capitale et lui ont fait subir un blocus rigoureux.

En 2001, après les attentats du 11 septembre, organisés par Oussama Ben Laden depuis l’Afghanistan, où il avait été accueilli en 1979 en échange d’importants subsides, les États-Unis ne pouvaient pas ne pas réagir. La décision fut, dans un premier temps, de ne pas envoyer d’hommes sur le terrain. Ils se sont donc appuyés sur les commandants de la supposée « Alliance du Nord », aux intérêts déjà divergents. Des valises de dollars ont été distribuées pour inciter les chefs de guerre au combat.

Dans ce pays ultra-conservateur, les Occidentaux ont voulu imposer leur propre vision du monde

Les talibans une fois tués ou repliés dans leurs bases du Pakistan, les États-Unis – et la communauté internationale, sous l’égide des Nations unies – se sont mis en tête de reconstruire l’État afghan, faisant du « Nation building » tout en s’en défendant. Une Constitution à l’américaine, avec un président (et non pas à l’européenne avec un président et un premier ministre) fut adoptée en 2004, et violée en 2014 par les Américains eux-mêmes, avec la création, non prévue et imposée par eux, d’un poste de « chef de l’exécutif », pour contenter le candidat malheureux aux élections tenues cette année-là, Abdollah Abdollah ; ce chef tadjik, se présentant comme héritier du commandant Massoud, contrebalançait ainsi le président pachtoune Ashraf Ghani. Dans un pays ultra-conservateur, les Occidentaux ont voulu imposer leur propre vision du monde ; des ONG féministes scandinaves proposaient la parité hommes/femmes à tous les niveaux de conseils et de représentation, jusqu’aux villageois.

Les députés n’avaient aucun pouvoir… sauf celui d’accumuler de l’argent le plus vite possible. Une disposition de la Constitution demandait leur accord à la nomination des ministres. Ceux-ci devaient acheter le vote des députés, puis se dépêcher, par une intense corruption, de rentrer dans leurs frais. Des ministères importants restaient des mois sans titulaire, faute de compromis. Aucun des services de l’État ne fonctionnait. Les États-Unis payaient les fonctionnaires et les corrompus. De fausses embuscades étaient lancées sur les routes pour que soient payées des sociétés de sécurité possédées par des ministres ou chefs de guerre. Quelque 80 % du budget de l’État afghan venait de l’étranger.

Dans ce cadre de désillusion et de corruption généralisée, les talibans ont vite repris des forces dans les campagnes, instaurant une administration qui, quoique dure, était vue comme préférable au chaos.

L’Amérique payait des troupes afghanes inexistantes

Une fois le retrait américain annoncé, l’avancée des talibans a été fulgurante. Souvent, la paie des soldats du gouvernement de Kaboul était saisie par leurs officiers, l’équipement était déplorable, les soutiens logistiques inexistants. L’armée paraissait nombreuse, mais beaucoup de régiments n’existaient que sur le papier : les États-Unis payaient des troupes inexistantes.

Des notables du régime afghan ont acquis des résidences sur la nouvelle île artificielle créée à Dubaï, à partir d’un million de dollars, réglés cash, en liquide. Tout cela aux frais des contribuables américains. Pourquoi les soldats afghans, mal payés et abandonnés, se seraient-ils fait tuer pour permettre à leurs supérieurs de continuer à mener grande vie?

En 1996, les talibans d’alors avaient également vite conquis les provinces, sans rencontrer de résistance. La population s’était alors largement ralliée à eux, pour retrouver l’ordre et la sécurité. Ce qui a le plus surpris cette année, c’est leur progression très rapide, dès juin 2021, dans les provinces du nord du pays, peuplées surtout d’Ouzbeks. Les Ouzbeks, a priori opposés aux Pachtounes talibans d’aujourd’hui, ont également pensé retrouver la sécurité en s’alliant aux plus forts.

Les talibans et Daech sont incompatibles

On s’étonne également du nombre des combattants talibans, qui se sont révélés capables de prendre simultanément les postes de douanes, synonymes de rentrées financières, et les principales capitales provinciales. Leurs armements semblent inépuisables ; ils sont de modèle soviétique, et non américain. Certes, il y a eu des prises de guerre dans les postes gouvernementaux abandonnés, mais aussi, forcément, des apports extérieurs : du Pakistan, de l’Iran?

À présent, avec la fin probable des financements américains, toute une partie de la société de Kaboul, qui en profitait directement ou indirectement, se retrouvera sans emploi. Les femmes, qui avaient gagné des libertés dans cette atmosphère occidentale, se retrouveront contraintes, comme il y a cent ans. Beaucoup de femmes de Kaboul regrettent le temps du roi Zaher Châh (1963-1973) quand les citadines s’émancipaient, puis la brève période communiste (1978-1979), quand la libération des femmes était prônée et que les miliciennes se promenaient cheveux au vent à fouiller les paysannes voilées. Mais, finalement, « les femmes à la maison », ce n’est pas pour tant déplaire aux bons phallocrates villageois.

Les talibans se disent nationalistes ; ils veulent reprendre le pouvoir dans leur propre pays, le diriger à leur guise. En cela, ils se différencient des extrémistes de Daech, qui se veulent internationalistes. Pour les talibans, il s’agit de diriger la nation afghane ; pour Daech, c’est d’exporter partout un régime qu’ils appellent « islamiste ». Les deux mouvements sont incompatibles ; d’ailleurs, ils se sont affrontés pour la conquête de territoires, et les talibans ont gardé la supériorité. Les talibans sont là pour longtemps. Aucune opposition n’est prête à les affronter, aucun pays étranger non plus.

 

RETOUR DES TALIBANS OU LE RETOUR AU MOYEN ÂGE

RETOUR DES TALIBANS OU LE RETOUR AU MOYEN ÂGE

(Par Xavier BROUET dans le Républicain lorrain )

Dans quelques semaines, le 20e anniversaire des attentats du 11 septembre 2001 aura un goût amer. D’ici-là, les derniers boys US auront sans doute plié bagage, laissant l’Afghanistan aux mains des talibans. Cruelle désillusion qu’un tel épilogue au fol espoir soulevé par la tentative d’importer la démocratie jusque dans les montagnes pachtounes. Gageons que le départ des derniers Américains ne nous donnera pas à revivre les scènes analogues à la fuite de l’ambassade de Saïgon en 1975. L’échec patent de la stratégie occidentale n’a nul besoin d’un supplément d’humiliation. Déjà les colonnes de réfugiés fuyant vers l’Iran, la Turquie ou le Turkménistan disent le tribut que la communauté internationale va devoir payer pour prix de sa coupable naïveté.

Carrefour d’Asie centrale, l’Afghanistan suscite toutes les convoitises. Face à la crédulité de Washington, le cynisme de Pékin, à la solde de son ambitieuse route de la soie, ne s’encombre pas de considérations émancipatrices. Le marchandage avec les dépositaires de feu le mollah Omar n’y aura pas attendu leur prise de Kaboul. Et qu’importe le rétablissement de la charia, de la burqa ou de l’interdiction des écoles de filles. Business as usual. Quant aux promesses de conciliation des talibans, ceux-là ne feront même pas semblant, abandonnant la jeunesse de Kaboul à son sort. Après avoir goûté aux libertés, va-t-elle devoir se résigner à une telle débâcle, synonyme d’un retour vers le Moyen-Âge ? Mais plombé par un régime corrompu, comment résister à des insurgés constituant la seule armée organisée du pays ? Comble de l’ironie, les talibans font main basse sur le matériel militaire américain à mesure que se couchent les seigneurs de guerre. Réduite pour l’heure à faire des moulinets, l’UE n’avait vraiment pas besoin d’ajouter un tel scénario à la menace terroriste. Fut-elle, pour l’heure, éclipsée par la pandémie.

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