Mode Woke « L’Antiracisme devenu fou », de Pierre-André Taguieff
Pour le politologue, Roger-Pol Droit, le nouvel antiracisme ne connaît plus que « Blancs » et « non-Blancs » et considère les « racisés » comme innocents par nature.
« L’Antiracisme devenu fou. Le “racisme systémique” et autres fables », de Pierre-André Taguieff, Hermann, 330 p., 25 €.
QUAND L’ANTIRACISME SE FOURVOIE
La déraison submerge-t-elle l’époque ? Annonces d’apocalypses, délires complotistes, aveuglements et haines de tout côté incitent à le croire. Parmi ces innombrables dévoiements où la raison se perd, le processus d’inversion de l’antiracisme en nouveau racisme n’est pas la moindre de ces aberrantes étrangetés. Le phénomène est connu mais encore trop souvent mal compris. L’historien des idées Pierre-André Taguieff y consacre son nouvel essai, à la fois polémique et documenté.
En quoi consiste, globalement, ce retournement du vieux combat humaniste en son contraire ? Au nom de l’égalité première de tous les êtres humains et de leur universelle dignité, l’antiracisme historique travaille à supprimer des discriminations sans fondement réel. Son idée fixe, son ultime objectif : effacer les couleurs de peau, faire qu’elles deviennent inessentielles.
Victimes par système
Le nouvel antiracisme semble faire l’inverse. Il ne connaît plus que « Blancs » et « non-Blancs », considère les « racisés » comme innocents par nature et victimes par système. Les « Blancs » sont déclarés coupables, quoi qu’ils pensent ou disent. Répandue à présent sous mille formes, cette vision possède, selon Taguieff, toutes les caractéristiques d’un nouveau racisme. Elle transforme des apparences physiques en une sorte d’essence morale et enferme les individus dans des cases imaginaires et fixes.
Dès lors, le social devient purement racial, les inégalités étant jugées liées uniquement aux races. Pire, séparation et ségrégation se métamorphosent en armes de luttes qui semblent bien n’avoir plus d’antiracistes que le nom, la stigmatisation des Blancs remplaçant celle des Noirs, une idéologie d’exclusion succédant à une autre – au risque d’affaiblir une fraternité plus nécessaire que jamais, au moment où perdurent et s’intensifient, partout, discours de haine et actes d’exclusion. Le tout en parfaite bonne conscience, puisque « seuls les Blancs peuvent être racistes », comme le soutient Robin DiAngelo, une sociologue américaine militante étudiant la blanchité.
Les méfaits de la « paranoïa saine »
Taguieff souligne les ravages de ce type de slogan en s’appuyant sur une documentation considérable. Il passe au crible des dizaines de publications, des années 1960 à nos jours, fustige les « pseudo-sciences » qui ont envahi les universités et dénonce les méfaits de la « paranoïa saine » prônée dès 1968 par William Grier et Price Cobbs dans Black Rage (« rage noire », non traduit). Cette paranoïa fait notamment de l’invisibilité du racisme « systémique » (attribué à l’Etat, aux institutions) la preuve même de son existence : il est d’autant plus efficace et terrible qu’il fait croire qu’il n’existe pas.