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Quel avenir pour le syndicalisme ?

Quel avenir pour le syndicalisme ?

Par
Dominique Andolfatto
Professeur des universités en science politique, Université de Bourgogne – UBFC dans The Conversation

Le 15 juin, l’intersyndicale – qui a animé les mobilisations contre la réforme des retraites – s’est résolue à tourner la page de ce mouvement. Le 21 juin Marylise Léon succédera à Laurent Berger à la tête de la CFDT. Ce dernier vient de publier un livre sur ces événements, son rôle et, plus largement, les tensions que connaît le monde du travail. Cela ouvre une nouvelle période pour l’action syndicale. Quel bilan tirer de cette longue séquence qui a polarisé l’actualité sociale – voire politique – en France depuis plusieurs mois et comment envisager l’avenir de l’action collective ?

En 2019, une étude européenne – passée inaperçue en France – s’interrogeait sur le devenir du syndicalisme et, compte tenu des mutations à l’œuvre depuis un demi-siècle, traçait quatre scénarios d’évolution :

l’extinction du syndicalisme (liée à une désaffection sociale progressive et massive) ;

le repli (l’action collective ne serait plus que le fait d’« insiders » – bien intégrés dans des emplois correctement rémunérés – ou détriment des « outsiders », confrontés à de nouvelle formes d’emploi, non régulées et précaires) ;

le remplacement (soit l’émergence de nouvelles formes d’expression collective, portées par les pouvoirs publics, les employeurs ou issues du terrain) ;

la reconquête (tirant les leçons de leur déclin, les syndicats seraient capables de renouvellement afin de retrouver toute leur place dans le monde du travail et la société démocratique).

Après le semestre « chaud » que la France vient de connaître autour de la réforme des retraites, quel scénario se dessinerait concernant le syndicalisme dans l’hexagone ?

L’image des syndicats se serait redressée. C’est ce que montre, en particulier, un sondage Elabe, pour l’Institut Montaigne, publié le 6 avril 2023. Une majorité de Français (52 %) les perçoivent comme « un élément de dialogue de la société française », chiffre en progression de 12 points par rapport à une enquête comparable en 2020. Inversement, ils sont moins vus comme « un élément de blocage » de cette même société (46 %, pourcentage en recul de 13 points). Bref, le syndicat serait davantage perçu comme « modérateur » dans la société, un « médiateur » et, à l’encontre d’idées reçues, moins comme un vecteur par définition de contestation. Cela étant, le « baromètre de la confiance politique » (Sciences Po-Cevipof) ne traduit pas de remontée sensible de l’image des syndicats. Certes la dernière mesure de ce baromètre est intervenue début février 2023 (soit au début du mouvement social).

Mais deux journées de manifestations, rassemblant plus d’un million de personnes chacune (selon les chiffres du ministère du travail), était déjà intervenues. D’après ce même baromètre, la confiance des Français dans les syndicats est surtout remontée entre 2020 et 2022, passant alors de 27 % à 38 % avant de refluer légèrement (36 %) en 2023.

Plusieurs syndicats ont souligné aussi que le mouvement social du premier semestre 2023 avait relancé la syndicalisation, la CGT déclarant avoir gagné 30 000 adhérents les trois premiers mois de 2023 et la CFDT affichant un gain « exceptionnel » de 43 000 adhérents en cinq mois. Pour prendre la mesure de ces gains, il faut les rapporter aux effectifs officiels des deux organisations : environ 600 000 adhérents. La CGT et la CFDT aurait donc vu s’accroître leurs effectifs de quelque 5 à 7 % en quelques mois.

Au total, ces données – nuancées – ne traduisent pas une mutation mais bien d’un infléchissement, donnant raison au scénario d’une reconquête qui serait en marche. Toutefois, il faut rester prudent. Le baromètre du Cevipof indique que le militantisme syndical reste modeste : seuls 7 % des Français estiment que celui-ci peut influencer les décisions.

Le même baromètre révèle aussi un bond en faveur des manifestations et, plus encore, de la grève pour peser sur ces mêmes décisions. Dans cet objectif, la grève est jugée efficace pour 30 % des Français. Cependant, le mouvement social – piloté par l’intersyndicale (composées de 8 organisations syndicales et 5 organisations étudiantes ou lycéennes) – a privilégié la stratégie de la rue à celle de la grève, trouvant là une limite qui explique sans doute l’échec à obtenir le retrait de la réforme des retraites.

Cela mérite certes une étude plus approfondie mais, au contraire du mouvement social de 1995 (face à un précédent projet de réforme des retraites et, plus largement, de la Sécurité sociale), les manifestations de 2023 n’ont été que marginalement conjuguées avec des grèves et celles-ci n’étaient pas le fait de l’intersyndicale.

En outre, au contraire de contextes antérieurs – de nouveau en 1995 ou encore en 2006 (face au projet de « contrat première embauche », qui avaient vu la rue gagner face au pouvoir, celui-ci est resté uni et ferme sur ses positions. Le fait que la cible ait été manqué en 2023 nuance finalement le scénario de reconquête syndicale et on ne peut complètement évacuer des éléments des autres scénarios.

Celui de l’extinction est évidemment excessif mais le taux de syndicalisation en France – 10,3 % des salariés et seulement 7,8 % dans le secteur privé selon la dernière estimation du ministère du Travail – demeure structurellement faible et officiellement en « repli ».

En outre, ce taux apparaît surévalué consécutivement à un changement de mode de calcul. Il est aussi le plus faible des pays européens comparables.

La nouvelle secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, explique d’ailleurs la difficulté de recourir à la grève en raison de cette faiblesse.

Ce qui peut davantage inquiéter encore – malgré le succès des manifestations – c’est le recul de la présence syndicale sur le lieu de travail que montre le dépouillement du big data des dernières élections professionnelles : de 2013 à 2020 (dernière donnée disponible), cette présence par établissement a reculé de 11 % toute organisation confondue. Bien sûr, on peut faire l’hypothèse d’une inversion de cette tendance après le semestre des manifestations anti-retraite. Cependant, le secteur privé s’est montré assez peu présent dans celles-ci. Et une nouvelle mesure de cette présence syndicale par le ministère du Travail n’interviendra pas avant 2025.

Le scénario du remplacement ne peut pas non plus être complètement écarté. À sa manière, et partiellement, le mouvement des « gilets jaunes » l’a incarné et, en décembre dernier, la grève qui a touché les contrôleurs de la SNCF, en dehors des organisations syndicales habituelles, a traduit aussi une critique implicite de ces derniers, sans doute dans des logiques trop bureaucratiques, qui ne leur permettent pas toujours de porter les demandes de groupes qui s’estiment mal intégrés ou lésés.

De nouveaux mouvements sociaux, comme les Soulèvements de la Terre, ont également émergé ces dernières années, alliant lutte écologique et justice sociale.
Bref, l’action à la base, voire la « gilet-jaunisation » demeurent en embuscade. Sans parler de la réforme de la représentation du personnel dans les entreprises – consécutives aux ordonnances Macron de 2017 – qui, sous couvert de simplification, a complexifié en fait les relations professionnelles, exigeant des représentants une montée en expertise – voire en prise de responsabilité – qui les éloigne en fait des salariés sinon dénature leur rôle.

Reste le scénario du repli, celui d’un syndicalisme qui deviendrait d’abord une affaire d’« insiders » et, s’agissant de l’organisation, de « professionnels » du militantisme comme le sont les actuels leaders syndicaux.

Les manifestations, avec une présence relativement faible du secteur privé, les réticences à la grève – pour des raisons complexes, à la fois culturelles et économiques – traduisent bien ce dualisme de l’action syndicale. Le fait également que l’un des dirigeants du mouvement, sinon celui qui lui donnait son visage pour bien des médias et l’opinion, Laurent Berger, ait décidé brutalement d’annoncer sa démission mi-avril n’a pu qu’étonner.

Pourquoi partir alors que le mouvement battait son plein, même si gagner la bataille des retraites s’annonçait difficile ? On découvre alors que les agendas internes aux organisations ont primé sur le mouvement : Laurent Berger a obtenu en 2022 un nouveau mandat à la tête de la CFDT pour pouvoir conserver son mandat de président de la Confédération européenne des syndicats… mais il était programmé qu’il le perdrait en mai 2023, ce qui l’a conduit à annoncer aussi son départ de la CFDT en avril. Bref un double agenda personnel et organisationnel a préempté celui du mouvement social…

Parallèlement, l’intersyndicale a acté « n’avoir pas réussi à faire reculer le gouvernement » sur la réforme des retraites et les organisations syndicales annoncé de nouvelles priorités. Parmi ces dernières, discuter du rapport au travail en pleine mutation après la crise du Covid-19 et ce qui serait une « épidémie » de démissions silencieuses ; le pouvoir d’achat et la revalorisation des salaires ; le partage de la valeur (ou des profits engrangés par certaines entreprises depuis le retour de l’inflation) ; la question de l’environnement que le dernier communiqué de l’intersyndicale ne mentionne encore que trop rapidement alors que c’est un enjeu fondamental pour les années à venir…

Ces priorités seront-elles suffisantes pour susciter l’adhésion de tous, clé du succès comme l’écrivait Upton Sinclair à propos des travailleurs de Chicago, au début du XXe siècle, dans [La jungle](https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Jungle_(roman) ?

Avec Macron enterrement définitif du syndicalisme ou renaissance ?

Avec Macron enterrement définitif du syndicalisme ou renaissance ?

Macron n’a jamais cacher son dédain profond pour tous les corps intermédiaires y compris représentatifs. D’où l’artifice du recours à des commissions citoyennes bidon pour échapper à une discussion réellement démocratique et  pertinente.

Or  second quinquennat d’Emmanuel Macron a été entériné par un constat – la sanction d’un électorat séduit entre autre par les promesses de réformes sociales de Marine Le Pen – et un engagement, l’annonce d’un changement.

Celui-ci tiendra-t-il compte du bilan de son premier quinquennat, tout particulièrement sur la question du dialogue social, point d’achoppement entre l’exécutif et les syndicats ?

L’ambition d’Emmanuel Macron de « simplifier les relations sociales et la vie interne des entreprises » en leur donnant plus de « flexibilité et de sécurisation » a été accueillie avec beaucoup de critiques notamment par les dirigeants syndicaux. Ces derniers lui ont reproché un dialogue social dégradé, désordonné, affaibli, ne satisfaisant ni les directions, ni les représentants du personnel. Ils pointent un important recul de la démocratie sociale et des « ordonnances travail » très discutables.

Le 26 avril 2022, le dirigeant syndical Laurent Berger (CFDT) liste ainsi dans une tribune publiée dans Le Monde l’ensemble des défis à venir lui demandant de convoquer « un grand rendez-vous social ».

 

Si, durant son premier mandat, Emmanuel Macron n’a jamais caché son refus de développer le dialogue avec les organisations syndicales, il faut souligner que la méthode du premier quinquennat – par ailleurs entâchée par différentes crises sociales de taille, crise des « gilets jaunes », mouvement massif contre la réforme des retraites avec la grève la plus longue que la SNCF n’ait jamais connue, crise sanitaire – a été celle d’une plus grande libéralisation du dialogue social.

Emmanuel Macron et son gouvernement ont réduit le dialogue social au seul niveau de l’entreprise en créant des mécanismes institutionnels incitant à moins de syndicalisation et à plus de représentation interne unique des salariés grâce au développement du référendum d’entreprise et au nouveau dispositif du conseil d’entreprise, fusion des instances représentatives et de l’exercice de la négociation collective réduisant sensiblement le pouvoir syndical. Il n’existe actuellement que 90 conseils d’entreprise en France contre 90.000 Comités Sociaux et Économiques. Emmanuel Macron a déjà prévenu qu’il souhaitait porter davantage le Conseil d’Entreprise lors de son prochain quinquennat.

Dans le même ordre d’idées, le gouvernement a travaillé à la fusion des branches professionnelles pour tenter de calquer le modèle allemand qui possède 100 branches contre 217 en France, réduisant ainsi le nombre d’interlocuteurs.

Depuis 2015 et la loi Rebsamen incitant à fusionner les représentatives du personnel (délégués du personnel, Comité d’entreprise et Comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail), les organisations patronales avaient réclamé l’obligation de les fusionner en un seul Comité social et économique. Ce modèle, supprimant le CHSCT, accélérait la simplification et l’efficacité pour faire passer les projets d’entreprise et répondre aux différentes obligations légales.

Ce format où l’implication des organisations syndicales est de plus en plus réduite peut-il perdurer ?

Les partenaires sociaux (syndicats, branches professionnelles, associations) aussi nommés « corps intermédiaires » sont là pour porter un véritable poids politique, notamment en négociant des Accords Nationaux Interprofessionnels (sur la santé et le télétravail pour les plus récents), mais aussi dans la gestion des organismes paritaires (formation, retraite), et surtout, au quotidien, au sein des entreprises en négociant 40,000 accords collectifs annuels qui améliorent la vie d’un nombre important de salariés.

Les derniers résultats de la représentativité dans les branches professionnelles montrent que le score des trois organisations syndicales les plus réformistes CFDT, CFTC et UNSA dépassent les 30 % dans 75 % des branches ; si l’on ajoute le score obtenu par la CFE-CGC, le seuil des 50 % est atteint, la capacité de signer par des organisations syndicales aptes au compromis est alors acquise dans la majeure parties des branches. Cela signifie-t-il que le syndicalisme en France veut se montrer plus raisonnable ? Les organisations syndicales auraient-elles pris conscience qu’aborder les enjeux de demain liés aux transformations de l’emploi et à la transition écologique pourraient passer par un travail en commun sans rester arc bouter sur une culture exclusive de la confrontation ?

Plusieurs articles et rapports ont montré que ces fusions n’ont pas porté leur fruit et ont manqué singulièrement d’innovation, sans les effets vertueux promis sur la transformation sociale au sein des entreprises.

Plusieurs acteurs ont regretté un échec et « un appauvrissement » du dialogue social, constatant un manque de volonté dans la pratique des relations sociales engendrant la tentation à la conflictualité directe.

La méconnaissance des règles de droit social, la politisation ou l’élargissement du conflit local en conflit national ou une judiciarisation directe pour faire annuler les Plan de Sauvegarde de l’Emploi sont de plus en plus utilisés pour créer un rapport de force.

De même, au sein des petites entreprises où l’on pousse de moins en moins à la syndicalisation en ouvrant à d’autre acteurs, le champs de la négociation (salariés par la voie du référendum, salariés mandatés, représentants du personnel) et sans critiquer outre mesure ces nouveaux procédés de négociation qui permettent une régulation sociale au sein des petites et moyennes entreprises, on peut s’interroger sur les effets à venir de la stagnation de la syndicalisation dans la défense des règles du droit du travail par des acteurs peu armés pour affronter les sujets à forts enjeux pour les salariés tels que la retraite, les mobilités, les transformations de l’emploi, l’actionnariat salarié etc.

Placer le curseur de la régulation sociale principalement au niveau de l’entreprise et ouvrir la voie à d’autres acteurs pourrait davantage affaiblir les organisations syndicales. Cela risquerait aussi de désenchanter le dialogue social et d’augmenter l’insatisfaction des salariés eu égard à leurs représentants avec les conséquences que cela pourraient engendrer, celles d’une expression directe, désorganisée et potentiellement incontrôlable.

N’oublions pas, que pendant la crise Covid et malgré un taux de syndicalisation toujours aussi faible (10,3 % en France contre 23 % en moyenne en Europe) les syndicats et les représentants du personnel ont montré qu’ils pouvaient être présents, efficaces et légitimes pour négocier des sujets à risques pour leur électorat, comme les dispositions sur les congés payés réduits ou des accords d’activité partielle de longue durée.

Les organisations syndicales peuvent-elles demain se réinventer et peser sur le second quinquennat ? Emmanuel Macron parviendra-t-il à offrir de réelles opportunités pour valoriser et favoriser le syndicalisme en proposant de nouvelles règles du jeu ?

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Par Stéphanie Matteudi, Enseignante. Chercheuse au LEREDS, Directrice practice Chez Alixio, Université de Lille.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Syndicalisme « S’adapter ou mourir » (CFDT)

Syndicalisme « S’adapter ou mourir » (CFDT)

Le secrétaire général de la CFDT ne le nie pas : le syndicalisme est en danger de mort, pris en tenailles des profondes transformations (télétravail, digitalisation, plateformisation, externalisations, désaffection de la jeunesse) qui fragilisent son terreau : les collectifs « physiques » de travail, là où se tissent les liens humains et sociaux. Un paradoxe, car le syndicalisme n’a peut-être jamais été aussi essentiel, afin de riposter à la déshumanisation, lente et sournoise, dont ces mutations menacent le travail. (Cet article est issu de T La Revue de La Tribune – N°9 « Travailler, est-ce bien raisonnable? », actuellement en kiosque)

 

Depuis mars 2020 et l’irruption de la pandémie de Covid-19, le travail connaît des mutations importantes, brutales et inédites. S’en porte-t-il forcément moins bien ?

LAURENT BERGER - Tout dépend des déterminants que nous affectons au travail. Si l’on se réfère aux actes de production, qu’il s’agisse de biens ou de services, les travailleurs ont répondu présent. Et cela quelle que soit leur situation, en présentiel ou en télétravail – rappelons que 70 % des salariés exercent une activité non éligible à ce dernier. Les entreprises n’ont aucune raison de se plaindre de l’implication et du soin que les salariés ont apportés à tenir leur emploi. En revanche, un autre volet du travail jette l’ombre sur votre question : la manière dont l’exercice du travail a été appréhendé, expérimenté et vécu à l’épreuve de la vie personnelle. Et dans ce domaine, nous sommes loin de pouvoir en tirer tous les enseignements.

D’abord, il y a le télétravail, objet d’immenses paradoxes auxquels la CFDT elle-même est nécessairement confrontée, comme toute entreprise. Des collaborateurs ou adhérents y ont goûté avec plaisir, d’autres en sont écœurés. Tout dépend bien sûr du contexte – logement, distance, situation familiale, etc. Sur les manières de coopérer, l’efficacité des réunions, la dimension affective, la compétence collective, nous n’avons pas fini de mesurer les effets vertueux et ceux délétères. Toutefois, je ne peux m’empêcher de considérer que le sens du travail, par nature lié aux interactions humaines et sociales, pâtit globalement de ce phénomène. Ce qui fait qu’un emploi « humanise » : dialoguer, rencontrer, rire, parfois ferrailler, se constituer des amitiés (et même des amours), bref partager, se délite dans cette digitalisation accélérée du travail. Bien sûr aussi, le télétravail met en péril l’étanchéité des temps professionnel et personnel. Chez beaucoup, ces temps se sont entremêlés, la ligne de frontière est de plus en plus indétectable, ouvrant les vannes d’une intensification et d’une pression supplémentaires.

Enfin, que dire de tous ces travailleurs auparavant invisibilisés et dont on a « découvert » l’immense utilité… et l’immense injustice à laquelle le manque de reconnaissance et des rémunérations indigentes les confrontent ? Travailleurs du commerce, de la logistique, de l’agroalimentaire, du nettoyage, de la sécurité privée, ils sont enfin un peu mieux considérés. Et que dire des professionnels du soin ? Voilà plus de dix ans qu’à la CFDT nous alertons sur la situation dramatique de l’hôpital, et il a fallu une crise pandémique pour que politiques, médias et opinion publique s’en saisissent !

Le télétravail accélère la fragmentation des espaces et des moments « physiques » du travail collectif, il dissémine et isole les salariés, il met au défi les liens humains et sociaux, l’esprit de coopération, le sentiment d’appartenance, l’intelligence partagée, le « management humain » : pour ces raisons, il est un poison pour les organisations syndicales…

Les deux années extrêmement difficiles que nous avons tous passées l’ont été aussi pour les organisations syndicales – songez par exemple dans nombre d’entreprises que nous n’avions pas accès aux boîtes mail professionnelles des salariés, ce qui nous aurait permis d’entrer en contact avec eux. Le lien interpersonnel se tisse dans la confiance, et cette dernière dans l’action collective. Laquelle est contestée dans un contexte de modification durable des organisations du travail où entretenir le lien avec les travailleurs sera plus compliqué. Nous ne savons pas si cela traduit un reflux du collectif au bénéfice de la singularité de chacun ; or le télétravail précise cette dernière selon les conditions dans lesquelles on l’exerce et la manière dont on veut (ou non) l’inscrire dans une perspective collective. Comment reconstruire du collectif en prise avec le télétravail : voilà un immense défi pour les entreprises, mais aussi pour les organisations syndicales exhortées à se réinventer.

Faut-il craindre que les entreprises se saisissent de ce phénomène – spontané ou contraint – d’individualisation pour externaliser toujours plus, pour atomiser davantage les collectifs du travail – notamment en se déchargeant des contrats au profit de l’auto-entrepreneuriat ?

Le risque est à plusieurs niveaux. Faire télétravailler à 95 % condamne toute opportunité de rencontres « physiques » et d’interaction sociale. Et en effet, poussée à son paroxysme, la logique d’autonomisation des fonctions peut amener à externaliser les postes, et à substituer au salariat le statut d’entrepreneur individuel. À propos de ce statut qui a connu en 2021 un vif succès, on a tendance à se focaliser sur la face émergée de l’iceberg (indépendance, gestion de son temps et de son lieu de travail, etc.) mais sous la ligne de flottaison les dangers sont nombreux. Être salarié ou prestataire ne donne pas accès aux mêmes droits. Et ne confère pas au travail un même « sens ».

Justement, la quête de sens fait résonance avec une lame de fond, que la pandémie a exacerbée : la digitalisation (et, sous-jacentes, la dématérialisation et la délocalisation) du travail, qui concerne tout particulièrement une jeunesse par nature très peu sensible au syndicalisme. Comment vous adaptez-vous à ce qui ressemble à un péril pour les organisations syndicales ?

Le défi de réhumaniser les relations doit composer avec cette réalité du digital. Laquelle va bien davantage bouleverser le travail que l’emploi. Continuer de créer du lien, continuer de nourrir un sentiment commun d’appartenance à la condition de travailleur, continuer de traiter tout ce qui altère l’épanouissement au travail : risques d’aliénation, d’intensification, de précarisation, d’isolement, de statut dégradé, etc. Le défi est de continuer d’avoir un regard sur l’évolution du travail et de faire la démonstration de notre utilité – notamment en donnant une existence, une reconnaissance à tous ces emplois « invisibles ».

Le syndicalisme doit choisir : s’adapter ou mourir. Et au profit des droits à construire, il doit solliciter un levier capital : celui de la régulation, axé sur le partage de la valeur et de la gouvernance. Il faut absolument rééquilibrer les pouvoirs dans l’entreprise.

Le salut peut-il venir de l’Europe ? En tant que président de la Confédération européenne des syndicats (CES), qu’attendez-vous de manière concrète et réaliste de la présidence française de l’Union européenne qui s’étire jusqu’en juin ?

Un salaire minimum dans toute l’Europe n’est plus une utopie. Cette convergence sociale est indispensable. Ce sera compliqué, mais on peut y parvenir. Autres sujets : lutter contre l’inégalité salariale entre les femmes et les hommes, un véritable scandale dont les entreprises se rendent coupables en dépit des lois. Accroître la protection et la couverture sociale des travailleurs indépendants, très vulnérables – une directive sur la présomption de salariat est en projet, qui mettrait fin à l’exploitation elle aussi scandaleuse de l’auto-entrepreneuriat « subi » ; que l’on cesse de nous prendre pour des abrutis en affirmant que l’on est pleinement heureux de traverser Paris sous la pluie et livrer une pizza pour quelques dizaines de centimes ! Enfin, au niveau européen, nous pouvons peser sur le comportement social et environnemental des entreprises – en leur sein mais surtout chez leurs sous-traitants hors Europe, dans les pays dépourvus de normes exigeantes. C’est l’objectif du combat que la CES mène en faveur d’une directive sur le devoir de vigilance au niveau européen.

Sur le thème du travail, que restera-t-il du quinquennat d’Emmanuel Macron ?

Une approche minimum. La priorité a été donnée à l’emploi (meilleur accès, moins de règles et de contraintes) avec un certain succès sur des points en particulier comme l’apprentissage, et donc le travail a été traité comme un « sous-produit ». Rien des attributs du travail que nous venons d’évoquer n’a été abordé. Pendant la pandémie, de bonnes mesures en faveur des travailleurs et de l’activité ont été mises en œuvre. Du futur président, j’attends qu’il décrète l’organisation de grandes Assises du travail, dédiées à cerner ce qu’est et ce que doit devenir le travail : qu’est-il désormais, à quoi et qui sert-il, comment inoculer du sens, par quels moyens faire lien, comment répartir la valeur, quelles organisations, etc. Une approche globale – sociologique, philosophique, économique, managériale, organisationnelle – pour positionner le travail au cœur de notre épanouissement, et au cœur de la société.

À quelles conditions le travail peut-il « faire réconciliation » entre l’employé et l’employeur ?

Juste avant d’entrer dans l’usine, de s’attabler à son bureau, d’ouvrir son commerce, ou d’enclencher le moteur de son camion, le travailleur ne sort pas son cerveau du crâne pour le laisser à la porte ! Tout travailleur peut être contributeur de son propre travail, de l’amélioration de son travail, d’une meilleure performance au travail, et donc il participe substantiellement à la réussite économique et sociale de l’entreprise… si on lui en donne la possibilité. Cela requiert quelques conditions : être écouté, considéré, respecté, configurer le travail pour qu’il soit source d’émancipation et de réalisation de soi, cultiver les opportunités de coopération et de partage – à tous points de vue, y compris dans la gouvernance. Il y a une place pour l’humanisme au travail.

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Article issu de T La Revue n°9 « Travailler, est-ce bien raisonnable? » – Actuellement en kiosque et disponible sur kiosque.latribune.fr/t-la-revue

Syndicalisme : L’avenir passe par une dimension davantage interprofessionnelle

Syndicalisme : L’avenir passe par une dimension davantage interprofessionnelle

 

Affaibli par les nouvelles formes d’organisation du travail et par ses divisions, le syndicalisme doit en finir avec le repli identitaire et faire prévaloir la dimension interprofessionnelle, plaident Patrick Brody et Jean-Claude Mamet, coanimateurs d’un blog sur ce sujet, et le politiste Jean-Marie Pernot.

 

Le résultat des élections professionnelles sur la période 2017-2020, publié le 26 mai par la direction générale du travail, révèle une fragmentation croissante de la représentation syndicale. Sur fond de participation déclinante, la CGT perd 150 000 suffrages et la CFDT, 38 000. Cette dernière ne consolide sa « première place » que du recul de la CGT. La présence syndicale s’étiole, une « a-syndicalisation » rampante poursuit son cours.

Ce ne sont pourtant pas les mobilisations qui manquent : là où ils sont actifs, les syndicats continuent de jouer un rôle important, par exemple dans la défense de l’emploi dans les nombreuses entreprises industrielles mises à l’encan. Ils sont actifs aussi dans les mobilisations sectorielles, celles récentes du monde de la culture, ou dans la santé, même si d’autres modes d’action, à travers des coordinations, ont également trouvé leur place. Mais d’autres formes de contestation aussi le supplantent : « gilets jaunes », mobilisations pour le climat ou féministes…

Cette perte de rayonnement dans la société est un processus ancien, il est contemporain d’une certaine régression de l’Etat social, que le syndicalisme ne parvient pas à enrayer depuis une trentaine d’années. Les victoires locales existent toujours, mais sont de plus en plus limitées en nombre, du fait même du rétrécissement de la présence syndicale sur les lieux de travail et de leur caractère très défensif.

Cette perte d’emprise sur le social a des raisons profondes et multiples. Il ne faut pas oublier les effets d’un chômage de masse qui, en France, persiste depuis plus de quarante-cinq ans. Un syndicalisme florissant dans un tel contexte serait étonnant. Les transformations du travail ont également profondément ébranlé ses modes de structuration et d’action. L’éclatement des collectifs de travail pèse de manière très lourde : les métiers de service ont massivement remplacé ceux de l’industrie.

Or, dans ces métiers, les lieux de l’activité sont généralement très éclatés. Le numérique recompose les métiers et les façons de travailler remodèlent les collectifs. A côté de cela, les chaînes de production sont constituées de personnels dont les statuts et les employeurs sont également très divers (sous-traitance, intérim, autoentreprenariat, contrats précaires…). L’externalisation systématique a atteint tous les secteurs jusqu’aux fonctions publiques.

La négociation collective, née d’une revendication ouvrière imposée au patronat pour combattre les effets de la concurrence au sein du salariat, se transforme en outil managérial de gestion. Et les lieux principaux de cette négociation se sont déconnectés des réalités : ce sont moins les branches ou les entreprises (où se situent les principaux niveaux de négociation) qui produisent les normes sociales, mais la place tenue dans la chaîne de production de la valeur.

Quel renouveau du syndicalisme ?

Quel renouveau du syndicalisme ?

Spécialistes des relations sociales, Michèle Millot et Jean-Pol Roulleau font le constat de la crise du syndicalisme, miné par l’individualisme, et proposent douze « défis » pour le rendre de nouveau attractif. ( Analyse du Monde). Livre : « renouveau du syndicalisme : défis et perspectives « , un essai qui propose douze pistes pour l’avenir. 

 

 

 

En cette période anxiogène peuplée d’incertitudes, où la crise sanitaire bouche l’horizon, voilà un livre roboratif et tonique. Il offre une vision optimiste sur l’avenir du syndicalisme si ce dernier cède à l’obligation de changer. Auteurs de nombreux ouvrages sur les relations sociales, Michèle Millot et Jean-Pol Roulleau, consultants et formateurs, formulent au début de leur essai, Renouveau du syndicalisme : défis et perspectives, un constat incontestable : du fait des transformations du travail et du salariat, « le choc est rude pour le syndicalisme, sa base traditionnelle se restreint, le profil du travailleur se transforme, l’individualisme l’emporte sur le collectif, les nouveaux salariés l’ignorent. De là à conclure qu’il est condamné à se réinventer ou à mourir, il n’y a qu’un pas. Pourtant si le monde change, la raison d’être du syndicalisme demeure ».

Compte tenu de l’indifférence des nouvelles générations à son endroit, Michèle Millot et Jean-Pol Roulleau jugent que « pour assurer son avenir, le syndicalisme a pourtant un besoin vital d’une relève. Les valeurs qui motivent les jeunes seraient-elles antinomiques à celles qui habitent le syndicalisme ? Pour devenir attractif, le syndicalisme doit changer son image, ses structures et son langage ».

S’appuyant sur de nombreuses expériences d’entreprises, où la CFDT a souvent joué un rôle de pionnière, les auteurs identifient douze défis à relever : « Etre partie prenante de l’entreprise ; être acteur dans la gestion de l’entreprise ; s’engager pour trouver un repreneur ; le bien-être au travail ; l’éloignement des centres de décision (avec nombre de grandes entreprises qui ont leur siège à l’étranger) ; la responsabilité sociale et environnementale de l’entreprise ; le défi du numérique ; le syndicalisme de services ; la syndicalisation des non-salariés ; le défi jeune ; le choix entre l’engagement et la carrière. »

L’ultime défi consiste à répondre à la question : « Avec qui changer le monde ? » Plusieurs syndicats ont mis en avant leur volonté, au-delà du cadre de l’entreprise, de transformer le modèle de développement et de bâtir une nouvelle société. En mars 2019, la CFDT, la CFTC et l’UNSA, rejointes ensuite par 58 associations, ont lancé un « pacte pour le pouvoir de vivre ». Un an plus tard, sur un mode plus contestataire, la CGT a élaboré avec Attac et Greenpeace un plan dit de « sortie de crise » intitulé « Plus jamais ça ». La cause écologique suscite de nouvelles vocations. En mai 2020, une association, le Printemps écologique, fondée par le jeune Maxime Blondeau, a initié (encore timidement) des « écosyndicats », avec pour but d’« adapter les modes de gouvernance à l’impératif écologique ».

Berger (CFDT) dénonce le syndicalisme ringard

Berger (CFDT) dénonce le syndicalisme ringard

 

 

Le secrétaire général de la CFDT a bien raison de dénoncer ce syndicalisme systématique d’opposition des organisations gauchistes et corporatistes d’une autre époque. Laurent Berger dénonce par avance ceux  qui tente d’organiser un troisième tour social après la défaite des gauchistes aux présidentielles et législatives. Un phénomène bien connu et utilisé à peu près à chaque élection politique par l’extrême gauche qui fonde son  approche sur une idéologie crypto marxiste voir communiste complètement obsolète. Bref qui soutient la lutte des classes entre les salariés et les patrons pour masquer le corporatisme qui tue la compétitivité et l’emploi tout en accentuant la misère. L’affrontement stérile entre patronat et syndicats est pourtant « dépassé » et « ringard », a déclaré mardi à Reuters le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, face aux mouvements de mobilisation qui s’organisent contre le projet de réforme du Code du travail. « Le syndicalisme divisé qui se cantonnerait à organiser des manifestations pour faire croire qu’il est d’accord contre quelque chose mais jamais pour quelque chose, je pense qu’il faut que ça s’arrête », a dit Laurent Berger dans une interview. « Il faut se mobiliser pour des idées », a-t-il poursuivi. « L’affrontement stérile entre d’un côté les syndicats et de l’autre le patronat où la seule issue c’est de se taper dessus, c’est ringard et dépassé. » La CGT a appelé mardi ses adhérents à se déployer dans les entreprises pour « débattre avec les salariés », « élaborer leurs cahiers revendicatifs », et « faire de la troisième semaine du mois du juin des temps forts d’initiatives et de mobilisations ». Elle a surtout mis en garde dans un communiqué contre la forte majorité dont devrait disposer Emmanuel Macron à l’Assemblée nationale dimanche prochain, ce qui lui permettrait de lancer le processus des ordonnances sans opposition. D’autres mouvements ont commencé à se former ces dernières semaines. Le syndicat Solidaires a tenu jeudi dernier des rencontres avec la CGT, la FSU, le syndicat étudiant UNEF et le syndicat lycéen UNL pour envisager de possibles mobilisations. Des manifestations sont aussi prévues le 19 juin prochain à l’initiative du Front Social, qui regroupe des syndicalistes qui refusent tout compromis sur le droit du travail. Pour Laurent Berger, il est temps de faire valoir un syndicalisme plus moderne. « On a trop souvent pensé en France que la palette du syndicalisme, c’était manifestations, grèves, mobilisations », a-t-il dit. « Ça existe, et on les utilise quand c’est nécessaire, mais il y a aussi propositions, négociations, engagements, contre-propositions. » Laurent Berger dit aussi attendre avec impatience la tenue des consultations sur la sécurisation des parcours professionnels, en septembre prochain. « Il faut à la fois de la performance économique, personne ne remet ça en cause, mais on veut que notre modèle social continue de se baser sur de la solidarité et de la mutualisation. »

François Chérèque: un artisan du nouveau syndicalisme

 

François Chérèque: un artisan du nouveau syndicalisme

 

L’annonce du décès de François Chérèque donne l’occasion de souligner que les derniers responsables de la CFDT ont été particulièrement critiqués du fait de leur positionnement résolument réformiste. Ainsi Nicole Notat d’abord, François Chérèque ensuite, Laurent Berger actuel secrétaire général de la CFDT ont souvent fait l’objet de critiques injustifiées de la part d’autres syndicats crypto communistes, anarchos ou corpos. (avant ces responsables il faut citer Jacques Chéréque, le père de Jacques, secrétaire condédéral  qui avec dautres a amorcé le virage réformiste de la CFDT dans les annéeés 80 ).  Dernier exemple en date celui de la loi travail qui sans doute à terme montrera aussi son efficacité à la fois pour renforcer la compétitivité et pour réanimer le dialogue social au plan des entreprises. Mais il aura fallu du temps pour reconnaître la pertinence du positionnement de la CFDT, son courage aussi. Ainsi il est vraisemblable que la CFDT sera récompensée de ses efforts de lucidité et de détermination en devenant en 2017 la première organisation syndicale. Un tournant évidemment dans le paysage syndical français dont la culture contestataire pas principe a toujours constitué l’essentiel de la ligne stratégique. La CFDT a fait preuve d’une grande lucidité contre la plupart des autres organisations pour commencer à s’attaquer au financement de la protection sociale notamment celle du chômage ou des retraites et dernièrement cette réforme fondamentale de la loi travail. Sur de nombreux dossiers il conviendra d’amplifier les réformes car le financement de la protection sociale est très menacé. Deux conceptions du syndicalisme vont certainement encore s’affronter. Celle qui fait des avantages acquis un préalable, un tabou qui s’oppose à toute évolution quitte  a ne protéger que ceux qui ont un emploi. De l’autre une conception qui tente d’articuler la problématique sociale et la problématique économique. De ce point de vue la loi qui va permettre de décentraliser le dialogue social au niveau de l’entreprise notamment sur le temps de travail risque aussi de contribuer à opérer une modification du rapport de force entre les organisations qui développent des stratégies étatistes figées et les organisations réformistes qui militent pour la transformation des relations sociales en tenant compte des réalités économiques mais aussi aux évolutions sociologiques des salariés. L’hommage quasi unanime rendu à François Chérèque est d’autant plus justifié qu’il a permis le départ des gauchistes vers sud, organisation corpo marxiste. Cette clarification a rendu possible la définition d’une ligne stratégique plus claire et plus efficace. «Le syndicalisme perd une grande figure, la CFDT un responsable déterminant et moi un ami très cher», a immédiatement réagi Laurent Berger, qui a rendu hommage à «l’homme exceptionnel d’engagement et d’humanité» qu’était son prédécesseur, pendant 10 ans (2002-2012), à la tête de la centrale syndicale réformiste. . Un syndicaliste droit et honnête qui faisait ce qu’il disait, n’était aucunement adepte -pratiques pourtant très répandues dans le syndicalisme- du double discours et du coup bas, et avait la franchise chevillée au corps. Tous les journalistes sociaux, qui ont eu l’honneur et le plaisir de le côtoyer pendant et après son règne à la CFDT, le confirmeront. Tout comme ils pourront aussi témoigner des colères mémorables qui allaient de pair avec son franc-parler… François Chérèque était plus qu’un syndicaliste. C’était un vrai homme engagé à gauche qui combattait avec force tous les types de conservatisme, d’injustice et d’extrémisme. Un «ours», comme il se définissait lui-même, fervent partisan du compromis et capable de passer des «deals» avec un gouvernement de droit si c’était dans l’intérêt des salariés

Pour un renforcement du syndicalisme (NKM)

Pour un renforcement du syndicalisme (NKM)

Dans une interview la tribune d’une certaine manière Nathalie Kosciusko-Morizet, vice-présidente du parti « Les Républicains » (LR) et présidente du groupe LR au conseil de Paris va à contre-courant des propositions de Sarkozy qui lui veut tuer les syndicats. Elle est considère que compte tenu des réformes à entreprendre aussi bien sur la protection sociale en général que suit l’organisation du travail la négociation est indispensable. Mais cela suppose de régler la question de la représentativité des syndicats de les rendre plus fort et plus responsable.

La négociation collective a-t-elle encore un avenir ?

Nathalie Kosciusko-Morizet – J’en suis convaincue à condition de lui redonner un nouveau souffle. De grands sujets sont devant nous avec l’arrivée de ce que l’on appelle l’économie du partage. Ce qui se passe avec Uber n’est qu’un début. Il va bien falloir se mettre autour d’une table pour imaginer la protection sociale de demain. Par ailleurs, les entreprises et les formes de travail évoluent. Il y a une demande des jeunes de travailler en réseaux, par projet. L’organisation actuelle du travail fondée sur des principes du XIXème siècle n’est plus adaptée. Dans ce contexte, la négociation collective doit être la plus décentralisée possible. Elle doit se dérouler au niveau de la branche et  de l’entreprise. Tous les avis et rapports vont dans ce sens, notamment le rapport Combrexelle. Mais pour réussir ces négociations, il faut absolument résoudre le problème de la représentativité des syndicats. C’est un problème crucial.

Que NKM souhaite redynamiser le syndicalisme, c’est plutôt surprenant, non ?

C’est un sujet qui transgresse les clivages droite/gauche, non ? L’actualité de l’entreprise Air France est la pour nous montrer que le système est a bout de souffle, et c’est pourquoi il faut agir vite et de façon structurelle. Mes propositions s’inscrivent dans le cadre d’une réforme plus globale du syndicalisme et du dialogue social qui permettrait d’améliorer la qualité des négociations, notamment en sortant du rapport conflictuel.

Mais par rapport à il y a 30 ans le syndicalisme est en perte de vitesse !

Aux alentours de 8%, le taux de syndicalisation est en effet trop faible en France, par rapport à certains de nos voisins européens. Les plus grosses centrales syndicales représentent davantage les retraités que les salariés actifs ! Mais ce n’est pas parce que la représentativité des syndicats est aujourd’hui insuffisante qu’il faut remettre en cause le syndicalisme lui-même.  Il faut au contraire tout faire pour améliorer cette représentativité et rentrer dans un cercle vertueux.

Faut-il que l’adhésion soit obligatoire ?

Je ne le pense pas. Ce serait une solution de facilité. On ne sort pas d’une situation d’échec telle que celle là en la contournant. Appartenir à un syndicat, s’engager, militer doivent être des actions volontaires. Il faut redonner envie aux Français de se syndiquer et de jouer un rôle actif au sein de ses organisations. C’est en améliorant la qualité de la représentation syndicale et de la négociation collective que les salariés seront incités à adhérer et à voter.

Alors, comment inciter les salariés à se syndiquer ?

Je propose de dépoussiérer la gouvernance des syndicats. Le mandat syndical doit être une étape ordinaire et temporaire de la vie professionnelle, aussi je propose de limiter à huit ans la durée où une même personne peut être délégué syndical. Je propose aussi de supprimer les permanents syndicaux dans les entreprises de moins de  500 salariés. Le syndicalisme professionnel doit en effet être réservé aux plus grandes entreprises. Par ailleurs, en contrepartie de ce temps consacré à l’action syndicale, je propose de rendre obligatoire pour les représentants syndicaux des périodes de formation dans le domaine économique, comptable, social ou juridique. Cet investissement dans le capital humain renforcerait également l’employabilité des représentants syndicaux.

Se syndiquer est bien souvent un acte défensif pour les salariés, qui y voient un moyen de se défendre en cas de conflit social. Comment les syndicats peuvent-ils attirer de nouveaux militants lorsque l »entreprise est florissante ?

Je plaide pour la création d’un syndicalisme de services, à l’image de ce qui fonctionne déjà dans la fonction publique, notamment chez les enseignants. On pourrait imaginer la création de banques, de mutuelles, d’assurances et de conseils juridiques affiliés aux syndicats dont les services seraient réservés aux adhérents.

Le recours au référendum au sein des entreprises est-il une bonne idée ?

Le référendum pour consulter directement les salariés peut être effectivement une solution lorsqu’il y a un blocage dans le dialogue social entre les syndicats et la direction. Mais ce referendum ne doit pas être que consultatif. Son résultat doit avoir un effet de droit. L’exemple du blocage de Smart en Moselle le démontre.

Avez-vous testées ces idées avec les représentants actuels des syndicats ?

J’ai énormément échangé avec les représentants syndicaux des entreprises. Ils étaient plutôt enthousiastes à l’idée d’avoir des moyens plus clairs pour assumer leurs missions.

 

Air France : « agissements inacceptables » qui font honte au syndicalisme

Air France : « agissements inacceptables » qui font honte au syndicalisme

Le ministre des transports a fort logiquement condamné avec force les débordements inacceptables de certains lors du conflit d’Air France. Débordements d’autant plus inacceptables qu’il semble bien que des syndicalistes soient impliqués. D’une certaine manière c’est une honte pour le syndicalisme tout entier. Il faut dire que la situation d’Air France est un peu particulière avec une myriade de syndicats, de l’ordre d’une quinzaine qui ne cessent  de se faire concurrence en ajoutant du corporatisme au corporatisme. Certes tous les syndicats ne sauraient être mis dans le même sac mais d’une façon générale la France souffre d’une vision éculée de ce qu’est la défense constructive des intérêts des salariés. En gros d’un côté il y a la frange presque toujours contestataire de syndicats surtout préoccupés d’objectifs politiques et ou corpos, c’est le cas pour Sud, d’une partie de la CGT de FO parfois de l’UNSA, de l’autre il y a la version plus moderniste d’autres syndicats surtout de la CFDT aussi de la CGC. Le syndicalisme ne se grandit pas en n’adoptant des stratégies systématiquement contestataires qui tuent le dialogue social est finalement desservent  l’intérêt même de leurs mandants. À l’occasion du conflit d’Air France la France de ce point de vue s’est encore ridiculisée et a montré la ringardise de certains syndicats responsables aussi de la  dégradation économique et sociale du pays. C’est donc justement qu’Alain Vidalies condamne fermement ces débordements en évoquant des « agissements inacceptables ». « Je pense que l’on peut redresser la situation en ayant une condamnation tout à fait ferme et unanime », commente le secrétaire d’État aux Transports. Pour lui, une seule réponse existe : la répression pénale.  »Il s’agit de violences faites contre des personnes, il faut isoler ces événements en disant que ces agissements méritent une répression pénale« , conclut-il. La compagnie aérienne a d’ailleurs annoncé déposer plainte pour « violence aggravée » après ces violents événements. Mais le PDG d’Air France, Frédéric Gagey, espérait avant tout une reprise des discussions :  »À ce stade, la vraie question est de reprendre la négociation. 

Il faut déringardiser le syndicalisme

  »Il faut déringardiser le syndicalisme » (Laurent Berger ,CFDT)

 

 

« Il faut déringardiser le syndicalisme », a lancé vendredi le numéro un de la CFDT Laurent Berger qui ne défilera pas en ce 1er mai car il n’y a pas de « tradition immuable ». « Il y a un climat global qui fait que les Français sont en défiance à l’égard de beaucoup d’institutions », des politiques aux médias, mais « l’erreur pour les syndicalistes serait de dire ‘c’est tout le monde et on n’a pas à s’interroger’. Non, on s’interroge beaucoup sur ce qu’on doit faire », a déclaré sur RMC et BFM-TV le secrétaire général de la CFDT, commentant un sondage sur la mauvaise image des organisations syndicales. « Il y a une part de responsabilité », a admis Laurent Berger. Selon lui, « l’erreur que le syndicalisme a pu faire, c’est de donner le sentiment qu’il était en réaction, en commentaire de la situation vécue par les salariés, mais pas les mains dans le cambouis, pas à essayer de trouver les solutions ». « Or nous en trouvons, mais elles sont inaudibles parce que l’image qu’ont les syndicats, c’est qu’ils protestent, contestent mais ont du mal à proposer. C’est tout l’inverse de ce qu’est la CFDT aujourd’hui » parce qu’elle veut « changer le quotidien des salariés », sur « des choses très concrètes: sur la vie au travail, sur les salaires, sur l’emploi qui se font tous les jours dans les entreprises », assure Laurent Berger.

CGT -Lepaon: un sale coup pour le syndicalisme

CGT -Lepaon,: un sale coup pour le syndicalisme

laffaire Lepaon ( dont la démission est maintenant demandée par la première fédération de la CGT)  est un sale coup pour le syndicalisme en général qui n’était déjà pas très apprécié.  Près de 70% des Franaçis ne font pas confiance aux syndicats qui comptent de l’ordre de 5% de syndiqués à jour de leurs cotisations. Les syndicats sont victime d’un discrédit qui frappent toutes les  institutions mais la désaffection est plus ancienne, elle a commencé dans les années 70. En cause d’abord la compétence des syndicats à intégrer la problématique économique et le poids excessif de la culture étatique. Du coup le syndicalisme n’attire plus les meilleurs. La faute aussi à certains patrons qui ont  réduit le syndicalisme à pas grand-chose. Bref le contraire d’une démocratie réellement participative (contrairement à ce qui se passe en Allemagne). Limage du syndicalisme est aussi très affectée par les grèves à répétition de nature corporatiste qui prennent  en charge les intérêts de ceux qui sont loin d’être les moins favorisés. Enfin la culture anarcho-gauchiste qui domine encore trop  le syndicalisme français.  L’affaire de Thierry Lepaon concerne sa retraite chapeau  peu justifié de 31  euros puisqu’en réalité il  a bénéficié d’une sorte de promotion. Une affaire qui s’ajoute aux plus de 100 000 euros de réfection de son appartement de fonction et aux 60 000 de remise en état de son bureau. Ça fait beaucoup pour un seul homme, syndicaliste au demeurant. Une affaire qui porte atteinte  au syndicalisme en général dont la plupart des responsables vivent dans de conditions plutôt modestes. Les affaires dans le syndicalisme sont heureusement très exceptionnelles pour autant les dégâts de l’affaire Lepaon seront lourds pour la CGT d’abord et par ricochet pour les autres syndicats. Il faut enfin ajouter que Lepaon ne s’est guère manifesté jusque là par une grande compétence et qu’il na sans doute pas la stature nécessaire pour diriger une organisation comme la CGT.

CGT : affaire Lepaon, un sale coup pour le syndicalisme

CGT : affaire Lepaon, un sale coup pour le syndicalisme

C’est aujourd’hui que se réunit la commission exécutive de la CGT  pour discuter du cas de son secrétaire général. De  toute manière c’est un sale coup pour le syndicalisme en général qui n’était déjà pas très apprécié.  Près de 70% des Franaçis ne font pas confiance aux syndicats qui comptent de l’ordre de 5% de syndiqués à jour de leurs cotisations. Les syndicats sont victime d’un discrédit qui frappent toutes les  institutions mais la désaffection est plus ancienne, elle a commencé dans les années 70. En cause d’abord la compétence des syndicats à intégrer la problématique économique et le poids excessif de la culture étatique. Du coup le syndicalisme n’attire plus les meilleurs. La faute aussi à certains patrons qui ont  réduit le syndicalisme à pas grand-chose. Bref le contraire d’une démocratie réellement participative (contrairement à ce qui se passe en Allemagne). Limage du syndicalisme est aussi très affectée par les grèves à répétition de nature corporatiste qui prennent  en charge les intérêts de ceux qui sont loin d’être les moins favorisés. Enfin la culture anarcho-gauchiste qui domine encore trop  le syndicalisme français.  L’affaire de Thierry Lepaon concerne sa retraite chapeau  peu justifié de 31  euros puisqu’en réalité il  a bénéficié d’une sorte de promotion. Une affaire qui s’ajoute aux plus de 100 000 euros de réfection de son appartement de fonction et aux 60 000 de remise en état de son bureau. Ça fait beaucoup pour un seul homme, syndicaliste au demeurant. Une affaire qui porte atteinte  au syndicalisme en général dont la plupart des responsables vivent dans de conditions plutôt modestes. Les affaires dans le syndicalisme sont heureusement très exceptionnelles pour autant les dégâts de l’affaire Lepaon seront lourds pour la CGT d’abord et par ricochet pour les autres syndicats. Il faut enfin ajouter que Lepaon ne s’est guère manifesté jusque là par une grande compétence et qu’il na sans doute pas la stature nécessaire pour diriger une organisation comme la CGT.

A quand un syndicalisme moderne ?

A quand un syndicalisme moderne ?

 

Dans un sondage diffusé sur France Info, 70% des français jugent la CGT trop négative ; L’image d’ensemble du syndicalisme est mauvais même s’il faudrait faire des distinctions entre les organisations. De fait globalement les syndicats paraissent corpos et réacs, une situation liée au fait que ces syndicats sont peu représentatifs (3 à 4% de syndiqués). Le plus souvent la stratégie de ces organisations correspond à des logiques d’appareils. Une raison fondamentale, le syndicalisme est comme en politique trop souvent considéré comme une carrière. D’où de fait une coupure entre la base et les directions, une coupure surtout de ces directions avec les réalités économiques et sociales. La plupart des permanents sont par ailleurs issu de la fonction publique et du secteur nationalisé, ce qui n’arrange rien en matière de compréhension  des questions économiques et financières ( voire même sociales). Finalemenet les syndicats globalement sont victimes d’un discrédit assez comparable à celui de la politique. Dommage pour Hollande qui veut pratiquer la sociale démocratie. Du coup faut de réelle représentativité, les syndicats ne jouent qu’un rôle très secondaire. C’est une sorte d’alibi pour les gouvernements, ces syndicats ne sons consultés que de manière très anecdotique. Une grande différence avec l’Allemagne ou pour essentielle la négociation se déroule entre les syndicats et le patronat et en l’absence de l’Etat le plus souvent . La mutation syndicale interviendra-elle ou les syndicats sont-ils condamnés à mourir ? Vraisemblablement il faudra du temps pour une vraie évolution mais des progrès évidents sont faits dans ce sens avec la CFDT surtout, aussi, ‘l’UNSA, la CGC notamment. Il ya encore du chemin à parcourir et c’est sans doute la première fois qu’un leader comme celui de la CFDT condamne une grève de la SNCF avec fermeté. Un courage qu’il faut souligner.

Un syndicalisme de proposition pas seulement de mécontentement (Laurent Berger, CFDT)

Un syndicalisme de proposition pas seulement de mécontentement (Laurent Berger, CFDT)

Il a raison berger de la CFDT, le syndicalisme français se satisfait surtout de protestation et est incapable de faire des propositions crédibles d’où son manque dramatique de représentativité. Et un débat social en France assez caricatural. La faute aux syndicats uniquement protestataires mais aussi à un patronat peu représentatif des PME et nettement plus rétrograde qu’en Allemagne par exemple. Invité ce jeudi 1er mai sur BFMTV, Laurent Berger ne le cache pas: « nous [la CFDT] ne faisons pas de ce 1er mai un enjeu de mobilisation ». Le leader syndical a de nouveau pris le contre-pied des autres syndicats en défendant le pacte de responsabilité. « Le problème est de savoir ‘à quoi sert un syndicat’. L’image véhiculée est que nous rallions les mécontentements. Mais nous devons aussi porter des propositions », a fait valoir Laurent Berger. Avant de poursuivre: « la CFDT a défendu le pacte de responsabilité car redonner des marges est une condition nécessaire ». « Les entreprises ne sont pas que des employeurs », a-t-il ajouté, ce sont aussi « des salariés qui ont envie de conserver leur travail et de compétitivité pour leurs entreprises ».  Ainsi, « restaurer les marges des entreprises n’est pas un sujet tabou, à condition que le patronat s’engage sur des objectifs chiffrés dans les branches », a-t-il développé. Laurent Berger a ce sens affirmer que « la patronat doit arrêter de geindre de pleurnicher ». « Ce discours est déprimant; ils ont des conditions pour récréer de l’emploi, il faut qu’ils les saisissent ».  Interrogé ensuite le plan d’économies du gouvernement, Laurent Berger a affirmé: « réduire la dépense publique, oui. Mais avec discernement ». Il a donné un satisfecit au gouvernement qui a décidé d’épargner les pensions de retraites le plus modestes. Mais il réaffirmé son opposition au gel du point d’indice des fonctionnaires car « tous les fonctionnaires indistinctement » sont touchés. Et Laurent Berger d’appeler à la manifestation, le 15 mai prochain, contre cette dernière mesure.

 




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