« Le marché du travail structurellement malade » (Stéphane Auray )
Pas vraimenet une découverte mais une confirmation Selon Stéphane Auray, professeur d’économie à l’École nationale de la statistique et de l’analyse de l’information qui souligne le caractère structurel du chômage en France (intreview le Figaro)
Êtes-vous surpris par les très mauvais chiffres de l’emploi salarié?
Stéphane AURAY.- Non, pas du tout. Selon nos calculs, la probabilité de tomber au chômage n’a jamais été aussi forte depuis 2009. Or, dans le même temps, la probabilité d’en sortir n’a jamais été aussi faible depuis vingt-cinq ans! Aux États-Unis, au plus fort de la récession, la probabilité de retrouver un emploi a fortement chuté, mais elle a bien rebondi depuis. Hélas, les Français peuvent encore aujourd’hui très facilement tomber au chômage, tout en ayant très peu de chances d’en sortir.
Les Français restent donc de plus en plus longtemps au chômage.
Tout à fait. À tel point que le nombre de personnes au chômage depuis trois ans ou plus est en train de rejoindre celui des demandeurs d’emploi depuis moins de trois mois. C’est très inquiétant, car il existe un risque que le chômage de longue durée soit en partie irréversible et que cela entraîne une perte de capital humain pour la France.
Pourquoi n’arrive-t-on pas à faire baisser le chômage?
Le contexte n’est pas porteur. Nous sommes sur le point de tomber dans le piège de la déflation, avec une croissance très faible – 1 % prévu pour 2015 – et une inflation atone que la stagnation des salaires ne permettra pas de relancer. S’ajoute à cela une fiscalité française désavantageuse pour les entreprises, qui sont donc encore moins incitées à investir.
La politique de l’emploi menée actuellement est-elle la bonne?
Même s’il faut du temps pour évaluer une politique économique, le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et le pacte de responsabilité n’ont eu jusqu’à présent qu’un impact très faible sur l’emploi. Non pas qu’une baisse des charges soit inadaptée. Mais celle menée actuellement n’est pas calibrée au mieux pour créer des emplois. Il faudrait plutôt cibler les petites entreprises et les salaires proches du smic. Les économistes Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo ont ainsi démontré à partir du dispositif «zéro charge» mis en place fin 2008 qu’une baisse du coût du travail de 1 % ciblée sur les bas salaires et les petites entreprises entraîne une hausse de 2 % de l’emploi au bout d’un an.
Faut-il vraiment favoriser le travail non qualifié?
Il n’y a rien de mal à cela. Si les charges sont moins lourdes et que cela permet de relancer l’emploi, cela montre bien que notre économie a besoin de ce travail non qualifié. De surcroît, un employé a vocation à améliorer sa productivité tout au long de sa vie grâce à la formation continue.
Croyez-vous à une inversion de la courbe en 2015?
Je ne vois pas ce qui pourrait laisser espérer un tel retournement à court terme. Le marché du travail français est structurellement malade et malheureusement nous n’avons jamais cherché à le réformer en profondeur.