Laïcité et spiritualité (François Clavairoly)
Le protestantisme peut redonner du souffle à la République pour faire vraiment vivre les trois principes de sa devise, aujourd’hui menacée par le discours des extrêmes, souligne, dans une tribune au « Monde », le président de la Fédération protestante de France.
Tribune.
Le protestantisme trouve sa place dans la République, et celle-ci peut trouver dans le protestantisme une ressource, un aiguillon et un souffle dont elle manque à ce jour.
Entre les deux tours de l’élection présidentielle 2022, je souhaite apporter quatre éléments de réflexion sur une situation apparemment semblable à celle de 2017, mais toutefois différente. Les incertitudes du temps présent ne peuvent que nous amener à prendre très au sérieux ce qui advient : nous attendons des actes plus que des intentions.
Nous sommes chrétiens et citoyens tout à la fois, protestants et enracinés dans le monde, attentifs aux détresses, aux injustices et aux souffrances, et ce, pour mieux les combattre. Rassurons le lecteur sur un point important : le sens de la démocratie, pour nous, se situe, comme l’écrivait le philosophe Paul Ricœur (1913-2005), « dans les mesures prises pour gérer le politique autrement qu’en le rapportant à une onction religieuse ».
Nous n’avons donc pas jugé bon de nous imposer une « doctrine sociale », mais avons préféré laisser à chacun la liberté de se tenir devant Dieu et devant les hommes en toute responsabilité : cette liberté est au principe de la foi protestante.
Plus qu’une adresse, c’est d’une interpellation vive qu’il s’agit concernant la mise en œuvre de ce que désigne notre devise républicaine. C’est ici que je voulais en venir, et tout d’abord à ce mot de liberté.
Puisque nous sommes en République et qu’elle l’a reconnue dans sa définition de la laïcité, notre liberté de conscience restera imprenable. Et, avec elle, la liberté de culte, la liberté d’entreprendre et de créer des richesses, de travailler, d’être élu. Elle n’est pas la liberté « de soi » seulement, tel le gri-gri de l’autonomie ou de l’égoïsme postmoderne, mais la liberté « de soi devant, avec et pour les autres », et devant Dieu.
J’avais noté un jour qu’un 24 décembre 1789 les bourreaux, les comédiens, les protestants et les juifs avaient été admis, après délibération de l’Assemblée, à l’éligibilité et au service public. Voilà, nous y sommes : cette liberté nous autorise et elle nous oblige, en quelque sorte, à vivre responsables et solidaires. Cette liberté est solidaire de la liberté de tous dans leur diversité d’appartenance et de conviction.
Si la République est laïque, la société ne l’est pas, constituée qu’elle est d’hommes et de femmes de chair, d’os et de transcendance. Nul candidat qui prônerait la neutralisation religieuse de la société ne saurait donc être approuvé.