Auschwitz : se souvenir pour éviter les autres extrémismes
Dans une tribune au « Monde », la rabbine Pauline Bebe appelle, quatre-vingts ans après la découverte du camp d’Auschwitz, à rester vigilants face aux mouvements extrémistes qui séduisent par leur désir d’éradiquer la différence.
Ils ont eu du mal à parler, d’abord parce que, ont-ils dit, on ne les écoutait pas, sans doute aussi parce que ce qu’ils avaient à dire était de l’ordre de l’indicible, parce que voulant épargner leurs proches, ils souhaitaient reconstruire. « Au silence d’Auschwitz », selon l’expression du philosophe André Neher (auteur du livre L’Exil de la parole, Seuil, 1970), a succédé un autre silence, celui de l’après-Auschwitz.
Puis est venu le temps de la parole, le temps du témoignage, encore vivant, pour les quelques survivants qui restent encore vivants. Alors ils ont parlé, ils ont dit, ils ont raconté et, de manière intarissable, ils ont transmis à des jeunes et moins jeunes générations pour que jamais cela ne se reproduise, pour que l’on n’oublie pas.
Je me souviens d’Odette qui disait de sa voix fine et nette qu’elle ne haïssait pas les Allemands, qu’une Allemande l’avait cachée et sauvée, et que, dans la plus grande noirceur des camps, elle s’était dit que, jamais, on ne lui prendrait sa capacité à rêver.
Je me souviens de Yakob (Jacob) qui racontait comment, au beau milieu de la tourmente, de la « catastrophe » – c’est ce que le mot « Shoah » veut dire –, ses camarades et lui avaient collecté quelques bouts de pain dans une casquette pour qu’un jeune chantre puisse, au bout de sa voix et de son souffle, chanter la prière de Kippour, le kol nidrei.