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Dette publique : soutenable jusqu’à quand ?

 Dette publique : soutenable  jusqu’à quand ?

 

L’économiste Maxime Menuet revient dans une tribune au « Monde » sur les débats que soulève la dette publique française. A partir de quand devient-elle trop lourde ? Les spécialistes du sujet ne s’entendent pas. Réduire les dépenses devient cependant inévitable.

 

En abaissant, le samedi 14 décembre, la note de la dette souveraine française d’un cran, l’agence Moody’s s’est-elle prise pour un empereur romain baissant le pouce lors des jeux pour déclarer l’insoutenabilité de nos finances publiques ?

Fort heureusement, Moody’s n’a pas ce pouvoir impérial sur les marchés. Comme souvent, sa décision aura peu d’effet sur les taux d’intérêt, les agences de notation validant généralement des anticipations déjà intégrées par les investisseurs. Mais cette dégradation soulève une vraie question : la France pourra-t-elle honorer ses engagements et refinancer sa dette ? En clair, la dette publique française est-elle réellement soutenable ?

Certains y voient une exigence comptable, comme si la soutenabilité dépendait uniquement de calculs savants sur la croissance et le déficit, dans le but de respecter des règles strictes. Mais soyons honnêtes, les prévisions budgétaires de Bercy sont à peu près aussi fiables que les prévisions météo d’autrefois.

D’autres y voient un argument moral, affirmant qu’une dette insoutenable pèserait lourdement sur les générations futures, ou la présentent comme un prérequis pour assurer l’efficacité des politiques économiques et protéger l’économie des crises. En réalité, la soutenabilité est devenue un mantra, un concept fourre-tout que chacun brandit pour servir sa cause : prôner la rigueur budgétaire, légitimer des règles comptables ou jouer la carte de la morale intergénérationnelle.

Les économistes eux-mêmes peinent à s’accorder. Certes, ils s’entendent sur les dangers d’une dette publique qui deviendrait incontrôlable – le fameux effet boule de neige –, mais ils ne parviennent pas à en définir les contours…

France Stratégie pour une Planification écologique « soutenable »

 France Stratégie pour une Planification écologique « soutenable »

 

En attendant la nomination du prochain gouvernement dans les  jours à venir, France Stratégie ( rattaché  à Matignon) a dévoilé  dans un volumineux rapport de près de 300 pages, ses principales propositions en matière de planification. Fruit d’une série de séminaires sur les soutenabilités et de deux années de travaux, ce document vise à proposer des outils aux politiques. « Le point de départ de notre réflexion est la crise des Gilets jaunes. Elle est révélatrice d’une triple crise (écologique, sociale et démocratique). Elle a également révélé un épuisement de la société qui s’est traduite par de nombreux mouvements de contestation. On ne peut plus faire de politique publique comme avant. Si on fait une taxe carbone sans prendre en compte les enjeux sociaux, on va droit dans le mur », a expliqué à La Tribune, Hélène Garner, directrice du département Emploi et travail à France Stratégie. Les experts proposent de changer d’approche en matière de politique publique. « Les politiques publiques doivent être durables, systémiques et légitimes. Ce sont les trois piliers de la soutenabilité », complète Johanna Barasz, cheffe de projet « Action publique, société, participation ».

L’organisme rattaché à Matignon préconise de mettre en place une stratégie nationale en début de législature qui pourrait prendre la forme d’une loi de programmation quinquennale pour apporter une force contraignante à cette planification. La première étape pourrait passer par la planification écologique définie comme une priorité par le chef de l’Etat. France Stratégie propose notamment de s’appuyer sur les objectifs de développement durable (ODD) faisant aujourd’hui l’objet d’un consensus. Ces 17 objectifs inscrits dans l’agenda 2030 des Etats membres de l’organisation des Nations unies constituent la feuille de route pour parvenir à un modèle soutenable. Ils recouvrent un spectre assez large de thèmes en passant de la pauvreté à l’éducation, de l’alimentation à l’égalité ou encore les énergies propres.  »Les indicateurs et modèles soutenables existants sont utilisés marginalement dans les politiques publiques.  Il faut aller plus loin », déclare à La Tribune Johanna Barasz,

Plan d’investissement d’avenir (PIA), plan de relance, plan de résilience, plan France 2030….la liste des plans n’a cessé de s’allonger ces dernières années pour ce concept qui semblait enseveli depuis la chute de l’URSS au tournant des années 90.  »On manque d’une coordination entre tous ces plans. Il y a une dilution des efforts et des moyens avec un manque d’efficacité au final. Il peut y avoir un épuisement des agents publics aussi à multiplier ces processus. Notre objectif est d’avoir une meilleure articulation pour éviter la multiplication des plans et favoriser la transversalité », indique  Hélène Garner.

France Stratégie plaide pour une instance rattachée au Premier ministre en charge d’assurer la coordination et la cohérence des politiques publiques en matière de planification.

« Du point de vue administratif, il faut créer un orchestrateur. Il peut s’agir d’une institution ou d’un réseau d’institutions rattachés au Premier ministre. L’orchestrateur doit être aussi là pour conseiller le gouvernement et pour s’assurer de la soutenabilité des textes et garantir la bonne coordination et exécution des feuilles de route ministérielles. Il doit pouvoir alimenter le débat avec de la prospective par exemple. L’idée n’est pas de constituer un mastodonte », explique Johanna Barasz.

Pendant longtemps, l’idée de développement a été associée à la croissance et au bien-être. L’expansion de l’économie française pendant les « 30 glorieuses » a permis des gains de productivité et le financement de l’État-Providence mis en œuvre au sortir de la Seconde guerre mondiale. Avec la multiplication des catastrophes climatiques partout sur la planète, la notion de croissance liée aux énergies fossiles est de plus en plus contestée par les économistes.

L’épuisement des ressources naturelles pourrait rapidement rendre la terre inhabitable.  « Cette alliance entre croissance économique et progrès social semble aujourd’hui avoir atteint ses limites », soulignent les auteurs du rapport. Ils plaident dans le document de synthèse pour s’engager sur la voie étroite d’un modèle d’une croissance verte et d’une plus grande sobriété.

Une dette publique soutenable ?

Une dette publique soutenable ?

Le nouvel outil de l’OFCE, Debtwatch, permet d’établir plusieurs scénarios qui tiennent compte d’une éventuelle remontée des taux d’intérêt. Par Xavier Timbeau, Sciences Po ; Elliot Aurissergues, Sciences Po et Éric Heyer, Sciences Po (dans la Tribune, extrait)

 

Le financement des mesures d’urgence face à la pandémie de la Covid-19 a conduit à élever le niveau de la dette publique en France à près de 120 % du PIB, soit près de 20 points de plus en un an. Cela effraie, mais il ne faut pas paniquer pour autant. Et pour ne pas paniquer, rien de tel qu’une approche raisonnée. C’est pourquoi nous proposons Debtwatch et une nouvelle approche de la soutenabilité de la dette.

La méthode est de simuler le plus grand nombre d’évolutions possibles de la dette publique, en jouant sur les hypothèses à la base de chaque simulation. Ces hypothèses peuvent s’appuyer sur des régularités du passé (la loi d’Okun, la courbe de Phillips, etc.) ou sur des a priori, fondés ou non. Elles peuvent quantifier des risques (plus ou moins de croissance) comme des engagements sur d’autres politiques (les politiques monétaires ou la croissance qui découlerait d’un plan d’innovation).

L’application Debtwatch est ainsi conçue pour faire fonctionner un modèle économique qui traduit ces hypothèses et utilise la puissance de calcul moderne pour mettre à la disposition de tous les moyens de raisonner sur les dettes publiques de 15 grands pays développés. Le but de tous ces calculs est de déterminer les efforts nécessaires pour atteindre une cible en un temps donné et de juger de l’acceptabilité des hausses d’impôt, des baisses de dépenses ou de l’évolution du chômage.

La modélisation, les simulations et les données historiques nous livrent aujourd’hui quelques enseignements :

D’abord, la dette publique est élevée dans beaucoup de pays, à des niveaux jamais atteints presque partout. Ce n’est pas une fatalité, puisque certains pays échappent à la dette, en particulier l’Allemagne. Mais si la dette est presque partout au plus haut, la charge d’intérêt est presque partout au plus bas. En France, il faut remonter à 1980 pour retrouver une charge d’intérêt aussi basse qu’aujourd’hui en % du PIB. En 1980, la dette publique était de 20 % du PIB ! Avant 1980, aussi loin que remontent les comptes nationaux publiés par la France (1949), la charge d’intérêt représentait en moyenne 1 point de PIB, pas très loin de l’étiage actuel.

La clef de ce mystère est la chute vertigineuse des taux d’intérêt amorcée avec le passage à l’euro, mais surtout conséquence de la baisse de l’inflation et du ralentissement progressif de la croissance économique depuis la fin du rattrapage économique de la France de l’après-guerre. Nous sommes passés d’une situation de croissance nominale forte (prix comme volume) à une période de croissance faible. Là où la dette coûtait cher mais restait soutenable en raison de la croissance, nous sommes maintenant dans une période de croissance faible, voire très faible, et donc de dette élevée mais dont la charge d’intérêt reste réduite.

On pourrait penser que c’est artificiel, et que les taux d’intérêt vont remonter, qu’ils sont très bas parce que la politique monétaire non conventionnelle de la Banque centrale européenne (BCE). Il y a du vrai, mais nous sommes aussi dans une période dans laquelle il existe peu d’actifs sûrs, la tentative de produire des actifs synthétiques appuyés sur les titres privés s’étant soldée par un échec aux proportions dantesques (la crise de 2008 peut d’ailleurs se résumer à ça) et le nombre de fournisseurs d’actifs sûrs publics se réduisant plutôt dans le monde.

L’euro, sa banque centrale, son droit supra-national, et la cohésion à peine forcée entre les États restent les piliers d’une stabilité que s’arrachent les fonds de pension de toute la planète. Ils doivent assurer le capital de leurs épargnants pour des périodes allant jusqu’à 40 ans ; et ils n’ont pas beaucoup de choix. En tout cas, leur besoin d’actifs – plusieurs fois le PIB mondial – laisse de la marge pour les passifs publics. Ainsi, les taux souverains sont bas et c’est un privilège exorbitant dont il ne faut pas se priver d’user.

Debtwatch nous permet de préciser tout cela : stabiliser la dette publique de la France au niveau actuel, en ramenant la part des dépenses publiques dans le PIB à ce qu’elles étaient en 2009, c’est-à-dire en effaçant toutes les traces du « quoiqu’il en coûte », tout en maintenant les taux souverains à un niveau très bas – prolongeant la situation de pénurie d’actifs sûrs – ne demande aucun ajustement particulier (c’est la simulation que vous pouvez reproduire et modifier en tapant « pgtgv » dans la barre de recherche de Debtwatch, un outil ouvert car le débat sur la dette publique doit être transparent et ouvert : le code de Debtwatch est donc librement accessible).

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C’est acceptable socialement et possible économiquement. Si les taux souverains venaient à augmenter et s’établissaient à 3,6 points par an (contre 0,2 % par an aujourd’hui), la charge d’intérêt remonterait au cours des prochaines 30 années lentement, du fait d’une maturité plutôt longue de la dette publique française, mais resterait plus faible que le poids des intérêts d’avant l’euro (simulation « kxyor » sur Debtwatch). Il faut de la défiance des marchés financiers, et donc une crise profonde en zone euro, pour construire des scénarios plus durs.

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Réduire la dette publique est en revanche très coûteux. Pour ramener la dette publique à la situation d’avant l’épidémie, il faudrait augmenter les impôts (ou réduire les dépenses) de plus de 3 points de PIB, un peu moins que la moitié de la TVA (« fsunl »).

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Certes, au bout de quelques années, on pourra les réduire à nouveau (l’arithmétique de la dette est désagréable) mais l’effort apparaît conséquent. Et la protection contre une hausse de taux est assez faible, puisque, l’économie d’intérêts en cas de hausse des taux souverains à 3,6 points ne serait que de 0,6 point de PIB. C’est aujourd’hui 15 milliards d’euros, soit la moitié de la dépense publique pour la culture et les cultes. Ce n’est pas rien, mais c’est ce qu’il faut mettre en regard du coût correspondant.

Enfin, notons qu’un retour à 60 % du PIB de dépense publique demanderait du sang et des larmes ( « eqiot »).

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Il nous prémunirait contre 1,8 point de PIB de charge d’intérêt en plus, soit un cinquième des sommes perçues au titre de l’impôt sur le revenu et la CSG. À vous de juger si cela en vaudrait la peine.

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(*) Par Xavier Timbeau, Économiste à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Sciences Po ; Elliot Aurissergues ; Chargé d’étude à l’OFCE, Sciences Po et Éric Heyer, Directeur à l’OFCE, Sciences Po.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Xavier Timbeau, Elliot Aurissergues et Éric Heyer

Climat : Quelle civilisation techniquement soutenable ?

Climat : Quelle civilisation techniquement soutenable ?

Dans l’industrie, sur la question du réchauffement climatique, le professeur d’économie Christian Le Bas démontre, dans une tribune au « Monde », qu’il est vain de vouloir opposer les low-tech aux high-tech, car il faut conjuguer les deux.

 

Christian Le Bas,Professeur d’économie à Esdes Institute of Sustainable Business and Organizations Lyon Business School et UR Confluence, Sciences & Humanités – Université catholique de Lyon

Tribune

Dans l’industrie, sur la question du réchauffement climatique, le professeur d’économie Christian Le Bas démontre, dans une tribune au « Monde », qu’il est vain de vouloir opposer les low-tech aux high-tech, car il faut conjuguer les deux.

Les travaux sur les types de technologies permettant d’affronter en particulier l’impérieuse question du réchauffement climatique et de créer les bases d’une (nouvelle) économie soutenable d’après-crise ont fait resurgir une polarisation des débats sur des positions extrêmes entre les partisans du tout low-tech et les tenants de toujours plus de high-tech. Dans son livre L’Age des low tech (Seuil 2014), Philippe Bihouix défend l’idée d’une civilisation techniquement soutenable.

La thèse centrale est que les solutions à la crise environnementale et sociale ne doivent pas être recherchées « dans toujours plus d’innovations, de hautes technologies, de métiers à valeur ajoutée, de numérique… » On doit « au contraire nous orienter, au plus vite et à marche forcée, vers une société essentiellement basée sur des basses technologies, nettement plus économes en ressources et maîtrisables localement ».

 

L’économie circulaire n’aurait pas plus de valeur écologique aux yeux de l’auteur. Le livre se caractérise également par une forte critique de l’innovation. Or, les secteurs de basses technologies peuvent être extrêmement innovants, contrairement à ce que le livre laisse supposer. Et toute innovation n’est pas (loin de là) high-tech !

Une autre attitude extrême est celle qui consiste à refuser, en quelque sorte par principe, les solutions low-tech. Un bon exemple de ce point de vue a été récemment fourni par Les Sept Ecologies, de Luc Ferry (L’Observatoire. 2021). L’auteur parle du « retour au low-tech », du « retour au terroir et au low-tech » , « du retour en arrière aux low-tech ». Celles-ci sont irrémédiablement associées au passé, or, rien n’est plus faux. Les low-tech nous sont contemporaines.

Des secteurs industriels entiers sont low-tech tels que le textile et l’habillement, et l’agroalimentaire. Luc Ferry voit dans les technologies low-tech des secteurs peu innovants alors que l’innovation technologique y est présente et rapide. Elle est ainsi associée à la production pour de nouveaux marchés, à l’amélioration de la qualité des biens, à l’adaptation aux nouveaux goûts.

Un endettement public soutenable pendant longtemps ?

 

 

L’économiste, Olivier Blanchard  , qui travaille avec Jean Tirole à un rapport destiné à Emmanuel Macron sur l’économie de l’après-Covid, décrit le nouveau paradigme budgétaire qui bénéficie aux Etats grâce aux faibles taux d’intérêt.  D’une certaine manière l’économie rejoint le discours ambiant de nombre de ses confrères qui ne veulent surtout pas ouvrir la moindre porte à une hypothèse déstabilisatrice du système financier.

Du coup le discours est simple et simpliste tout autant. Pour eux, l’endettement public est soutenable. Par qui et comment, là-dessus il y a peu d’hypothèses car il est clair qu’on peut reporter sur les générations futures le prix des excès financiers d’aujourd’hui. Par exemple, on développe des emprunts sur 50 ans, pourquoi pas aussi sur 100 ans et pourquoi pas enfin la dette perpétuelle soutenue par des ultralibéraux ou le sulfureux financiers Soro. Lesquels oublient de dire évidemment qu’à ce moment-là la souveraineté monétaire serait complètement dans les mains des banquiers et la souveraineté tout court. Le second problème est celui de la durée possible de cet endettement exceptionnel dû en grande partie au Coronavirus.

 Là aussi on reprend le discours ambiant : tant que cela sera nécessaire. Une vérité de Lapalisse car on ne peut pas laisser tomber tout le système socio économique. Reste qu’on ne peut porter à bout de bras un système sans ressources suffisantes pendant des années et des années. Nécessairement un ajustement interviendra via la hausse de certains actifs, l’explosion même de bulles financières et plus généralement via l’inflation qui opérera mécaniquement une hausse des taux d’intérêt et une dévaluation. De ce point de vue les réponses à cette problématique par l’ancien économiste en chef du FMI permettent de rester dubitatif.

Jean Arthuis, le président de la Commission d’experts sur les finances publiques, a mis en avant l’idée que la France vivrait depuis 1974 au-dessus de ses moyens comme point de départ de ses réflexions. Est-ce que cela vous paraît répondre aux enjeux actuels ?

C’est en tout cas un constat juste . Si l’on regarde la situation de l’endettement de la France, il y a une tendance lourde à l’augmentation et en soi cela n’a rien de désirable. Trois raisons conceptuelles peuvent justifier des déficits. D’abord quand l’économie se porte mal et qu’il faut relancer la demande. Deuxième raison, quand un choc imprévu intervient, comme aujourd’hui avec le Covid, ce qui justifie parfaitement les dépenses actuelles . Enfin, troisième possibilité, si l’on fait des investissements destinés à améliorer notre futur, ce qu’on peut relier au débat actuel sur la lutte contre le réchauffement climatique.




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