Les taxes Trump sont mauvaises pour l’économie française
Quel sera l’impact de la salve douanière de Donald Trump sur l’économie française ? Cyprien Batut, économiste à l’Institut de l’Avant-garde et ex-conseiller à la Direction générale du Trésor,assure qu’il y en aura dans La Tribune.
LA TRIBUNE. La France doit-elle craindre une récession économique à cause des droits de douane de Trump ?
CYPRIEN BATUT. Difficile de répondre à cette question directement par « oui » ou par « non ». À court terme, les droits de douane sont destructeurs. Ils créent beaucoup d’incertitudes pour les acteurs économiques du pays, qui réduisent, en quelque sorte, leurs estimations du futur. Par exemple, si je suis une entreprise exportatrice, je vais attendre que les choses se calment. Donc, potentiellement, je vais dire à tous mes clients que j’attends avant d’acheter. Ou que je dois changer de fournisseur car les produits américains sont devenus trop chers.
Dans un deuxième temps, d’autres conséquences peuvent s’enchaîner pour les entreprises. Cela peut créer un problème de trésorerie, puis potentiellement un gel des salaires, des embauches, voire des licenciements. Enfin, dans un troisième temps, le pouvoir d’achat des consommateurs peut être impacté, et in fine, la consommation globale et la croissance du pays. Sur le long terme, les choses sont plus incertaines. Les droits de douane seuls ne peuvent pas entraîner une récession, cela ne s’est jamais vu. Il faut donc observer les effets à court terme, et voir si ceux-ci se pérennisent.
Est-ce que la salve des taxes douanières américaines peut impacter l’inflation ?
Encore une fois, il faudra attendre pour mesurer l’effet. Il y a plusieurs scénarios possibles. Si en réponse aux droits de douane américains, l’Union européenne prend des mesures de rétorsions fortes et diversifiés sur de nombreuses marchandises, on peut s’attendre à une accélération de l’inflation. Mais celle-ci restera modérée, car l’UE exporte beaucoup plus qu’elle importe de biens des États-Unis. Si ce scénario se produit, a minima, nous le verrons se matérialiser dans six mois. Mais, en général, on voit plutôt cet effet à horizon de trois ou quatre ans.
Autre scénario possible, étant donné que les droits de douane américains sur la Chine sont importants : le géant asiatique va peut-être rediriger ses flux de marchandises vers l’Europe, son deuxième marché d’exportation derrière les États-Unis. Si c’est le cas, cela pourrait faire baisser les prix du Vieux Continent, et donc en France. Car la Chine va vouloir écouler ses stocks de biens manufacturés. Une autre option, moins probable, est que l’UE se retrouve en récession. Un scénario qui fera également baisser les prix.
Enfin, dernière possibilité : que la Chine redirige ses flux vers sa consommation intérieure. Ce qui est peu probable, car elle n’a jamais fait ce choix dans le cadre de sa guerre commerciale avec les États-Unis. Dans ce cas, l’impact sur l’inflation dans l’Union européenne, donc en France, sera très très modéré.
Samedi dernier, le Premier ministre François Bayrou a estimé que la politique de Trump pourrait coûter 0,5 point de PIB à la France. Qu’en pensez-vous ?
Oui, c’est une prévision plausible, mais encore une fois, si cela arrive, ce sera plutôt à long terme, d’ici cinq ans environ. Ceci étant dit, la politique commerciale de Trump pourrait coûter à la France un dixième de points de croissance.
Cet effet pourrait pénaliser nos dirigeants, afin notamment de rester dans le cadre budgétaire fixé par Bruxelles. Notamment pour respecter la règle consistant à ne pas avoir un déficit public au-delà de 3 % PIB [la France est 5,8 % en 2024, NDLR]. Avec un taux de croissance moindre, la France devra sûrement renégocier un délai avec la Commission.
Justement, au vu de sa situation budgétaire compliquée, la France est-elle plus fragile face à Trump ?
La France n’a pas un modèle économique fondé sur l’export. C’est un problème pour son déficit commercial, mais dans cette séquence, cela la protège mieux. Et ce, comparativement à l’Allemagne par exemple, très puissante dans les exportations.
Européennes : comment les votes sont influencés
Européennes : comment les votes sont influencés
À l’approche des élections européennes de 2024, il apparaît que les enjeux géopolitiques mondiaux ainsi que les sondages pré-électoraux influencent significativement les orientations politiques des partis et les décisions des électeurs. Cette tribune explore comment les crises internationales, les sondages et les stratégies réactives des partis politiques s’entremêlent, avec un accent particulier sur les risques de renforcement des partis extrêmes par les stratégies actuellement menées, tout en soulignant comment ces facteurs convergent pour redéfinir le paysage politique de l’Union européenne. Par Véronique Chabourine, membre du bureau de l’association Renew Europe France Paris, déléguée chargée de la communication dans La Tribune.
En 2024, décrite par l’agrégateur de sondage Europe Elects comme « l’année des élections », la moitié de la population mondiale vit dans des pays ayant voté ou devant voter.
Cependant, le récent rapport d’indice des démocraties, V-Dem, révèle que 56% de cette population est sous le joug d’autocraties électorales ou fermées, une hausse de 8% depuis 10 ans, soulignant un déclin démocratique notable puisque seulement 16% de la population mondiale bénéficient d’une démocratie électorale, niveau le plus bas depuis 1998.
D’après l’indice de démocratie 2023 de l’Economist Intelligence Unit, 15 États membres de l’Union européenne sont classés en « pleine démocratie », les autres, dont la France, se trouvent en « démocratie imparfaite ». Selon ce classement, être en « démocratie imparfaite » est souvent le signe d’une défiance politique, et d’un niveau de participation électorale faible malgré une gouvernance électorale libre. Dans le contexte actuel, marqué par des crises, économiques post-pandémiques, environnementales et géopolitiques, les électeurs se tournent de plus en plus vers des solutions radicales.
L’incertitude économique, les défis climatiques et les tensions internationales alimentent les discours populistes, comme celui de Donald Trump, qui en prévision de l’élection présidentielle américaine utilisent des rhétoriques de protectionnisme économique, anti-immigration, anti-avortement et anti-OTAN pour polariser. De même en Europe, ces mêmes crises alimentent la montée des partis d’extrême droite, qui capitalisent sur une défiance croissante envers les institutions, sur les diverses crises avec une sensibilité accrue aux questions de souveraineté et d’identité nationale, le dernier sondage du laboratoire d’opinion Cluster17 montre que pour 26% des Français, c’est la sécurité suivie de l’immigration pour 15% (choix unique) qui motive leur vote le 9 juin.
En troisième position, 10% se déplaceront aux urnes pour le pouvoir d’achat. Depuis le début du mois de mai, plus de 83 études d’opinion en France ont été recensées par l’agrégateur de sondage Toute l’Europe permettant de dessiner les intentions de vote du 9 juin, et plaçant le Rassemblement national avec Jordan Bardella en tête des sondages, avec plus de 30%, soit un score deux fois plus important que celui de la liste Besoin d’Europe menée par Valérie Hayer.
Tous les sondages s’accordent à publier les mêmes tendances, dessinant ainsi la popularité d’un candidat par l’effet bandwagon, processus par lequel un candidat en tête des sondages devient plus populaire et augmente ses chances d’obtenir des voix ; les sondages peuvent influencer les électeurs ; les médias tendent à se concentrer sur les candidats qui mènent dans les sondages, ce qui peut également influencer l’opinion publique. Une étude publiée dans la revue PLOS ONE révèle que l’exposition répétée aux noms de politiciens a un effet mesurable sur les préférences des individus.
La couverture médiatique qu’elle soit neutre, positive ou négative peut rendre les candidats plus familiers. Si les sondages participent à influencer les électeurs, ils participent également à façonner les programmes de campagne des partis. Ainsi les partis incluent davantage dans leurs projets européens, la défense, la sécurité et l’immigration, qui sont traditionnellement les axes de campagne des partis d’extrême droite, c’est le cas de la liste Besoin d’Europe avec pour « premier combat » : la défense et la diplomatie, la sécurité intérieure et la maîtrise des frontières, la liste Place Publique, elle, oriente sa première ligne de programme sur la défense européenne. Au-delà des programmes politiques et des conditions contextuelles, les qualités personnelles des candidats, leur résonance sociologique et leur visibilité sur les réseaux sociaux ont un impact direct sur les résultats électoraux.
Selon des recherches publiées par le Multidisciplinary Digital Publishing Institute (MDPI), les traits de caractère et la communication personnelle des candidats influencent fortement le choix des électeurs, qui recherchent une résonance personnelle avec les candidats. Cette dynamique peut apporter des éléments de réponse au leader dans les sondages, Jordan Bardella, malgré un relativement maigre bilan de son parti au parlement européen.
Les stratégies des deux partis donnés en tête des sondages, après le Rassemblement national respectivement, Besoin d’Europe (incluant Renaissance) et Place Publique peuvent risquer en cherchant à apaiser les thèmes traditionnels de l’extrême droite, comme la sécurité intérieure, la défense ou l’immigration renforcer ces mêmes partis. De même qu’en mettant l’accent sur les crises ou l’opinion publique est plus encline à soutenir l’extrême droite.
Lors des élections européennes, les électeurs ont tendance à privilégier les enjeux nationaux plutôt que les questions spécifiquement européennes, ainsi les questions économiques et sociales nationales devraient dominer l’agenda électoral même lors d’un scrutin européen.