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Soixante ans de l’indépendance de l’Algérie : Un gâchis au regard du potentiel du pays

Soixante ans de l’indépendance de l’Algérie : Un gâchis  au regard du potentiel du pays 

Le juriste Massensen Cherbi estime dans le Monde que l’amélioration économique du pays est significative depuis l’indépendance, le 5 juillet 1962, mais que le maintien de la primauté des militaires dans le système demeure une source de frustration pour la population.

 

Spécialiste de l’évolution constitutionnelle de l’Algérie, Massensen Cherbi est docteur en droit, diplômé de l’université Paris-Panthéon-Assas. Il est attaché temporaire d’enseignement et de recherche en droit public à Sciences Po Grenoble.

Soixante ans après l’indépendance de l’Algérie, quel bilan en faites-vous ?

Je vais commencer par une anecdote. Un jour, j’ai posé la question du bilan de l’indépendance à un Algérien à la retraite qui avait exercé la profession d’ingénieur et devait avoir autour de 18 ans en 1962. Il m’a répondu : « Quand j’étais jeune, on s’éclairait à la bouse de vache. » Aujourd’hui, il vit dans une belle villa sur les hauteurs d’Annaba, dans l’Est algérien. Il est incontestable que, sur le plan de l’économie ou de l’éducation, l’Algérie a enregistré des avancées en comparaison avec l’époque coloniale. Il y avait environ 15 % d’Algériens scolarisés à l’école de la République en 1954. Ils le sont pratiquement tous aujourd’hui.

On entend parfois, chez des nostalgiques de l’Algérie française, dire que la France avait construit une quinzaine de barrages en cent trente-deux ans de colonisation. Soixante ans après l’indépendance, l’Algérie en possède près de quatre-vingts. Ce qui n’a pas empêché les frustrations et le sentiment de « mal-vie ».

D’un côté, la rente pétrolière, qui a permis d’acheter la paix sociale, a contrarié la diversification de l’économie et a approfondi la dépendance aux hydrocarbures. D’un autre côté, l’enrichissement relatif n’a pas comblé des aspirations à l’épanouissement. Il y a même l’impression d’un grand gâchis au regard du potentiel dont le pays disposait et dispose toujours et qui aurait dû lui permettre d’aller vers l’avant.

La prééminence des militaires dans le système politique a été fortement contestée durant le Hirak, en 2019. Quelle est la réalité de cette emprise ?

Cette question s’est posée dès la guerre d’indépendance. Le congrès du Front de libération nationale (FLN) de la Soummam, en 1956, avait posé le principe de la primauté du politique sur le militaire. Néanmoins, son instigateur, Abane Ramdane, a été assassiné en 1957.

Les trois colonels, Krim Belkacem, Abdelhafid Boussouf et Lakhdar Bentobal ont alors pris le dessus au sein du FLN. Ils ont ensuite été eux-mêmes écartés par un autre colonel, Houari Boumédiène, qui a pris le pouvoir, durant l’été 1962, contre les wilayas [collectivités territoriales] de l’intérieur et le gouvernement provisoire de la République algérienne, par la force dont il disposait grâce à l’armée des frontières.




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