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Guérisseurs et Médecine : les conseils d’un sociologue curé de campagne

Guérisseurs et Médecine : les conseils d’un sociologue curé de campagne

Jean Viard sociologue très médiatisé s’exprime à peu près sur tous les sujets y compris sur ceux dont il ne connaît pas grand-chose. C’est le cas sans doute de la médecine où il affirme tout et son contraire et tient surtout des propos de bistrot pour plaire à tout le monde. Pour le médecin de la société qu’est le sociologue , l’essentiel est sans doute dans les mots et le bavardage approximatif et inutile. Magnétiseurs, acupuncteurs, homéopathes : les Français se tournent de plus en plus vers les soins dits non conventionnels. L’Assurance maladie de Seine-et-Marne a été au cœur d’un imbroglio cette semaine, pointée du doigt pour avoir mis en place des remboursements de séances, et elle a dû faire machine arrière. Ça a mis les médecins en colère. Selon les sondages, un Français sur deux estime que cette médecine est aussi efficace que la médecine traditionnelle. Un autre sondage pourrait peut-être démontrer que beaucoup de sociologues sont des sortes de nouveaux curés de campagne. Soutane en moins car ils sont plutôt « sans-culottes ». De « gôche » forcèment !

franceinfo : Ça vient d’où ce besoin d’aller chercher des réponses ailleurs que dans la science ?

Jean Viard : La science n’est pas tout. L’âme a toujours été un vrai sujet, en tout cas pour les croyants, pendant des siècles et des siècles. Il y avait la médecine qui vous faisait les saignées, celles qu’on voit au théâtre, et puis il y avait les sorcières. Il y avait les confesseurs, des gens avec qui on parlait régulièrement toutes les semaines, à qui on racontait ses problèmes, ils vous donnaient des conseils. On pourrait dire les psychanalystes aussi, d’une certaine façon, c’est-à-dire, au fond, on a toujours besoin d’un récit d’empathie, et puis d’une compétence technique si on peut dire.

Et la médecine, pour s’affirmer, s’est extrêmement technicisée, avec des résultats absolument extraordinaires, qui font que la vie s’est allongée de 25 ans depuis la guerre, et en même temps elle s’est un peu éloignée du corps du patient, si on peut dire. Donc il y avait un espace. Et puis, on est dans un monde où on recherche la nature, dans un monde où on a envie d’être écouté, dans un monde où on fait beaucoup plus attention à son corps parce que notre corps est moins un objet de travail – notre cerveau énormément – mais notre corps est un objet de rencontre, de séduction. Alors on fait du sport, etc. Et puis un monde où on va lentement, on marche, on fait du yoga, donc on a toute une réflexion sur la lenteur.

Alors, si vous regardez la géographie de ces médecines dites « parallèles », qui ne sont pas des médecines en réalité, qui sont des soins, il faudrait dire pour ne pas faire concurrence aux médecins, c’est beaucoup l’ancien espace du cœur de post 68, c’est-à-dire, la France de la Haute-Provence, du Haut-Var jusqu’aux Cévennes. Quand vous regardez toutes les villes comme Forcalquier, tout ça, vous avez un taux de professionnels de soins parallèles, qui est considérable.

Donc il y a aussi une histoire en France, de gens qui, après 68, se sont opposés à l’Etat, à la ville, à la technologie, ils sont allés vivre autre chose, y compris ce nouveau rapport au corps et aux soins. Je crois qu’il y a tout ça en même temps. Et donc, je ne dirai pas que c’est une médecine concurrentielle. Quand les gens sont bons, ils vous envoient chez le médecin, plus technique quand il y en a besoin, quand il vous dit non, moi je vous sauve du cancer avec mon traitement, là ça devient inquiétant… Donc il y a les deux, mais je crois qu’on a besoin d’être écoutés, on a besoin de pouvoir parler.

Et c’est vrai que depuis le Covid, aussi on voit une méfiance vis-à-vis du discours scientifique, vis-à-vis des vaccins, tout ça s’est amplifié aussi ?

Oui, et en France, de manière dramatique. Quand on voit les vaccins notamment sur les jeunes filles notamment pour les problèmes de cancers etc, c’est terrible, parce qu’il n’y en a pas beaucoup des vaccins, mais il y a des pays d’Europe où tout le monde est vacciné. Donc il y a l’effet de ces discours sur la société, qui est préoccupant, qui est pris d’autant plus préoccupant dans le pays de Pasteur, le pays où on a été tellement en avance, on reste d’ailleurs un très grand pays d’invention, donc c’est préoccupant.

Je suis prudent dans mon propos parce que moi je pense que ce sont des enrichissements de la vie, comme les ostéopathes, comme tous les gens qui travaillent sur l’énergie, etc. Je pense que ça aide à vivre. Je pense qu’on vit mieux je pense, mais effectivement c’est du soin au sens large, mais il ne faut pas l’opposer à la médecine de fond. Mais c’est vrai qu’il y a les deux.

Et vous l’avez dit, il faut savoir rester méfiant, parce que certaines personnes peuvent être un peu embrigadées, certaines même meurent parce qu’elles arrêtent leur traitement. C’est pour ça que les députés ont adopté une loi contre les dérives sectaires. Il y a eu un rôle joué aussi par Internet là-dedans ?

Oui mais, qu’il y ait un risque sectaire, des volontés d’embrigadement, des instrumentalisations, y compris parfois avec des affaires qui touchent à la sexualité, oui, bien sûr, et il faut être extrêmement attentif.

Mais je crois qu’il faut faire attention, le monde médical se défend un peu parce qu’il a un peu l’impression qu’on lui « mord sa laine », si je puis dire. Je crois qu’il faut essayer de se dire qu’on a besoin des deux pour faire humanité, et elles sont complémentaires. Il y a beaucoup de médecins qui le pensent en réalité.

Un conseil aux sociologues conseilleurs : arrêter de fumer la moquette… ou autre chose NDLR

Médecine : les conseils d’un sociologue curé de campagne

Médecine : les conseils d’un sociologue curé de campagne

Jean Viard sociologue très médiatisé s’exprime à peu près sur tous les sujets y compris sur ceux dont il ne connaît pas grand-chose. C’est le cas sans doute de la médecine où il affirme tout et son contraire et tient surtout des propos de bistrot pour plaire à tout le monde. Pour le médecin de la société qu’est le sociologue , l’essentiel est sans doute dans les mots et le bavardage approximatif et inutile. Magnétiseurs, acupuncteurs, homéopathes : les Français se tournent de plus en plus vers les soins dits non conventionnels. L’Assurance maladie de Seine-et-Marne a été au cœur d’un imbroglio cette semaine, pointée du doigt pour avoir mis en place des remboursements de séances, et elle a dû faire machine arrière. Ça a mis les médecins en colère. Selon les sondages, un Français sur deux estime que cette médecine est aussi efficace que la médecine traditionnelle.

franceinfo : Ça vient d’où ce besoin d’aller chercher des réponses ailleurs que dans la science ?

Jean Viard : La science n’est pas tout. L’âme a toujours été un vrai sujet, en tout cas pour les croyants, pendant des siècles et des siècles. Il y avait la médecine qui vous faisait les saignées, celles qu’on voit au théâtre, et puis il y avait les sorcières. Il y avait les confesseurs, des gens avec qui on parlait régulièrement toutes les semaines, à qui on racontait ses problèmes, ils vous donnaient des conseils. On pourrait dire les psychanalystes aussi, d’une certaine façon, c’est-à-dire, au fond, on a toujours besoin d’un récit d’empathie, et puis d’une compétence technique si on peut dire.

Et la médecine, pour s’affirmer, s’est extrêmement technicisée, avec des résultats absolument extraordinaires, qui font que la vie s’est allongée de 25 ans depuis la guerre, et en même temps elle s’est un peu éloignée du corps du patient, si on peut dire. Donc il y avait un espace. Et puis, on est dans un monde où on recherche la nature, dans un monde où on a envie d’être écouté, dans un monde où on fait beaucoup plus attention à son corps parce que notre corps est moins un objet de travail – notre cerveau énormément – mais notre corps est un objet de rencontre, de séduction. Alors on fait du sport, etc. Et puis un monde où on va lentement, on marche, on fait du yoga, donc on a toute une réflexion sur la lenteur.

Alors, si vous regardez la géographie de ces médecines dites « parallèles », qui ne sont pas des médecines en réalité, qui sont des soins, il faudrait dire pour ne pas faire concurrence aux médecins, c’est beaucoup l’ancien espace du cœur de post 68, c’est-à-dire, la France de la Haute-Provence, du Haut-Var jusqu’aux Cévennes. Quand vous regardez toutes les villes comme Forcalquier, tout ça, vous avez un taux de professionnels de soins parallèles, qui est considérable.

Donc il y a aussi une histoire en France, de gens qui, après 68, se sont opposés à l’Etat, à la ville, à la technologie, ils sont allés vivre autre chose, y compris ce nouveau rapport au corps et aux soins. Je crois qu’il y a tout ça en même temps. Et donc, je ne dirai pas que c’est une médecine concurrentielle. Quand les gens sont bons, ils vous envoient chez le médecin, plus technique quand il y en a besoin, quand il vous dit non, moi je vous sauve du cancer avec mon traitement, là ça devient inquiétant… Donc il y a les deux, mais je crois qu’on a besoin d’être écoutés, on a besoin de pouvoir parler.

Et c’est vrai que depuis le Covid, aussi on voit une méfiance vis-à-vis du discours scientifique, vis-à-vis des vaccins, tout ça s’est amplifié aussi ?

Oui, et en France, de manière dramatique. Quand on voit les vaccins notamment sur les jeunes filles notamment pour les problèmes de cancers etc, c’est terrible, parce qu’il n’y en a pas beaucoup des vaccins, mais il y a des pays d’Europe où tout le monde est vacciné. Donc il y a l’effet de ces discours sur la société, qui est préoccupant, qui est pris d’autant plus préoccupant dans le pays de Pasteur, le pays où on a été tellement en avance, on reste d’ailleurs un très grand pays d’invention, donc c’est préoccupant.

Je suis prudent dans mon propos parce que moi je pense que ce sont des enrichissements de la vie, comme les ostéopathes, comme tous les gens qui travaillent sur l’énergie, etc. Je pense que ça aide à vivre. Je pense qu’on vit mieux je pense, mais effectivement c’est du soin au sens large, mais il ne faut pas l’opposer à la médecine de fond. Mais c’est vrai qu’il y a les deux.

Et vous l’avez dit, il faut savoir rester méfiant, parce que certaines personnes peuvent être un peu embrigadées, certaines même meurent parce qu’elles arrêtent leur traitement. C’est pour ça que les députés ont adopté une loi contre les dérives sectaires. Il y a eu un rôle joué aussi par Internet là-dedans ?

Oui mais, qu’il y ait un risque sectaire, des volontés d’embrigadement, des instrumentalisations, y compris parfois avec des affaires qui touchent à la sexualité, oui, bien sûr, et il faut être extrêmement attentif.

Mais je crois qu’il faut faire attention, le monde médical se défend un peu parce qu’il a un peu l’impression qu’on lui « mord sa laine », si je puis dire. Je crois qu’il faut essayer de se dire qu’on a besoin des deux pour faire humanité, et elles sont complémentaires. Il y a beaucoup de médecins qui le pensent en réalité.

Covid : la dérive d’un sociologue

Covid : la dérive d’un sociologue

 

Le billet de blog du sociologue Laurent Mucchielli, publié sur Mediapart le 30 juillet – et depuis retiré –, tendant à mettre en doute l’innocuité des vaccins anti-Covid, relève d’une « erreur d’interprétation inadmissible » et « d’arrière-pensées idéologiques » , estiment, dans une tribune pour « Le Monde », huit sociologues, qui appellent le CNRS à une « réaction plus ferme ». (Le Monde, extraits)

Tribune

Un article mis en ligne le 4 août sur le site AFP Factuel révèle que Laurent Mucchielli, sociologue au CNRS, a récemment publié, sur son blog de Mediapart [sur Le Club, espace de libre contribution des abonnés distinct du site d’information], un article affirmant que la vaccination contre le Covid-19 serait potentiellement « responsable de près de 1 000 morts » en France. Le billet a été retiré du site le 4 août, car, explique clairement la rédaction de Mediapart, il « contrevenait à notre charte de participation qui prohibe la diffusion de fausses nouvelles ». Cette mise au point n’a pas empêché les soutiens de Laurent Mucchielli de considérer cette décision comme une censure.

Mais a-t-on affaire à de la censure lorsqu’il s’agit de disqualifier un article se présentant comme scientifique alors qu’il relève, au mieux, d’une erreur d’interprétation inadmissible et, au pire, d’une falsification de données ?

 

En effet, la soi-disant démonstration, appuyée sur une série de tableaux statistiques, confond les décès intervenus durant une période consécutive à une vaccination avec ceux causés par la vaccination – une causalité qui, bien sûr, n’a été nullement avérée, et dont la probabilité est infinitésimale. C’est là un exemple de la confusion classique entre concomitance et causalité. Une faute de raisonnement qui ferait sourire de la part d’étudiants en première année mais qui, commise par un chercheur au CNRS, constitue une démonstration d’incompétence professionnelle.

Mais s’agit-il seulement d’incompétence ? On peut en douter au vu de la multiplication de publications complotistes commises par ce même sociologue depuis le début de la crise épidémique, et que recense avec précision le site Conspiracy Watch – L’observatoire du conspirationnisme, dans un article du 6 août.

Tout indique que le tour de passe-passe tendant à mettre en doute l’innocuité des vaccins, en comptant sur la naïveté ou l’ignorance des lecteurs, relève d’arrière-pensées idéologiques et non pas seulement d’une erreur ponctuelle. Par ailleurs, Laurent Mucchielli s’exprime, sur ce blog, en revendiquant son titre de directeur de recherche au CNRS, et un lien sur la page d’accueil de son laboratoire (Le Lames, UMR CNRS) renvoie à l’ensemble de cette douteuse production.

Pour toutes ces raisons, on ne peut se contenter d’y voir une simple « prise de position », comme l’a fait le service de communication du CNRS dans un tweet du 4 août déclarant que « le CNRS ne peut aucunement être associé à cette prise de position » car l’auteur s’y exprimerait « à titre personnel ».

Sociologue : une exigence d’éthique

 Sociologue : une exigence d’éthique

Publié en 1968, « Le Métier de sociologue », de Pierre Bourdieu, Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron, vient d’être réédité. Un ouvrage toujours essentiel aujourd’hui, à l’heure où les sciences sociales sont particulièrement attaquées, explique Anne Bory, dans sa chronique au « Monde ».

Chronique

La dernière réédition de l’ouvrage Le Métier de sociologue, de Pierre Bourdieu, Jean-Claude Chamboredon et Jean-Claude Passeron tombe à point nommé, à un moment où la sociologie connaît autant de mésusages que d’attaques. Publié pour la première fois en 1968, réédité plusieurs fois et devenu difficile à trouver, cet ouvrage s’inscrit dans la filiation des Règles de la méthode sociologique, d’Emile Durkheim (1895) : il s’agit alors pour les trois auteurs de proposer une épistémologie consolidée, à une époque marquée par la naissance des premiers cursus universitaires de sociologie et un certain succès éditorial et médiatique de la discipline, comme le rappelle Paul Pasquali, chercheur au CNRS, dans une longue préface éclairante.

 

La sociologie est-elle une science comme les autres ? La question pourrait surprendre. Elle est pourtant régulièrement posée, souvent sous des formes remettant plus drastiquement encore en doute sa scientificité. En effet, les frontières parfois floues entre discours savant et « sens commun » incitent les moins prudents à confondre les deux. Cette « sociologie spontanée » est précisément l’une des cibles de cet ouvrage devenu un classique des sciences sociales. 

Bourdieu, Chamboredon et Passeron tracent un sillon caractérisé par une pratique de l’enquête à la fois vigilante sur elle-même et étroitement imbriquée à la théorie : il s’agit de ne tomber ni dans l’essayisme, ni dans la théorie pure, ni dans une forme de naïveté empirique où les faits parleraient d’eux-mêmes. Par là, ils mettent en garde les sociologues contre eux et elles-mêmes.

Faire œuvre de sociologue consiste d’abord à ne pas céder un pouce de terrain à une série de croyances persistantes – par exemple, l’existence d’une irréductible liberté du sujet, notion qui ne résiste pas à la prise en compte des contextes historiques, sociaux et économiques au sein desquels évoluent les individus.

Au-delà d’une nécessaire rupture avec les idées reçues, la pratique de la sociologie implique également de ne pas se penser, en tant que scientifique, hors du monde social : le choix des objets d’étude, des méthodes, des théories est le produit de trajectoires et positions sociales particulières, qui doivent faire l’objet d’un travail réflexif. Enfin, comme ils l’écrivent, « si, comme dit Bachelard, “tout chimiste doit combattre en lui l’alchimiste”, tout sociologue doit combattre en lui-même le prophète social que son public lui demande d’incarner ».

«Les chaînes d’info en continu : la caricature de l’information» (Gérald Bronner, sociologue)

«Les chaînes d’info en continu :  la caricature de l’information» (Gérald Bronner, sociologue)

 

Le sociologue Gérald Bronner dénonce dans l’OPINION  la médiocrité des chaines d’information continue qui notamment  transforme en expert n’importe quel intervenant et se caractérise par une recherche du sensationnalisme et des informations approximatives.

 

Lorsque LCI et franceinfo sont passées sur la TNT gratuite, certains y voyaient un point positif pour le pluralisme de l’information. Au vu des derniers mois, doit-on toujours partager ce sentiment ?

Il n’est pas déraisonnable de dire que la concurrence sur le marché de l’information est une sorte de garantie minimum pour la véracité de celle-ci. Songez à une situation où il y aurait un monopole de sa diffusion, souvenez-vous de la Pravda, qui veut dire « la vérité » mais qui portait bien mal son nom. Dans tout système totalitaire, où il n’existe pas de concurrence de traitement de l’information, sa fiabilité peut être questionnée. A l’époque, il pouvait donc y avoir un espoir raisonnable, mais pas tant parce que les médias sont plus vertueux lorsqu’ils sont en situation de concurrence mais plutôt parce que chacun est contrôlé par les autres. Si vous faites une erreur, vous serez dénoncé par vos concurrents, cela induit du sérieux. Cependant, cette concurrence est un élément favorable jusqu’à un certain niveau de pression concurrentielle. Sur le marché de l’information, lorsque celle-ci devient trop forte, elle réduit, par exemple, le temps de vérification. Prendre le risque qu’un de vos concurrents parle de quelque chose sans que vous en parliez vous-même, c’est prendre le risque de perdre des parts de marché, c’est-à-dire des parts d’attention et donc du capital économique. La tentation devient ainsi très forte de réduire le temps de qualification de l’information d’autant plus que les télévisions sont désormais en concurrence directe avec les réseaux sociaux.

Observez-vous une « twitterisation » des chaînes d’information en continu ?

Je ne sais pas si Twitter est le bon modèle car il a des caractéristiques qu’on ne retrouve pas dans les chaînes d’information continue mais celles-ci ont deux caractéristiques. La première, c’est l’immédiateté, c’est là que se situe leur plus-value, dans leur capacité à informer en temps réel. La seconde, c’est la vacuité. Elles se répètent beaucoup et font du moindre évènement un objet d’actualité. Elles filment une piste en attendant l’arrivée d’un avion, puis son atterrissage, puis la porte qui s’ouvre, etc. Nous avons tous assisté à ces scènes et nous savons tous que ces chaînes d’information en continu ne doivent pas être regardées en continu. Le problème, ce n’est pas seulement la rapidité de diffusion de l’information mais également comment celle-ci est éditorialisée car, comme les réseaux sociaux, elles vont mettre en avant des éléments d’actualité qui frappent l’imagination et retiennent l’attention pour des raisons concurrentielles. Tous les objets cognitifs qui retiendront notre attention facilement auront une place éditoriale très largement supérieure à leur représentativité. C’est le cas par exemple concernant les violences dans les manifestations. Oui, bien sûr, ces faits doivent être traités mais faut-il en faire un exposé qui prend 50 % du temps d’antenne ? Une poubelle en feu, c’est dommage, mais cela mérite-t-il qu’on y revienne toutes les deux minutes pendant des heures ? Cela change le barycentre du traitement de l’information et donc la représentation que nous en avons. Or nous comptons sur les médias pour avoir une organisation raisonnable du monde.

 

Pensez-vous qu’un traitement « raisonnable » de l’information soit possible sur ces chaînes ?

C’est extrêmement difficile parce que comment savoir sur le moment ce qui va vraiment être important ​? Cela me rappelle les réflexions de Raymond Aron sur la question de l’histoire du temps présent alors que souvent, c’est lorsque l’histoire se déploiera que se fera l’élément historique. Le putsch de la brasserie de Munich est devenu un événement historique parce qu’Hitler a pris le pouvoir en Allemagne sinon, cela n’aurait été qu’un fait que l’histoire n’aurait pas retenu. Il est donc très difficile au temps présent de savoir ce qui est digne d’être traité mais le problème c’est que les journalistes n’ont pas tellement le choix. Les chaînes d’information en continu ne sont d’ailleurs pas les seules responsables. Nous avons vu surgir dans plusieurs journaux le traitement des faits divers alors qu’ils ont longtemps été réservés à la presse régionale. Or un fait divers n’a pas grande signification pour comprendre le monde, qu’un individu en assassine sauvagement d’autres ne nous éclaire en rien sur les questions géopolitiques. Pourtant c’est ce genre d’histoire que nous avons envie d’entendre, moi aussi elles m’intriguent et je suis tenté de lire ce genre d’articles. La presse et les médias en général, de plus en plus menacés économiquement, vont avoir tendance à faire une offre d’information fondée sur la demande potentielle. En fait les chaînes d’information continue ne sont rien d’autre que la caricature de ce qui est en train d’arriver sur le marché de l’information en général, c’est-à-dire la mise à l’indexation de l’offre d’information sur la demande d’information. Et donc sur le fonctionnement ordinaire de notre cerveau. Or il me semble que c’est une mission des médias d’informer mais également d’essayer d’édifier les esprits, pas seulement de flatter les pentes les moins honorables.

Est-ce que les chaînes d’info, par leur modèle même de fonctionnement, accentuent la défiance de la population vis-à-vis des médias ​?

Si elles y participent, il ne faut pas les prendre comme des boucs émissaires. Elles sont un miroir grossissant de ce qui se produirait de toute façon mais parce qu’elles sont des chaînes d’information en continu, elles vont avoir tendance quantitativement à diffuser plus de fausses informations que d’autres médias. Néanmoins, elles mériteraient, je crois, d’être chapeautées éditorialement de façon beaucoup plus ferme qu’elles ne le sont, d’avoir davantage de cohérence dans la diffusion de l’information. Tout un chacun est présenté comme un expert au prétexte qu’il faut remplir les cases, c’est peut-être ça le plus grave, n’importe qui se fait passer pour un spécialiste.

 

Entre Berger- et Macron, le choc des deux réformismes »( Guy Groux , sociologue à Sciences Po)

Entre Berger- et Macron, le choc des deux réformismes »( Guy Groux , sociologue à Sciences Po)

 

Pour Guy Groux, sociologue, Centre de recherches politiques de Sciences Po, Cevipof, le projet de société de la première centrale syndicale française heurte de plein fouet celui du président de la République, l’affrontement entre un progressisme théocratique et un progressisme démocratique.

 

 

« Avant d’entamer un nouveau cycle d’échanges avec les partenaires sociaux, le premier ministre, Edouard Philippe, a évoqué, dans son discours du mercredi 11 décembre sur le régime universel des retraites, la question de l’âge pivot, ne tenant ainsi aucun compte des exigences de la CFDT dont l’adhésion au principe de la réforme était pourtant quasiment acquise.

Il ne s’agit pas d’un incident de parcours. Quelles qu’en soient les suites, cet épisode reflète les rapports ambigus tissés par l’exécutif, et surtout par Emmanuel Macron, avec la première organisation syndicale française. Certes, l’un et l’autre se veulent résolument réformistes, mais derrière les mots se cachent de profonds clivages quant au rôle des syndicats dans les mutations de la société française.

Pour Emmanuel Macron, la place des syndicats, c’est d’abord dans l’entreprise (et au mieux la gestion conventionnelle des professions). Le président de la République contredit ainsi ce qui constitue l’un des traits profonds voire historique de l’identité de la CFDT. Certes, pour celle-ci l’entreprise est à l’évidence un lieu privilégié de l’action syndicale mais, dans le même temps, elle revendique un rôle beaucoup plus sociétal : elle se veut porteuse de propositions qui concernent l’ensemble de la société et des champs aussi divers que le modèle de développement économique, la création de solidarités qui dépassent les corporatismes d’hier, le partage du pouvoir dans l’entreprise.

En mars, la CFDT a produit avec la Fondation Nicolas Hulot, la Fondation Abbé Pierre et ATD Quart Monde, un manifeste qui exige de « changer de modèle de développement » et qui, face au réchauffement climatique, met la question sociale et écologique au cœur de la société. On retrouve ici le ton de la CFDT des années 1970, qui dénonçait déjà les « dégâts du progrès », l’idéologie productiviste et les risques liés à l’industrie nucléaire.

Le soutien de la CFDT à la réforme actuelle des retraites fut a priori évident, et pour cause. Bien avant l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, elle revendiquait, lors d’un congrès tenu à Tours en 2010, la création d’un régime universel par points, à ses yeux plus équitable. On retrouve là le principe des « nouvelles solidarités » que la CFDT mit en avant dès les années 1980 dans une France touchée par des exclusions et des précarités sociales massives. Face à une protection sociale et une Assurance-maladie financées par les seuls revenus du travail, il s’agissait de faire appel à d’autres sources de revenus liés au capital ou au patrimoine, tout en brisant les séparations de statut entre secteurs privé et public, voire entre activités salariées ou non. Outre ses positions en faveur de retraites plus équitables, c’est dans ce cadre que se sont développées les luttes de la CFDT en faveur de la CSG, de la CMU ou du RMI. »

« CFDT et Macron, le choc des deux réformismes »( Guy Groux , sociologue à Sciences Po)

« CFDT et Macron, le choc des deux réformismes »( Guy Groux , sociologue à Sciences Po)

Pour Guy Groux, sociologue, Centre de recherches politiques de Sciences Po, Cevipof, le projet de société de la première centrale syndicale française heurte de plein fouet celui du président de la République, l’affrontement entre un progressisme théocratique et un progressisme démocratique.

« Avant d’entamer un nouveau cycle d’échanges avec les partenaires sociaux, le premier ministre, Edouard Philippe, a évoqué, dans son discours du mercredi 11 décembre sur le régime universel des retraites, la question de l’âge pivot, ne tenant ainsi aucun compte des exigences de la CFDT dont l’adhésion au principe de la réforme était pourtant quasiment acquise.

Il ne s’agit pas d’un incident de parcours. Quelles qu’en soient les suites, cet épisode reflète les rapports ambigus tissés par l’exécutif, et surtout par Emmanuel Macron, avec la première organisation syndicale française. Certes, l’un et l’autre se veulent résolument réformistes, mais derrière les mots se cachent de profonds clivages quant au rôle des syndicats dans les mutations de la société française.

Pour Emmanuel Macron, la place des syndicats, c’est d’abord dans l’entreprise (et au mieux la gestion conventionnelle des professions). Le président de la République contredit ainsi ce qui constitue l’un des traits profonds voire historique de l’identité de la CFDT. Certes, pour celle-ci l’entreprise est à l’évidence un lieu privilégié de l’action syndicale mais, dans le même temps, elle revendique un rôle beaucoup plus sociétal : elle se veut porteuse de propositions qui concernent l’ensemble de la société et des champs aussi divers que le modèle de développement économique, la création de solidarités qui dépassent les corporatismes d’hier, le partage du pouvoir dans l’entreprise.

En mars, la CFDT a produit avec la Fondation Nicolas Hulot, la Fondation Abbé Pierre et ATD Quart Monde, un manifeste qui exige de « changer de modèle de développement » et qui, face au réchauffement climatique, met la question sociale et écologique au cœur de la société. On retrouve ici le ton de la CFDT des années 1970, qui dénonçait déjà les « dégâts du progrès », l’idéologie productiviste et les risques liés à l’industrie nucléaire.

Le soutien de la CFDT à la réforme actuelle des retraites fut a priori évident, et pour cause. Bien avant l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, elle revendiquait, lors d’un congrès tenu à Tours en 2010, la création d’un régime universel par points, à ses yeux plus équitable. On retrouve là le principe des « nouvelles solidarités » que la CFDT mit en avant dès les années 1980 dans une France touchée par des exclusions et des précarités sociales massives. Face à une protection sociale et une Assurance-maladie financées par les seuls revenus du travail, il s’agissait de faire appel à d’autres sources de revenus liés au capital ou au patrimoine, tout en brisant les séparations de statut entre secteurs privé et public, voire entre activités salariées ou non. Outre ses positions en faveur de retraites plus équitables, c’est dans ce cadre que se sont développées les luttes de la CFDT en faveur de la CSG, de la CMU ou du RMI. »

Gilets jaunes :  » l’individualisme exacerbée responsable de la crise » ? (Dominique Schnapper, sociologue)

Gilets jaunes :  » l’individualisme exacerbée responsable de  la crise » (Dominique Schnapper, sociologue)

Dans une interview au JDD, la sociologue Dominique Schnapper analyse le mouvement des gilets jaunes. Une analyse de sociologue un peu réductrice  qui fait quand même l’impasse sur le contexte social et fiscal .

Comment analysez-vous la forme de protestation inédite incarnée par les Gilets jaunes?
La manifestation de rue est un grand classique de l’histoire ­politique française. Elle était jusqu’à présent organisée par des syndicats ou des partis. Cette fois, nous sommes confrontés à des ­manifestants qui récusent toute forme d’organisation. Le gouvernement se retrouve sans interlocuteurs avec lesquels il pourrait discuter. Lorsqu’un Gilet jaune manifeste son intention d’ouvrir un dialogue, il est aussitôt contesté par d’autres qui disent : il ne nous représente pas. Cette situation explique à la fois la longévité du mouvement, qui pourrait durer encore des semaines, et la difficulté de sortir de la crise.

 

Cette crise de la démocratie ne tient-elle pas aussi à l’action des élus?
Je ne crois pas. Les ministres, les députés ou les maires d’aujourd’hui ne sont pas plus ­incompétents ou corrompus que leurs prédécesseurs. C’est l’individualisme poussé à l’extrême qui provoque la crise : personne ne peut me représenter sauf moi-même ! Cette conviction de plus en plus partagée conduit à refuser les contraintes qu’impose tout collectif. J’y vois le risque de sombrer dans une sorte d’anarchie qui ferait le lit du totalitarisme. Le rejet du débat démocratique par les ­Gilets jaunes a pour conséquence le ­caractère contradictoire des ­revendications. Comment peut-on à la fois réclamer moins d’impôts et plus de services publics ? Tout le monde connaît la phrase de ­Maurice Thorez [secrétaire général du Parti communiste français de 1930 à 1964] : il faut savoir finir une grève. Il tenait un discours de professionnel de la lutte sociale, cherchant une issue aux conflits.

Intermittents : trop de monde dans le système (Michel Menger , Sociologue)

Intermittents : trop de monde dans le système (Michel Menger , Sociologue)

Le récent accord concernant l’indemnisation du chômage des intermittents a été bien accueilli par les syndicats. Toutefois sa pérennité pourrait être menacé en regard du nombre croissant de bénéficiaires qui a été multiplié par 10 en 10 ans, ce qui fait reposer le financement du système essentiellement sur l’Unedic. . « Le paradoxe extraordinaire de ce système, c’est que quand vous créez de l’emploi sous forme intermittente, vous créez aussi du chômage », a expliqué mercredi sur France Info le sociologue et professeur au Collège de France Pierre-Michel Menger. « On a fait rentrer beaucoup plus de monde dans le système qu’il n’y avait de travail à se partager, c’est ça le grand problème », a-t-il estimé. Selon Pierre-Michel Menger, entre 1990 et 2000, on a « multiplié le nombre d’intermittents par dix ». Dans le même temps, le nombre de jours de travail a baissé, « de 68 jours il est passé à 43 jours ». Pierre-Michel Menger a pointé aussi des inégalités « considérables ». « Il y en a qui galèrent comme des malheureux, il y a des vedettes, et au milieu, des intermittents mieux lotis que d’autres : les techniciens ». Pour lui, il est nécessaire de trouver un équilibre de financement. Le professeur au Collège de France a dénoncé aussi « le silence assourdissant des employeurs des intermittents » dans cette crise. « Ils disposent d’un système d’emploi imbattable, ils peuvent employer quelqu’un sans jamais se soucier de sa carrière ». « Le DRH du secteur, c’est l’Unedic et les caisses de retraites », a lancé Pierre-Michel Menger qui a demandé des comptes aux employeurs : « On ne sait pas du tout comment ils utilisent l’intermittence, à un moment donné il faut faire apparaître la vérité du prix du travail ».

 

(France Info)




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