Société- « L’écriture “inclusive”: Linguistiquement incohérente et socialement excluante
Le linguiste Bernard Cerquiglini explique dans le monde que l’écriture “inclusive” ne correspond pas à une féminisation de la langue française, et que son usage et son extension promettent de se révéler socialement excluants.
Tribune.
On promeut d’ordinaire l’écriture « inclusive » en affirmant qu’elle prolonge une lutte récemment victorieuse : la féminisation des noms de métier. Comme cette dernière, elle contribuerait à la nécessaire présentation égalitaire des femmes et des hommes dans les énoncés, obtenue par un progrès de la langue. Leur différence profonde montre cependant combien l’écriture « inclusive », empreinte d’une louable intention, est une fâcheuse erreur.
La féminisation concerne une personne singulière. Le sexe de Mme Martin, traduit par le genre grammatical, détermine la forme féminine, aisément construite, de la profession qu’elle exerce. Durant des siècles, Mme Martin était boutonnière, estuveresse, marchande, comme elle fut écrivaine ou ambassadrice jusqu’au XVIIIe siècle.
Les professions ou fonctions « éminentes » ayant été fermées aux femmes, les formes féminines tombèrent en désuétude ou reçurent un emploi conjugal. Le mot « ambassadrice » est défini par la première édition (1694) du dictionnaire de l’Académie française comme « dame envoyée en ambassade » ; par la deuxième (1718) comme « la femme d’un ambassadeur ».
Quand les femmes obtinrent (tardivement) l’accès à ces professions, le féminin étant conjugalisé, on eut d’abord recours au masculin, au risque du barbarisme (« Mme l’ambassadeur » ; « L’ambassadeur est sortie ») ou de l’incongruité (« L’ambassadeur est enceinte »).
Des cas où expliciter la mixité est inutile voire inconvenant
En deux générations (tout de même ; et les polémiques furent violentes), l’affaire était réglée : le mouvement de féminisation, issu du Québec, était généralisé, le féminin devenu la norme pour des professions et fonctions occupées par des femmes (« L’ambassadrice représente son pays »), l’Académie française enfin convaincue, la langue rendue à son libre fonctionnement.
Cette lutte féministe avait servi et illustré la langue française. Tout autre est la question du pluriel. Quand un groupe humain est fait de femmes et d’hommes, il n’est point nécessaire, en général, d’en signaler la composition sexuelle : « Les Hollandais surveillent leurs digues » vaut pour toutes les personnes habitant les Pays-Bas.
Dans ce cas, expliciter la mixité est inutile, surprenant, voire inconvenant : « Les Hollandais et les Hollandaises surveillent leurs digues » laisse entendre que ce soin féminin n’était pas attendu. Que l’expression de la mixité soit requise ou souhaitée est à l’appréciation du locuteur (« Les Hollandais et les Hollandaises sont des adeptes de la musculation et partagent les tâches domestiques ») ; elle s’exprime avec les moyens de la langue, principalement par réduplication.
Comment les djihadistes recrutent les plus paumés socialement et les plus fragiles psychologiquement.
Comment les djihadistes recrutent les plus paumés socialement et les plus fragiles psychologiquement.
Témoignage sur France Inter.
Sous couvert d’arguments humanitaires, des djihadistes approchent des adolescents, par des réseaux sociaux. C’est le cas de Léa recrutée sur Facebook et qui était prête à partir en Syrie via la Turquie. Dans l’émission, Secrets d’info sur France Inter ce vendredi, son témoignage éclaire la pression calculée des recruteurs. Depuis plusieurs mois, Léa (le prénom a été modifié pour préserver son anonymat) est prise en charge par le centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam, une association fondée par l’anthropologue Dounia Bouzar. Elle y raconte son recrutement, au fil des jours, via Facebook, pour partir un jour en Syrie. Au début de l’année 2014, l’adolescente a été recrutée sur Facebook par des djihadistes qui lui proposent de l’envoyer en Syrie. Ses correspondants lui promettent que sur place elle mènera une mission humanitaire, qu’elle pourra sauver des enfants de la guerre, et qu’elle deviendra « une bonne musulmane ». En quelques semaines, Léa est endoctrinée. Elle se coupe de son milieu familial, elle ne regarde plus les informations. Elle s’isole totalement. Un matin, une voiture l’attend devant son collège pour l’emmener en Turquie. Là-bas, elle doit rencontrer un islamiste radical, lui faire un enfant, fonder une famille et le rejoindre après en Syrie. Mais la jeune fille rate de quelques minutes le rendez-vous. Comme les autorités ont été informées de son projet, l’adolescente comprend qu’elle ne pourra plus quitter la France. Sur Facebook, puis directement par téléphone, ses interlocuteurs lui demandent alors d’inciter d’autres jeunes au départ et de commettre des attentats en France « contre les juifs« . Interpellée par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), Léa est ensuite placée sous contrôle judiciaire. Aidée par les membres de l’association de Dounia Bouzar, l’adolescente comprend peu à peu qu’elle a été piégée, qu’elle s’est fait endoctriner. Séance après séance, elle se confie un peu plus. À Avignon, Fouad El Bathi a vu partir sa sœur, une jeune fille du même âge que Léa. Elle rêvait de devenir médecin et elle a cru, elle aussi, pouvoir faire de l’humanitaire en Syrie. Mais elle a très vite déchanté. Lors d’une conversation téléphonique, elle craque et raconte à son frère la réalité de sa vie sur place. Pour son frère, c’est le seul moment où elle ne se contentait pas de répéter ce qu’on lui soufflait. Depuis, les nouvelles se font rares. « Le profil de ces barbares, c’est de recruter les filles les plus naïves, les plus humaines » : Fouad El Bathi, dont la soeur est partie en Syrie Après ce coup de fil, Fouad El Bathi est parti lui-même en Syrie. Il a pu rencontrer sa sœur durant une demi-heure, mais n’a pas pu la ramener. Aujourd’hui, il est convaincu que sa sœur est retenue prisonnière. Il y aurait actuellement un peu plus de 90 Françaises en Syrie. À ce jour, aucune n’est jamais rentrée.