Archive pour le Tag 'Social'

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Le social de Marine Le Pen est conservateur

 

 

Le social de  Marine Le Pen est conservateur

Qu’est-ce que « le social » et a-t-il vraiment sa place dans le programme de Marine Le Pen ? Par Fabrice Flipo, Institut Mines-Télécom Business School.

 

 

La ritournelle ne cesse de revenir dans les médias : le second tour se jouerait sur le social et ce serait à celui des deux candidats qui en ferait le plus.

Sauf qu’une analyse approfondie des programmes montre bien qu’aucun des deux ne s’engage réellement sur la question, et Marine Le Pen peut-être encore moins encore qu’Emmanuel Macron.

Interrogé par Appolline de Malherbe sur le volet social du programme du RN, le 12 avril dernier, Louis Alliot soutient que le programme de la candidate se situe au-delà de la droite et de la gauche et comporte des mesures quasiment socialistes – sans aucune réaction de l’intervieweuse.

Les hôpitaux, les forces de police, les « gilets jaunes » ; l’urgence sociale serait là, à nos portes. Le vice-président du Rassemblement national peut ainsi dénoncer la « casse sociale » opérée par Emmanuel Macron.

D’autres commentateurs tels qu’Alain Duhamel sur la même chaîne mettent en avant la « préscience » avec laquelle Marine Le Pen a vu venir « la question sociale ».

Or de quoi parlons-nous exactement ? Qu’est-ce que « le social » ? Le sens commun renvoie le social à ce qui relève de l’organisation de la société, à côté de l’économique et du politique, entendu comme jeu des partis. C’est le social de la sociologie, qui étudie ce qui fait société. Un second sens est attesté dès l’Antiquité : le social comme désaccord, rapport antagonique entre individus ; ainsi les « guerres sociales » qui désignent le conflit entre Rome et ses alliés, autour du premier siècle avant Jésus-Christ. Il s’agit donc d’affrontements se situant à l’intérieur d’une société, et non à l’extérieur. L’enjeu est donc celui d’intérêts divergents, relatif aux inégalités en tant qu’elles sont des injustices, dont Thomas Hobbes tenait qu’elles sont à l’origine de l’État.

A l’époque moderne, l’idéologie politique qui se saisit de la question sociale est le « social-isme », terme apparu sous la plume de l’abbé Sièyes, à la veille de la révolution. Ce courant de pensée tout autant que d’action politique s’oppose à ce qu’il nomme l’anarchie industrielle, qu’il veut organiser et mettre au service des plus démunis : ceux que les Romains appelaient des prolétaires.

L’une des institutions emblématiques de cette égalisation des conditions et des destins est la sécurité « sociale » (qui protège contre les risques de perte de revenus, engendrés par la maladie, le chômage et la vieillesse). C’est aussi l’action des travailleurs « sociaux » (qui aident les plus démunis). En résumé, le social désigne ce : « qui favorise une meilleure adaptation des plus défavorisés à la société ». Et c’est bien ce sens-là auquel se réfère le débat de l’entre-deux tours.

Le programme de Marine Le Pen comporte-t-il des mesures « sociales » ? Si on l’étudie tel qu’on peut le trouver sur son site Internet, le résultat est riche en enseignement.

À première vue, ce programme est le contre-point parfait de celui d’Emmanuel Macron. Ce dernier met en avant l’ouverture, l’aventure, l’Europe, le monde ; il parle aux classes qui tirent partie de la mondialisation. La candidate fait le bilan de cette stratégie et montre sans difficulté que deux tiers de la population n’en a pas profité. Le fait est des plus banals ; il peut être illustré par la désormais célèbre courbe de Branco Milanovic.

Que propose-t-elle ? Marine Le Pen annonçait au départ que le chiffrage de son programme « sera rendu public au cours de la campagne ». Mais elle affirmait :

« La politique étant avant tout une question de choix et de priorités, c’est grâce à des économies que je financerai les nouvelles dépenses et grâce à une réorientation de notre modèle économique que je compte assainir les finances publiques fortement dégradées au sortir de ce quinquennat. » (p. 5)

Les bases sont déjà là : il y aura de nouvelles dépenses oui mais financées sur des économies. Et le modèle économique de la France devra évoluer, principalement pour retrouver de la souveraineté.

La souveraineté s’exerce d’abord dans le domaine du régalien : dépenser plus pour la défense (premier poste, dans l’ordre de l’exposé) et la sécurité intérieure (notamment la police, la gendarmerie et la justice – recrutement de magistrats -, et les prisons), sans amélioration de salaire.

Quid du nouveau modèle économique pour la France ? Le regain de souveraineté alimentaire proposé ne fera pas baisser le coût de l’alimentation ni augmenter les salaires, pas plus qu’une transformation écologique réduite à l’arrêt des renouvelables et à la relance du nucléaire, ni un soutien non précisé à la R&D, ni l’établissement d’une priorité nationale dans les achats publics, la fin du travail détaché ou une politique de simplification administrative. D’autant que Marine Le Pen entend préserver « une saine concurrence pour nos entreprises ».

Les institutions sociales seront restreintes et non étendues, et mises au service de la puissance nationale plutôt que de la redistribution : réduction des dépenses consenties envers les étrangers (8 milliards d’économies espérées) ; chasse aux fraudeurs de la sécurité sociale (entre 14 et 40 Mds) ; soutien financier à la natalité, la population étant une composante de la puissance. Les ultramarins se voient promettre une priorité d’accès aux études, au logement social ou au service militaire, oui, mais au service de la grandeur notamment spatiale de la France, et sans amélioration sociale.

La santé sera soutenue, oui, mais… en mettant en place la télémédecine (un pis-aller) et des consultations à prix bonifié pour attirer les médecins libéraux, remboursés par la sécurité sociale, ce qui revient à faire subventionner les médecins par les salariés.

Un « effort financier conséquent » est annoncé sur le salaire des soignants est évoqué, sans précision ni sur le montant ni sur la manière de l’obtenir. En ce qui concerne les Ehpad, le système privé est reconduit, ainsi que sa logique de rentabilité : seul le contrôle des établissements est renforcé.

Et la fameuse hausse de pouvoir d’achat, estimée entre 150 et 200 euros ? Elle passe par quatre mesures : la baisse des péages autoroutiers (via une nationalisation) et de la TVA sur l’énergie (de 20 à 5 %), la privatisation de l’audiovisuel qui supprimera la redevance, ainsi que l’exonération des cotisations patronales, qui permettrait d’augmenter les salaires (« la case en bas à droite de la feuille de paie », suivant l’expression de la candidate).

Aucune de ces mesures ne garantit de hausse significative du revenu net. La dernière mesure consiste à réduire le salaire indirect (issu des cotisations sociales) pour une hypothétique augmentation du salaire direct, laissée à l’appréciation des patrons. La baisse de la TVA se paiera par une baisse des services de l’État – et donc une baisse du pouvoir d’achat indirect. Enfin rien ne dit que l’information coûtera moins cher, une fois privatisée ; pour ne rien dire de la qualité. Et la baisse des péages sera loin des 150 euros mensuels…

Le programme ne prévoit donc aucune modification dans la distribution des revenus : les pauvres restent pauvres, et les riches restent riches. Il conforte également l’ordre établi sur le plan du patrimoine, puisque Marine Le Pen prévoit la suppression de tous les impôts entravant la transmission des patrimoines, y compris l’IFI, au profit d’un Impôt sur la Fortune Financière visant exclusivement la spéculation.

Enfin Marine Le Pen souhaite « un accès le plus précoce possible au marché du travail » (p.24). La massification de l’enseignement secondaire et supérieur est dénoncée, consommant des moyens « qui défient le bon sens » (p.30). 80 % des jeunes seraient dirigés vers une filière professionnelle à 14 ans. Soit à la clé une fonte rapide des effectifs des universités, et donc de leur coût – serait-ce le moyen inavoué de financer la baisse de la TVA et autres dépenses ? En tout cas le point a peu été relevé.

On le voit, le « social » – en clair les mesures sociales qui viendraient améliorer la condition des populations les plus démunies – n’est pas présent dans le programme de Marine Le Pen. Les salaires n’augmentent pas, la redistribution est inexistante – qu’il s’agisse des salaires ou des patrimoines.

La ligne du RN est claire : c’est celle d’une droite radicale, extrême ou « forte », comme on voudra, que l’on nomme plus adéquatement en philosophie politique en parlant de conservatisme. Le « social », s’il est clairement un sujet de campagne pour Marine Le Pen, ne se traduit pas dans les faits par des mesures concrètes qui pourraient améliorer les choses.

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Par  Fabrice Flipo, Professeur en philosophie sociale et politique, épistémologie et histoire des sciences et techniques, Institut Mines-Télécom Business School.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Situation Politique–déjà vers un troisième tour social ?

Situation Politique–déjà vers un troisième tour social ?

L’environnement économique, la situation sociale pourraient nourrir un troisième tour après l’élection présidentielle. L’heureux élu de l’élection ne pourra pas faire l’impasse sur le climat de détestation qui le concerne qu’il s’agisse de Macron ou de Le Pen.

De toute manière, ce candidat sera mal élu c’est-à-dire de manière assez minoritaire puisque de l’ordre de 40 % d’électeurs potentiels auront refusé de participer à cet exercice qui leur paraît vain.

Le motif du réveil sera sans doute davantage social que politique car la plupart des Français en tout cas une majorité (près de 70 %) ne croient pas que cette élection puisse changer de manière éducative la situation en France.

Le motif central pourrait être cette inflation de l’ordre de 5 % en France, de 7,5% dans l’union européenne. Certes des augmentations vont être consenties mais elles seront loin de permettre une réévaluation correcte des revenus.

Le réveil social pourrait venir aussi du monde étudiant qui en ce moment manifeste à la fois contre Le Pen mais aussi contre Macron.

L’objectif : mobiliser massivement les étudiants à la veille des manifestations prévues dans toute la France ce samedi « contre l’extrême droite et ses idées ». Et exprimer une indignation plus large contre le duel du second tour entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron . « On est dans la rue pour faire barrage à l’extrême droite, confirme un étudiant lyonnais du secrétariat fédéral du syndicat Solidaires. Mais on ne veut pas non plus du programme d’Emmanuel Macron : on ne veut pas de la retraite à 65 ans, on ne veut pas des lois racistes et anti-immigration prévues… »

 Une mobilisation contre « l’aberration de de devoir faire un choix entre le président qui a mis en place Parcoursup, qui veut augmenter les frais d’inscription à la fac, qui a mis en place la loi asile immigration, qui est le responsable de répressions du mouvement social, qui veut allonger l’âge de départ à la retraite… et l’extrême droite », abonde Victor Mendez, président de l’Unef Nanterre.

Les deux syndicats étudiants ne veulent pas se prononcer sur une consigne de vote. D’autant qu’ils pointent la responsabilité des gouvernements précédents dans les scores de l’extrême droite. «

Présidentielle : un second tour sur le social ?

Présidentielle : un second tour sur le social ?

Le contexte aurait pu profiter aux candidats de gauche mais ils ont été concurrencés par Marine Le Pen qui a imposé le discours social dans sa campagne. Une donnée importante pour le second tour. Par Isabelle Guinaudeau, Sciences Po Bordeaux et Benjamin Guinaudeau, University of Konstanz

 

Dans la continuité de 2017, le premier tour de l’élection présidentielle de dimanche parachève la longue érosion de la logique bipolaire qui a longtemps prévalu en France. Là où 2017 avait révélé une quadripartition, la débâcle de Valérie Pécresse (qui tombe sous la barre des 5 % contre 20 % pour François Fillon il y a cinq ans) laisse se dessiner une tripartition avec trois candidats, Emmanuel Macron, Marine Le Pen et Jean‑Luc Mélenchon qui cumulent plus de 70 % des voix.

Malgré une campagne en service minimum (absence de communication sur le bilan du quinquennat, refus de débattre avant le premier tour, concentration des efforts sur un grand meeting tardif, publication d’un programme réduit à la portion congrue trois semaines à peine avant le scrutin), Emmanuel Macron a bénéficié à la fois de l’émiettement des oppositions et d’un effet de ralliement sous les drapeaux dans le contexte de la guerre en Ukraine.

Les réformes menées au cours du premier quinquennat ainsi que les quelques orientations annoncées pour un deuxième mandat confirment un positionnement libéral sur le plan économique et social, ainsi qu’une évolution sur des positions plus conservatrices sur le plan des valeurs. LREM pourrait ainsi, à terme, prendre la place d’un parti de droite traditionnel dans le paysage politique français.

Jean‑Luc Mélenchon et Marine Le Pen sont parvenus à s’imposer, chacun dans son camp respectif, comme figure de rassemblement, bénéficiant des logiques de vote « utile » qui ont joué à plein.

Préemption des questions sociales

La candidate du RN avait pourtant brillé par sa discrétion pendant toute la campagne. On a parlé d’un programme « lissé » sur les aspects les plus caractéristiques de l’extrême droite.

En réalité, à la lecture, les marqueurs demeurent : ambition de stopper « l’immigration de peuplement », aides sociales réservées aux Français, priorité nationale d’accès au logement social et à l’emploi, suppression du droit du sol, accent sur l’autorité (par exemple par la promesse d’instaurer un uniforme à l’école), patriotisme économique. Mais la stratégie payante de Marine Le Pen a été de profiter de la politisation de l’immigration, le sujet qui lui est le plus favorable, par Éric Zemmour (et d’autres) sans avoir à en parler elle-même. Pour mieux se concentrer sur la préemption de questions sociales traditionnellement associées à la gauche.

À l’issue d’un quinquennat marqué par de profondes réformes fiscales et sociales (impôt sur la fortune, droit du travail, prélèvement forfaitaire unique sur les revenus du capital…), la révolte des « gilets jaunes » et une pandémie dévastatrice, les questions sociales figurent au sommet des préoccupations des Français.

L’enquête électorale 2022 Ipsos & Sopra Steria place par exemple le pouvoir d’achat au tout premier rang des enjeux jugés les plus importants et pris en compte pour le vote. Outre la guerre en Ukraine, ces enjeux comprennent la protection de l’environnement, le système de santé, puis seulement l’immigration, à rang égal avec les retraites.

Ce contexte aurait pu profiter à la gauche dont les discours protecteurs sont le grand marqueur. Évidemment, les candidats de gauche – et Jean‑Luc Mélenchon en particulier – n’ont pas manqué d’investir ces terrains avec des promesses comme celle de créer un état d’urgence sociale, d’établir une garantie d’emploi, de renforcer l’assurance-chômage ou de lutter contre la pauvreté.

Cela dit, les candidats de gauche se sont vu concurrencer sur leur propre terrain par Marine Le Pen. Notre tableau de bord sur Poliverse.fr révèle que ses 22 mesures pour 2022 sont le programme qui consacre le plus haut niveau d’attention aux politiques sociales. Comme l’observait récemment Gilles Ivaldi, elle a multiplié les propositions en la matière.

La candidate du RN a ainsi promis de baisser la TVA sur les produits énergétiques, de rendre les transports gratuits pour les 18-25 ans en heures creuses, de créer un prêt à 0 % pour les jeunes familles françaises, de construire des logements étudiants et des logements sociaux, ou encore de revaloriser les salaires des soignants et des enseignants, les retraites et l’Allocation Adulte Handicapé.

Si ces aides sont restreintes puisque « réservées aux Français » et si le programme n’entre pas dans le détail de leur financement ou de leur compatibilité avec les multiples baisses d’impôt promises par ailleurs, elles pourraient avoir joué dans l’attractivité de Marine Le Pen dans les classes populaires.

Facteurs sociaux et vote

En fort contraste avec le discours libéral d’Emmanuel Macron, la focale placée par la gauche comme par Marine Le Pen sur les questions sociales est susceptible de parler particulièrement aux classes populaires – celles où l’on trouve les plus hauts niveaux de détresse sociale et de sentiments d’injustice.

Le graphique ci-dessous montre, effectivement, que Jean‑Luc Mélenchon et Marine Le Pen réalisent leurs meilleurs scores là où le revenu médian est plus faible, au contraire d’Emmanuel Macron. Cependant, la France Insoumise et le Rassemblent national ne mobilisent pas les mêmes électeurs : la première tire son épingle du jeu dans des zones où le niveau de diplôme est plus élevé, en contraste assez fort avec la candidate RN.

Par ailleurs, les données agrégées montrent des corrélations entre le vote pour certains candidats et le taux de chômage, d’une part, et la proportion d’ouvriers, de l’autre. La proportion de demandeurs d’emploi est corrélée positivement avec le vote pour Marine Le Pen (R=.23) et, plus encore, pour Jean‑Luc Mélenchon (R=.34).

On observe une corrélation négative avec le vote en faveur d’Emmanuel Macron (R=.44), de Valérie Pécresse (R=.38) et de Yannick Jadot (R=.36). Même chose lorsque l’on regarde le lien entre vote et proportion d’ouvriers, sauf pour Jean‑Luc Mélenchon pour qui la relation est inversée.

Dans l’ensemble, ces observations suggèrent des logiques sociales de vote assez fortes, avec un soutien plus fort à Emmanuel Macron chez les plus favorisés, tandis que les électeurs des zones plus modestes se tournent vers Mélenchon et Le Pen, même si les ressorts sociaux semblent sensiblement différents entre ces deux candidats. Ces associations doivent être considérées avec toutes les précautions de mise lorsque l’on travaille avec des données agrégées.

Des liens entre catégorie socio-professionnelle et vote apparaissent toutefois aussi au niveau individuel dans les premières enquêtes, comme celle du Cevipof.

On retrouve en particulier une propension plus forte à voter pour Jean‑Luc Mélenchon chez les demandeurs d’emploi, pour Marine Le Pen parmi les ouvriers, tandis que les cadres supérieurs votent plus pour Emmanuel Macron. On note au passage des différences sensibles entre l’électorat de Marine Le Pen et celui de ses concurrents sur le spectre droit (notamment Eric Zemmour), moins populaire et plus aisé.

Quels enjeux pour quel deuxième tour ?

Nous avons vu que plus que jamais l’espace politique français est façonné par différents clivages qui dessinent des blocs différents. Or, le système majoritaire pousse à rétrécir le débat autour d’une opposition binaire qu’Emmanuel Macron aborde en se présentant comme le candidat de l’ouverture face à une extrême droite xénophobe et anti-libérale.

Suivant cette même logique, le peu d’accent placé par Marine Le Pen sur les enjeux d’immigration n’a pas empêché Éric Zemmour et Nicolas Dupont-Aignan d’annoncer qu’ils voteraient pour elle. Leurs électeurs sont nombreux à envisager de faire de même malgré des divergences en matière sociale.

Emmanuel Macron semble faire le pari qu’il pourra compter sur le rejet toujours majoritaire de leurs positions xénophobes et que ce clivage entre ouverture et fermeture lui sera donc favorable. Cependant, ce cadrage n’apporte guère de réponses aux demandes de protection sociales exprimées dans les sondages et, sans doute, dans le vote de dimanche.

Le pari pourrait s’avérer risqué si les considérations d’ordre culturelles poussent les électeurs situés à droite vers Marine Le Pen, tandis que les programmes sociaux dissuadent trop d’électeurs de gauche de lui faire barrage.

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Par Isabelle Guinaudeau, Chargée de recherches CNRS, Sciences Po Bordeaux et Benjamin Guinaudeau, Chercheur, University of Konstanz

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
Cet article est publié dans le cadre du partenariat avec le site Poliverse.fr qui propose des éclairages sur le fonctionnement et le déroulement de la présidentielle.

Politique: Le réveil social dans les universités ?

Politique: Le réveil social dans les universités ?

 

 

Samedi, des dizaines de manifestations sont organisées dans plusieurs villes de France « contre l’extrême droite et ses idées », à l’appel de syndicats et d’associations, dont SOS Racisme. « Nous appelons très clairement à se saisir du bulletin de vote Emmanuel Macron, puisque c’est le seul à disposition pour que Marine Le Pen soit battue », assure au JDD le président de l’association, Dominique Sopo. À huit jours du second tour de l’élection présidentielle, il pointe également les différences entre le contexte du choc du 21 avril 2002 – après lequel il a manifesté dans la rue - et aujourd’hui, où « la question du vote blanc est plus présente dans le débat public ».

Quel est le mort d’ordre de la manifestation de ce samedi ?
Contre l’extrême droite et ses idées, pour la justice et l’égalité, pas de Marine Le Pen à l’Elysée. Le mot d’ordre, c’est de faire barrage, quelle que soit la façon dont on l’exprime, à l’extrême droite représentée par Marine Le Pen. Les participants auront des expressions différentes autour de ce commun. À SOS Racisme, nous appelons très clairement à se saisir du bulletin de vote Emmanuel Macron, puisque c’est le seul à disposition pour que Marine Le Pen soit battue.

 

Est-ce que vous attendez la même mobilisation qu’en 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen a accédé au second tour de l’élection présidentielle ?
La comparaison entre les manifestations de 2002 et de 2017 avaient déjà été faites et il n’y avait aucun rapport en termes de mobilisation, malheureusement. Demain, nous n’aurons pas non plus la même ampleur car deux phénomènes se sont passés. L’extrême droite est au second tour de l’élection présidentielle de façon récurrente : il n’y a plus le choc et l’inattendu. En 2022, comme c’était le cas en 2017, nous sommes face à des matches annoncés, connus de longue date si l’on en croit les sondages. L’extrême droite a aussi été dédiabolisée de façon active, par les efforts de Marine Le Pen, mais aussi par une forme de complaisance sidérante qui s’est traduite, sur le plan médiatique, politique et intellectuel, par un accompagnement de cette banalisation. Les gens perçoivent moins nettement qui est Marine Le Pen et en quoi elle est une singularité, en tant que candidate d’extrême droite, dans le champ politique français. Il y a eu très peu de débats sur son programme réel et elle a pu, assez tranquillement, aidée par les outrances d’Éric Zemmour, se faire passer pour un personnage modéré et quasiment sympathique.

Le contexte est-il différent aujourd’hui qu’en 2022 ?
L’extrême droite comptabilisait 18 % des votes en 2002, si l’on compte les scores de Jean-Marie Le Pen et de Bruno Mégret. Aujourd’hui, dès le premier tour, on est à 33 %, l’ambiance n’est pas la même. Ce qu’on appelle le « Front républicain » a pris du plomb dans l’aile, même si une série des forces politiques, syndicales et associatives sont claires sur le fait de battre Marine Le Pen dans les urnes. Il y a cependant une forme de gêne, de tension chez certains responsables à dire clairement qu’il faut la faire battre en se saisissant de l’autre bulletin de vote. C’est la différence majeure : en 2002, il n’y avait aucun doute sur la nécessité de voter Jacques Chirac pour minorer le score de Jean-Marie Le Pen. Aujourd’hui, cette question du vote blanc est beaucoup plus présente dans le débat public.

 

Pourquoi ?
A partir du moment où l’on ne perçoit pas la singularité de l’extrême droite, que Marine Le Pen n’est un pas un repoussoir suffisant pour voter Emmanuel Macron, voilà où l’on en est. Il y a un travail de clarification à faire sur ce qu’est le programme de la candidate du RN, la rupture que cela entraînerait sur le plan démocratique, sur les principes républicains, sur la sécurité physique des gens qui sont les cibles traditionnelles de l’extrême droite… Il y a aussi une forme de vide. En 2002, lorsqu’il a fallu faire barrage en votant Chirac, il n’y avait pas de doutes sur les combats sociaux qui allaient être menés ensuite. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de difficultés, pour les jeunes, à se projeter et une survalorisation du temps court, liée aux effets du néolibéralisme. L’idée de battre d’abord l’extrême droite puis de créer des rapports de force, est beaucoup moins audible.

D’autres mobilisations vont-elles s’organiser d’ici le 24 avril ?
Il y aura des rassemblements dans certaines villes la semaine prochaine, notamment autour de la date symbolique du 21 avril. Nous poursuivrons notre travail du quotidien : aller dans les facultés, dans les quartiers populaires pour sensibiliser sur l’importance du vote et rappeler ce qu’est l’extrême droite, son programme et son entourage. On voit bien qu’émerge doucement, soit volontairement, soit sous la pression des interrogations, le programme de Marine Le Pen, qui est la mise en œuvre, avec un habillage davantage social, du programme historique du Front national.

Politique–déjà vers un troisième tour social ?

Politique–déjà vers un troisième tour social ?

L’environnement économique, la situation sociale pourraient nourrir un troisième tour après l’élection présidentielle. L’heureux élu de l’élection ne pourra pas faire l’impasse sur le climat de détestation qui le concerne qu’il s’agisse de Macron ou de Le Pen.

De toute manière, ce candidat sera mal élu c’est-à-dire de manière assez minoritaire puisque de l’ordre de 40 % d’électeurs potentiels auront refusé de participer à cet exercice qui leur paraît vain.

Le motif du réveil sera sans doute davantage social que politique car la plupart des Français en tout cas une majorité (près de 70 %) ne croient pas que cette élection puisse changer de manière éducative la situation en France.

Le motif central pourrait être cette inflation de l’ordre de 5 % en France, de 7,5% dans l’union européenne. Certes des augmentations vont être consenties mais elles seront loin de permettre une réévaluation correcte des revenus.

Le réveil social pourrait venir aussi du monde étudiant qui en ce moment manifeste à la fois contre Le Pen mais aussi contre Macron.

L’objectif : mobiliser massivement les étudiants à la veille des manifestations prévues dans toute la France ce samedi « contre l’extrême droite et ses idées ». Et exprimer une indignation plus large contre le duel du second tour entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron . « On est dans la rue pour faire barrage à l’extrême droite, confirme un étudiant lyonnais du secrétariat fédéral du syndicat Solidaires. Mais on ne veut pas non plus du programme d’Emmanuel Macron : on ne veut pas de la retraite à 65 ans, on ne veut pas des lois racistes et anti-immigration prévues… »

 

Une mobilisation contre « l’aberration de de devoir faire un choix entre le président qui a mis en place Parcoursup, qui veut augmenter les frais d’inscription à la fac, qui a mis en place la loi asile immigration, qui est le responsable de répressions du mouvement social, qui veut allonger l’âge de départ à la retraite… et l’extrême droite », abonde Victor Mendez, président de l’Unef Nanterre.

Les deux syndicats étudiants ne veulent pas se prononcer sur une consigne de vote. D’autant qu’ils pointent la responsabilité des gouvernements précédents dans les scores de l’extrême droite. «

Politique : un nouveau contrat social de la gauche ?

Politique : un nouveau contrat social de la gauche ?

 

Un collectif d’élus, de chercheurs, de militants associatifs, d’entrepreneurs et de décideurs publics, parmi lesquels Manon Aubry, Thomas Piketty, Axelle Lemaire ou Noël Mamère, lance un appel pour que la campagne électorale soit l’occasion de promouvoir un « nouveau contrat social », afin de « reconnecter les institutions publiques » à « la vitalité des acteurs engagés sur le terrain ».(Le Monde)

Un article qui n’est pas sans intérêt quant aux perspectives de reconstruction d’une gauche éclatée aujourd’hui et surtout perdue. Reste que cette réflexion est un peu trop partielle  sans doute pour constituer un corpus idéologique de gauche suffisamment crédible. La gauche devra sans doute prendre le temps pour se reconstruire avant de se précipiter dans des stratégies trop étriquées voire erronées. De ce point de vue , une cure de quelques années dans l’opposition sera sans doute salutaire. NDLR

Tribune.

 

Les défis démocratiques, écologiques et sociaux que notre société doit relever dans les décennies à venir sont colossaux. Les élections, temps fort de notre vie politique, devraient être l’occasion d’une ébullition de propositions enthousiasmantes pour y répondre.

Pourtant, la plupart des candidats nous proposent des solutions technocratiques ou passéistes qui vont, au mieux trop lentement, au pire dans le mauvais sens, sans créer de réel engouement. Depuis plus de trente ans, le débat public tourne en boucle sur les mêmes thèmes – baisse des impôts, réduction des dépenses publiques, insécurité, immigration –, sans chercher à ouvrir l’horizon des possibles.

Quel imaginaire collectif est aujourd’hui capable de répondre aux grands défis écologiques et sociaux ? Quelles transformations profondes de nos institutions envisager afin de soutenir les initiatives citoyennes d’intérêt collectif, comme celles qui ont vu le jour pour autoproduire des masques pendant la crise sanitaire ? Quel récit politique est en mesure de reconnecter les institutions publiques avec la vitalité des acteurs engagés sur le terrain ?

Nous sommes convaincus que la société des communs offre un nouveau récit et un socle programmatique dont la gauche française doit se saisir. La société des communs est structurée autour de communautés ouvertes de citoyens qui s’engagent ensemble pour produire et prendre soin des ressources, biens et services qui contribuent à leur épanouissement. Loin d’être une théorie politique de plus, la société des communs constitue un projet de société vivant, revendiqué par de nombreux mouvements sociaux et matérialisé par des pratiques alternatives qui se développent partout dans le monde.

En France, la coopérative Enercoop développe les énergies renouvelables en regroupant des dizaines de milliers de sociétaires producteurs et consommateurs. Le mouvement Terre de liens rachète des milliers d’hectares de terres agricoles qu’il met en commun pour les préserver de la spéculation foncière et en faciliter l’accès aux paysans pour une agriculture durable.

A l’international, les contributeurs de Wikipédia produisent la plus grande encyclopédie librement accessible jamais écrite par l’humanité. Les chercheurs et les entreprises engagés dans Open Source Drug Discovery collaborent pour produire des médicaments libres d’utilisation, afin de lutter contre des maladies tropicales qui touchent des millions d’individus.

Dans la société des communs, ceux qui produisent et prennent soin de ces ressources, biens et services communs ne s’engagent pas pour répondre aux besoins du capital, mais contribuent volontairement dans une logique de partage. Les décisions ne relèvent pas d’organisations hiérarchiques opaques, mais de formes transparentes d’autogouvernement. Les droits d’accès aux ressources indispensables à l’épanouissement et à l’émancipation ne sont pas déterminés par un propriétaire unique (privé ou public), mais sont garantis à tous, dans une logique de justice sociale et écologique.

 » La société des communs »: le nouveau contrat social de la gauche ?

«  La société des communs »: le nouveau contrat social de la gauche ?

 

Un collectif d’élus, de chercheurs, de militants associatifs, d’entrepreneurs et de décideurs publics, parmi lesquels Manon Aubry, Thomas Piketty, Axelle Lemaire ou Noël Mamère, lance un appel pour que la campagne électorale soit l’occasion de promouvoir un « nouveau contrat social », afin de « reconnecter les institutions publiques » à « la vitalité des acteurs engagés sur le terrain ».(Le Monde)

Un article qui n’est pas sans intérêt quant aux perspectives de reconstruction d’une gauche éclatée aujourd’hui et surtout perdue. Reste que cette réflexion est un peu trop partielle  sans doute pour constituer un corpus idéologique de gauche suffisamment crédible. La gauche devra sans doute prendre le temps pour se reconstruire avant de se précipiter dans des stratégies trop étriquées voire erronées. De ce point de vue , une cure de quelques années dans l’opposition sera sans doute salutaire. NDLR

Tribune.

 

Les défis démocratiques, écologiques et sociaux que notre société doit relever dans les décennies à venir sont colossaux. Les élections, temps fort de notre vie politique, devraient être l’occasion d’une ébullition de propositions enthousiasmantes pour y répondre.

Pourtant, la plupart des candidats nous proposent des solutions technocratiques ou passéistes qui vont, au mieux trop lentement, au pire dans le mauvais sens, sans créer de réel engouement. Depuis plus de trente ans, le débat public tourne en boucle sur les mêmes thèmes – baisse des impôts, réduction des dépenses publiques, insécurité, immigration –, sans chercher à ouvrir l’horizon des possibles.

Quel imaginaire collectif est aujourd’hui capable de répondre aux grands défis écologiques et sociaux ? Quelles transformations profondes de nos institutions envisager afin de soutenir les initiatives citoyennes d’intérêt collectif, comme celles qui ont vu le jour pour autoproduire des masques pendant la crise sanitaire ? Quel récit politique est en mesure de reconnecter les institutions publiques avec la vitalité des acteurs engagés sur le terrain ?

Nous sommes convaincus que la société des communs offre un nouveau récit et un socle programmatique dont la gauche française doit se saisir. La société des communs est structurée autour de communautés ouvertes de citoyens qui s’engagent ensemble pour produire et prendre soin des ressources, biens et services qui contribuent à leur épanouissement. Loin d’être une théorie politique de plus, la société des communs constitue un projet de société vivant, revendiqué par de nombreux mouvements sociaux et matérialisé par des pratiques alternatives qui se développent partout dans le monde.

En France, la coopérative Enercoop développe les énergies renouvelables en regroupant des dizaines de milliers de sociétaires producteurs et consommateurs. Le mouvement Terre de liens rachète des milliers d’hectares de terres agricoles qu’il met en commun pour les préserver de la spéculation foncière et en faciliter l’accès aux paysans pour une agriculture durable.

A l’international, les contributeurs de Wikipédia produisent la plus grande encyclopédie librement accessible jamais écrite par l’humanité. Les chercheurs et les entreprises engagés dans Open Source Drug Discovery collaborent pour produire des médicaments libres d’utilisation, afin de lutter contre des maladies tropicales qui touchent des millions d’individus.

Dans la société des communs, ceux qui produisent et prennent soin de ces ressources, biens et services communs ne s’engagent pas pour répondre aux besoins du capital, mais contribuent volontairement dans une logique de partage. Les décisions ne relèvent pas d’organisations hiérarchiques opaques, mais de formes transparentes d’autogouvernement. Les droits d’accès aux ressources indispensables à l’épanouissement et à l’émancipation ne sont pas déterminés par un propriétaire unique (privé ou public), mais sont garantis à tous, dans une logique de justice sociale et écologique.

 

Carburant et mouvement social

Carburant et mouvement social

Pour le chercheur Pierre Blavier, spécialiste du mouvement des « gilets jaunes », la hausse du prix des carburants porte un enjeu social et « masque l’économie plus large des “mondes de la route” de plus en plus contraints ».

 

Chargé de recherche au CNRS en sociologie et en science politique à Lille, Pierre Blavier est l’auteur de Gilets jaunes. La révolte des budgets contraints (PUF, 2021), pour lequel il a rencontré 350 personnes issues du mouvement social apparu en 2018.

Dans quelle mesure la flambée des prix du carburant réactive-t-elle les enjeux soulevés par la crise des « gilets jaunes » ?

En sciences sociales, on voit qu’il n’y a pas de lien mécanique entre la hausse des prix du carburant, ou du blé dans l’Ancien Régime, et l’éclosion d’un mouvement social. Les prix à la pompe sont certes plus élevés aujourd’hui qu’en novembre 2018. Mais, à l’époque, c’était la question des taxes qui avait joué un rôle. Les « gilets jaunes » étaient critiques sur le système sociofiscal, notamment les taxes sur le carburant. Les cahiers de doléances ont montré qu’ils étaient également choqués par l’augmentation de la CSG sur les retraites, mise en parallèle avec la suppression de l’impôt de solidarité sur la fortune qui a eu une portée politique pour toutes ces franges de la société.


Les données montrent que le pouvoir d’achat a augmenté depuis cinq ans. Est-ce que cela change la donne ?

Oui, mais les études, notamment celle de France Stratégie, montrent aussi que les dépenses préengagées ont augmenté ces dernières années et représentent désormais plus d’un tiers du budget des personnes modestes, selon l’enquête « Budget de famille » de l’Insee, de 2017. C’est vrai qu’il y a eu des réformes pour soutenir le pouvoir d’achat avec la suppression de la taxe d’habitation, mais il y avait chez les « gilets jaunes » cette perception d’un Etat qui se désengage de certains risques sociaux, comme la santé ou les retraites, et cette idée que « tout devient payant ».

La privatisation des autoroutes, par exemple, est vécue comme un abandon par l’Etat, car elle a conduit à des augmentations pour des gens qui roulent beaucoup. Et les hausses de pouvoir d’achat sont à relativiser. J’avais calculé le budget d’un ménage de classe moyenne à qui il restait 8 % de ses revenus pour épargner, pour les vacances et pour les imprévus, une fois effectuées ses dépenses prévisibles. Au total, ces personnes payaient près de 30 % de leur salaire net en impôts et taxes – TVA sur la consommation, taxe foncière, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, taxes sur le tabac.


Le carburant revêt un enjeu particulier, car il est, dites-vous, associé à une identité sociale autour de la voiture…

La question des prix du carburant masque l’économie plus large des « mondes de la route », qui ont subi des contraintes croissantes ces dernières années – limitations de vitesse à 80 km/h, durcissement du contrôle technique, aggravation des peines avec de la prison pour les récidivistes, suspension de permis, renchérissement du diesel et des tarifs des péages… Tout cela alimente un sentiment d’injustice et l’idée que « ça tombe toujours sur les mêmes », alors que, par exemple, le kérosène des avions n’est pas taxé.

Pour un nouveau contrat social avec les universités

Pour un nouveau contrat social avec les universités

 

Définir une identité, une signature pour une université est crucial pour faire coexister quelques établissements de recherche, en compétition mondiale, et tous les autres, estime, dans une tribune au « Monde », Jean-Luc Dubois-Randé, président de l’université Paris-Est-Créteil.

 

Tribune.

 

A quoi sert une université pour nos citoyens ? Cette question simple, absurde sans doute, est pourtant pertinente au moment où les universités entrent en compétition tant au niveau national qu’international. Définir différents modèles d’université avec une cohérence d’ensemble à l’échelle nationale est plus que jamais nécessaire alors que l’organisation imposée par les programmes d’investissements d’avenir très compétitifs – avec des jurys internationaux souvent très éloignés des modèles nationaux – est devenue la règle.

Au cours des vingt dernières années, les gouvernements du monde entier ont poussé leurs universités à devenir plus compétitives au niveau mondial. Ceci a profondément transformé les écosystèmes de l’enseignement supérieur et de la recherche de pays comme la France, en érodant les catégories nationales telles que la distinction entre les grandes écoles et les universités, tout en creusant l’écart entre les institutions à forte intensité de recherche et celles qui ne le sont pas.

Cela conduit à un système à deux vitesses dans lequel les universités étroitement liées à leurs communautés, relativement récentes pour la plupart, ont vocation à former des étudiants de premier cycle et répondre aux besoins du territoire local (dans de nombreux pays, elles sont connues sous le nom d’universités de sciences appliquées, aux Etats-Unis sous celui de community colleges). A l’opposé, les universités de recherche sont moins en phase avec les besoins de leurs territoires, précisément parce qu’elles sont en concurrence au niveau mondial.

Avantages comparatifs pour la recherche

Dans un monde professionnel où l’accès aux connaissances et le développement des compétences sont essentiels et où la recherche alimente l’ « économie de la connaissance », un tel phénomène exacerbe les inégalités : les établissements de pointe en recherche concentrent des financements conséquents, renforcent leurs avantages comparatifs et connaissent des processus de reproduction sociale des élites, alors que les catégories socio-économiques les plus défavorisées ont un moindre accès à un enseignement supérieur pleinement ouvert à la recherche.

Dans un environnement dont le caractère concurrentiel continue de se renforcer, le risque est majeur que des chercheurs de premier plan souhaitent en grand nombre être affectés dans les universités à forte intensité de recherche, où se dirigent les étudiants les plus performants, et que les autres universités deviennent progressivement, en grand nombre, des community colleges. Ce schéma est d’ailleurs proposé dans un récent rapport de la Cour des comptes.

 

Social- Grèves SNCF: pour tuer l’entreprise et le service public

Social- Grèves SNCF:  pour tuer l’entreprise et le service public 

 

 

La SNCF est évidemment engluée dans une situation économique , financière et concurrentielle  inextricable. En clair, elle ne cesse de perdre des parts de marché sur tous les créneaux, accuse une crise financière sans fin et se trouve maintenant affrontée à une concurrence anarchique ( réciproquement la SNCF va concurrencer les autres réseaux des pays étrangers !).

C’est encore le moment choisi par les syndicats pour appeler à une nouvelle grève pendant les vacances de Noël.Certes les préavis viennent d’être levés mais le mal est fait car la SNCF rétablir un service normal ce week-end.

En fait, les syndicats sont engagés dans une fuite en avant gauchiste pilotée par Sud rail. Un mouvement qui va concerner essentiellement les agents de conduite et les contrôleurs et qui évidemment va porter une nouvelle atteinte à l’image d’une entreprise complètement cangrenée par la gréviculture , le gauchisme et l’irresponsabilité.

On voudrait tuer définitivement l’entreprise et le service public  qu’on ne s’y prendrait pas autrement avec comme horizon un jour une société recroquevillée sur quelques activités que le corporatisme irresponsable n’aura encore pas réussi à étrangler complètement.

Cette grève en pleine période pandémique va surtout porter atteinte à l’intérêt des usagers. Le paradoxe c’est que parallèlement la SNCF est engagée dans la voie d’une libéralisation qui va autoriser la concurrence pour la circulation des TGV et permettre à cette concurrence de pénétrer largement les TER via les appels d’offres.

Les syndicats font la démonstration de leur incompétence même à conduire un mouvement syndical dans l’intérêt des cheminots, de l’entreprise et des clients. L’histoire retiendra sans doute qu’ils ont largement contribué à saboter leur outil de travail, à le déconsidérer et à persuader les pouvoirs publics de tuer progressivement une entreprise ingérable.

Le gauchisme syndical a déjà largement favorisé la disparition du transport ferroviaire de messagerie, puis la quasi extinction du transport de fret ; il pourra se glorifier d’avoir largement participé à l’extinction du transport SNCF de personnes

Social: 170.000 fonctionnaires en plus en trois ans

Social: 170.000 fonctionnaires en plus en trois ans

En dépit des déclarations, le nombre de fonctionnaires ne diminue pas en France, il a même tendance à augmenter. En cause, la confusion entre le caractère régalien des activités et le statut du personnel. Pour schématiser, les corporatistes considèrent que tout fonctionnaire exerce une mission d’intérêt général. En réalité, il faut distinguer ce qui relève effectivement des champs d’intérêt général, des conditions d’exercice et des statuts des personnels. Ainsi dans de nombreuses activités ( santé, transport, écoles etc.) l’émission d’intérêt public sont aussi effectués par des personnels de droit privé. À l’inverse, nombre de fonctionnaires exercent des missions qui n’ont rien à voir avec l’intérêt général ( entretien, jardinage, tâches administratives ou techniques).
La France présente la particularité d’un taux de fonctionnaires particulièrement importants, près de 20 % de la population. Des effectifs très coûteux à la productivité douteuse et qui en plus sont mal rémunérés. Il conviendrait de faire un grand ménage dans les champs du régalien ,dans les conditions d’exercice des missions est de distinguer le statut des personnels exerçant les activités.
Sur les trois premières années du quinquennat Macron, le nombre d’emplois publics (contrats aidés compris) a encore explosé de plus de 170.000, à rebours de la promesse de campagne en 2017 de supprimer 120.000 postes de fonctionnaires en cinq ans.

Selon les chiffres de l’Insee (hors contrats aidés) :

  • la fonction publique d’État (FPE) compte 2,4 millions d’agents (+0,9% par rapport à 2018) ;
  • la fonction publique territoriale (FPT) 1,9 million (+0,9%) ;
  • la fonction publique hospitalière (FPH) 1,1 million (+0,5%).

Dans la FPE, plus de la moitié des agents sont de catégorie A (dont 64% sont enseignants). Les trois quarts des salariés de la FPT et la moitié de ceux de la FPH sont de catégorie C, avec cette particularité que la part des salariés de catégorie B diminue. Dans la FPT et la FPH, une bascule de B en A de certains métiers explique cette dynamique, c’est le cas par exemple des infirmiers sapeurs-pompiers dans la FPT ou des éducateurs de jeunes enfants dans la FPH.

En 2019, 450 200 agents, hors militaires, soit 8,5% des présents fin 2019, sont entrés dans la fonction publique et 433 600 en sont sortis, soit 8,1% des présents fin 2018.

Dans le détail, les effectifs ont tout autant augmenté en 2020 dans l’État (+20.600 agents, soit une hausse 8 fois supérieure à celle de 2019) que dans l’hospitalier (+ 21.500 agents, soit une progression 6 fois plus importante qu’un an avant). Les effectifs dans les ministères ont baissé de 0,2 %, principalement à Bercy (− 3400, soit − 2,5 % de l’emploi des ministères économiques et financiers).

Comme en 2019, le nombre de contractuels a augmenté dans les établissements publics (+ 34.100 emplois), notamment les locaux d’enseignement (+ 26.300), faisant plus que compenser la baisse du nombre de contrats aidés.

Dans la fonction publique hospitalière, l’emploi a progressé dans les établissements médico-sociaux (+ 1,4 %) et surtout, crise sanitaire oblige, dans les hôpitaux (+ 1,9 %). La hausse observée est principalement marquée pour les contractuels, dont le nombre a bondi de 23.500, soit + 9,5 %. Seule la sphère territoriale a vu ses effectifs fondre un peu, de 8400 personnes Mais il faut dire que les effectifs en cause avaient explosé au cours des années précédentes.

La victoire de la social-démocratie allemande: pourquoi ?

La victoire de la social-démocratie allemande: pourquoi ?

 

Un article qui pourrait faire réfléchir la social-démocratie française républicaine concernant le succès de la social-démocratie allemande.

La victoire du nouveau chancelier social-démocrate Olaf Scholz réside dans le fait d’avoir su renouer avec l’électorat populaire, en mettant en avant les questions économiques et sociales, de nouveaux engagements européens et une politique audacieuse en matière de transition écologique, analyse, dans une tribune au « Monde », l’historien et germaniste Jacques-Pierre Gougeon.

 

Tribune.

A un moment où un social-démocrate, Olaf Scholz, incarnation du « centre gauche », va diriger l’Allemagne, alors que l’Europe du Nord et une partie de l’Europe du Sud sont dirigées par des sociaux-démocrates et que, en contraste, la gauche française semble à la peine, il peut être intéressant de revenir sur les raisons du succès de la social-démocratie allemande.

Balayons d’abord une analyse que l’on a pu trouver ici ou là et qui est un peu facile : la victoire d’Olaf Scholz serait due à la faiblesse du candidat chrétien-démocrate. Certes, ce dernier a multiplié les maladresses et est apparu en « décalage » et finalement peu à la hauteur, d’autant que, dès le début, sa candidature a été contestée par une partie de son camp. Mais pour qui analyse les choses avec plus d’attention, les raisons de la victoire sociale-démocrate, courte certes (25,7 % pour le Parti social-démocrate, SPD, contre 24,1 % pour l’Union chrétienne-démocrate, CDU), sont plus profondes. Cela n’a pas été suffisamment relevé, le Parti social-démocrate a, lors de cette élection, renoué avec l’électorat populaire dont il avait commencé à perdre les faveurs aux élections fédérales de 2009, alors qu’il recueillait encore, en 2005, 44 % du vote des ouvriers et 35 % du vote des employés.

 

Lors des dernières élections fédérales, 26 % des ouvriers et 24 % des employés ont voté pour le SPD soit un gain respectif de 3 et 4 points par rapport à 2017. En outre, 32 % des salariés syndiqués ont fait ce choix. Ce constat est à mettre en parallèle avec le fait que le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD) avait dû son résultat élevé de 2017 en grande partie à une percée parmi les ouvriers (21 % soit un gain de 15 points par rapport à 2013), se déclarant depuis « parti ouvrier ». Cette évolution tangible en 2021 est à mettre en relation avec la volonté du Parti social-démocrate et d’Olaf Scholz lui-même d’un positionnement clairement social de sa campagne qui correspondait par ailleurs au glissement de son parti ces dernières années.

 

Cette mutation a été marquée par une prise de distance, voire une rupture, sur certains sujets, avec l’ère de l’ancien chancelier Gerhard Schröder dont Olaf Scholz avait pourtant été l’un des acteurs comme secrétaire général du SPD. Les analyses de l’historien Mark Lilla sur l’élection américaine de 2018 ont été observées de près par les sociaux-démocrates allemands : selon cet universitaire, la campagne libertaire d’Hillary Clinton, trop tournée vers les questions liées à la diversité et les interrogations des libéraux des grandes villes, a fini par oublier les enjeux économiques et sociaux, poussant une large partie des ouvriers des régions industrielles à voter en faveur de Donald Trump

Incompatibilité environnement, social et gouvernance ?

 

Incompatibilité environnement, social et gouvernance ?

Le politiste Yannick Mireur et la consultante Aline Rutily expliquent, dans une tribune au « Monde », pourquoi vouloir concilier les critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance, d’un côté, et la compétitivité des entreprises, de l’autre, relève de la mission impossible.

 

Tribune.

En soutenant l’impératif largement partagé de la décarbonation, notamment par une utilisation plus responsable des ressources, la transition écologique dicte de plus en plus la stratégie des groupes. Mais, si elle modifie ainsi l’utilité sociale de l’entreprise, renforce-t-elle au même degré sa performance économique et commerciale ? La question est spécialement saillante dans un commerce mondial chamboulé par la Chine et l’activisme mercantiliste de son Etat-parti, auquel les pressions américaines ne changeront rien.

Comment les dirigeants d’entreprise peuvent-ils concilier la responsabilité sociale et environnementale (RSE), ou ce que désormais l’on appelle les critères ESG – environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance –, et certains principes cardinaux ?

La raison d’être de l’entreprise est en effet d’être profitable en produisant des biens ou des services pour ses clients, en fournissant des emplois stables et justement rémunérés, en rémunérant aussi ses actionnaires et investisseurs, en traitant bien ses fournisseurs et même, plus récemment, en apportant du bien-être. Sauf à devenir un impératif absolu prévalant sur toute autre considération – ce qui est peut-être souhaitable –, la transition écologique doit bien en tenir compte.

De fait, et alors qu’une écrasante majorité de l’opinion considère que l’entreprise doit être le moteur de la transition écologique, il est désormais de plus en plus risqué pour leurs dirigeants, quels que soient leur taille et leur secteur, de s’affranchir d’un plan mettant les enjeux sociétaux et environnementaux au cœur de leur stratégie.

Concilier les exigences environnementales, le rendement par action et la compétitivité sous l’œil des marchés, tout en contribuant aux attentes de la société en termes de pouvoir d’achat et d’emploi et, de plus en plus, d’une sorte de sérénité, ne revient-il pas à la quadrature du cercle ? L’utilité sociale de l’entreprise semble tiraillée entre ces objectifs parfois contradictoires, alors que monte la pression sur les conseils d’administration.

 

D’autant que leurs financeurs désormais entrent en scène en s’emparant du défi climatique, à l’instar de Larry Fink, président de l’emblématique fonds BlackRock, qui appelait dès janvier 2020 à un tournant décisif de la finance en faveur de critères de décarbonation dans les stratégies d’investissement. Ou de Christine Lagarde, ouvrant la voie à un rôle d’aiguillon de la Banque centrale européenne dans le même sens, sans oublier les investisseurs « à impact ».

Google : du social sans syndicat et sans revendication

Google : du social sans syndicat et sans revendication

En raison de divergences avec leur direction qui se multiplient, des salariés de Google ont annoncé, lundi 4 janvier, créer un syndicat, une décision qui coïncide avec une période de mécontentement grandissant envers les géants de la Silicon Valley.

La Silicon Valley était parvenue jusqu’à présent à éviter la création de syndicats en offrant de généreuses rémunérations à ses salariés mais fait face, désormais, à un activisme des employés sur de nombreuses problématiques sociétales. Ce tout premier syndicat ne s’occupera pas que des questions liées aux salaires et conditions de travail mais aussi des problématiques éthiques, selon un communiqué des fondateurs.

Dans un article du Wall Street Journal le patron de Google livre sa vision des rapports dans l’entreprise. Des rapports assez archaïques dignes du XIXe siècle quand la technologie par contre est en avance .Témoin cette opposition jusqu’en 2021 à la création du moindre syndicat.

 

Interview de Sundar Pichai, directeur général d’Alphabet et de Google, lors de la conférence Tech Live du Wall Street Journal. ( extraits )

M. Murray : Où en êtes-vous actuellement en ce qui concerne le retour de vos collaborateurs au bureau, le télétravail, l’obligation du port du masque et de se faire tester, et que prévoyez-vous sur ces questions pour les prochains mois ?

M. Pichai : Nous partons du principe que l’avenir du travail sera flexible. Mais notre profonde conviction est que réunir les gens est bénéfique, c’est pourquoi vous nous avez vus récemment acheter un immeuble à New York. Nous tablons en gros sur un modèle trois jours au bureau et deux jours en télétravail. Nous envisageons de faire en sorte qu’environ 20 % de notre personnel travaille entièrement à distance à terme.

A partir de janvier, nous allons simplement dire à nos collaborateurs de prendre des décisions au niveau local, et non plus de manière centralisée, car les différentes régions du monde connaissent des trajectoires différentes concernant la Covid.

M. Murray : A titre personnel, avec quelle fréquence allez-vous au bureau en ce moment ?

M. Pichai : Cette semaine, j’y suis allé tous les jours, mais, en moyenne, cela tourne à deux à trois jours par semaine.

M. Murray : Comment allez-vous redéfinir la culture d’entreprise que vous voulez avoir — et dont vous avez besoin —, qui doit être susceptible de créer un sentiment d’appartenance pour tout le monde, qu’il soit au bureau en télétravail ?

M. Pichai : Cela passe par l’investissement. Nous repensons beaucoup les espaces physiques, en essayant de créer plus de lieux de collaboration, d’endroits sympas où les gens peuvent venir et se réunir.

Lorsque nous avons rouvert nos bureaux de New York, la présence se faisait sur la base du volontariat. Désormais, la fréquentation est d’environ 50 %. La semaine dernière, nous avons eu des files d’attente dans nos cafétérias pour la première fois. L’énergie était de retour dans les bureaux. Les gens semblaient vraiment heureux d’être de nouveau là.

M. Murray : Est-ce que la crise a changé la Silicon Valley en tant que cœur de la tech ? Cette dernière est-elle désormais installée partout ? Est-ce que la Silicon Valley a perdu un peu de sa centralité dans le secteur ?

M. PICHAI : Tout porte à croire que la Silicon Valley continue à faire des choses extraordinaires et qu’elle emploie les meilleurs talents qui soient. Mais il y a plus d’activité et d’énergie dans d’autres régions qu’il n’y en avait jamais eues.

Le gâteau est en pleine expansion, et la Silicon Valley ne sera plus seule. D’autres régions vont certainement prospérer, ce qui est globalement une bonne chose. Mais la Silicon Valley aura toujours quelque chose de spécial.

M. Murray : Vous avez eu à affronter de vifs conflits avec votre personnel. Il y a désormais un mouvement syndical dans l’entreprise. Entre ces incidents et les défis posés par le télétravail, comment gérez-vous les préoccupations culturelles de vos collaborateurs et les contestations au sein de l’entreprise ?

M. Pichai : Nous avons profondément responsabilisé nos salariés. Je considère que c’est une richesse pour l’entreprise d’avoir des employés aussi impliqués, qui s’intéressent profondément à ce qu’elle fait.

Il arrive que nous prenions des mesures qui ne plaisent pas à notre personnel. Nous devons être clairs et transparents sur nos décisions. C’est une nouvelle normalité, et nous y sommes habitués depuis un certain temps.

M. Murray : L’un des gros titres de cette semaine a été la gestion de l’affaire du spectacle de l’humoriste Dave Chappelle [NDLR : une production Netflix qui a fait polémique] et le mécontentement qu’elle a suscité chez certains collaborateurs. C’est une nouvelle corde à l’arc d’un PDG, aujourd’hui, d’apprendre à faire face aux employés qui donnent de la voix. Vous-même, faites-vous davantage savoir lorsque vous n’êtes pas d’accord avec les critiques ?

M. Pichai : Quand vous êtes à la tête d’une grande entreprise, vous voulez vous assurer que celle-ci agisse comme il faut. Cela confère un sentiment de responsabilité, que j’ai toujours considéré comme une richesse pour l’entreprise. Nous avons investi dans des moyens permettant aux gens d’exprimer leurs préoccupations.

Il est important qu’il y ait également un dialogue empreint de respect de part et d’autre. Mais les chefs d’entreprise doivent accepter le fait que, dans le monde professionnel moderne, les employés veuillent avoir leur mot à dire sur l’entreprise. C’est aussi une force.

Pour une souveraineté alimentaire qui intègre social et environnement

Pour une   souveraineté alimentaire qui intègre  social et environnement 

 

Dans son rapport intitulé « La souveraineté alimentaire : perspectives nationales, européennes et internationales », la députée Sandrine le Feur formule des recommandations pour une meilleure mise en oeuvre des politiques publiques visant à renforcer la souveraineté alimentaire. Intreview dans l’Opinion.

La crise Covid a remis sur le devant de la scène la nécessité de la souveraineté alimentaire. Vous insistez pour qu’on en revienne à la définition originelle. Quelle est-elle ?

La définition mise en avant en France ces derniers mois n’est pas celle faite par le mouvement paysan Via Campesina dans les années 1990. Celle-ci comprend trois axes : le droit à l’alimentation pour les consommateurs et le droit à la production pour les paysans, ce qui implique la rémunération correcte de leur travail ; l’accès au foncier et le droit pour les paysans de choisir leurs productions et leurs semences ; le respect des droits sociaux et environnementaux dans les échanges. Cela ne s’applique pas à la seule échelle d’un pays : ce n’est pas une vision hostile aux échanges, ce n’est pas synonyme d’autarcie. Mais il y a une notion centrale de respect des autres agricultures dans le commerce mondial.

Quel état des lieux dressez-vous de la souveraineté alimentaire et européenne ?

La crise Covid a accentué la prise de conscience et suscité une envie d’autonomie. A l’échelle d’une exploitation, une autonomie accrue, ce sont aussi des revenus meilleurs et dans ce sens, je me retrouve dans l’ambition du Plan protéines. Mais l’autonomie n’est qu’une partie de la restauration de la souveraineté alimentaire. L’autre volet, capital, c’est le respect dans les échanges, des effets sociaux et environnementaux — qui conditionne la souveraineté des autres acteurs. Et cela n’est pas pris en compte. Je pose par exemple la question : doit-on produire pour les autres ? De mon point de vue, on a voulu exporter notre modèle qui a détruit une agriculture vivrière. Les exportations subventionnées par la PAC créent des concurrences déloyales et nous devons y réfléchir.

« La première chose, selon moi, c’est de promouvoir une exception agricole et alimentaire dans les accords commerciaux internationaux, comme pour la culture »

Ce débat sur la souveraineté alimentaire porte aussi sur la main-d’œuvre…

Oui, et je le vois sur le terrain : nous peinons à trouver des bras pour le ramassages des échalotes, des pommes de terre, des tomates… Nous demandons régulièrement la régularisation de migrants qui veulent travailler dans les champs. Cela pose question : pourquoi est-il si difficile de ramener la main-d’œuvre locale vers la terre ? Est-ce que ces travaux ne sont pas assez payé au regard de leur dureté — et est-ce que les consommateurs ont conscience de ce que cela implique pour eux ? Comment revaloriser la fonction nourricière, qui est noble ?

Quels sont les pistes principales que vous explorez pour améliorer la souveraineté alimentaire ?

La première chose, selon moi, c’est de promouvoir une exception agricole et alimentaire dans les accords commerciaux internationaux, comme pour la culture. La nourriture ne doit plus servir de monnaie d’échange. La deuxième piste est d’intégrer à la rémunération des externalités positives de l’agriculture. La société et les consommateurs demandent toujours plus aux agriculteurs — respecter la biodiversité, adopter de meilleures pratiques — sans vouloir en payer le prix final lors de l’achat des produits. L’agriculture biologique, par exemple, aimerait plus d’aides de la PAC, mais l’idéal est quand même de vivre de la production. Les politiques publiques doivent faire plus en ce sens, ce n’est jamais clairement dit. Enfin, je préconise la création d’un service public universel de l’alimentation sur le modèle de la Sécurité sociale, avec le remboursement d’une liste de produits à déterminer pour orienter la consommation vers plus de vertu : locaux, bio ou pas, d’ailleurs. Mais cela doit se faire à l’échelle européenne.

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