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Irlande du Nord – Sinn Fein : Victoire en trompe-l’œil

Irlande du Nord - Sinn Fein : Victoire en trompe-l’œil

 

L’écrivain nord-irlandais Glenn Patterson explique, dans une tribune au « Monde », pourquoi, compte tenu du statut institutionnel particulier du pays, la première place du parti nationaliste aux élections législatives constitue un triomphe en trompe-l’œil.

 

En voilà une nouvelle ! Pour la première fois depuis la partition de l’Irlande, en 1921, un parti nationaliste favorable à la réunification de l’île est arrivé en tête des élections en Irlande du Nord. Et pas n’importe quel parti nationaliste : le Sinn Fein, longtemps considéré par beaucoup comme la branche politique de l’IRA provisoire.

Le Sinn Fein est désormais en droit de s’attribuer le poste de chef de l’exécutif bicéphale créé par l’accord de paix de 1998, dit du Vendredi saint, tandis que son principal rival, le Parti unioniste démocrate (DUP) − qui est aussi, pour compliquer les choses, son partenaire de coalition depuis quinze ans −, devra se contenter de celui de vice-premier ministre. En réalité, les deux postes se valent. Les titres de premier ministre et de vice-premier ministre étaient pour les unionistes un artifice destiné à masquer le fait que, avec le partage du pouvoir, ils ne gouvernaient plus seuls. Le Sinn Fein n’a jamais manqué une occasion de rappeler que ces postes étaient équivalents, mais à présent qu’il est arrivé premier, il semble vouloir croire lui-même à cet artifice.

Le Sinn Fein est arrivé premier, mais il n’a pas progressé en nombre de sièges. Il est devenu le premier parti parce que le DUP, qui avait quitté l’exécutif sortant pour protester contre le protocole nord-irlandais du Brexit [qui maintient la province britannique dans le marché unique et l’union douanière européenne], a reculé de près de 7 % et a perdu trois députés à l’Assemblée législative, ce qui lui fait deux sièges de moins que le Sinn Fein, contre un siège de plus lors de la précédente législature.

En nombre de sièges, le grand gagnant a été le parti non confessionnel Alliance, qui a plus que doublé le nombre de ses élus, passés de huit à dix-sept. Certains sondages réalisés dans les derniers jours de la campagne donnaient Alliance à égalité avec le DUP, mais, même si cette formation était arrivée deuxième, elle n’aurait pas pu prétendre à l’un des deux postes-clés de l’exécutif. En vertu de l’accord de Saint-Andrews de 2006 − négocié entre les gouvernements britannique et irlandais, le Sinn Fein et le DUP −, les partenaires de coalition ne peuvent être issus que des rangs des principales formations classées comme « nationaliste », « unioniste » ou « autre ». Le parti Alliance s’enorgueillit de figurer dans la catégorie « autre », mais il ne dispose pas des sièges ou des alliés nécessaires pour constituer une majorité.

Un esprit cynique pourrait dire que les ennemis jurés que sont le Sinn Fein et le DUP ont décidé à Saint-Andrews de s’octroyer un avantage permanent.

Irlande: victoire du parti nationaliste irlandais Sinn Fein sur Boris Johnson

Irlande: victoire du parti nationaliste irlandais Sinn Fein sur Boris Johnson

 

Le succès du parti nationaliste irlandais Sinn Fein, lors des élections à l’Assemblée locale d’Irlande du Nord, illustre une nouvelle fois l’irresponsabilité des promoteurs du Brexit.(Un papier du « Monde »)

 

En 1921, les Britanniques ont partagé l’île d’Irlande et tracé les frontières de l’Irlande du Nord de façon à y assurer une majorité protestante et unioniste, c’est-à-dire partisane du maintien au sein de la couronne britannique. Depuis lors, l’exécutif mis en place à Belfast a toujours été contrôlé par un parti unioniste. C’est dire si le qualificatif d’« historique » n’est pas excessif pour décrire la victoire du Sinn Fein, jeudi 5 mai, aux élections à l’Assemblée locale d’Irlande du Nord. Depuis sa fondation en 1905, la raison d’être du parti nationaliste irlandais est l’indépendance de la totalité de l’île vis-à-vis de Londres. L’organisation, qui milite de fait pour la dissolution de l’Irlande du Nord, accède au pouvoir dans ladite province.

Ce basculement apparaît d’autant plus inouï qu’il est indirectement lié à un événement souhaité et défendu par l’actuel pouvoir britannique : le Brexit. Le divorce d’avec l’Union européenne, qui avait été rejeté au référendum de 2016 par 56 % des électeurs nord-irlandais, a enclenché un mouvement d’éloignement de la Grande-Bretagne, marqué par l’essor des échanges entre les deux parties de l’île, au détriment de ceux avec la Grande-Bretagne.

 

Le séisme est d’autant plus fort que le Sinn Fein a longtemps été la vitrine politique légale de l’Armée républicaine irlandaise (IRA), impliquée dans les violences durant les trente années de la guerre civile qui, à partir de 1969, a fait plus de 3 500 morts. Depuis l’accord de paix de 1998 qui a instauré un partage du pouvoir, l’exécutif local était entre les mains des partis unionistes, le Sinn Fein se contentant du poste au pouvoir équivalent mais moins prestigieux de « premier ministre adjoint ». La situation inverse va désormais prévaloir.

La victoire électorale du Sinn Fein signe le succès de la mue d’une organisation sulfureuse devenue un parti de gauche mobilisé sur les questions sociales qui a rompu avec son europhobie et voit le Brexit comme un accélérateur de sa revendication centrale : la réunification de l’île. Elle traduit d’autre part la déconfiture du Democratic Unionist Party (DUP) jusqu’ici majoritaire, favorable au Brexit, dont l’intransigeance et les errements ont sapé la popularité.

 

Pour Boris Johnson, le défi est double : à court terme, l’exécutif nord-irlandais, déjà dysfonctionnel, risque d’être paralysé par le refus du DUP de jouer les seconds rôles derrière le Sinn Fein, et l’impasse du jeu démocratique pourrait favoriser les tensions. Mais le premier ministre britannique, affaibli par le revers qu’il subit simultanément aux élections locales dans le reste du pays, par le scandale des fêtes arrosées pendant le confinement et par les difficultés économiques, va devoir gérer les conséquences de la victoire, à Belfast, d’un parti qui a aussi le vent en poupe dans le sud de l’île et prévoit un référendum sur la réunification de l’Irlande – autrement dit l’amputation du Royaume-Uni – dans les cinq à dix ans à venir.

Pareille perspective est loin d’être évidente. La réunification reste une revendication minoritaire au Nord, et les citoyens de la République d’Irlande, bien que majoritairement favorables, se méfient de son coût.

Surtout, il s’agit d’un dessein lourd de menaces de violences. Le succès du Sinn Fein illustre d’abord, une nouvelle fois, l’irresponsabilité des promoteurs du Brexit. Boris Johnson, leader du Parti conservateur, voué au maintien d’une Irlande du Nord britannique, pourrait être l’homme qui en aura favorisé la perte pour le royaume.




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