Bouygues : 15 milliards pour SFR
Bouygues offre 15 milliards pour SFR et Numericable 11 pour l’instant. Le gouvernement aura son mot à dire, pour l’instant il dit vouloir privilégier l’emploi. Il est possible que finalement, il opte (via la caisse des dépôts) pour Bouygues, ce qui ferait disparaître un opérateur et réduirait ainsi une concurrence jugée excessive par Montebourg lui-même. Vivendi a mis fin au suspense en annonçant mercredi soir avoir reçu « deux offres engageantes de prise de contrôle majoritaire » du deuxième opérateur télécom français, « adossées à des engagements de financement ». Son conseil de surveillance « sera saisi pour étudier ces offres » et « il évaluera toutes les options qui s’offrent à lui quant à l’avenir de sa filiale et du groupe, dans le meilleur intérêt des salariés et des actionnaires », a-t-il indiqué dans un bref communiqué. »On a maintenant deux offres, on va les décortiquer et voir si elles valent mieux que l’entrée en bourse de SFR, ça ne devrait pas s’éterniser », a commenté mercredi soir à l’AFP le président du directoire, Jean-François Dubos. Les candidats au rachat de SFR, dont Vivendi souhaite se séparer pour se recentrer sur les médias, avaient jusqu’à 20H00 mercredi pour présenter leurs offres de reprise. Les candidatures d’Altice, holding mère de Numericable, et celle de Bouygues étaient attendues: le câblo-opérateur s’était dit intéressé dès 2012 par SFR, tandis que Bouygues Telecom, le plus affecté dans la guerre des prix du mobile initiée par Free, est sorti du bois au dernier moment, craignant d’être isolé par un tel mariage. La décision que prendra Vivendi de céder ou non tout ou partie de sa filiale, devra recueillir un feu vert de l’Autorité de la concurrence. Même si ce choix ne sera pas soumis à l’exécutif, le gouvernement s’est immiscé mercredi dans le dossier, en soulignant la nécessité de préserver l’emploi. »Il n’y a pas de candidat privilégié », mais le gouvernement « s’appuiera avant tout sur trois critères: surtout l’emploi évidemment, celui de la capacité à investir dans l’outil industriel et puis celui de la qualité du service qui pourra être fourni aux consommateurs », a déclaré sa porte-parole, Najat Vallaud-Belkacem. Même son de cloche à Bercy: « concernant les éventuelles opérations de concentration, le gouvernement est vigilant et a pour seule préoccupation l’emploi et l’investissement ». Ces derniers jours, le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg a rencontré Numericable et Bouygues Telecom, ainsi que la direction de Free, muette sur ses intentions, et Orange, l’opérateur historique et numéro un du marché. Vivendi avait confirmé fin février avoir été approché par la holding Altice, maison-mère de Numericable, en vue d’un « éventuel rapprochement » avec SFR, tout en assurant ne pas avoir renoncé au projet de mise en Bourse de l’opérateur, envisagé pour juin. Altice est prêt à offrir 11 milliards d’euros en numéraire à Vivendi, qui conserverait 32% de SFR tandis que le nouvel actionnaire en obtiendrait 50%, selon un scénario dévoilé par le Figaro mardi. Toujours selon Le Figaro, Bouygues devrait offrir plus de 15 milliards d’euros à Vivendi. Une fois le choix de Vivendi arrêté, le processus d’examen par l’Autorité de la concurrence sera long: étude de l’impact du rapprochement sur le secteur, entretien avec les parties concernées et les acteurs du marché, discussions sur d’éventuels engagements des parties pour préserver la concurrence. Si elle se concrétise, l’opération signifierait dans tous les cas un changement profond du paysage français des télécoms. Ce marché compte aujourd’hui quatre opérateurs : Orange, Bouygues Telecom, SFR et Free Mobile. L’arrivée de ce dernier en janvier 2012 a déclenché une guerre des prix qui a sapé les marges de tous les acteurs. Les deux projets principaux de rachat se différencient sur plusieurs points: Numéricable présente son offre comme un projet de croissance et d’investissement. Les atouts du câblo-opérateur sont son réseau fibre et sa télévision payante, tandis que SFR fait du mobile et de l’internet fixe. En gage de bonne volonté, Patrick Drahi, patron d’Altice, s’est engagé dans Le Figaro mardi « à ne pas licencier, à conserver 8.500 emplois chez SFR et 2.400 chez Numericable, et même à recruter des commerciaux pour le marché des entreprises ». Mais du point de vue des pouvoirs publics, Numericable est desservi par son poids financier moindre et le fait que sa maison-mère Altice, basée au Luxembourg et cotée à Amsterdam, a un propriétaire suisse.. Une offre de Bouygues devrait créer plus de synergies mais comporte le risque de détruire beaucoup plus d’emplois. Elle signifierait aussi la disparition d’un opérateur, posant des problèmes de concurrence a priori plus vifs. »Le marché de la téléphonie mobile a longtemps été dominé par trois opérateurs qui pratiquaient une concurrence plus que discrète. L’arrivée de Free, malgré quelques couacs, a incité le secteur à pratiquer une baisse significative des prix. Et la possibilité d’une concentration, donc d’un retour en arrière, est plus qu’inquiétante pour le consommateur », a estimé mercredi l’association de protection des consommateurs CLCV. En 2005, SFR, France Télécom et Bouygues Telecom avaient été condamnés à de lourdes amendes (534 millions d’euros au total) par l’Autorité de la concurrence pour « entente » concernant leurs nouveaux abonnements et les résiliations.