Politique-Afrique et sentiment anti-français
Emmanuel Macron a annoncé, ce lundi, un changement d’approche dans la présence française sur le continent africain. Lova Rinel, chercheuse associée au think tank Fondation pour la recherche stratégique, analyse les enjeux de La nouvelle stratégie.(Dans le Figaro)
Une contribution assez superficielle qui témoigne bien du manque de connaissance concrète de la problématique de développement de l’Afrique. Une approche très politique , voire politicienne , et très peu économique et sociale pourtant la question centrale NDLR
Lova Rinel est chercheuse associée au think tank Fondation pour la recherche stratégique.
Ce mercredi 29 février, Emmanuel Macron s’envolera pour une tournée dans quatre pays d’Afrique centrale. Que peut-on en attendre ?
Lova RINEL. – Les enjeux ne sont pas du tout les mêmes dans ces quatre pays, on peut donc avoir des attentes différentes pour chacune des visites. Le Gabon, par exemple, est en pleine préparation des élections électorales, alors que le Congo, lui, est proche d’une guerre avec le Rwanda. Concernant , ce n’est pas un pays francophone, il est donc moins lié à notre histoire et nécessite une réflexion différente.
Ainsi, ce que l’on peut attendre du président Macron dépend des circonstances. Au Congo, on peut espérer un soutien diplomatique beaucoup plus assumé envers les Congolais dans le cadre du conflit sur les frontières avec le Rwanda. En tant que membre permanent du Conseil de sécurité, nous avons une obligation assez forte en termes de sécurité internationale. À l’opposé, au Gabon, on peut attendre du président qu’il soit beaucoup plus neutre en période électorale. Il doit éviter de se présenter comme un proche d’Ali Bongo. On peut également espérer qu’il s’engage sur le sommet sur les forets à Libreville. Emmanuel Macon doit, en effet, promouvoir une politique écologique, non seulement en France, mais aussi en Afrique, pour permettre à ce continent de suivre la marche en faveur de la lutte contre les changements climatiques.
Pour la République du Congo, la difficulté réside dans la distance à avoir avec le président Denis Sassou-Nguesso. Ce dernier est le président africain, encore en fonction, qui est resté le plus longtemps au pouvoir. Il est un symbole de dictature, et cristallise dans son mandat beaucoup d’agacement, de rancœur, d’interrogations. Ainsi, Emmanuel Macron ne peut pas s’afficher avec lui, et en même temps il ne peut pas l’ignorer lorsqu’il vient dans son pays. Ce qui va être assez difficile. Concernant l’Angola, ce qui est intéressant c’est que le pays n’est pas dans le narratif France-Afrique. On peut donc se demander quel discours va adopter Emmanuel Macron. Il faudrait qu’il garde le même ton que lors de son discours sur l’Afrique à l’Élysée le 27 février, où il a prôné des relations plus équilibrées.
Dans le cadre de sa tournée africaine, Emmanuel Macron a choisi de ne pas aller au Mali et au Burkina Faso. Faut-il y voir la volonté de rompre diplomatiquement avec ces pays ? Leur adresse-t-il un signe ?
Il s’agit avant tout d’une tournée en Afrique centrale, or le Mali et le Burkina Faso sont des pays d’Afrique de l’Ouest. Et quand bien même il aurait voulu se rendre dans ces pays, il aurait bien fallu que les autorités en place le veuillent. Il n’est pas impossible, aujourd’hui, que le Mali et le Burkina Faso refusent une visite d’Emmanuel Macron.
Selon Emmanuel Macron «la France devient un bouc émissaire idéal». Ne surestime-t-on pas les effets de la propagande russe ? Pourquoi l’image de la France s’est-elle autant dégradée en Afrique ?
La propagande russe est importante, mais il ne faut effectivement pas la surestimer. Cependant, c’est une erreur de croire que le sentiment anti-français repose uniquement sur la propagande russe. La Chine, la Turquie, et même les États-Unis et l’Allemagne peuvent avoir une part de responsabilité. On a tendance à l’oublier. La Chine tient, en Afrique, un discours proche de la Russie, mais fait moins de propagande. La Russie, elle, réalise un important travail pour répandre le sentiment anti-français. La Turquie, quant à elle, nous accuse plutôt d’islamophobie, et propage ces éléments de langage en Afrique. La communication turque en Afrique lors de l’assassinat de Samuel Paty était terrible, elle faisait de la France un pays d’islamophobes et de racistes. Pour les États-Unis et l’Allemagne c’est un peu différent, ils ne vont jamais s’en prendre à la démocratie française, mais vont essayer de s’immiscer dans nos politiques étrangères, sous prétexte qu’ils ne sont pas, eux,
Il ne faut pas que ces interventions militaires soient vues comme une survivance de la colonisation. Pour cela, il faut changer notre vocabulaire.
Mais les Français ont également leur part de responsabilité. Il faut bien admettre, d’une part, qu’Emmanuel Macron a fait des erreurs de verbiage ; et d’autre part que les Français dans ces pays africains, notamment les militaires à la retraite, ont eu des comportements tout à fait nocifs et coloniaux. Et on retrouve ce phénomène avant tout dans les anciennes colonies, c’est assez problématique. Ainsi, le comportement des Français a participé à l’accroissement du sentiment anti-français. Dans son discours, Emmanuel Macron a été très clair à ce sujet. Il a, en effet, affirmé que les Français en Afrique devaient changer leurs habitudes, car derrière leurs actes, c’est toute la France qui en assume la responsabilité.
Selon le président de la République, «Notre modèle (des relations France-Afrique) ne doit plus être les bases militaires telles qu’elles existent aujourd’hui. Demain, ce seront des bases écoles avec des effectifs français et africains». Une relation démilitarisée avec l’Afrique est-elle souhaitable ? Ce nouveau modèle est-il adéquat ?
Comme armée rime avec colonisation, on a tendance à se féliciter de cette démilitarisation. Mais il ne faut pas oublier qu’il y a, sur le continent africain, des enjeux de sécurité internationale, qui réclament de la part de l’Occident un soutien. La question est de savoir quel équilibre doit adopter la France. Il ne faut pas que ces interventions militaires soient vues comme une survivance de la colonisation. Pour cela, il faut changer notre vocabulaire. Si on continue à parler de «pré-carré français» lorsque l’on assure la sécurité d’une zone dangereuse en Afrique, on ne sortira jamais de cette image coloniale. Un autre moyen de mettre fin à cette image, c’est de tuer les symboles de la colonisation, à savoir les bases militaires. Nous n’en avons, en tant que tel, que trois, si on ne compte pas celles qui concernent avant tout la sécurité dans l’Indo-Pacifique. Même les Africains qui soutiennent la France veulent mettre fin à ces bases militaires.