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Un plan européen pour l’autonomie en semi-conducteurs

Un plan européen pour l’autonomie en semi-conducteurs

L’union européenne a décidé de doubler sa production de semi-conducteurs à horizon de 2030.

Ces puces – qui contrôlent le flux de courant dans l’électronique – sont désormais au cœur de la fabrication de nombreux nœuds technologiques essentiels à la production d’une voiture, tant l’informatique embarquée et l’électronique n’ont cessé de s’inviter dans l’habitacle et la motorisation (système d’info-divertissement, sécurité assistée, vitres, sièges électriques).

Or elles sont conçues à partir de métaux stratégiques, notamment le silicium, le germanium, le gallium, l’indium ainsi que d’autres éléments purs.

Aujourd’hui, l’Europe et les Etats-Unis ne représentent plus à eux deux que 18 % de la production mondiale de semi-conducteurs, contre environ 60 % il y a 30 ans. La production étant désormais concentrée en Asie – 50 % de l’offre mondiale pour la seule île de Taïwan – « En contrepartie de ce soutien public, nous instaurerons un mécanisme de préférence européenne en cas de crise ». Les détails de ce mécanisme n’ont pas été dévoilés pour le moment, mais il s’agit vraisemblablement de la possibilité pour l’Europe de limiter les exportations de semi-conducteurs en cas de pénurie pour privilégier l’approvisionnement des industries locales.

Le commissaire européen a ainsi fait le parallèle avec la politique américaine sur les vaccins contre la Covid-19 : « C’est, je le rappelle, ce que les Américains ont fait à propos des vaccins produits sur leur sol. Nous devons retenir la leçon. Les semi-conducteurs sont aussi un enjeu d’équilibre des pouvoirs. Ce n’est pas du protectionnisme mais de la souveraineté géopolitique. »

Semi-conducteurs : Toute l’économie mondiale dépendante de Taiwan

Semi-conducteurs : Toute l’économie mondiale dépendante de Taiwan

Un article de Yang Jie, Stephanie Yang et Asa Fitch dans le Wall Street Journal

La plupart des consommateurs n’en ont pas conscience, mais les semi-conducteurs du taïwanais Taiwan Semiconductor Manufacturing (TSMC) sont présents partout.

L’entreprise fabrique la quasi-totalité des puces électroniques les plus sophistiquées, ainsi qu’une bonne partie des semi-conducteurs les plus simples. Ces composants se trouvent dans des milliards de produits faisant appel à l’électronique intégrée, des iPhones aux ordinateurs personnels en passant par les voitures, sans signaler de manière évidente l’identité de leur fabricant. TSMC fournit pourtant les marques qui conçoivent ces produits et jouissent, elles, d’une notoriété mondiale – Apple ou encore Qualcomm.

Ces dernières années, le groupe taïwanais est apparu comme le producteur de semi-conducteurs le plus important au monde, et son influence sur l’économie mondiale est considérable. Fort d’une capitalisation boursière d’environ 550 milliards de dollars, il occupe le onzième rang du classement international des entreprises cotées.

La position dominante de TSMC constitue cependant un facteur de fragilité pour le reste du monde. De plus en plus de technologies nécessitant l’utilisation de puces extrêmement complexes, les semi-conducteurs sont toujours plus nombreux à sortir des usines TSMC et ce, à l’heure où Taïwan cristallise les tensions entre les Etats-Unis et la Chine, Pékin revendiquant la propriété de l’île.

Selon les analystes, il sera difficile pour d’autres fabricants de rattraper le taïwanais dans une activité qui requiert des investissements massifs. Or TMSC ne peut pas produire assez pour satisfaire toute la demande – cette réalité a été mise en lumière par l’actuelle pénurie mondiale de semi-conducteurs, laquelle a ajouté au chaos des goulots d’étranglement, de la hausse des prix finaux et des dispositifs de chômage partiel qui ont notamment affecté le secteur automobile.

Sa technologie est tellement avancée que le groupe fabrique désormais 92 % environ des semi-conducteurs les plus sophistiqués au monde, munis de transistors dont la taille équivaut à moins d’un millième de l’épaisseur d’un cheveu humain

Cette situation n’est pas sans rappeler la dépendance passée de l’ensemble de la planète au pétrole du Moyen-Orient, toute instabilité locale menaçant d’ébranler l’ensemble des secteurs. Les entreprises taïwanaises, petits fabricants compris, ont représenté quelque 65 % des recettes mondiales issues de la production externalisée de semi-conducteurs au premier trimestre 2021, selon la société de recherche spécialisée TrendForce, basée à Taïwan. TMSC a généré 56 % des recettes mondiales.

Dépendre des puces taïwanaises « constitue une menace pour l’économie mondiale », affirmait de son côté récemment la société de recherche Capital Economics.

Cotée à la Bourse de New York, TSMC a annoncé un bénéfice de 17,6 milliards de dollars l’an dernier, pour un chiffre d’affaires d’environ 45,5 milliards.

Sa technologie est tellement avancée, explique Capital Economics, que le groupe fabrique désormais 92 % environ des semi-conducteurs les plus sophistiqués au monde, munis de transistors dont la taille équivaut à moins d’un millième de l’épaisseur d’un cheveu humain. Le reste de la production est assuré par Samsung Electronics. La plupart des quelque 1,4 milliard de processeurs de smartphones au monde sont fabriqués par TSMC.

Le groupe taïwanais produit jusqu’à 60 % des microcontrôleurs nécessaires à l’automatisation des véhicules, selon la société de conseil IHS Markit.

Dans ces composants moins avancés, TSMC évalue sa part de marché à 35 % environ. La porte-parole de l’entreprise Nina Kao a écarté l’idée selon laquelle le monde était trop dépendant de TSMC, compte tenu des nombreux domaines de spécialisation que compte la chaîne d’approvisionnement mondiale des semi-conducteurs.

Les Etats-Unis, l’Europe et la Chine s’efforcent de réduire leur dépendance vis-à-vis des semi-conducteurs taïwanais. Si les Etats-Unis continuent de dominer le monde dans la conception et la propriété intellectuelle des semi-conducteurs grâce à des géants comme Intel, Nvidia ou Qualcomm, ils ne représentent plus désormais que 12 % de la production mondiale de puces, contre 37 % dans les années 1990, selon le Boston Consulting Group.

Le plan d’infrastructures du président Biden prévoit de consacrer 50 milliards de dollars au renforcement de la production locale de semi-conducteurs. La Chine, de son côté, a fait de son indépendance en la matière l’un des piliers de sa stratégie nationale. L’Union européenne quant à elle vise à produire au moins 20 % des puces mondiales de nouvelle génération en 2030, dans le cadre d’un plan de 150 milliards de dollars dédié aux industries numériques.

En mars, Intel a annoncé l’investissement de 20 milliards de dollars dans la construction de deux nouveaux sites de production aux Etats-Unis. Trois mois auparavant, Bob Swan, qui dirigeait alors le groupe américain, était parti en jet privé à Taïwan pour voir si TMSC pourrait assurer une partie de la fabrication de ses puces les plus récentes, selon des sources proches du dossier – un contrat d’une valeur potentielle de plusieurs milliards de dollars.

Les dirigeants de TSMC étaient prêts à aider Intel, mais pas selon ses termes, et ils n’étaient pas d’accord sur le prix, a précisé l’une des sources. Les négociations n’ont toujours pas abouti, selon celle-ci.

Intel a remercié M. Swan en janvier, le groupe cherchant à réparer des erreurs qui l’ont laissé potentiellement dépendant de TSMC. La capitalisation boursière d’Intel s’élève à 225 milliards de dollars environ, soit la moitié de celle du groupe taïwanais.

Ce dernier se voit également pressé par les Etats-Unis et l’Allemagne d’augmenter ses approvisionnements, dans un contexte de fermetures de sites de production et de pertes de recettes dans l’automobile, le secteur ayant été le premier à souffrir de la pénurie actuelle de semi-conducteurs.

Une rencontre entre fabricants de semi-conducteurs et constructeurs automobiles organisée en mai par l’administration Biden a permis certains progrès, mais l’insatisfaction demeure, les constructeurs automobiles américains estimant ne pas avoir encore obtenu de précisions de la part de TSMC sur la manière dont il compte augmenter sa production, ont indiqué des sources proches du dossier.

TSMC a affirmé qu’il avait pris des mesures sans précédent et accru sa production de microcontrôleurs de 60 % par rapport à 2020.

Une avance difficile à rattraper

Selon les analystes, les grandes tendances du secteur, de même que la culture d’entreprise de TSMC, axée sur la performance, et ses moyens considérables, compliqueront la création à court terme d’une chaîne d’approvisionnement plus diversifiée dans les semi-conducteurs.

Les semi-conducteurs se caractérisent aujourd’hui par une complexité et une intensité en capital telles qu’un producteur qui se laisse distancer peut difficilement rattraper son retard. Des entreprises peuvent consacrer des milliards de dollars et de nombreuses années à tenter de se mettre à niveau, et voir l’horizon s’éloigner toujours davantage.

Une seule usine de fabrication de semi-conducteurs peut coûter jusqu’à 20 milliards de dollars. Un outil essentiel à la production de puces avancées, servant à l’impression de circuits complexes sur silicium, vaut plus de 100 millions de dollars, et sa livraison nécessite plusieurs avions.

Nombre d’analystes estiment que la Chine ne tentera pas de mettre la main sur Taïwan dans un avenir proche dans la mesure où une telle initiative risquerait de perturber ses propres approvisionnements en semi-conducteurs

Les propres projets d’expansion de TSMC coûteront 100 milliards de dollars sur les trois prochaines années, soit près du quart des investissements du secteur dans son ensemble, selon la société de recherche spécialisée VLSI Research.

Les autres pays devraient dépenser au minimum 30 milliards de dollars par an pendant au moins cinq ans pour « avoir des chances raisonnables » de rattraper TSMC et Samsung, selon un récent rapport d’IC Insight, une autre société de recherche.

Les autorités américaines estiment que les risques de conflit ont augmenté après le renforcement par la Chine de ses activités militaires à proximité de Taïwan, un sujet qui a inspiré les remontrances publiques formulées dernièrement par les pays du G7 à l’encontre de Pékin. Cependant, nombre d’analystes estiment que la Chine ne tentera pas de mettre la main sur Taïwan dans un avenir proche dans la mesure où une telle initiative risquerait de perturber ses propres approvisionnements en semi-conducteurs.

Les dirigeants taïwanais voient dans le secteur local des semi-conducteurs un « bouclier de silicium », protégeant l’île contre un conflit ouvert avec la Chine. Le gouvernement taïwanais a multiplié les subventions au secteur ces dernières années, soulignent les analystes.

La porte-parole de TSMC, Mme Kao, a affirmé que la réussite de l’entreprise tenait au fait qu’elle s’était trouvée au bon endroit au bon moment, forte du modèle stratégique adéquat. Si le gouvernement taïwanais a joué un rôle essentiel dans ses investissements initiaux, l’entreprise ne reçoit pas de subventions pour construire des usines, a-t-elle assuré.

Un goût pour le risque

Lorsque Morris Chang a fondé TSMC en 1987 dans l’idée que de nombreuses entreprises décideraient d’externaliser leur production de semi-conducteurs en Asie, le succès était loin d’être garanti.

M. Chang, qui est aujourd’hui âgé de 89 ans et aime jouer au bridge et lire Shakespeare, a passé son enfance en Chine continentale et à Hong Kong avant de rejoindre les Etats-Unis en 1949, où il a étudié à Harvard puis au Massachusetts Institute of Technology. Il a travaillé près de trois décennies aux Etats-Unis, pour l’essentiel chez Texas Instruments.

A la création de TSMC, les géants comme Intel ou Texas Instruments s’enorgueillissaient de concevoir et fabriquer des semi-conducteurs sous leurs propres marques. Le fondateur d’Advanced Micro Devices (AMD), W.J. « Jerry » Sanders III, est connu pour avoir déclaré que pour être pris au sérieux dans le secteur, il fallait avoir ses propres usines de fabrication.

Le gouvernement taïwanais lui ayant apporté la moitié environ de ses financements initiaux, TSMC a ensuite gagné du terrain en se positionnant comme la Suisse des semi-conducteurs. Des entreprises comme Nvidia et Qualcomm ont compris qu’en s’associant à TSMC, elles pouvaient se concentrer davantage sur les activités de conception sans avoir à gérer les difficultés propres à la production, ou s’inquiéter de devoir transférer leurs droits de propriété intellectuelle à un concurrent. AMD a vendu ses sites de fabrication et est devenu le premier client de TSMC, et d’autres grands acteurs du secteur ont suivi son exemple, jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’une poignée de fabricants.

Chaque nouveau client gagné par TSMC renforçait son trésor de guerre, lui permettant d’investir des montants considérables dans ses capacités de production. « La puissance de ce modèle n’est apparue clairement qu’une fois qu’il a atteint une taille énorme, note David Yoffie, professeur à la Harvard Business School et ancien administrateur d’Intel. A ce moment-là, la donne a changé. »

TSMC a doublé la mise sur la recherche et le développement, même pendant la crise financière mondiale. A l’heure où d’autres réduisaient la voilure, M. Chang a augmenté les investissements du groupe de 42 % en 2009, à 2,7 milliards de dollars, mettant à niveau ses capacités de production à temps pour profiter du boom des smartphones.

Pour honorer la première commande d’Apple, TSMC a dépensé 9 milliards de dollars et mobilisé 6 000 personnes vingt-quatre heures sur vingt-quatre afin de construire un site de fabrication à Taïwan dans un délai record de onze mois. TSMC est aujourd’hui le fournisseur exclusif des principaux processeurs d’iPhones

Le groupe a connu un tournant en 2013, lorsqu’il a commencé à travailler à la production de masse de semi-conducteurs pour les téléphones portables d’Apple, qui est aujourd’hui son client le plus important. Auparavant, Samsung (qui fabrique ses propres smartphones) était le fournisseur exclusif de microprocesseurs pour les iPhones.

Pour honorer la première commande d’Apple, TSMC a dépensé 9 milliards de dollars et mobilisé 6 000 personnes vingt-quatre heures sur vingt-quatre afin de construire un site de fabrication à Taïwan dans un délai record de onze mois. TSMC est aujourd’hui le fournisseur exclusif des principaux processeurs d’iPhones.

En 2014, alors qu’il s’efforçait de concevoir des semi-conducteurs de pointe, le groupe taïwanais a réorganisé son équipe de recherche et développement, 400 ingénieurs répartis en trois équipes se relayant nuit et jour, racontent d’anciens et nouveaux employés. Certains d’entre eux parlent à ce sujet du projet de la « crise de foie » parce qu’ils pensent que le fait d’avoir dû travailler à des heures tardives a endommagé leur foie.

TSMC a beaucoup parié également sur la lithographie extrême ultraviolet (EUV), une technologie qui fait appel à un certain type de laser pour graver des circuits dans des microprocesseurs d’épaisseur inférieure à ce qui était possible auparavant, permettant aux puces de fonctionner plus rapidement.

Intel a été le premier grand investisseur dans cette technologie, y ayant consacré plus de 4 milliards de dollars en 2012. Toutefois, il avait été plus lent que son rival à adopter la lithographie EUV et se montrait sceptique quant à ses capacités. Intel a fini par décider qu’il serait plus sûr de tenter d’améliorer les techniques de lithographie existantes.

De son côté, TSMC a collaboré avec le néerlandais ASML, la seule entreprise aujourd’hui capable de fabriquer des machines qui gravent des semi-conducteurs à l’aide de la lithographie EUV, et a ainsi mis ses concurrents à distance. Peter Wenninck, le directeur général d’ASML, affirme que M. Chang s’est lancé dans ce partenariat il y a cinq ans environ après une conversation de quelques minutes seulement, autour d’un thé, dans son bureau à Taïwan. M. Chang a pris sa retraite en 2018.

En adoptant la technologie EUV, TSMC est devenue l’une des deux seules entreprises, avec Samsung, à produire les semi-conducteurs les plus avancés intégrant les plus petits transistors possibles pour la fabrication des meilleurs smartphones au monde.

Intel a accéléré sa transition vers la lithographie EUV sous la houlette de son nouveau patron, Pat Gelsinger.

Entre deux feux

TSMC dominant de plus en plus le secteur des semi-conducteurs, il est devenu plus difficile pour l’entreprise de rester neutre, notamment lorsque les tensions se sont accrues entre les Etats-Unis et la Chine, deux de ses marchés les plus importants.

Face aux pressions croissantes de Washington sur Pékin, TSMC a suspendu l’an dernier les commandes de Huawei, qui était auparavant son premier client chinois, et s’est engagé à construire une usine de 12 milliards de dollars dans l’Arizona. L’administration Trump a promis 3 milliards de dollars de mesures incitatives, selon deux personnes proches du dossier, mais les financements n’ont pas encore été alloués.

Si l’usine en Arizona contribuera à augmenter la production américaine de semi-conducteurs, elle ne conférera pas d’avance technologique aux Etats-Unis. A son entrée en service en 2024, le site devrait produire des puces de technologie 5 nanomètres. Celles-ci devraient alors se voir dépasser par des puces de technologie 3 nanomètres, qui seront fabriquées par TSMC à Taïwan.

Concernant les microcontrôleurs pour le secteur automobile, TSMC s’est montré contrarié en privé que les constructeurs le pressent de leur accorder la priorité, selon des sources proches du dossier. Au début de la pandémie l’année dernière, les constructeurs automobiles avaient réduit leurs commandes. Lorsque la demande s’est redressée, TSMC avait alloué ses capacités de production à d’autres produits.

Selon les analystes, le groupe n’est guère porté à faire machine arrière. Les semi-conducteurs pour l’automobile, moins lucratifs, ne représentent que 4 % environ de ses recettes.

Devant recourir au chômage partiel et réduire leur production fin 2020 face la pénurie de semi-conducteurs, les constructeurs automobiles allemands ont exhorté le gouvernement à faire pression sur Taïwan. Le ministre allemand de l’Economie, Peter Altmaier, a adressé une lettre aux autorités taïwanaises, les priant de s’assurer que TSMC augmente ses approvisionnements en soulignant que la pénurie de semi-conducteurs risquait de compromettre la reprise économique mondiale.

M. Altmaier a récemment déclaré devant des correspondants étrangers réunis à Berlin que les négociations se poursuivaient, sans toutefois fournir davantage de précisions.

En mai, Audi a mis quelque 10 000 employés au chômage partiel, suspendant la production de certains de ses modèles les plus vendus dans deux usines.

Dimitri Dotis, spécialiste de la marque Audi chez Audi Tysons Corner, un concessionnaire en Virginie, a ainsi résumé la situation dans une note à ses clients : « La quasi-totalité des semi-conducteurs utilisés dans toutes les nouvelles voitures, y compris celles d’Audi, sont fabriqués par TSMC à Taïwan. Ils s’attendent à ce que les goulots d’étranglement dans la chaîne d’approvisionnement durent tout au long de 2022. »

William Boston, Bojan Pancevski et Ben Foldy ont contribué à cet article

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Anne Montanaro)

Traduit à partir de la version originale en anglais

Pénurie de semi-conducteurs : pourquoi ?

  • Pénurie de semi-conducteurs : pourquoi ?
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  • un article du Wall Street Journal qui traite de la pénurie de semi-conducteurs qui pénalisent l’industrie mondiale.
  • Les principaux fournisseurs mondiaux de semi-conducteurs s’efforcent de remédier à la pénurie prolongée de puces électroniques qui a freiné la fabrication de nombreux produits, depuis les appareils électroménagers jusqu’aux voitures, en passant par les ordinateurs.
  • Les producteurs de ces composants tentent de surmonter les tensions sur l’offre en modifiant leurs processus de fabrication et en mettant des capacités non utilisées à la disposition de concurrents, en contrôlant les commandes qu’ils reçoivent pour empêcher toute accumulation de stock et en jouant sur leurs lignes de production. Malheureusement, il n’existe pas de remède miracle et la pénurie se prolongera probablement l’année prochaine, selon les patrons des entreprises du secteur.
  • Au-delà de l’envolée de la demande, les fabricants ont fait face à différents phénomènes qui ont affecté l’offre, et la persistance des tensions politiques entre les Etats-Unis et la Chine tout comme la crainte d’une pénurie de longue durée ont poussé certains industriels à constituer des stocks de semi-conducteurs.
  • La pénurie actuelle concerne aussi des puces moins avancées dont les grands acteurs du secteur s’étaient éloignés au profit de composants de pointe à plus forte marge. Développer de nouvelles capacités de production prend généralement des années.
  • Cette situation pourrait ralentir la reprise post-Covid dans certains secteurs gourmands en semi-conducteurs qui entendent profiter du redressement de la consommation des ménages. Elle alimente aussi les craintes d’un retour de l’inflation, la hausse des coûts des puces électroniques risquant d’entraîner une augmentation des prix dans l’ensemble de l’économie.
  • Assurer l’autosuffisance des Etats-Unis en semi-conducteurs nécessiterait plus de 1 400 milliards de dollars ainsi que des incitations fédérales durant une décennie
  • Bombardée de commandes, l’entreprise californienne de Santa Clara GlobalFoundries, l’un des principaux fondeurs de semi-conducteurs au monde, envoie ces techniciens chercher par tous les moyens des solutions pour augmenter la production de ses usines aux Etats-Unis, à Singapour et en Allemagne. Parmi les options figure le report de certains travaux d’entretien et l’accélération (très marginale) du rythme de défilement des plaques de semi-conducteur le long des lignes de production.
  • « Nous travaillons d’arrache-pied pour essayer d’aller plus vite, de produire davantage », explique le directeur général de GlobalFoundries, Thomas Caulfield.
  • Mardi dernier, au cours d’une réunion avec des patrons de l’automobile et des entreprises technologiques, le président Biden a appelé à une initiative bipartisane visant à renforcer le secteur américain des semi-conducteurs. Il a prévu de consacrer 50 milliards de dollars, dans le cadre d’un plan de 2 300 milliards destiné aux infrastructures, à l’augmentation de la production de ces composants aux Etats-Unis. Cet investissement ne devrait pas changer radicalement les choses : assurer l’autosuffisance des Etats-Unis en semi-conducteurs nécessiterait plus de 1 400 milliards de dollars ainsi que des incitations fédérales durant une décennie, selon l’Association américaine du secteur des semi-conducteurs.
  • Les fabricants affirment pouvoir augmenter à la marge seulement les capacités de production de leurs usines existantes. Construire un nouveau site de production peut prendre des années en raison de l’étendue et de la complexité des équipements et de l’espace nécessaires.
  • La plupart des fabricants ont fait de grands paris stratégiques sur des puces de pointe plus rentables essentielles à la technologie 5G ou aux serveurs informatiques, par exemple. Cette approche a été mise à mal lorsque la pandémie de coronavirus a plongé l’économie mondiale dans l’une des pires récessions de son histoire, déstabilisant les chaînes d’approvisionnement et les comportements des consommateurs. Les fabricants de semi-conducteurs étaient mal équipés pour répondre à la hausse de la demande de composants plus anciens et moins sophistiqués, très utilisés dans la fabrication de produits comme les voitures, les écrans d’ordinateurs ou les haut-parleurs – dont les achats ont fortement augmenté pendant la pandémie.
  • La crise de l’offre a été aggravée par les tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine, notamment au cours de l’année passée, Washington ayant mené des politiques de restriction progressive des ventes de puces conçues ou fabriquées aux Etats-Unis à certains acheteurs chinois. Craignant des sanctions, les entreprises technologiques chinoises ont constitué des stocks de semi-conducteurs pour se préparer au pire, a indiqué la semaine dernière Eric Xu, le président adjoint de Huawei. Le géant chinois, qui utilise différents types de semi-conducteurs dans ses équipements de télécommunication et ses produits grand public, a accumulé des stocks de composants pour se protéger des restrictions d’exportations américaines.
  • L’envolée de la demande de puces électroniques tire les prix vers le haut et prolonge encore des délais d’attente déjà sans précédent. Des constructeurs automobiles comme Toyota et General Motors ont dû réduire, voire suspendre leur production dans certaines usines
  • « En ce moment, [les entreprises chinoises] stockent des composants pour un mois, trois mois, voire six mois dans certains cas, ce qui perturbe l’ensemble du système », a expliqué M. Xu. Les importations chinoises de semi-conducteurs ont bondi de 15 % l’année dernière et atteint un montant record de 35,9 milliards de dollars en mars, selon les statistiques des douanes chinoises.
  • La fabrication de puces électroniques a été perturbée par divers incidents, dont l’incendie d’une usine au Japon et la vague de froid qui a frappé le sud des Etats-Unis cet hiver, causant l’arrêt de lignes de production. Une sécheresse à Taïwan, acteur majeur du secteur, menace de réduire encore la production de semi-conducteurs, très consommatrice d’eau.
  • Les fabricants de produits à base de semi-conducteurs, de leur côté, accélèrent leur production dans la perspective d’une reprise économique post-Covid. L’envolée de la demande de puces électroniques tire les prix vers le haut et prolonge encore des délais d’attente déjà sans précédent. Des constructeurs automobiles comme Toyota et General Motors ont dû réduire, voire suspendre leur production dans certaines usines.
  • Certains acheteurs indiquent faire face à des retards de six mois ou davantage. « Vous posez la question le lundi, on vous répond qu’il faudra attendre douze semaines. Vous posez de nouveau la question le mercredi, on vous dit que ce sera 27 semaines », raconte Liam Bates, le directeur général de Kaiterra, un fabricant suisse d’appareils de contrôle de la qualité de l’air.
  • Kaiterra, dont les lignes de production sont situées dans le sud de la Chine, renforce ses plans d’urgence pour préparer sa chaîne d’approvisionnement à faire face à toute épreuve à l’avenir. Les ingénieurs affectés à la conception de nouveaux produits consacrent désormais une partie de leur temps à revoir celle des produits existants, afin qu’ils puissent être fabriqués à l’aide de semi-conducteurs différents, dans l’hypothèse où ceux qui étaient prévus n’arriveraient pas. Récemment, l’entreprise a décidé de constituer des stocks d’un an pour certains composants.
  • Les semi-conducteurs sont essentiels à de nombreux secteurs – ils sont le quatrième produit le plus échangé au monde en termes d’import-export après le pétrole brut, le pétrole raffiné et les voitures.
  • Pendant des années, les principaux fabricants de semi-conducteurs ont axé leurs investissements sur des capacités de production visant à alimenter la demande de composants de nouvelle génération, au détriment des puces plus basiques.
  • Mais l’automobile et l’électronique grand public absorbent quantité de ces composants plus rudimentaires. C’est par exemple le cas des puces de gestion d’alimentation qui régulent le flux d’électricité circulant dans un appareil, ou encore des microcontrôleurs, qui remplissent de très nombreuses fonctions.
  • « Il n’existe pas d’appareil électronique sans microcontrôleur, souligne M. Caulfield, le patron de GlobalFoundries. Il est très difficile d’en trouver. »
  • Même les gadgets électroniques sophistiqués intègrent des puces de base nécessaires à leur fonctionnement – de plus en plus, en réalité, y compris pour supporter des technologies de pointe. Un smartphone 5G peut ainsi renfermer jusqu’à huit puces de gestion de l’alimentation, contre deux ou trois pour un appareil 4G, indique Hui He, analyste de la société de recherche Omdia.
  • L’an dernier, selon la société de recherche Gartner, 27 % de l’ensemble des dépenses en matériel de production de semiconducteurs ont été destinés à la fabrication des puces les plus avancées, souvent utilisées dans les smartphones, les ordinateurs haut de gamme et les centres de données. Moins de la moitié d’entre elles, 11 % environ, ont été consacrées aux équipements servant à la production de puces plus basiques.
  • Il faut généralement deux ans au moins pour construire et équiper un site de production de semi-conducteurs, ce qui peut coûter des milliards de dollars. Le prix des machines les plus sophistiquées utilisées dans ces usines dépasse parfois les 100 millions de dollars, et les machines elles-mêmes sont d’une telle envergure qu’elles peuvent nécessiter la mobilisation de trois Boeing 747
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  • Le numéro un mondial de la fonderie de puces, Taiwan Semiconductor Manufacturing, a déclaré à des investisseurs en janvier qu’il travaillait avec ses clients à la mise à niveau de certaines des puces qu’ils utilisent, de façon à ce qu’elles puissent être produites sur des lignes destinées à des composants plus avancés, où les capacités de production sont supérieures. Jeudi dernier, des cadres dirigeants ont expliqué aux investisseurs que certains clients avaient constitué davantage de stocks en raison de la pandémie et des tensions géopolitiques.
  • Basculer des lignes de production d’un type de puce à un autre n’est pas simple parce que cela nécessite des équipements différents, même si certains peuvent être mis en commun.
  • Une pénurie affectant autant de types et de marques de puces en même temps ne s’était jamais produite auparavant, affirme Marcus Chen, vice-président des ventes Asie-Pacifique chez Fusion Worldwide, l’un des nombreux distributeurs mondiaux servant d’intermédiaire dans l’approvisionnement en composants électroniques des acheteurs.
  • Il faut généralement deux ans au moins pour construire et équiper un site de production de semi-conducteurs, ce qui peut coûter des milliards de dollars. Le prix des machines les plus sophistiquées utilisées dans ces usines dépasse parfois les 100 millions de dollars, et les machines elles-mêmes sont d’une telle envergure qu’elles peuvent nécessiter la mobilisation de trois Boeing 747.
  • Une fois le site de production bâti, il faut habituellement trois mois pour produire une puce, voire davantage pour les plus avancées.
  • Les fabricants doivent aujourd’hui décider s’il vaut la peine de parier, à hauteur de plusieurs milliards de dollars, sur une augmentation durable de la demande, ou si celle-ci risque de diminuer au moment où de nouvelles usines seraient prêtes à entrer en production. Beaucoup d’entre eux rechignent à revoir leurs projets de dépenses à long terme sur la base d’une envolée de la demande qui pourrait s’avérer de courte durée.
  • Néanmoins, les plus grandes entreprises de semi-conducteurs se tiennent prêtes à investir des sommes considérables dans l’augmentation de leurs capacités de production. Ce mois-ci, TMSC a dévoilé le plus important investissement de l’histoire du secteur, soit 100 milliards de dollars destinés à renforcer ses capacités sur les trois prochaines années. L’essentiel des dépenses à court terme de l’entreprise sera toutefois destiné à la fabrication de ses puces les plus avancées. Aux Etats-Unis, Intel s’est engagé le mois dernier à investir 20 milliards de dollars dans deux usines en Arizona, et compte annoncer de nouveaux investissements courant 2021. Le sud-coréen Samsung Electronics entend investir 116 milliards de dollars d’ici à 2030 dans la diversification de sa production de puces.
  • En Chine, le président Xi Jinping fait depuis des années de l’indépendance du pays en matière de technologies de pointe comme les puces électroniques une priorité nationale. L’objectif reste cependant difficile à atteindre. L’un des principaux acteurs du secteur a fait défaut sur plusieurs milliards de dollars de dette. D’autres ont été frappés par le contrôle des exportations aux Etats-Unis, qui a limité l’accès aux technologies avancées de production de puces.
  • Le premier fabricant chinois de semi-conducteurs, Semiconductor Manufacturing International, s’est engagé le mois dernier à investir 2,35 milliards de dollars avec le soutien d’un gouvernement local pour la construction d’une nouvelle usine axée sur des puces plus anciennes. L’entreprise basée à Shanghai prévoit une mise en service du site l’an prochain. L’augmentation de la production se heurte toutefois à la difficulté de s’approvisionner en équipements nécessaires, a expliqué Haijun Zhao, le directeur adjoint de l’entreprise, à des investisseurs en février.
  • Les fabricants de semi-conducteurs font face à un doublement, voire un quadruplement, des délais de livraison de machines essentielles à leur production, indique Bruce Kim, le patron de SurplusGlobal, qui vend du matériel de production d’occasion.
  • Chez GlobalFoundries, M. Caulfield précise que l’entreprise compte investir 1,4 milliard de dollars dans l’augmentation des capacités de production de ses usines existantes cette année, et qu’elle doublera probablement ses dépenses l’année prochaine. Certains de ses clients se sont engagés à participer aux investissements pour sécuriser des capacités de production à venir, leur participation représentant 30 % des investissements réalisés cette année, selon M. Caulfield. Avant la pandémie, il n’en avait jamais été question.
  • « De nombreux clients nous disent, “Je ne peux pas laisser cela se reproduire, mon entreprise est trop importante’’ », rapporte M. Caulfield.
  • Le directeur général d’Intel, Pat Gelsinger, a indiqué que l’entreprise libérerait une partie de ses capacités de production pour la fabrication de puces qui se font particulièrement rares et sont nécessaires aux équipementiers automobiles. L’offre pourrait commencer à s’améliorer dans six à neuf mois, a estimé M. Gelsinger lors d’un entretien.
  • Selon Guy Eristoff, le directeur stratégique du fondeur Tower Semiconductor basé en Israël, il est possible d’accélérer la fabrication de semi-conducteurs jusqu’à 3,5 fois par rapport à son rythme habituel en séparant les lignes de production de façon à ce que les puces prioritaires soient traitées rapidement. Certains équipements peuvent être utilisés plus longtemps avant de subir des travaux d’entretien préventifs, même si cela peut signifier une baisse de rendement.
  • « Certains clients accélèrent leurs commandes pour être livrés plus tôt et constituer des réserves, entraînant un déséquilibre entre l’offre et la demande »
  • Au total, ces mesures permettent de ramener à trente ou quarante jours le délai de production de certaines puces, contre 120 habituellement, affirme M. Eristoff. Néanmoins, les délais de production globaux d’autres puces en seraient rallongés. Au mieux, un site de production peut ainsi augmenter sa capacité de production de 5 %, durant six mois au maximum.
  • « Il existe pas mal de petits détails sur lesquels on peut jouer, note M. Eristoff. Mais faute d’acheter de nouveaux équipements, il n’est pas passible de produire durablement beaucoup plus qu’on ne le fait aujourd’hui. »
  • Alors que certains acheteurs paniquent et augmentent leurs volumes de commandes ou s’adressent à plusieurs fabricants en même temps, les fournisseurs craignent que l’envolée de la demande ne dure pas. A San Jose en Californie, Broadcom, l’un des leaders mondiaux des semi-conducteurs, tente de déterminer si les commandes qu’il reçoit correspondent à la demande réelle. L’entreprise a récemment rappelé à ses investisseurs qu’elle n’autorisait pas ses clients à annuler leurs commandes, afin d’en dissuader certains de passer commande uniquement par peur de manquer.
  • « Certains clients accélèrent leurs commandes pour être livrés plus tôt et constituer des réserves, entraînant un déséquilibre entre l’offre et la demande », a expliqué le directeur général, Hock Tan, aux investisseurs. Les carnets de commandes de l’entreprise sont déjà pleins à 90 % pour cette année.
  • Les constructeurs automobiles font partie des acheteurs qui ont souffert le plus de la pénurie, les véhicules intégrant davantage de semi-conducteurs que jamais. L’électronique représentait plus de 40 % du coût total d’une voiture en 2017, soit le double de 2007, selon la société de conseil Deloitte.
  • L’utilisation de ces composants devrait encore s’accroître, tout comme leurs coûts. Le spécialiste allemand des puces pour l’automobile Infineon Technologies prévoit que le coût des puces utilisées dans les véhicules autonomes bondisse à 1 200 dollars environ d’ici à 2030, alors qu’il s’établit aujourd’hui à quelque 170 dollars pour les modèles de niveau 2, c’est-à-dire partiellement automatisés.
  • Nanoleaf, spécialiste canadien de l’éclairage intelligent dont la production se concentre essentiellement à Dongguan, dans le sud de la Chine, a indiqué qu’il comptait auparavant deux à quatre mois de délai de livraison pour ses puces. Aujourd’hui, ses fournisseurs lui demandent de passer commande pour les composants qu’il souhaite recevoir en janvier ou mai 2022.
  • « L’argent n’est presque même plus une question en ce moment. Tout ce qui importe, c’est ce qu’on peut espérer obtenir », note Christian Yan, le directeur opérationnel de Nanoleaf. M. Yan déclare ne pas savoir combien de semi-conducteurs son entreprise recevra au second semestre de cette année. « Il faut plaider sa cause », explique-t-il.
  • Pour Tower Semiconductor, répondre à la demande de ses clients prend la forme d’un délicat exercice d’équilibre nécessitant de tenir compte de facteurs comme les marges de ses clients, leurs volumes de commandes, leur fidélité et leur potentiel commercial.
  • « C’est une décision extrêmement difficile à prendre, déclare M. Eristoff. On peut mettre une entreprise en difficulté. »
  • Robert Wall à San Francisco a contribué à cet article
  • (Traduit à partir de la version originale en anglais par Anne Montanaro)

Semi-conducteurs : un enjeu d’indépendance économique

 Semi-conducteurs : un enjeu d’indépendance économique

 

 

 

.Par Clément Rossi, directeur de la Stratégie, des Partenariats et des Relations extérieures du Forum International de la Cybersécurité (FIC) dans la Tribune.

Quel est le point commun entre un avion de combat, un smartphone, une trottinette électrique et un data-center ? La pénurie de composants électroniques ! Elle révèle en effet la forte dépendance des industries européennes en matière de semi-conducteurs. Cette dépendance matérielle, résultat de la stratégie du « fabless », qui a longtemps prévalu aux États-Unis et en Europe, devient désormais un risque stratégique (et systémique) majeur dans le contexte actuel de guerre technologique et commerciale que se livre la Chine et les États-Unis.

Les Etats-Unis cherchent à bloquer la Chine

Pour conserver un avantage compétitif sur les technologies numériques, en particulier sur la 5G, les États-Unis cherchent en effet à bloquer la Chine, quitte à bousculer la filière des semi-conducteurs, où Taïwan domine largement le segment « fonderie » avec 75,7% du marché mondial, et surtout une large avance sur la production de circuits de taille inférieurs à 7 nanomètres.

Le principal producteur taïwanais, TSMC, a ainsi été soumis à de fortes pressions pour interrompre ses relations commerciales avec la Chine et implanter une partie de sa production sur le territoire américain. Dans le même temps, les États-Unis ont placé SMIC, principal producteur chinois de puces électroniques, sur la liste noire d’exportation, limitant l’accès de l’entreprise aux composants embarquant des technologies américaines, qu’ils soient ou non produits sur le territoire américain.

Lourdes conséquences pour l’Europe

Cette stratégie de coercition américaine a de nombreux effets de bord. A court terme, elle amplifie le choc sur la filière semi-conducteur, déjà soumise à rude épreuve avec la pandémie. Au plan géopolitique, elle aiguise l’appétit de l’ogre chinois envers Taïwan. Au plan industriel, enfin, elle pousse la Chine à s’autonomiser en matière de semi-conducteurs et à combler son retard technologique en renforçant ses propres capacités. Dans le cadre de son plan « Made in China 2025″, le pays redouble ainsi d’efforts pour réduire sa dépendance : il investit massivement dans le secteur et débauche à tour de bras des ingénieurs spécialisés en Corée du Sud et à Taïwan. Objectif : produire en 2025 70% des puces dont elle a besoin pour son industrie. 

Mais cette stratégie a aussi de lourdes conséquences pour l’Europe. Alors que la Chine et les États-Unis vont redévelopper des capacités de fonderie, l’Europe pourrait-elle rester en dehors du jeu au moment où l’intelligence artificielle, le calcul haute performance, la 5G et les objets connectés vont faire exploser la demande de semi-conducteurs (le marché devrait progresser de 8,4% en 2021) ?

Des industries de pointe en Europe

Certes, l’Europe dispose d’entreprises à la pointe dans le domaine, qu’il s’agisse du franco-italien STMicroelectronics ou bien encore du hollandais ASLV, spécialiste de la lithographie EUV (ultraviolet) permettant de fabriquer des composants de très petite taille. L’américain Globalfoundries dispose quant à lui d’une vaste usine dans la « silicon Saxony » allemande. Mais la filière reste largement dépendante de Taïwan et de Corée du Sud en termes d’approvisionnement.

Certaines de ses pépites comme l’Allemand Siltronic (racheté par le Taïwanais Global Wafers fin 2020), les Britannique Dialog Semiconductor (racheté par Renesas début 2021) et ARM (dont le rachat par l’Américain Nvidia est encore en débat) sont par ailleurs l’objet de toutes les convoitises.

Soutien à l’industrie européenne des semi-conducteurs

Pour réduire cette dépendance stratégique et profiter de l’explosion attendue du marché, l’Europe doit donc adopter rapidement des mesures volontaristes combinant diversification des approvisionnements, aide à l’installation d’industriels étrangers sur son territoire, soutien au développement de la filière locale et contrôle des investissements étrangers. Sur le front de la diversification, des alternatives aux fournisseurs taïwanais existent en Asie du Sud-Est (Malaisie et Corée du Sud) ou aux États-Unis, en particulier sur les produits finis que sont les circuits programmables (FGPA). La réglementation ITAR, qui permet aux États-Unis de bloquer les exportations de produits intégrant des technologies américaines, reste cependant un obstacle majeur, en particulier en matière de défense.

Consciente des enjeux, l’Union européenne s’est engagée en décembre 2020, dans le cadre du plan de relance, à soutenir l’industrie européenne des semi-conducteurs. Objectif : produire à terme au moins 20% des circuits intégrés dans le monde. Un plan d’investissement ambitieux, qui pourrait atteindre 30 milliards d’euros, devrait ainsi être annoncé d’ici la fin du premier trimestre 2021. « Sans une capacité européenne autonome en matière de microélectronique, il n’y aura pas de souveraineté numérique européenne », soulignait Thierry Breton, commissaire européen. Une autonomie qui passera clairement par un rééquilibrage de notre dépendance et le renforcement de nos partenariats, tant avec les États-Unis qu’avec la Chine, compte tenu des investissements nécessaires. A eux seuls TSMC et Samsung prévoient d’investir respectivement 21 et 26 milliards d’euros dans les semi-conducteurs en 2021. « Le guerrier victorieux remporte la bataille, puis part en guerre. Le guerrier vaincu part en guerre, puis cherche à remporter la bataille » (Sun Tzu).

Plan européen pour les semi-conducteurs

Plan européen pour les semi-conducteurs

 

La France est pratiquement complètement dépendante de l’étranger en particulier de la Chine et des États-Unis. Plus largement l’Europe également. Du coup, la présidente de la commission lance un plan de développement des semi-conducteurs en Europe. L’Union européenne ambitionne de produire 20% des semi-conducteurs dans le monde, soit un doublement de sa part actuelle, mais aussi de fabriquer son premier ordinateur quantique d’ici à 2030, selon une feuille de route publiée aujourd’hui.

Le plan vise à renforcer la puissance de l’Europe dans le numérique et à assurer sa souveraineté technologique face à la Chine et aux Etats-Unis.

« La production de semi-conducteurs de pointe et durables en Europe, notamment les processeurs, devrait représenter au moins 20% de la production mondiale en valeur, soit le double de la part de 10% atteinte en 2020″, affirme le document présenté par la vice-présidente de la Commission européenne Margrethe Vestager et le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton.

L’UE veut disposer à la fin de la décennie de 20 millions de spécialistes des technologies de l’information, contre 7,8 millions en 2019. Au moins 80% de la population adulte devra en outre avoir des compétences numériques de base. Environ 150 millions d’euros seront consacrés sur trois ans ou semi-conducteurs




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