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Ukraine: trois scénarios

Ukraine: trois scénarios


Le ministre des Affaires étrangères, ainsi que plusieurs autres ministres et hauts responsables, viennent d’être remplacés. L’administration présidentielle ressort renforcée de cet épisode. En ce qui concerne la suite de la guerre, il est possible désormais d’envisager trois scénarios, dont chacun correspond, toutes choses égales par ailleurs, à des séquences clés de l’histoire de France au XXe siècle durant la Première Guerre mondiale et les guerres d’Indochine et d’Algérie. Alors que l’attention internationale se concentre généralement sur les évolutions militaires du front, comme cet été au sujet de l’offensive de Koursk ou de la situation dans le Donbass, il est crucial de ne pas négliger les dynamiques politiques à l’arrière. En effet, la stabilité du régime ukrainien pendant la guerre a un impact majeur sur la conduite des opérations militaires et sur le moral de la population. De ce point de vue, le remaniement politique majeur de septembre, qui a concerné une dizaine de ministres et plusieurs hauts fonctionnaires, soulève des questions fondamentales
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par Florent Parmentier dans The Conversation
Secrétaire général du CEVIPOF. Enseignant, Sciences Po

Quelles sont les implications de ce remaniement pour la stratégie de Kiev, alors que le « narratif de la victoire » est indispensable pour maintenir le soutien populaire et international ?

Pour y répondre, trois scénarios prospectifs peuvent être explorés, chacun offrant une perspective différente sur l’évolution possible du régime ukrainien face à l’enlisement de la guerre. Ces trajectoires doivent permettre de réfléchir à des dynamiques probables en fonction des choix politiques actuels et des contraintes existantes.

Un régime politique sous tension en raison de la guerre
Il convient tout d’abord de bien contextualiser le plus grand remaniement depuis le début de la guerre, sur le plan politique et institutionnel. Politiquement, la guerre a inévitablement contribué au renforcement du pouvoir exécutif, et ce d’autant plus que la loi martiale est appliquée depuis le 24 février 2022. Même si son mandat est arrivé à expiration en mai dernier, le président Zelensky reste le chef de guerre autour duquel les principales décisions sont prises.

De son côté, le premier ministre Denys Chmyhal, en place depuis mars 2020, conserve son poste mais voit plusieurs ministres tournés vers les partenaires extérieurs perdre leur portefeuille, dont la vice-première ministre Olga Stefanishyna, la vice-première ministre en charge des territoires temporairement occupés Iryna Verechtchouk, et surtout le ministre des Affaires étrangères Dmytro Kuleba. Il perd également plusieurs figures en charge des dossiers économiques et énergétiques, sujets stratégiques pour soutenir une guerre d’attrition. Si en temps de paix un tel remaniement aurait fait l’objet de nombreux commentaires, l’annonce n’a pas suscité de grandes controverses à Kiev.

Sur le plan institutionnel, il faut également rappeler que le Parlement (où domine le parti présidentiel Serviteur du peuple) et le gouvernement se trouvent aujourd’hui relativement marginalisés par rapport à la présidence (et à son administration) en matière de prise de décision stratégique.

En effet, le chef de l’administration présidentielle, Andriy Yermak, détient une influence considérable car il exerce un contrôle informel sur l’activité des différentes institutions, de l’organisation des réunions et de l’accès au président. Il a également bénéficié de l’affaiblissement, peut-être provisoire, des grandes entreprises et des médias, du fait de la guerre, de la crise économique et des nationalisations. Dans cette perspective, la démission de Rostyslav Shurma, chef adjoint de l’administration présidentielle, est peut-être plus importante encore que la démission de certains ministres, parmi lesquels on trouve beaucoup de personnalités techniques.

Comprendre ce contexte politique et institutionnel est nécessaire pour envisager la suite du conflit, selon trois scénarios exploratoires.

« La négociation de Pierre Mendès France », du retrait stratégique au désengagement
Ce premier scénario se fonde sur l’exemple de Pierre Mendès France qui, en 1954, avait mis fin à la guerre d’Indochine après des années d’un conflit coûteux pour la France. À l’image de l’arrivée de PMF, une nouvelle impulsion politique pourrait être donnée à l’Ukraine avec pour mission de négocier une fin au conflit. Toutefois, alors qu’un décret d’octobre 2022 interdit toute négociation avec Vladimir Poutine, il apparaît que l’effet d’entraînement du remaniement est d’une ampleur trop modeste pour esquisser un pas dans cette direction. Il aurait fallu pour cela introduire une personnalité forte, ayant une légitimité issue d’un désir populaire de mettre fin à une guerre prolongée et épuisante.

Dans cette optique, l’objectif de l’exécutif serait de concentrer les efforts du pays sur sa reconstruction interne et la restauration de la confiance publique après la guerre tout en cherchant à préserver les intérêts nationaux par la voie diplomatique. La stratégie de retrait pourrait inclure des négociations avec la Russie, soit directes soit par le biais de médiations internationales, pour obtenir un cessez-le-feu ; pour autant, à ce stade, l’opinion publique n’est pas favorable à des concessions en matière politique et territoriale.

Un tel scénario pourrait temporairement renforcer la polarisation du pays entre ceux qui souhaitent arrêter le conflit et ceux qui souhaitent le poursuive, mais les conséquences à long terme, notamment au regard de la reconstruction du pays et de son orientation géopolitique, seraient délicates à gérer. Comme ce fut le cas pour « PMF » en 1954, la clé résiderait dans la capacité à négocier un accord durable, mais qui risque d’être perçu par certains comme une forme de capitulation. C’est la raison pour laquelle ce scénario n’est probable qu’à moyen ou long terme.

« L’appel de Clemenceau », entre militarisation et unité nationale
Ce deuxième scénario repose sur l’exemple de Georges Clemenceau, nommé président du Conseil en 1917, alors que la France était épuisée par la Première Guerre mondiale. Clemenceau avait pris des mesures drastiques pour accroître l’effort de guerre et galvaniser l’unité nationale, permettant à la France de tenir jusqu’à la victoire.

Dans le contexte ukrainien, un tel remaniement verrait le renforcement du pouvoir exécutif autour du président Zelensky, avec l’intégration de ministres « loyalistes » (profils techniques dépendant du président) et éventuellement des profils issus des rangs militaires.

On peut interpréter en ce sens la volonté présidentielle de donner une « nouvelle énergie » au pays, alors qu’il doit présenter à Joe Biden son « plan pour la victoire » fin septembre. L’objectif premier serait alors de centraliser davantage le pouvoir, de renforcer le contrôle de l’État sur la société civile, et de pousser l’effort de guerre à son maximum, quitte à sacrifier provisoirement certaines libertés civiles ou à prendre des initiatives surprises sur le champ de bataille pour maintenir le « narratif de la victoire ». À ce sujet, une étude de juin 2024 a montré que 43 % des Ukrainiens estiment que la qualité de la démocratie s’est détériorée sous la présidence Zelensky, 28 % imputant cet état de fait aux actions du pouvoir, 11 % à la guerre et 3 % aux deux.

Ce scénario pourrait être efficace pour maintenir le moral à court terme, surtout si quelques victoires militaires symboliques sont obtenues. Toutefois, si la guerre continue à s’enliser sans que Kiev parvienne à reconquérir les territoires occupés, l’impopularité du régime pourrait croître, et la société ukrainienne pourrait être fracturée entre ceux qui soutiennent l’effort de guerre et ceux qui s’opposent à son prolongement. Le scénario Clemenceau est plus envisageable à moyen terme, en fonction des progrès de l’armement ukrainien et de tendances favorables à l’Ukraine sur le front.

« Le syndrome de Guy Mollet », ou l’inertie dans la conduite de la guerre
Enfin, le troisième scénario renvoie à la situation de Guy Mollet, premier ministre français dans les années 1950, lors de la guerre d’Algérie. Mollet, arrivé au pouvoir avec la promesse de résoudre le conflit, s’est en réalité enlisé dans une guerre prolongée, intensifiant la répression sans offrir de perspectives de paix. Cette stratégie a conduit à un épuisement progressif de la population et à une perte de légitimité politique.

Dans ce scénario, le remaniement politique en Ukraine n’apporterait aucun changement de cap significatif à la conduite de la guerre. Au contraire, le président Zelensky choisirait de maintenir le statu quo, prolonger la guerre tout en tentant de masquer les coûts réels du conflit par des politiques de censure accrue ou de propagande. L’objectif serait de maintenir de manière crédible le « narratif de la victoire » mais, dans les faits, le pays risquerait de continuer à s’épuiser, tant sur le plan économique que moral.

Cette inertie pourrait à court terme permettre de consolider le pouvoir en éliminant les voix dissidentes au sein du gouvernement et en contrôlant étroitement l’information. Cependant, à long terme, la société ukrainienne risquerait de se fragmenter sous le poids des sacrifices exigés et face à de nouvelles vagues de recrutement pour tenir le front, et le régime pourrait perdre le soutien populaire, plongeant le pays dans une crise politique profonde, similaire à celle qu’a connue la France à la fin de la IVe République. À court terme, et faute de percée, c’est ce dernier scénario qui semble le plus probable.

Cinéma : la crise des scénarios français

Cinéma : la crise des scénarios français

 

Jean Gabin rappelait souvent qu’un bon film suppose premièrement une histoire, deuxièmement une histoire, troisièmement une histoire. Àctuellement le cinéma français connaît une certaine crise du scénario par Jérôme Lachasse sur BFM. 

 

Jugé attendus et sans ambition, le cinéma français semble en décalage avec les attentes du public. La faute aux scénaristes? Ou à un système formaté qu’il faut repenser?

Bâclés, caricaturaux, peu ambitieux… À en croire leurs détracteurs, les scénarios des films français cumulent toutes les tares. C’est même devenu une source récurrente de blagues sur les réseaux sociaux, et un cliché dans la presse. « Le scénario, laissé-pour-compte du cinéma français », titrait déjà en 2014 Le Figaro. Malgré quelques exceptions, comme La Nuit du 12, cet été, ce point de vue a durablement imprégné le public.

Les comédies populaires pas plus que les films d’auteur ne font aujourd’hui recette, et semblent plus que jamais éloignés de ses attentes. « Le dernier Desplechin [Frère et sœur] a exercé un pouvoir de fascination sur moi, parce que presque tout – l’intrigue, la caractérisation des personnages, les dialogues – sonnent comme de la science-fiction à mes yeux », assume ainsi le scénariste Robert Hospyan. « Je comprends que l’on puisse trouver ça rédhibitoire. »

« On a souvent l’impression de films qui ne s’adressent pas au public », acquiesce Liam Engle, lecteur de scénarios et réalisateur. « Quand j’ai vu la bande-annonce du Serge Bozon [Don Juan avec Virginie Efira et Tahar Rahim], je me suis demandé si les gens qui l’avaient fait vivaient dans une bulle et s’ils avaient conscience de la caricature presque digne des Inconnus qu’ils étaient en train de générer. »

Ce décalage est accentué par l’émergence depuis 15 ans dans les séries, d’une écriture de très grande qualité, qui fait défaut à beaucoup de films. « On peut faire la même critique au cinéma américain », modère Alexandre de la Patellière, co-scénariste du revival des Trois Mousquetaires qui sortira en 2023. « On est trop sévère sur le cinéma français, qui ne cesse de se battre pour produire des œuvres très différentes. »

« Le mouvement général est très bon », renchérit la scénariste Fadette Drouard (PatientsHibou), qui siège également à l’aide au développement au CNC: « Il y a beaucoup de vitalité. Il y a une nouvelle génération qui n’a plus envie de rentrer dans les cases. Il n’y a que des gens qui se torturent la tête pour raconter au mieux leur histoire et faire quelque chose que les gens aient envie de voir. »

Anna Marmiesse, lectrice de scénarios, le confirme: « Une bonne idée bien développée, une finesse dans la caractérisation des personnages, une acuité dans le regard sur la société d’aujourd’hui, un sens du gag efficace… Tout cela existe et revient régulièrement. Simplement, ce ne sont pas forcément ces scénarios qui sont produits, et ce pour diverses raisons. »

Mais avec trop de films en projet, et pas assez de producteurs pour les développer, la situation devient intenable. Pour éviter un potentiel échec, de nombreux films « jugés trop médiocres pour la salle, comme Connectés ou Flashback« , ont terminé sur Prime Vidéo, « devenu le dépotoir des pires projets », selon une figure du milieu. Mais là aussi, « les options sont en train de se réduire », prévient Fadette Drouard.

A quoi juge-t-on un bon scénario? « Pour moi, c’est une bonne histoire qui fait le lien entre la subjectivité de l’auteur et la subjectivité du spectateur », assure le scénariste Ludovic du Clary. « C’est à la fois une caractérisation fine des personnages, des rythmes, un morceau d’universalité et des enjeux », estime de son côté l’universitaire Pierre-William Fregonese, auteur de Raconteurs d’histoires (Pix’n Love).

« Un scénario, c’est une structure. C’est ce qu’il y a de plus important et peu savent le faire », insiste le scénariste Laurent Vachaud. « Un très bon scénario est souvent peu spectaculaire à la lecture. Il faut qu’il puisse titiller l’imaginaire de ceux qui vont succéder au scénariste. Dans les grands scénarios, il y a souvent des béances, des choses qui ne sont pas expliquées. Si vous expliquez tout, c’est la mort du scénario. »

François Civil dans « Les Trois Mousquetaires » © Pathé

Malgré ses exigences, le métier de scénariste reste « peu gratifiant », et souvent éclipsé par celui de réalisateur. Car chaque cinéaste se rêve scénariste, même s’il n’en a pas les capacités, déplore encore Laurent Vachaud: « C’est très rare, les réalisateurs qui sont eux-mêmes scénaristes au même titre qu’un scénariste. La plupart ne sait pas écrire, même s’ils sont crédités au scénario de leurs films. »

Cette situation n’est pas aidée par une industrie où cohabitent deux types de projets aussi différents que formatés: d’un côté les comédies populaires faites pour le prime-time et de l’autre les films d’auteur davantage écrits pour les comités de lecture que pour le public. « On a développé une culture du script qui est plus forte dans son évaluation que dans son écriture », résume François Clerc, patron d’Apollo Films.

Un scénario reste « un objet transitionnel », complète Alexandre de la Patellière. « Quand vous êtes scénariste, vous êtes la personne la plus importante d’un film jusqu’à ce que vous en deveniez la moins importante. » « En France, l’histoire n’est jamais mise en avant comme l’un des ingrédients clefs de la réussite – artistique – d’un film », regrette Ludovic du Clary. « L’accent est mis sur l’esthétique, la déconstruction des récits. »

C’est le paradoxe du scénario: pour obtenir les financements des chaînes de télévision, les principaux argentiers du cinéma français, un script doit être à la fois innovant et familier. Il doit donc s’appuyer sur des schémas éculés, comme les chocs culturels (Paris vs. province, banlieue vs. beaux quartiers) ou les conflits de générations (écoliers vs. retraités, jeunes parents vs. beaux-parents).

De quoi créer des frustrations. « Les scénaristes ne savent parfois plus où donner de la tête », reconnaît Anna Marmiesse. « J’ai besoin qu’on me raconte des histoires, qu’on me fasse voyager. J’ai l’impression que c’est un truc que l’on a un peu perdu », critique Sabrina B. Karine, qui a écrit le film de SF La Dernière Vie de Simon. « En France, il y a une frilosité sur l’ambition. »

« Ce n’est pas tellement qu’il n’y a pas d’ambition », répond Robert Hospyan. « C’est qu’il y a des scénaristes qui vont essayer de donner aux producteurs ce qu’ils veulent. Il y a un moment où certains scénaristes savent aussi comment le système fonctionne et où même ceux qui aspirent à faire des choses originales sont obligés de se tourner vers des schémas connus pour réussir. C’est inévitable. »

« Les producteurs et productrices sont la plupart du temps de bonne volonté », modère Anna Marmiesse. « Ils et elles veulent voir aboutir les projets et donc trouver de l’argent pour ce faire. Ce qui implique que parfois, ils cherchent à pousser les scénaristes dans un sens qui selon eux plaira aux financeurs ou au public. » Il ne faut jamais oublier que le cinéma est au croisement d’une industrie et d’un art: « Être scénariste, ça veut aussi dire être une sorte de technicien », martèle Laurent Vachaud.

« Je n’ai jamais trouvé dans mon expérience – qui n’est que la mienne – de grand satan que ce soit chez les chaînes ou chez les distributeurs », ajoute Alexandre de la Patellière. « Personne n’impose de schémas. Il se trouve que l’on retrouve les mêmes schémas dans la dramaturgie depuis des siècles. Le marché a toujours été celui-là: il y a toujours eu des films qui se ressemblent. »

Reste que le cinéma français est le champion du concept aguicheur mal exploité. « Un peu trop souvent à mon goût au cinéma, je me dis qu’une ou deux versions de plus n’auraient pas fait de mal », désespère Sabrina B. Karine. « Il y a toujours ce moment, dans la seconde partie du second acte, où on sent que les auteurs galèrent à arriver jusqu’au climax, qui est souvent un peu mieux, ou moins pire », regrette Liam Engle.

Ce dernier regrette fréquemment des « dialogues mal écrits » et une « réticence à l’efficacité »: « On retrouve souvent des répliques ambiguës avec entre parenthèses, ‘en colère’ ou ‘blagueur’. Un autre fléau que je remarque souvent en France est la présence de points de suspension à la fin des répliques. Ça témoigne d’une volonté de réalisme, mais ça crée dans la grande majorité des cas des répliques molles. »

« Il n’y a pas de bon ou de mauvais script.​​ Il n’y a que des scripts qui sont prêts ou pas prêts », abonde le distributeur François Clerc. Certains producteurs sont plus efficaces que d’autres à développer des scénarios. C’est le cas de Nicolas et Éric Altmayer (OSS 117Pattaya). « Quand un script sort de chez eux, il est tournable », assure François Clerc. Inversement, certains scénarios médiocres écrits par des stars bankables sont produits pour ménager leur susceptibilité et éviter la fin d’un fructueux partenariat.

Mais au fil des années, une qualité d’écriture s’est perdue. Jean-Loup Dabadie et Jean-Claude Carrière n’ont pas d’équivalent de nos jours. « Un certain type d’artistes a disparu », constate Laurent Vachaud, qui lie la qualité déclinante des films à la perte d’intérêt du public pour le 7e Art. Les résidences d’écriture peuvent aider à faire éclore de nouvelles plumes. « Ça fait du bien de parler entre nous », se réjouit Fadette Drouard.

 

Moins pessimiste, Ludovic du Clary estime qu’il faut du temps pour devenir bon scénariste et savoir écrire une histoire qui va accrocher le public: « Il faut une bonne dizaine d’années ». Puis il y a l’imaginaire des auteurs, leur sens de la comédie et du suspense, la poésie de leurs dialogues, glisse Alexandre de la Patellière: « Ce sont des choses qui se construisent, mais qui ne s’apprennent pas complètement. »

Mais contrairement aux Etats-Unis, où l’histoire est reine, le scénario répond à beaucoup moins d’exigences en France: « On peut financer une comédie de 125 pages sans aucun problème, et ça pose problème », révèle Liam Engle. « C’est l’héritage de la Nouvelle Vague où on préfère suivre le mouvement naturel de l’histoire au lieu de proposer un récit mécanique. Du coup, on se retrouve avec des dialogues écrits au fil de l’eau. »

Ce qui explique pourquoi les corrections suggérées par les lecteurs de scénarios ne sont pas toujours prises en compte. Si des « blagues beaufs et racistes » ont pu être retirées de Maison de retraite, le dernier acte « imbitable » de Bac Nord, « où le film se dégonfle », n’a pas été changé, se souvient une autre figure de la profession: « C’était l’un des péchés du scénario et ça ne l’a pas empêché de faire deux millions d’entrées. »

La qualité d’un scénario est aussi toujours tributaire des conditions dans lesquelles il a été écrit, souligne François Clerc: « Le script passe par trop de mains aujourd’hui: le distributeur, le producteur, les chaînes de télé et depuis un an les plateformes sans oublier les Sofica (sociétés de financement, ndlr) et les régions, qui peuvent apporter jusqu’à 10% du budget d’un film. Les scripts changent de décor en fonction de la région qui les soutient. »

Difficile dans ces conditions de conserver l’âme d’un projet. Quand on crie au loup, une comédie familiale co-écrite par Robert Hospyan, a ainsi beaucoup perdu en humour au fil de la production. Une blague sur Johnny Hallyday a notamment été coupée. « On nous dit que ça n’allait pas être compris par le public », soupire-t-il. Du projet d’origine il ne reste dans le produit fini que la structure de l’histoire.

« Il y avait peut-être trop de personnes à contenter », analyse le scénariste. « Il y avait des réunions où il y avait une responsable de développement, un producteur, un consultant en scénario, des scénaristes et un réalisateur. C’était une usine à gaz. Ce n’est pas possible d’arriver à un résultat. Ce n’est pas comme ça qu’on fait un film. »

Ce type de parasitage est un problème récurrent. Il se souvient de l’ajout d’un « sous-entendu un peu homophobe » à un projet de comédie dramatique qu’il a écrit il y a cinq ans: « Il leur fallait un personnage de ‘folle’, pour répondre à des clichés de comédie. » « Le souci d’éviter les blagues de ce type n’est pas au cœur des préoccupations des chaînes lorsqu’elles sélectionnent un projet… », confirme Anna Marmiesse.

Et une fois l’écriture terminée, le script peut changer une nouvelle fois lors du tournage ou de la post-production (scènes supprimées, répliques improvisées, choix de montage). Un film n’est pas toujours le reflet de son scénario.

Face à la complexité de monter les projets, le scénario est souvent le premier élément sacrifié. Certains projets se montent si vite qu’il faut tourner alors que la dernière version du script n’est pas complètement satisfaisante. « Un producteur m’a dit un jour qu’il voulait tourner l’été prochain et me demandait d’écrire un script en quatre mois », se souvient Sabrina B. Karine. « C’était tourner pour tourner. Ce n’est pas possible. »

« Notre politique de natalité des films fait qu’à un moment donné on fait des films pour remplir un line-up », reconnaît François Clerc. Dans la plupart des cas, le choix de tourner est fait pour éviter de perdre la star bankable et de devoir attendre trois ans qu’elle soit à nouveau disponible, note le distributeur: « Au moment où le script arrive dans vos mains, c’est un train qui part. Il n’y a rien de plus difficile que de le freiner. »

Des conditions de travail rudes, aggravées par une rémunération faible, qui contraint les scénaristes à multiplier les missions (script doctor, prof, lecteur) pour maintenir une régularité financière. Le salaire d’un scénariste est versé par palier, à chaque étape de l’écriture (synopsis, traitement, première version de continuité dialoguée, etc.). En cas d’abandon du projet, seules les premières échéances, assez faibles, sont versées.

« Quand on signe un contrat, on signe pour un montant défini, par exemple 50.000 euros. Sur ces 50.000 euros, il y a une grosse partie de la somme – on va dire environ 50%, parfois plus, parfois un peu moins – qu’on ne touche qu’à la mise en production, soit à l’embauche des principaux chefs de poste, soit au plus tard au premier jour de tournage. Généralement, c’est au premier jour de tournage, voire au cinquième », détaille Robert Hospyan.

Sachant que l’écriture d’un scénario peut s’étaler sur plusieurs années, il est difficile d’en vivre. « J’ai mis trois ans pour gagner des sous », se souvient Sabrina B. Karine. « J’étais au RSA, avec les APL. » « En moyenne, les scénaristes sont payés 10.000 euros par an », complète Ludovic du Clary. « Quand vous êtes payé 3.000 euros pour le synopsis sur lequel vous avez passé six mois, ce n’est pas assez. »

« Le problème, c’est [que les producteurs] exploitent la passion des gens », dénonce Laurent Vachaud. « Ils exploitent l’idée que les gens sont prêts à tout pour voir leur film se tourner. Ils peuvent être prêts à être payés au lance-pierre, à y mettre beaucoup de leur temps libre. C’est complètement crapuleux. Il y a des cantiniers qui sont mieux payés que des scénaristes sur certains films et ce n’est pas sérieux. »

Pourquoi est-ce si mal payé? « Parce qu’il faut payer le scénario alors qu’il n’y a pas encore de budget! », répond-t-il. « Il faut souvent payer de sa poche, avec les subventions, avant que l’on sache si le film peut se faire. Ça ne va pas chercher loin. Ça peut être un investissement à perte. Personne ne veut dépenser de l’argent pour rien. » Le scénario ne représente souvent que 3% du budget final d’un film.

Pour Ludovic du Clary, il y a une corrélation directe entre ce mode de financement et les scénarios bâclés. « Il y a un sous-financement chronique dans le cinéma, notamment au début des écritures. Et quand on est scénariste, on sait à quel point les débuts sont fondamentaux. Comme on construit la vision du film, c’est beaucoup de discussions, ça prend du temps, pendant lequel on n’est pas payé. »

Une situation liée à la SACD (société des auteurs et compositeurs dramatiques), qui ne reconnaît pas la notion de rémunération du travail en amont, mais l’œuvre finie. Plusieurs syndicats (la Guilde des scénaristes, le SCA, la FAMS) et organisations culturelles (La Cité Européenne des Scénaristes) se mobilisent pour obtenir une meilleure considération et une meilleure rémunération. Mais impossible de les unifier pour le moment.

Écrire un scénario requiert une force mentale qu’aucune école ne peut apprendre. « C’est vraiment un sacerdoce », insiste celui qui a consacré quatre ans à écrire Paternel, un drame avec Grégory Gadebois et Géraldine Nakache qui sortira en 2023. « À la télévision, vous avez beaucoup moins de liberté, mais vous gagnez beaucoup mieux votre vie et vous avez plus de travail. Le cinéma, c’est vraiment pour les warriors. »

Il y a toujours une part magique dans la création d’un film, qui rend sa réussite miraculeuse. « C’est un peu la chance de ce métier », insiste Alexandre de la Patellière. « Il y a une forme de justice. On doit toujours revenir à des choses qui nous touchent pour qu’elles fonctionnent. Il faut aimer les films qu’on écrit, et après on voit si ça plaît. On ne sait jamais ce que les films vont devenir. On construit des prototypes. »

« La seule chose que l’on puisse faire pour essayer que les gens aillent voir nos histoires, c’est de leur faire une promesse forte, et de tenir nos promesses », conclut Fadette Drouard. Deux sérieux candidats se profilent dans les prochaines semaines: L’Origine du mal, thriller implacable avec Laure Calamy, et Jack Mimoun et le secret de Val Verde, comédie d’aventure signée Malik Bentalha.

Croissance : Les scénarios oubliés de la Banque de France

Croissance : Les scénarios oubliés de la Banque de France

Pour ne pas déplaire au gouvernement, la Banque de France a élaboré des scénarios encore relativement roses qui supposent que la croissance française sera encore solide en 2022 avec une diminution d’un peu plus d’un point de PIB.

En vérité la Banque de France a fait l’impasse sur d’une part l’ampleur de l’inflation actuelle qui va dépasser les 5 % au cours de l’année notamment du fait du renchérissement de l’art de 50 % du coût du carburant et du chauffage. Du coup, la croissance sera beaucoup plus affectée que ne l’indique la Banque de France et il n’est même pas certain que le PIB puisse atteindre 2 % en 2022. Mécaniquement la seule hausse du carburant et du chauffage devrait faire baisser la croissance de 2 points, soit 2 % au lieu des 4 % prévus par le gouvernement

L’institution admet qu’il pourrait aussi y avoir d’autres scénarios plus noirs . Elle n’a notamment pas calculé l’effet qu’aurait un arrêt des fournitures de gaz et de pétrole russes, qui aurait probablement des conséquences économiques encore plus dramatiques.

Rappelant que la perte de croissance pour la zone euro pourrait aller jusqu’à 2 points de PIB cumulés d’ici à 2024 dans le scénario le plus sévère de la BCE, François Villeroy de Galhau a déclaré que « pour la France, ce serait probablement  moins ! Alors que la France dépend essentiellement des importations pour sa consommation.

 

Guerre en Ukraine : trois scénarios pour la Russie

Guerre en Ukraine : trois scénarios pour la Russie

La Russie pourrait se contenter de la reconnaissance de la DNR et de la LNR ; mais elle pourrait aussi chercher tout ou partie du reste du territoire ukrainien. Par Cyrille Bret, Sciences Po.

 

La Russie vient de franchir son Rubicon : ses troupes sont désormais officiellement présentes dans l’est du territoire ukrainien, en plus de la Crimée.

Vladimir Poutine vient en effet de reconnaître l’indépendance des deux républiques sécessionnistes de Donetsk et Lougansk, qui jouxtent le territoire russe. Il a, dans la foulée, envoyé des troupes russes pour « protéger ces territoires contre une attaque militaire ukrainienne ». La fiction selon laquelle la Russie n’était pas partie prenante au conflit dans l’est de l’Ukraine a donc volé en éclats : elle est explicitement belligérante.

Désormais, le pouvoir russe a trois options très différentes devant lui :

  • un scénario « géorgien », qui figerait ses positions militaires et mutilerait durablement l’unité du territoire ukrainien ;
  • un scénario révisionniste et maximaliste d’invasion de l’Ukraine depuis le nord, l’est et le sud ;
  • un scénario « azovien », dans lequel la Russie envahirait uniquement le territoire qui jouxte la mer d’Azov pour établir une continuité territoriale avec la Crimée, annexée par elle en 2014.

Scénario 1 : un gel « à la géorgienne »

En 2008, la Russie et la Géorgie étaient entrées en guerre, à l’initiative du gouvernement géorgien de l’époque, dirigé par Mikheïl Saakachvili. Le conflit s’était soldé par la défaite de la petite Géorgie et la sécession de deux territoires : l’Abkhazie, sur le littoral de la mer Noire, et l’Ossétie du Sud, à la frontière montagneuse avec la Fédération de Russie (l’Ossétie du Nord étant un « sujet » (un territoire fédéré) de la Fédération de Russie). Cette sécession avait été suivie d’une reconnaissance par Moscou de l’indépendance des deux « États ». Seuls quelques régimes amis de la Russie l’avaient suivie dans la reconnaissance, notamment la Syrie et le Vénézuéla.

Aujourd’hui, la Fédération de Russie peut encore choisir un scénario « géorgien » pour les territoires de Lougansk et Donetsk, s’arrêtant donc à leur reconnaissance, sans chercher à aller plus loin en territoire ukrainien. Cela présenterait, pour elle, plusieurs avantages : accroître son emprise sur le territoire de l’Ukraine sans avoir officiellement déclenché d’invasion ni même combattu ; compter ses alliés en dénombrant ceux qui la suivront dans la reconnaissance de ces États (Kazakhstan ? Biélorussie ? Chine ?) ; et peut-être éviter que l’Occident ne prenne des sanctions très lourdes contre son économie.

Toutefois, après que, dans son discours du 21 février, Vladimir Poutine a vilipendé l’Ukraine, la présentant comme un État artificiel et soumis aux Occidentaux, cette position serait difficilement compréhensible pour une opinion publique russe persuadée par de nombreux médias et par son président lui-même que la nation ukrainienne n’existe pas et que le pouvoir de Kiev serait sur le point de commettre un génocide contre les russophones de l’Est du pays.

Scénario 2 : une campagne maximaliste

Pour pousser son avantage, Vladimir Poutine pourrait être tenté d’engager une invasion complète de l’Ukraine.

Dans son allocution du 21 février, il n’a pas exclu cette option. Si l’Occident est une menace existentielle pour la Fédération de Russie et que l’Ukraine en est une colonie artificiellement constituée pour préparer l’affaiblissement de la Russie, alors la conséquence est inévitable : Moscou doit reconstituer en Ukraine un « État tampon » appartenant à sa sphère d’influence.

Jusqu’à il y a peu, plusieurs hypothèses étaient ouvertes : une neutralisation de l’Ukraine, une « finlandisation » ou même l’installation d’un gouvernement pro-russe à Kiev. Aujourd’hui, la présence de troupes russes sur le territoire ukrainien polarise les Ukrainiens : ils se définissent pour une large part en opposition à la Russie. Puisque rallier l’Ukraine à sa sphère d’influence paraît impossible et puisque les Occidentaux ne souhaitent pas donner à la Russie les garanties qu’elle exige, il lui reste à s’emparer de ces garanties elle-même, les armes à la main.

 

Pour Moscou, ce scénario de conquête aurait plusieurs avantages. Tout d’abord, si les Occidentaux se refusent à intervenir militairement en Ukraine, le succès militaire russe est assuré. La campagne serait déclenchée par le Nord à partir de la Biélorussie, par l’est depuis la Russie, par le Sud depuis la Crimée et par l’ouest à partir de la Transnistrie. Ensuite, la prise de l’Ukraine replacerait la Russie en position de force en Eurasie, à la fois dans son face-à-face avec l’Union européenne et dans le partenariat très compétitif avec la Chine. Enfin, cela donnerait au régime Poutine, du point de vue de l’opinion publique intérieure, un élan nationaliste indéniable.

Une victoire militaire renforcerait la Russie stratégiquement tout en l’affaiblissant politiquement (elle se retrouverait encore plus isolée qu’aujourd’hui sur la scène internationale) et économiquement (les Occidentaux ne manqueraient pas d’adopter des sanctions particulièrement lourdes).

Scénario 3 : une vision « azovienne »

La troisième option militaire à la disposition de Moscou est la conquête des provinces qui séparent, sur le continent, ces Républiques autoproclamées de la Crimée annexée en 2014.

La Russie pousserait son avantage par un campagne éclair à partir de Lougansk et Donetsk, pour établir une continuité continentale entre deux parties de son territoire. Ce scénario présente des avantages d’un autre ordre pour Moscou : si la présidence russe considère que les sanctions décidées aujourd’hui par les Occidentaux sont de toute façon maximales, autant pour elle pousser son avantage est réaliser une partition de fait de l’Ukraine ; en outre cette conquête « limitée » pourrait être justifiée par la protection des russophones de l’Ukraine orientale car les populations sont, dans cette zone (autour de Marioupol notamment) tournées vers la Russie.

La Russie se trouve à la croisée des chemins avec ces trois scénarios. Le dosage des sanctions par les Européens sera déterminant : si elles sont perçues comme maximales, le Kremlin sera tenté d’empocher un gain supplémentaire par la conquête. Mais si elles sont considérées comme trop faibles, il lira cette réaction comme un signe de faiblesse…

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Par Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Guerre en Ukraine : trois scénarios pour la Russie

Guerre en Ukraine : trois scénarios pour la Russie

La Russie pourrait se contenter de la reconnaissance de la DNR et de la LNR ; mais elle pourrait aussi chercher tout ou partie du reste du territoire ukrainien. Par Cyrille Bret, Sciences Po.

 

La Russie vient de franchir son Rubicon : ses troupes sont désormais officiellement présentes dans l’est du territoire ukrainien, en plus de la Crimée.

Vladimir Poutine vient en effet de reconnaître l’indépendance des deux républiques sécessionnistes de Donetsk et Lougansk, qui jouxtent le territoire russe. Il a, dans la foulée, envoyé des troupes russes pour « protéger ces territoires contre une attaque militaire ukrainienne ». La fiction selon laquelle la Russie n’était pas partie prenante au conflit dans l’est de l’Ukraine a donc volé en éclats : elle est explicitement belligérante.

Désormais, le pouvoir russe a trois options très différentes devant lui :

  • un scénario « géorgien », qui figerait ses positions militaires et mutilerait durablement l’unité du territoire ukrainien ;
  • un scénario révisionniste et maximaliste d’invasion de l’Ukraine depuis le nord, l’est et le sud ;
  • un scénario « azovien », dans lequel la Russie envahirait uniquement le territoire qui jouxte la mer d’Azov pour établir une continuité territoriale avec la Crimée, annexée par elle en 2014.

Scénario 1 : un gel « à la géorgienne »

En 2008, la Russie et la Géorgie étaient entrées en guerre, à l’initiative du gouvernement géorgien de l’époque, dirigé par Mikheïl Saakachvili. Le conflit s’était soldé par la défaite de la petite Géorgie et la sécession de deux territoires : l’Abkhazie, sur le littoral de la mer Noire, et l’Ossétie du Sud, à la frontière montagneuse avec la Fédération de Russie (l’Ossétie du Nord étant un « sujet » (un territoire fédéré) de la Fédération de Russie). Cette sécession avait été suivie d’une reconnaissance par Moscou de l’indépendance des deux « États ». Seuls quelques régimes amis de la Russie l’avaient suivie dans la reconnaissance, notamment la Syrie et le Vénézuéla.

Aujourd’hui, la Fédération de Russie peut encore choisir un scénario « géorgien » pour les territoires de Lougansk et Donetsk, s’arrêtant donc à leur reconnaissance, sans chercher à aller plus loin en territoire ukrainien. Cela présenterait, pour elle, plusieurs avantages : accroître son emprise sur le territoire de l’Ukraine sans avoir officiellement déclenché d’invasion ni même combattu ; compter ses alliés en dénombrant ceux qui la suivront dans la reconnaissance de ces États (Kazakhstan ? Biélorussie ? Chine ?) ; et peut-être éviter que l’Occident ne prenne des sanctions très lourdes contre son économie.

Toutefois, après que, dans son discours du 21 février, Vladimir Poutine a vilipendé l’Ukraine, la présentant comme un État artificiel et soumis aux Occidentaux, cette position serait difficilement compréhensible pour une opinion publique russe persuadée par de nombreux médias et par son président lui-même que la nation ukrainienne n’existe pas et que le pouvoir de Kiev serait sur le point de commettre un génocide contre les russophones de l’Est du pays.

Scénario 2 : une campagne maximaliste

Pour pousser son avantage, Vladimir Poutine pourrait être tenté d’engager une invasion complète de l’Ukraine.

Dans son allocution du 21 février, il n’a pas exclu cette option. Si l’Occident est une menace existentielle pour la Fédération de Russie et que l’Ukraine en est une colonie artificiellement constituée pour préparer l’affaiblissement de la Russie, alors la conséquence est inévitable : Moscou doit reconstituer en Ukraine un « État tampon » appartenant à sa sphère d’influence.

Jusqu’à il y a peu, plusieurs hypothèses étaient ouvertes : une neutralisation de l’Ukraine, une « finlandisation » ou même l’installation d’un gouvernement pro-russe à Kiev. Aujourd’hui, la présence de troupes russes sur le territoire ukrainien polarise les Ukrainiens : ils se définissent pour une large part en opposition à la Russie. Puisque rallier l’Ukraine à sa sphère d’influence paraît impossible et puisque les Occidentaux ne souhaitent pas donner à la Russie les garanties qu’elle exige, il lui reste à s’emparer de ces garanties elle-même, les armes à la main.

Pour Moscou, ce scénario de conquête aurait plusieurs avantages. Tout d’abord, si les Occidentaux se refusent à intervenir militairement en Ukraine, le succès militaire russe est assuré. La campagne serait déclenchée par le Nord à partir de la Biélorussie, par l’est depuis la Russie, par le Sud depuis la Crimée et par l’ouest à partir de la Transnistrie. Ensuite, la prise de l’Ukraine replacerait la Russie en position de force en Eurasie, à la fois dans son face-à-face avec l’Union européenne et dans le partenariat très compétitif avec la Chine. Enfin, cela donnerait au régime Poutine, du point de vue de l’opinion publique intérieure, un élan nationaliste indéniable.

Une victoire militaire renforcerait la Russie stratégiquement tout en l’affaiblissant politiquement (elle se retrouverait encore plus isolée qu’aujourd’hui sur la scène internationale) et économiquement (les Occidentaux ne manqueraient pas d’adopter des sanctions particulièrement lourdes).

Scénario 3 : une vision « azovienne »

La troisième option militaire à la disposition de Moscou est la conquête des provinces qui séparent, sur le continent, ces Républiques autoproclamées de la Crimée annexée en 2014.

La Russie pousserait son avantage par un campagne éclair à partir de Lougansk et Donetsk, pour établir une continuité continentale entre deux parties de son territoire. Ce scénario présente des avantages d’un autre ordre pour Moscou : si la présidence russe considère que les sanctions décidées aujourd’hui par les Occidentaux sont de toute façon maximales, autant pour elle pousser son avantage est réaliser une partition de fait de l’Ukraine ; en outre cette conquête « limitée » pourrait être justifiée par la protection des russophones de l’Ukraine orientale car les populations sont, dans cette zone (autour de Marioupol notamment) tournées vers la Russie.

La Russie se trouve à la croisée des chemins avec ces trois scénarios. Le dosage des sanctions par les Européens sera déterminant : si elles sont perçues comme maximales, le Kremlin sera tenté d’empocher un gain supplémentaire par la conquête. Mais si elles sont considérées comme trop faibles, il lira cette réaction comme un signe de faiblesse…

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Par Cyrille Bret, Géopoliticien, Sciences Po.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Russie : un pays faible

Russie : un pays faible 

Si l’on se réfère aux données du fonds monétaire international, la Russie, économiquement demeure un pays faible. Elle n’arrive en effet qu’en 50e position dans le classement du PIB( richesse nationale) par habitant. (En valeur absolue la Russie ne se situe même pas dans les 10 premiers)

 

Données du Fonds monétaire international, 2017

Rang

Pays ou territoire

PIB par habitant (en dollars internationaux)

1  Qatar 124 927
2  Macao 114 430
3  Luxembourg 109 192
4  Singapour 90 531
5  Brunei 76 743
6  Irlande 72 632
7  Norvège 70 590
8  Koweït 69 669
9  Émirats arabes unis 68 245
10  Suisse 61 360
11  Hong Kong 61 016
12  Saint-Marin 60 359
13  États-Unis 59 495
14  Arabie saoudite 55 263
15  Pays-Bas 53 582
16  Islande 52 150
17  Bahreïn 51 846
18  Suède 51 264
19  Allemagne 50 206
20  Australie 49 882
21  Taïwan 49 827
22  Danemark 49 613
23  Autriche 49 247
24  Canada 48 141
25  Belgique 46 301
26  Oman 45 464
27  Finlande 44 050
28  Royaume-Uni 43 620
29  France 43 551
30  Japon 42 659
31  Malte 42 532
-  Union européenne 40 8912
32  Corée du Sud 39 387
33  Nouvelle-Zélande 38 502
34  Espagne 38 171
35  Italie 37 970
36  Porto Rico 37 895
37  Chypre 36 557
38  Israël 36 250
39  République tchèque 35 223
40  Guinée équatoriale 34 865
41  Slovénie 34 064
42  Slovaquie 32 895
43  Lituanie 31 935
44  Estonie 31 473
45  Trinité-et-Tobago 31 154
46  Portugal 30 258
47  Pologne 29 251
48  Hongrie 28 910
49  Malaisie 28 871
50  Russie 28 712

Crise Ukraine-Russie : les scénarios (Anna Colin-Lebedev, experte)

Crise Ukraine-Russie : les scénarios (Anna Colin-Lebedev, experte)

Anna Colin-Lebedev, chercheuse à l’université Paris-Nanterre, spécialiste de la Russie post-soviétique explique les enjeux du conflit (sur France Info).

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Quels sont les intérêts de Poutine en Ukraine ?

 

Anna Colin-Lebedev : L’Ukraine est un voisin important pour la Russie, mais il y a une focalisation disproportionnée de Vladimir Poutine sur l’Ukraine. Poutine voit au-delà de la Russie et veut se placer au centre d’un « monde russe ». Un monde russe sans Ukraine ne fonctionne pas véritablement. Par ailleurs, il ressent un sentiment d’injustice de voir l’Ukraine, son voisin le plus important, se détourner de la Russie et se tourner vers l’Occident.

 

L’Ukraine est-elle une création des communistes à Moscou, comme l’affirme Vladimir Poutine ?

Vladimir Poutine construit un récit historique très particulier. Son objectif n’est pas d’être juste dans son analyse, mais de justifier son intervention en Ukraine. Les historiens sont presque désemparés devant ces déclarations, tant chaque phrase peut être contestée. Par exemple, il néglige complètement le sentiment d’appartenance à une nation ukrainienne, qui est présent chez les intellectuels et la population de ce pays dès le XIXe siècle.

Lors de sa déclaration sur la reconnaissance des républiques populaires, lundi, Vladimir Poutine a fait un cours d’histoire pendant une heure. Pour Poutine, l’Ukraine n’existe pas, c’est une nation artificielle.

 

Quelle légitimité a la Russie sur les territoires séparatistes ?

Lorsque les républiques séparatistes s’autodéclarent en 2014, les habitants souhaitent un rattachement à la Russie comparable à la Crimée. Ce rattachement ne viendra pas. L’autonomie des Républiques n’a été reconnue que huit ans après leur création par la Russie.

Les gouvernants de ces territoires se déclarent prorusses, mais il est impossible de savoir quelle est l’attitude des populations vis-à-vis de la Russie. Pour la plupart aujourd’hui, ce qui semble central, c’est éviter une guerre et assurer leur survie.

 

A-t-on la preuve formelle de l’entrée de l’armée russe en Ukraine ?

Pour l’instant, l’élément le plus solide que nous ayons, c’est la déclaration du président américain, Joe Biden. Nous avons aussi quelques images, mais rien de très tangible. Cependant, la décision de faire rentrer des forces russes sur le territoire ukrainien a été prise. On est quasiment certain que l’armée russe sera dans les territoires séparatistes. Ira-t-elle plus loin dans les territoires contrôlés par Kiev ? Telle est la question.

 

La mobilisation des réservistes ukrainiens ne risque-t-elle pas d’exacerber les tensions ?

L’armée russe présente aux frontières de l’Ukraine est lourdement équipée et représente une force de combat considérable. Cependant, il ne s’agit pas juste d’occuper un territoire, mais d’installer le contrôle. L’armée russe sera confrontée non seulement aux forces armées ukrainiennes, mais aussi à des civils prêts à combattre.

Les réservistes sont des civils qui se sont entraînés et sont prêts à prendre la défense de leur pays. Ils ne disposent pas de la même puissance armée mais si Poutine envisageait une invasion massive de l’Ukraine, ils représenteraient un énorme problème pour lui.

 

Une invasion de l’Ukraine par la Russie peut-elle aboutir à une guerre générale en Europe ?

A ce jour, nous sommes loin de cette hypothèse. Une fois de plus parce qu’aucun Etat occidental n’a l’obligation de défendre l’Ukraine. Le projet européen notamment s’est construit autour d’une recherche de la paix et l’idée qu’une nouvelle guerre en Europe ne doit pas intervenir. Sauf engrenage vraiment très lourd, c’est surtout l’Ukraine qui va payer le prix d’une attaque russe.

 

Quelles pourraient être les conséquences de cette crise pour la France ?

Nous pouvons anticiper des répercussions économiques, notamment si l’approvisionnement en gaz russe est remis en question par des sanctions. Mais les conséquences seront aussi politiques. La France est membre de l’UE, si la Russie agresse militairement l’Ukraine, nous aurons une guerre aux frontières de l’Union européenne. Si la guerre s’étend à nos pays partenaires, dans le cadre de l’UE ou de l’Otan, la France devra intervenir.

 

Pourquoi est-ce si important pour les Etats-Unis de protéger l’Ukraine d’une invasion ?

En réalité, l’Ukraine était un sujet assez marginal de la politique extérieure américaine. Depuis le départ catastrophique des Américains d’Afghanistan, les Etats-Unis ne sont pas prêts à s’engager dans un nouveau conflit armé. La Russie est venue chercher les Etats-Unis sur le terrain de l’Ukraine. Ne pas y répondre, c’est nier les valeurs que les Etats-Unis affirment soutenir et montrer un signe de faiblesse.

 

 Pensez-vous que les sanctions financières vont vraiment intimider Vladimir Poutine ?

Les sanctions ont rarement un effet immédiat. En l’occurrence, le risque de nouvelles sanctions pèse sur la Russie depuis un moment. Le pouvoir a donc eu le temps d’en anticiper les conséquences. Pourquoi dans ce cas-là introduire des sanctions ? On pense que leur effet à moyen terme sur les sociétés pourrait décourager les actions les plus belliqueuses.

Par ailleurs, les sanctions financières ne sont pas des amendes, c’est plutôt des bâtons dans les roues de certains acteurs politiques et économiques russes. La Russie peut contourner un certain nombre de ces sanctions. Par exemple, si une personnalité proche du pouvoir voit sa fortune placée à l’étranger gelée, elle pourra passer par des sociétés écrans ou des prête-noms à l’étranger.

 

Quel est le ressenti de la population russe vis-à vis de la politique extérieure de Vladimir Poutine ?

Nous sommes loin aujourd’hui de l’euphorie de l’annexion de la Crimée en 2014. La population russe ne souhaite pas de guerre. Elle est davantage préoccupée par la baisse des revenus, le niveau des prix, par les autres problèmes intérieurs du pays. Le Kremlin devra mettre en scène quelque chose de vraiment frappant s’il souhaite avoir la population derrière lui.

Quelque chose de vraiment frappant comme une attaque choquante dont les victimes seraient civils. En 2014, le pouvoir avait réussi à convaincre la population russe que des néonazis étaient au pouvoir à Kiev et planifiaient des attaques de masse contre les russophones. A l’époque, cette propagande avait plutôt bien marché.

 

Peut-on prédire avec certitude les futures actions de la Russie ?

La Russie est un interlocuteur dont on a du mal à anticiper les futures actions, la stratégie. L’annexion de la Crimée en 2014 avait surpris tous les experts de la zone. Aujourd’hui, nous ne sommes pas à l’abri d’une nouvelle action surprenante. Cependant, la différence avec 2014, c’est que les partenaires de la Russie se préparent également au pire. Alors que nous pensions à l’époque qu’une annexion et une intervention armée dans un territoire voisin ne pouvaient pas arriver.

 

Climat : Scénarios catastrophes

Climat : Scénarios catastrophes

Des températures jusqu’à 50°, un événement climatique qui met à l’arrêt ces régions et a déjà provoqué des centaines de morts, par ailleurs  amené à se répéter, selon les experts. Il n’épargnerait pas la France « dans un futur proche », a averti en début de semaine sur les réseaux sociaux le climatologue du CNRS Christophe Cassou.

Outre les conséquences déjà bien visibles de ce « dôme de chaleur » sur les populations et l’environnement, des retombées socio-économiques sont à craindre.

Les autorités canadiennes et américaines déplorent déjà des centaines de mort depuis l’arrivée de la vague de chaleur vendredi dernier. Près de 500 personnes ont ainsi été victimes de « mort subite » au Canada, et 16 aux Etats-Unis, selon le dernier décompte, même si le lien avec les chaleurs extrêmes endurées reste encore à prouver formellement. Un bilan qui devrait s’alourdir, exposant particulièrement les personnes les plus fragiles.

« Ces températures extrêmes constituent une menace majeure pour la santé des personnes, l’agriculture et l’environnement, car la région n’est pas habituée à une telle chaleur et de nombreuses personnes ne disposent pas de climatisation », avait déclaré lors d’un point de presse, mardi à Genève, Clare Nullis, porte-parole de l’Organisation météorologique mondiale (OMM).

Ces chaleurs extrêmes impactent aussi sur la pollution au sol, qui est beaucoup plus importante que d’habitude. L’ozone troposphérique atteint des niveaux très élevés et l’oxyde d’azote présent dans l’air peut être plus irritant, tout en renforçant l’effet de serre. Les températures ne baissant pas la nuit, la faune et la flore subissent un « stress thermique » qui pourrait être irréversible pour certaines espèces.

Vendredi encore, des dizaines d’incendies faisaient rage dans l’ouest du Canada (62 feux recensés en 24 heures) et en Californie, sans espoir d’amélioration immédiate. La veille, un millier de personnes avaient été évacuées en Colombie-Britannique, dans l’ouest du Canada, où un incendie de forêt a brûlé près de 90 % du village de Lytton. Ce village, situé à quelque 250 km au nord-ouest de Vancouver a enregistré cette semaine un record national de chaleur à 49,6 °C.

 

Au sud de la Colombie-Britannique, plusieurs quartiers de la petite ville de Pemberton ont été évacués cette semaine pour le phénomène inverse : la crainte des inondations causées par la fonte des glaciers environnants.

Les scénarios noirs de la reprise économique

Les scénarios noirs de la reprise économique

Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs à l’ESSEC évoque dans la tribune les possibles scénarios de la reprise économique.

 

 

« La crise que nous traversons nous rappelle encore une fois les limites du principe de précaution selon lequel toute incertitude doit être abordée avec la stratégie du risque zéro. Pour éviter toute surcharge de leur système hospitalier, de nombreux pays du sud de l’Europe ont mis en place des confinements draconiens et persistants. Les experts sanitaires réunis en conseil scientifique par les gouvernements appuient les mesures allant vers l’élimination de tout risque dans une lecture certes purement médicale mais ouvrant également un large parapluie les protégeant de leurs peu de certitude concernant ce coronavirus, son mode de détection de contagion et les diverses formes d’affections qu’il déclenche. Leurs incertitudes couplées aux pénuries de masques et de tests les amènent à relayer, par sécurité, le scénario du pire. Selon le modèle proposé par l’Imperial Collège et adopté par la plupart des gouvernements, sans confinement, l’épidémie ferait des centaines de milliers de morts.

 

Pour être vraiment cohérents avec cette démarche politique d’alignement sur le scénario médical le pire, il faut envisager dès à présent le scénario économique correspondant à ces mêmes choix dans le contexte où l’épidémie semble perdre de son intensité et que les gouvernants ont engagé un processus de déconfinement graduel ou sont sur le point de le faire.

A ce jour, il semble qu’un vaccin ne sera pas disponible avant au moins un an ce qui a comme conséquence immédiate qu’un certain niveau de peur et de restrictions va se maintenir. La traduction économique d’une peur rémanente est la forte incitation des consommateurs à épargner. Ainsi les milliards dépensés par les gouvernements pour maintenir le niveau de revenu via les mécanismes d’activité partielle ne retrouveront que partiellement leur chemin de retour dans le circuit économique. Cette baisse de la consommation sera persistante, et sera renforcée par la déferlante du chômage qui va s’en suivre une fois que les entreprises surendettées et à court de cash vont également se retrouver à court de demande et commenceront à faire faillite. Dans ce scénario économique et sanitaire, le taux de chômage dans les pays du Sud de l’Europe devrait dépasser les 20% fin 2020. L’investissement privé devrait suivre la même trajectoire, avec une diminution encore plus importante, vu l’incertitude sur l’avenir. Les banques avec leur actif chargé de créances douteuses, notamment dans l’énergie et l’immobilier, vont considérablement renforcer leurs critères d’octroi des prêts et augmenter leurs taux prêteurs. Il faut s’attendre également à des faillites dans le secteur bancaire et à des fusions défensives. La rupture des transports internationaux et la fermeture sanitaire des frontières a mis à l’arrêt les exportations et on peut s’attendre à leur transformation en barrières protectionnistes. Tout ces facteurs font qu’il ne faut absolument pas compter sur une reprise tirée par la demande.

Les mesures draconiennes de déconfinement vont profondément affecter l’offre de biens, en détraquant des processus productifs déjà fragiles pour les firmes peu compétitives et surendettées du Sud de l’Europe. Les restrictions sur la mobilité des travailleurs saisonniers vont réduire la production agricole. Les syndicats vont enfoncer le clou en demandant plus de mesure de sécurité. La difficile reprise de l’offre des entreprises qui auront survécu au confinement, combinée à l’atonie de la demande risquent d’entraîner une profonde destruction de la richesse nationale.

Dans l’immédiat, la forte baisse de la demande devrait provoquer une faible déflation. Il pourrait cependant il y avoir un scénario encore plus sombre si, au bout de quelques mois, une reprise de la demande alimentée par les dépenses publiques se trouvait face à une capacité d’offre réduite du fait des faillites et des fortes réductions de capacités des firmes additionnées aux mesures de déconfinement. La destruction actuelle des entreprises du secteur pétrolier et la fermeture des puits pourraient avoir l’effet boomerang d’une hausse du prix du pétrole lorsque la demande augmentera. Bien que cette pénurie d’offre de biens et matières premières semble improbable, cela pourrait provoquer un retour de l’inflation et des anticipations d’inflation, qui pourrait évoluer vers une vraie catastrophe économique. Tant que l’inflation est faible, la Banque centrale européenne (BCE) a une grande marge de manœuvre pour soutenir les Etats dans leurs politiques de dépenses sans limites, la stratégie du « coûte que coûte ». Il a fallu 40 ans pour que les Européens forment des anticipations d’inflation stables, qui ont résisté même aux injections massives de liquidité post 2014. Mais une raréfaction de l’offre de biens et de pétrole pourraient tout chambouler.

Si ce choc d’offre agit comme un catalyseur pour relancer l’inflation, la montagne de liquidité accumulée dans le système depuis 2014 peut se transformer en hausse massive des prix de la zone euro et anéantir toute la crédibilité de la politique monétaire européenne. La BCE serait amenée à devoir choisir entre une inflation à deux chiffres ou une politique monétaire extrêmement restrictive qui aggraverait encore la crise, en termes de faillites et de chômage, accélérant le risque d’une défaillance des États les plus endettés.

Si cela arrivait, il n’y aurait aucune chance que la zone euro soit en capacité de résister à ce choc. Il apparaîtrait comme une urgence nationale pour l’Allemagne et les pays du nord de sortir du système. Le retour aux monnaies nationales qui s’ensuivrait s’accompagnera sûrement d’une monétisation par beaucoup d’Etats de leurs dettes, ce qui ferait entrer une partie de l’Europe dans une longue période d’inflation de masse. Une période d’inflation élevée serait catastrophique pour les épargnants et les retraités et plus généralement pour le pouvoir d’achat des catégories les plus fragiles de la population.

Si la dynamique envisagée dans ce scénario catastrophe repose essentiellement sur un retour très incertain de l’inflation, cet évènement n’est pas impossible. Il serait judicieux, dans la gestion d’une crise sanitaire de l’ampleur de celle que nous vivons, que les décisions politiques prises soient évaluées en s’appuyant sur des modèles d’évaluation intégrés, à l’image des modèles utilisés en science du climat. Le point n’est absolument pas de remettre en cause les recommandations scientifiques médicales mais d’analyser leurs mises en œuvre au moyen d’outils d’évaluations qui intègrent les aspects économiques et sociaux permettant ainsi aux gouvernements en charge du bien public de faire le bon choix. »

 

L’inflation sans la croissance, le pire des scénarios

L’inflation sans la croissance, le pire des scénarios

 

 

 

 

L’inflation a  atteint un pic de 2,3 % en juillet sur l’année et la hausse des prix devrait être d’environ 2 %. Parallèlement, la croissance se tasse et le chômage va se dégrader. Du coup, il ne faut guère espérer d’augmentation significative des salaires et le pouvoir d’achat devrait quasiment stagner surtout si on tient compte de la hausse réelle des prix à la consommation. Pour certaines catégories sociales les prestations vont diminuer (pensions, APL, allocs, autres prestations). L’augmentation prévue est limitée à 0.3% dans le budget.  En euros constants (de même valeur) le pouvoir d’achat va diminuer.  Un pouvoir d’achat qui a déjà perdu 0,6 % au dernier trimestre et qui explique largement le tassement de la consommation des ménages et au-delà de la croissance. Cette hausse de l’inflation n’a pas été constatée de manière aussi forte depuis 2012. ; Hausse de l’inflation et tassement de la croissance un effet de ciseau qui n’est pas particulièrement vertueux. Le gouvernement est pour une part responsable de cette inflation   Ce retour de l’inflation s’explique d’abord par la hausse de la fiscalité indirecte, puisque le gouvernement a augmenté les taxes sur le tabac et les carburants. La hausse du prix du pétrole, dont le baril frôle les 80 dollars soit son plus haut depuis près de quatre ans, renforce la tendance. La question est de savoir si les salaires pourront être augmentés afin de suivre l’inflation. Rien n’est certain puisqu’on constate un repli du taux de croissance de l’activité générale ; en cause la consommation des ménages qui stagne fautée pouvoir d’achat justement.  Outre les pensions, les salaires vont être affectés par cette mauvaise inflation car l est peu vraisemblables qu’ils seront ajustés suffisamment à la hausse e raion du tassement de la croissance. A noter que la mesure de l’inflation  est par ailleurs sous estimée en raison de la déformation de la structure de consommation des ménages qui consacrent de plus en plus de dépenses aux services et à l’énergie.  Les prix de l’énergie ont bondi de 14,3 % sur un an, celui du gaz de 17,3 % et ceux des produits pétroliers de 21,8 %. Et la facture grimpe également lorsqu’il s’agit de se nourrir, avec des produits frais en hausse de 6,4 %. Autre étude, même punition pour le budget des ménages. Le baromètre annuel de l’association Familles rurales, publié la semaine dernière, enregistre une montée sévère des prix des fruits (+ 4 % en moyenne) et légumes (+ 5 %). Le prix au kilo de fruits « bon marché » comme les pêches (3,30 euros, + 18 %) ou les nectarines (3,39 euros, + 17 %) a flambé. Bref un mauvais scénario cette inflation qui intervient alors que la croissance se tasse et que le pouvoir d’achat ne suit pas.

 

 

Après le brexit trois scénarios possibles

Après le brexit trois scénarios possibles

 

Il est  difficile de définir toutes les conséquences qu’entraînera le Brexit. Scénario sans doute le plus radical, la Grande-Bretagne ayant quitté l’union économique perd tous les avantages des membres de cette  union et est considérée comme un pays étranger avec toutes les restrictions fiscales, administratives, douanières que cela implique. Un renchérissement donc pour l’exportation de biens et de services en direction de l’union économique. Un scénario qui n’est pas exclu car accorder des circonstances atténuantes à la Grande-Bretagne c’est-à-dire des avantages sans en être membre pourrait inciter d’autres pays à revendiquer à leur tour des exceptions et des retours sur investissement par rapport à leur contribution financière à l’union économique ;  c’était en tout cas la position du ministre des finances allemand. Second scénario possible un statut de partenaire privilégié pour la Grande-Bretagne comme celui de la Norvège ; mais la Grande Bretagne devra donc payer pour commercer avec l’union économique. Troisième scénario un statut particulier pour la Grande-Bretagne concernant ses relations commerciales et financières avec l’union économique européenne. Tout dépendra des conséquences du Brexit et de l’ampleur de son si ce choc est très important au point de déstabiliser l’économie européenne voire mondiale il est alors probable que certains Etats comme l’Allemagne, les États-Unis, le Japon voire la France chercheront à atténuer les conséquences  trop néfaste du Brexit avec un accord spécifique mais  là aussi avec le risque que certains Etats de l’union de moins en moins europhiles revendiquent aussi des avantages du même type. En effet eu égard aux retombées négatives sur la Grande-Bretagne mais aussi sur l’union économique et même l’économie mondiale plusieurs scénarios peuvent être envisagés

 

Cyberattaque, euro, pétrole: les scénarios fantaisistes des analystes

Cyberattaque, euro, pétrole: les scénarios fantaisistes des analystes

 

 

Comme disait Pierre Dac, «  le plus difficile en matière de prospective, c’est de prévoir l’avenir ». Pourtant des analystes se sont liés à l’exercice en envisageant par exemple un pétrole à 40 dollars, un euro égal à un dollar, l’écroulement de la Grèce ou encore un cyber attaque massive aux Etats-Unis. Le problème c’est que les grands événements n’ont jamais été prévus et que cet exercice est assez aléatoire. Il fait notamment l’impasse sur les conséquences de la montée du terrorisme qui risque de porter atteinte aux volumes des échanges et donc à la croissance. On évacue encore la possibilité d’éclatement  d’une bulle financière, obligataire ou autre. Bref un exercice à prendre avec des pincettes et qui évacue le scénario d’un période très prolongée de croissance très faible avec ses conséquences sociales, financières voire sociétales (notons que les analystes s’occupent d’économie et de fiances pas de société !). . Exemples :  

> L’euro ne vaut plus que 1 dollar

C’est le pari que font les analystes de la banque néerlandaise ING. Ces derniers pensent que la monnaie unique vaudra autant que le billet vert dans le courant de l’année 2015, comme le rapporte le Handelsblatt. Une prévision qui, à première vue, peut sembler audacieuse, quand on sait que l’euro n’a connu qu’une période très brève sous les 1 dollar, entre 2000 et 2002, selon les Echos. Et pourtant la prévision des analystes d’ING est loin d’être irréaliste. L’euro est actuellement en train de dégringoler. Entre mai 2014 et janvier 2015, la monnaie unique est passée de 1,39 à 1,18 dollar, soit une baisse de 15%. Le 14 janvier dernier, l’euro est même passé sous son cours d’introduction face au dollar, en 1999 (1,1747 euro pour un dollar). 

> Le baril de pétrole à moins de 40 dollars

Le 12 janvier dernier, la banque d’affaires Goldman Sachs provoque un véritable coup de tonnerre en publiant des prévisions étonnantes sur le marché du pétrole. Ses analystes tablent désormais sur un prix de 39 dollars le baril à six mois pour le WTI, à New York, et de 43 dollars pour le Brent de la mer du Nord, à Londres. Impressionnant quand on sait que les prévisions précédentes étaient de 75 dollars pour le WTI et 85 dollars pour le Brent.  Là encore si cette prévision détonne, elle n’en est pas moins crédible. Depuis juin 2014, aussi bien le WTI que le Brent ont perdu plus de 50% et la chute n’a pas encore atteint un plancher. Pour preuve, les prévisions de Goldman Sachs ont eu l’effet d’une prophétie auto-réalisatrice. A l’annonce de ces prévisions, le Brent et le WTI ont perdu 5% et 4,7% à respectivement 47,5 et 46 dollars, lundi.

> Syriza, une bonne chose pour l’Europe

C’est un scénario qui a plusieurs fois grippé les marchés: le parti de gauche radicale Syriza arrive au pouvoir après le 25 janvier prochain. La crainte est que ce parti-austérité enclenche un bras de fer avec le FMI et l’Union européenne en refusant d’implanter les mesures nécessaires pour continuer à percevoir l’aide financière internationale.  A contrario de beaucoup d’analyses, Holger Schmieding, de la banque Berenberg envisage un scénario qui renforcerait l’Europe. Si Syriza, une fois arrivé au pouvoir, n’arrive pas à tenir “ses promesses inabordables”, alors “les partis populistes perdraient de leur crédibilité, et les partis traditionnel dans toute l’Europe auraient bien plus de facilité à démontrer combien ces populistes irresponsables sont superficiels”.  

> Les Etats-Unis victime d’une cyberattaque massive

Pour être tout à fait exact, il ne s’agit pas d’une prévision à proprement parler. Chaque année, Byron Wien, un analyste du fonds Blackstone, livre 10 “suprises” qu’il définit comme des faits auxquels “un investisseur moyen donnerait 33% de chances de se produire” alors que lui-même mise sur “plus de 50%”. Parmi ces surprises, Byron Wien évoque une cyberattaque massive de la part de hackers, qui envahiraient alors les comptes des clients particuliers et des professionnels d’une importante banque. La Réserve fédérale (Fed) interviendrait alors et suspendrait les transactions de l’établissement en question pendant cinq jours pour réparer les pots cassés. Ce scénario est d’autant plus crédible que les attaques sur internet se sont multipliées aux Etats-Unis. A l’été 2014, des hackers avaient ainsi tenté de voler les données de millions de clients de la banque JP Morgan. Et, selon les enquêtes fédérales en cours, une dizaine d’autres établissements ont été visés. Parmi les autres “surprises” de Byron Wien, on notera une croissance chinoise de seulement 5% ou encore un S&P500 qui prendrait plus de 15% sur l’ensemble de 2015. 

Europe : les scénarios noirs de 2014

Europe : les scénarios noirs de 2014

Saxo Bank publie ce mardi 17 décembre dans BFM ses « cygnes noirs » de la finance, ces évènements imprévisibles, à l’impact énorme et dont les probabilités sont toutefois plus élevées que ce que laisse entendre les analystes Le cru 2014 a de quoi faire frémir. 10 scénarios noirs qui ne sont pas des prévisions, fondées sur un « modèle », mais « des prédictions », explique Steen Jakobsen, économiste en chef du groupe. « Espérons-le, elles n’arriveront pas, mais si elles se produisent, elles auraient un impact significatif, non seulement pour de nombreux investisseurs, mais aussi pour nous tous au quotidien ».  La fragilité de l’indice phare parisien, « le plus vulnérable vu la situation actuelle », selon le chef économiste de la banque danoise, tient au fait que 25% des marques de luxe dans le monde sont françaises. « En soi, c’est très bien, sauf que ce secteur connaît actuellement un fort ralentissement, ou du moins une modification de la façon de consommer ces produits dans les pays émergents », souligne Steen Jakobsen. En outre, une défiance massive des investisseurs vis-à-vis de la France et de la façon dont elle est gouvernée est possible. « Je suis désolé de m’en prendre à la France, mais en 2014, aussi bien au niveau économique que politique, elle est et sera l’éléphant dans le magasin de porcelaine » craint l’économiste en chef de Saxo Bank, interrogé dans Intégrale Bourse. Notamment parce que « la cote de popularité de François Hollande le pousse à améliorer son image. Or instaurer plus d’austérité, ou s’aligner sur la position de l’Allemagne et de la BCE ne vont pas l’aider », souligne l’économiste. C’est ce qu’il appelle le « malaise français », qui fait écho au mal-être des Européens au sein de l’Union. Ces prédictions délirantes se basent sur la « théorie du cygne noir », de Nassim Taleb. Cet ancien trader devenu philosophe et mathématicien spécialiste des probabilités part du constat que le monde, avant d’avoir pu observer des cygnes noirs, prenait pour acquis que tous les cygnes étaient blancs. En découle que toutes les théories élaborées par les Hommes sont immanquablement basées sur des observations partielles, et donc sujettes à être infirmées. Or selon le philosophe, les évènements qui peuvent les remettre en cause ont d’autant plus d’impact qu’on les considère comme totalement inenvisageables.  Le meilleur élève de l’Europe pourrait devoir quitter le tableau d’honneur. Imaginez: des années « d’excès d’épargne » et « d’excédents commerciaux excessifs » ont poussé les Etats-Unis à tourner le dos à la plus grande économie de la zone euro. Tout comme la Chine, qui se concentre désormais sur sa demande intérieure. Par ailleurs, la baisse des prix de l’énergie aux États-Unis pousse les entreprises germaniques à se délocaliser à l’ouest, ce qui provoque une baisse de compétitivité à cause des salaires plus élevés. Les libéraux du parti d’Angela Merkel doivent enfin faire des concessions vis-à-vis du SPD, le nouvel allié de la coalition gouvernementale, et faire des dépenses pour « améliorer le bien-être des classes moyennes et pauvres. Tous ces facteurs combinés entraînent une baisse surprise de la production et de l’activité économique et les obligations souveraines du pays à 10 ans voient leur rendement baisser. La récession pointe.  Outre la fin de la croissance dans la première économie de la zone euro, Saxo Bank craint pour l’Europe des risques politiques majeurs à l’occasion des élections européennes de mai prochain. Les analystes du groupe estiment qu’à contrario des dirigeants de l’Union, les électeurs européens veulent « moins d’Europe » et devraient le faire sentir dans leurs votes. Les analystes envisagent ainsi que l’alliance des anti-européens représente la première ou la deuxième force au sein du Parlement, ce « qui changerait la dynamique au sein de l’institution », indique Steen Jakobsen.  Sur les marchés européens, après « sept années de hausse sur dix, le plus grand risque est la baisse des actions ». On pourrait dès lors assister à une panique des dirigeants européens qui décideraient d’une taxe de 5 à 10% sur l’épargne privée pour résoudre les problèmes de solvabilité des banques et des Etats. « Un retour à l’économie soviétique », 25 ans après la chute du Mur de Berlin, tout à fait envisageable pour l’économiste. Aujourd’hui, « nous sommes déjà plus proche de l’économie planifiée de l’URSS que de l’économie de marché », selon lui: « la Banque centrale européenne dirige et encadre le marché des dettes souveraines, les Etats hors Europe dévaluent leur monnaie, l’Etat a un rôle de plus en plus important, trop selon nous ». Du coup « la BCE pourrait très bien décider que vous et moi soyons obligés de contribuer via notre épargne privée, comme l’a évoqué le FMI « .




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