IRIS² : 300 satellites pour l’ autonomie stratégique européenne
Décidée en 2023 par la Commission européenne, la constellation IRIS² (Infrastructure de résilience, d’interconnectivité et de sécurité par satellite) fournira d’ici à quelques années un service de communications sécurisées aux organismes et agences gouvernementales de l’Union européenne, tout en positionnant des acteurs privés européens sur le marché très prometteur des constellations de connectivité. L’architecture de la constellation permettra aux utilisateurs de communiquer avec une faible « latence », c’est-à-dire que la transmission ultra-rapide des informations permettra d’atteindre les performances des réseaux terrestres. Réduction de la fracture numérique, télémédecine pour l’intervention dans des zones isolées, véhicule connecté, défense, transports maritimes, des pans entiers de notre vie quotidienne en Europe seront transformés grâce à IRIS² !
L’Europe pourra utiliser les services sécurisés d’IRIS², c’est-à-dire des services dont la confidentialité est garantie, pour protéger efficacement ses citoyens. IRIS² contribue donc directement à notre autonomie stratégique et permettra à l’Europe de ne pas dépendre d’autres puissances spatiales, notamment en période de crise. Rappelons que lors du conflit russo-ukrainien, Elon Musk, tout en mettant à disposition de l’Ukraine son réseau Starlink, en a empêché l’utilisation aux abords de la Crimée, interférant directement sur la conduite de la guerre.
L’Union européenne peut d’ores et déjà s’enorgueillir de deux très grands succès spatiaux : Galileo, infrastructure de navigation par satellite grâce à laquelle trois milliards d’utilisateurs se positionnent chaque jour avec une extrême précision, et Copernicus, programme d’observation de la Terre par satellite qui permet d’accéder à des données essentielles pour comprendre notre climat et notre environnement. IRIS² est donc le troisième pilier de l’Europe spatiale. Il a pu voir le jour grâce à l’inébranlable volonté politique de l’ancien Commissaire européen Thierry Breton qui a fait fi des sceptiques, des conservateurs et de ceux toujours enclins au renoncement.
IRIS² se démarque des constellations concurrentes Starlink ou Kuiper d’Amazon par une approche responsable et durable de l’utilisation de l’orbite basse. Seuls 300 satellites formeront la constellation IRIS² dans sa globalité. Un chiffre qui reflète la sobriété de ce projet, loin des dizaines de milliers de satellites de Starlink et de Kuiper. Cette stratégie illustre concrètement l’engagement de l’Europe pour des systèmes spatiaux contribuant à un espace plus durable.
Ce nouveau programme illustre parfaitement la montée en puissance et le rôle d’impulsion politique que doit donner la Commission européenne à la politique spatiale. Dans un paysage institutionnel et politique trop complexe, marqué par la coexistence de plusieurs acteurs – UE, États membres, Agence spatiale européenne – il faut un centre de décision unique et une ligne de mise en œuvre claire, pour éviter duplications et dilution de l’effort spatial européen. C’est l’UE, par le biais de la Commission, qui doit endosser ce rôle.
D’ailleurs, la constellation va de pair avec l’adoption, dans les prochains mois, d’une loi spatiale européenne. Au programme : un arsenal juridique pour la viabilité et la résilience des activités spatiales, ainsi que pour la gestion de débris spatiaux. L’ensemble de ces briques renforceront le leadership de l’Europe en portant une vision du spatial, centrée sur le service aux citoyens, le renforcement de la lutte contre le changement climatique et l’affirmation d’une indépendance européenne vis-à-vis de la Chine et des Etats-Unis.
Aux côtés d’Ariane 6 qui vient de faire son premier vol avec succès et qui doit naturellement mettre l’essentiel de la constellation en orbite, IRIS² est donc un nouveau moteur de l’Europe spatiale. L’accord de concession signé entre l’Union européenne et le consortium SpaceRISE le 16 décembre marque le véritable lancement d’IRIS². Cette signature intervient dans les premiers jours du mandat du nouveau Commissaire européen pour la défense et l’industrie spatiale, Andrius Kubilius, qui a d’ores et déjà plaidé pour une Europe spatiale forte. Qu’il soit entendu !