Archive pour le Tag 'Santé'

Page 7 sur 27

santé pollens: de plus en plus d’allergies

santé pollens: de plus en plus d’allergies

« On a l’impression qu’il y a une modification des saisons polliniques au fur et à mesure que le climat évolue », constate une allergologue. Sophie Silcret-Grieu, allergologue et membre de l’association asthme et allergies s’explique . Actuellement, 82 départements de métropole sont en alerte rouge aux pollens de graminées. Elle estime donc que les « facteurs environnementaux sont à prendre en compte ». Concernant le nombre de personnes allergiques, « il ne cesse de croître ». Il faut donc rester vigilant, « se traiter et ne pas laisser les symptômes s’aggraver ».

Ce niveau inédit de pollens, est-ce que ça veut dire des cas d’allergies plus graves ou bien plus de personnes susceptibles de ressentir cette allergie ?

Sophie Silcret-Grieu : Comme chaque année on a un peu plus de patients allergiques. Ce nombre ne cesse de croître. On voit en effet des cas plus sévères, des symptômes plus sévères d’année en année qui peuvent parfois conduire à l’hôpital et cette année ne fait pas exception. Il faut rappeler que la forme la plus sévère d’allergie respiratoire induite par les pollens peut conduire à des crises d’asthme graves, soit pour des gens asthmatiques dont le traitement habituel ne va pas suffire, soit pour des gens qui vont démarrer une maladie asthmatique en inhalant une grande quantité de pollens. Il faut également savoir que les symptômes se modifient avec l’âge. Ce qu’on ne pensait pas il y a quelques années et qu’on constate désormais, c’est que des gens qui ont passé la cinquantaine peuvent démarrer une maladie allergique et avec l’âge les symptômes s’imbriquent avec d’autres maladies : par exemple, des gens qui ont une pathologie respiratoire risquent d’avoir des symptômes allergiques plus importants.

Est-ce que si on évite les sorties en pleine nature on est sûr de se préserver ?

Non, on n’est pas sûr. Pour qu’un pollen soit allergisant, il faut qu’il soit de suffisamment petite taille pour pénétrer dans les voies respiratoires. Les pollens dont on parle sont donc des pollens transportés par le vent, contrairement à celui transporté par les insectes. Ces pollens peuvent se retrouver à des kilomètres de leur point d’origine. C’est ainsi qu’on voit des gens très allergiques aux pollens être gênés même en ville.

Face à cette volatilité que peut-on faire ?

La première chose c’est prendre des médicaments, se traiter et ne pas laisser les symptômes s’aggraver, c’est un mauvais réflexe qu’ont beaucoup de gens. En fait, l’allergie a tendance à s’auto-aggraver : plus on attend et plus les médicaments ont du mal à agir. Il y a des médicaments en vente libre en pharmacie qui sont très efficaces. Dans un second temps, il faut consulter, si possible un allergologue qui peut avoir des délais d’attente un peu longs. Il faut savoir que consulter même dans quelques mois, à l’automne, reste utile parce que ça permettra de préparer la saison prochaine. Enfin, il faut identifier les symptômes plus sévères comme une gêne respiratoire, une toux nocturne qui ne passe pas, des sifflements… Qui imposent de consulter rapidement.

>> Pollens : comment se protéger face aux pics ?

Est-ce qu’on sait combien de temps va durer cette période allergène ?

Concernant la durée, pour ce qui est de l’allergie aux graminées, on en a jusqu’à la fin du mois de juillet. Ensuite, il y a d’autres pollens qui prennent le relais comme ceux d’ambroisie par exemple qui peuvent durer en août, en septembre et même octobre parfois. Les saisons polliniques ont tendance à être un peu plus précoces, un peu étalées et les pollens sont plus abondants. On a l’impression qu’il y a une modification des saisons polliniques au fur et à mesure que le climat évolue. Les facteurs environnementaux sont donc évidemment à prendre en compte : la pollinisation des arbres est plus précoce et on voit polliniser des plantes dans des régions où elles ne l’étaient pas jusque-là.

Santé- Covid: Haro des mandarins sur Didier Raoult

Santé- Covid: Haro des mandarins sur Didier Raoult

Maintenant que l’ancien patron de l’institut hospitalier universitaire de Marseille n’exerce une fonction, de nombreux caciques de la profession ont décidé la mise à mort du trop célèbre Didier Raoult.

Rien d’étonnant à cela dans la mesure où Didier Raoult s’est livré régulièrement à une critique en règle des institutions nationales et de leurs liens douteux et parfois financiers avec les laboratoires. Bref, une sorte de revanche des grands mandarins.

Plusieurs Autorité médicales dénoncent dans une tribune la publication récente d’une étude révélant que plus de 30.000 patients positifs au Covid ont reçu un traitement à l’hydroxychloroquine en 2020.

« La prescription systématique aux patients atteints du Covid-19, quels que soient leur âge et leurs symptômes, de médicaments aussi variés que l’hydroxychloroquine, le zinc, l’ivermectine ou l’azithromycine, sur des ordonnances pré-imprimées, s’est d’abord effectuée sans bases pharmacologiques solides, et en l’absence de toute preuve d’efficacité », dénoncent les signataires.

Une « tribune d’imbéciles », a réagi auprès de franceinfo le professeur Didier Raoult. « Que les autorités de santé viennent faire leur enquête sur l’hydroxychloroquine », poursuit-il, estimant que son protocole fonctionne, et que les études internationales ont été « truquées ». Il assure que les équipes de l’IHU ont d’abord soigné. Il affirme également que les études cliniques publiées ou en voie de l’être sont « un travail rétrospectif ».

Parmi les signataires contre Didier Raoult, on compte notamment le professeur Alain Fischer, président de l’Académie des Science, Dominique Costagliola, l’une de ses membres, mais aussi différentes organisations médicales comme la Société française de pharmacologie et de thérapeutique ou la Société de pathologie infectieuse de langue française.

Cette tribune vient plus particulièrement répondre à la prépublication en ligne de données de santé concernant plus de 30.000 patients, selon le JDD. Didier Raoult et 16 membres de l’IHU Méditerranée ont en effet partagé le 3 avril dernier, sur le site de médecine spécialisée MedRxiv, le détail des traitements administrés à 30.423 personnes testées positives au Covid-19 pendant la première vague de l’épidémie en 2020.

Elle y dévoile que tous les patients ont reçu de l’hydroxychloroquine, quel que soit leur état de santé et qu’ils présentent ou non des symptômes et persiste en réaffirmant l’efficacité du traitement.

Notons toutefois que les faits reprochés remontent à 2020 alors que les vaccins anticovid n’étaient pas encore massivement opérationnels . Observons aussi que l’hydroxychloroquine a toujours été utilisée pour la prévention et le traitement du paludisme. Un traitement utilisé encore davantage dans les pays tropicaux pour lutter aussi bien contre le paludisme que contre le covid. Reste que l’Afrique en particulier à été moins touchée proportionnellement par le covid que par exemple l’Europe ou l’Asie. Pour le moins des interrogations demeurent. Ce qui est certain c’est que le règlement de comptes a commencé vis-à-vis d’un Didier raoult sans doute par ailleurs un peu trop médiatique.

Santé : de plus en plus d’allergie au pollen

Santé : de plus en plus d’allergie au pollen

« On a l’impression qu’il y a une modification des saisons polliniques au fur et à mesure que le climat évolue », constate une allergologue. Sophie Silcret-Grieu, allergologue et membre de l’association asthme et allergies s’explique . Actuellement, 82 départements de métropole sont en alerte rouge aux pollens de graminées. Elle estime donc que les « facteurs environnementaux sont à prendre en compte ». Concernant le nombre de personnes allergiques, « il ne cesse de croître ». Il faut donc rester vigilant, « se traiter et ne pas laisser les symptômes s’aggraver ».

Ce niveau inédit de pollens, est-ce que ça veut dire des cas d’allergies plus graves ou bien plus de personnes susceptibles de ressentir cette allergie ?

Sophie Silcret-Grieu : Comme chaque année on a un peu plus de patients allergiques. Ce nombre ne cesse de croître. On voit en effet des cas plus sévères, des symptômes plus sévères d’année en année qui peuvent parfois conduire à l’hôpital et cette année ne fait pas exception. Il faut rappeler que la forme la plus sévère d’allergie respiratoire induite par les pollens peut conduire à des crises d’asthme graves, soit pour des gens asthmatiques dont le traitement habituel ne va pas suffire, soit pour des gens qui vont démarrer une maladie asthmatique en inhalant une grande quantité de pollens. Il faut également savoir que les symptômes se modifient avec l’âge. Ce qu’on ne pensait pas il y a quelques années et qu’on constate désormais, c’est que des gens qui ont passé la cinquantaine peuvent démarrer une maladie allergique et avec l’âge les symptômes s’imbriquent avec d’autres maladies : par exemple, des gens qui ont une pathologie respiratoire risquent d’avoir des symptômes allergiques plus importants.

Est-ce que si on évite les sorties en pleine nature on est sûr de se préserver ?

Non, on n’est pas sûr. Pour qu’un pollen soit allergisant, il faut qu’il soit de suffisamment petite taille pour pénétrer dans les voies respiratoires. Les pollens dont on parle sont donc des pollens transportés par le vent, contrairement à celui transporté par les insectes. Ces pollens peuvent se retrouver à des kilomètres de leur point d’origine. C’est ainsi qu’on voit des gens très allergiques aux pollens être gênés même en ville.

Face à cette volatilité que peut-on faire ?

La première chose c’est prendre des médicaments, se traiter et ne pas laisser les symptômes s’aggraver, c’est un mauvais réflexe qu’ont beaucoup de gens. En fait, l’allergie a tendance à s’auto-aggraver : plus on attend et plus les médicaments ont du mal à agir. Il y a des médicaments en vente libre en pharmacie qui sont très efficaces. Dans un second temps, il faut consulter, si possible un allergologue qui peut avoir des délais d’attente un peu longs. Il faut savoir que consulter même dans quelques mois, à l’automne, reste utile parce que ça permettra de préparer la saison prochaine. Enfin, il faut identifier les symptômes plus sévères comme une gêne respiratoire, une toux nocturne qui ne passe pas, des sifflements… Qui imposent de consulter rapidement.

>> Pollens : comment se protéger face aux pics ?

Est-ce qu’on sait combien de temps va durer cette période allergène ?

Concernant la durée, pour ce qui est de l’allergie aux graminées, on en a jusqu’à la fin du mois de juillet. Ensuite, il y a d’autres pollens qui prennent le relais comme ceux d’ambroisie par exemple qui peuvent durer en août, en septembre et même octobre parfois. Les saisons polliniques ont tendance à être un peu plus précoces, un peu étalées et les pollens sont plus abondants. On a l’impression qu’il y a une modification des saisons polliniques au fur et à mesure que le climat évolue. Les facteurs environnementaux sont donc évidemment à prendre en compte : la pollinisation des arbres est plus précoce et on voit polliniser des plantes dans des régions où elles ne l’étaient pas jusque-là.

Santé- Covid: Haro sur Didier Raoult

Santé- Covid: Haro sur Didier Raoult

Maintenant que l’ancien patron de l’institut hospitalier universitaire de Marseille n’exerce une fonction, de nombreux caciques de la profession ont décidé la mise à mort du trop célèbre Didier Raoult.

Rien d’étonnant à cela dans la mesure où Didier Raoult s’est livré régulièrement à une critique en règle des institutions nationales et de leurs liens douteux et parfois financiers avec les laboratoires. Bref, une sorte de revanche des grands mandarins.

Plusieurs Autorité médicales dénoncent dans une tribune la publication récente d’une étude révélant que plus de 30.000 patients positifs au Covid ont reçu un traitement à l’hydroxychloroquine en 2020.

« La prescription systématique aux patients atteints du Covid-19, quels que soient leur âge et leurs symptômes, de médicaments aussi variés que l’hydroxychloroquine, le zinc, l’ivermectine ou l’azithromycine, sur des ordonnances pré-imprimées, s’est d’abord effectuée sans bases pharmacologiques solides, et en l’absence de toute preuve d’efficacité », dénoncent les signataires.

Une « tribune d’imbéciles », a réagi auprès de franceinfo le professeur Didier Raoult. « Que les autorités de santé viennent faire leur enquête sur l’hydroxychloroquine », poursuit-il, estimant que son protocole fonctionne, et que les études internationales ont été « truquées ». Il assure que les équipes de l’IHU ont d’abord soigné. Il affirme également que les études cliniques publiées ou en voie de l’être sont « un travail rétrospectif ».

Parmi les signataires contre Didier Raoult, on compte notamment le professeur Alain Fischer, président de l’Académie des Science, Dominique Costagliola, l’une de ses membres, mais aussi différentes organisations médicales comme la Société française de pharmacologie et de thérapeutique ou la Société de pathologie infectieuse de langue française.

Cette tribune vient plus particulièrement répondre à la prépublication en ligne de données de santé concernant plus de 30.000 patients, selon le JDD. Didier Raoult et 16 membres de l’IHU Méditerranée ont en effet partagé le 3 avril dernier, sur le site de médecine spécialisée MedRxiv, le détail des traitements administrés à 30.423 personnes testées positives au Covid-19 pendant la première vague de l’épidémie en 2020.

Elle y dévoile que tous les patients ont reçu de l’hydroxychloroquine, quel que soit leur état de santé et qu’ils présentent ou non des symptômes et persiste en réaffirmant l’efficacité du traitement.

Notons toutefois que les faits reprochés remontent à 2020 alors que les vaccins anticovid n’étaient pas encore massivement opérationnels . Observons aussi que l’hydroxychloroquine a toujours été utilisée pour la prévention et le traitement du paludisme. Un traitement utilisé encore davantage dans les pays tropicaux pour lutter aussi bien contre le paludisme que contre le covid. Reste que l’Afrique en particulier à été moins touchée proportionnellement par le covid que par exemple l’Europe ou l’Asie. Pour le moins des interrogations demeurent. Ce qui est certain c’est que le règlement de comptes a commencé vis-à-vis d’un Didier raoult sans doute par ailleurs un peu trop médiatique.

Santé : Le ministre contre la régulation géographique

Santé : Le ministre contre la régulation géographique


Le ministre de la santé est clairement contre la régulation géographique qui est envisagée à l’assemblée nationale. De ce point de vue, il se fait le porte-parole de la médecine libérale qui s’oppose à l’intervention de l’État pour mieux répartir les jeunes médecins. Le ministre propose surtout des assistants médicaux pour libérer du temps et le recrutement de médecins étrangers. . «Il faut fluidifier tout cela. Un assistant médical permet à un médecin généraliste de suivre 10% de patients en plus. Un assistant dentaire permet à un dentiste de prendre 30% de patients en plus», a affirmé le ministre, rappelant que la pénurie de soignants est un problème mondial.

François Braun veut «étendre ce qui existe déjà pour les chercheurs avec le dispositif «Passeport Talents», aux métiers de la médecine et de la pharmacie». Concrètement, ces professionnels de santé étrangers, qui auraient «un contrat avec un établissement», disposeraient de «13 mois pour passer l’examen de validation des connaissances. S’ils réussissent, ils obtiendraient un titre de séjour de 4 ans leur permettant de faire venir leur famille».

Le ministre de la santé s’est ensuite montré très ambigu concernant la lutte contre les stupéfiants. La cigarette électronique pourrait, malgré les doutes sur sa toxicité, finir par être reconnue comme l’un des outils du sevrage tabagique. C’est en tout cas le message du ministre de la Santé, dimanche 28 mai, qui envisage sa prescription et son remboursement par la sécurité sociale. Il s’est cependant dit déterminé à lutter contre les addictions, s’est déclaré dimanche favorable à l’interdiction des «puffs», cigarettes électroniques jetables prisées des jeunes. Mais il envisage d’ouvrir aux pharmaciens la prescription de certains substituts nicotiniques sous forme de cigarettes électroniques. Interrogé sur un éventuel remboursement par la Sécu, François Braun a répondu que le sujet était «sur la table dans le cadre du prochain plan antitabac» du gouvernement, prévu sur la période 2023-2028.

Société et santé : l’envahissement des drogues douces et dures

Société et santé : l’envahissement des drogues douces et dures


Les drogues douces ou durs ne cessent de se développer en Europe en même temps que la corruption qui pourrait affecter la police, la justice et au-delà la démocratie comme en Amérique du Sud par exemple. La France est particulièrement concernée par le phénomène.

Pour les drogues douces, curieusement le Conseil d’État contre l’avis du gouvernement a autorisé la légalisation des fleurs de CBD. Récemment, c’est le Conseil économique et social environnemental qui a fait la proposition de légaliser le cannabis. On peut se demander sur quelle légitimité scientifique voire éthique s’appuient ces deux institutions.

En 2021, 47,3 % des adultes âgés de 18 à 64 ans déclarent avoir déjà consommé du cannabis au cours de leur vie. L’usage actuel (usage dans l’année) concerne 10,6 % des 18-64 ans (14,2 % des hommes et 7,2 % des femmes).

Pour la cocaîne, La multiplication par cinq de la consommation en Europe n’a pas que des conséquences sur la santé publique. À terme, les trafics déstabilisent les États, corrompent les politiques et les policiers.

En France, en l’an 2000, 0,3 % de la population était consommatrice régulière de cocaïne, selon l’observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT). Aujourd’hui, c’est 1,6 % de la population française qui consomme au moins une fois par mois de la cocaïne. Pour toutes ces raisons, les cartels mexicains et colombiens se détournent actuellement des États-Unis pour s’attaquer à un marché en plein essor : l’Europe. Dans le premier port européen, Anvers, les saisies sont passées de 16 tonnes en 2015 à 110 en 2022, battant des records d’années en années. À Orly, les vols depuis la Guyane sont devenus le premier point d’entrée aérien de cette drogue. Et pour toutes ces raisons, plusieurs pressentent que l’Europe est en train de ravir sa place de premier marché mondial de la cocaïne aux États-Unis, une première historique.

Le chiffre d’affaires mondial de l’ensemble des drogues serait de l’ordre de 250 milliards !

Le neurologue Grégoire Hinzelin rappelle les effets du cannabis sur le cerveau.

Interview sur le site « la Vie »
Quand quelqu’un fume du cannabis, quels sont les effets sur son cerveau ?

Lorsqu’on fume un joint, le psychotrope absorbé provoque une accélération du fonctionnement électrique du cerveau, et donc un effet d’anxiolyse, c’est-à-dire réduisant l’anxiété. Cela produit une désinhibition, exactement comme l’alcool. L’anxiolyse et l’euphorie qui en découle sont parmi les mécanismes qui provoquent la dépendance. Une consommation très épisodique n’aura pas particulièrement de conséquence à long terme, à part en ce qui concerne les accidents qui peuvent se dérouler à l’occasion de la période où le consommateur est sous l’emprise du cannabis. Exactement comme l’alcool, une énorme cuite n’aura en général aucun impact à long terme sur la santé, contrairement à une consommation trop fréquente.

Et sur le long terme, qu’observe-t-on dans le cerveau des consommateurs de cannabis ?

Une dégradation se manifeste de diverses façons. De manière générale, le principal aspect est l’augmentation du trouble de la mémoire, de la concentration, et parfois – plus grave – une augmentation des troubles psychiatriques. Apparaissent des crises de démence d’origine vasculaire (désorientation permanente, incapacité à ordonner ses pensées…) ou des démences cortico-souscorticales, c’est-à-dire des problèmes de mémoire graves, qui s’apparentent à un léger Alzheimer prématuré qui se manifeste parfois dès 40 ans.

Dans de nombreux cas, la consommation régulière de cannabis peut développer une schizophrénie.
Il y a aussi un risque très important de bouffées délirantes aiguës, qui arrivent à des consommateurs qui souvent n’ont jamais connu de troubles psychiques avant et qui se mettent à adopter des comportements incohérents et irrationnels le temps de la crise. Dans de nombreux cas, la consommation régulière de cannabis peut développer une schizophrénie. En revanche, il y a débat dans la communauté scientifique entre ceux qui affirment que le cannabis ne fait que dévoiler et rendre active une schizophrénie préexistante et ceux qui défendent l’idée que le cannabis crée la schizophrénie sans que le consommateur n’y soit prédisposé. La question est là : la schizophrénie provoquée par le cannabis est-elle innée ou acquise ? Il nous faudra encore 10 ou 15 ans pour le savoir.

Il faut en outre distinguer les troubles liés à la consommation et à la drogue elle-même. La consommation de cannabis à long terme peut être un facteur d’isolement social, et la dépression peut découler de cette dépendance et de ses effets indirects.

Y a-t-il une évolution du contenu de ce que fument le consommateurs de cannabis au fil des ans ?

Les joints qui étaient fumés en mai 1968 présentaient déjà un risque et contenaient 2 à 3% de THC (tétrahydrocannabinol, la principale substance active du cannabis). Aujourd’hui, une boulette de résine en contient bien plus, montant parfois jusqu’à 40% de THC ! Une telle dose dans un joint est encore plus puissante qu’un rail de cocaïne. C’est tout l’ennui : quand un consommateur va se procurer du cannabis, il ne sait pas quelle dose de THC il s’apprête à consommer, et c’est souvent énorme. C’est comme si vous vouliez acheter de l’alcool dans un magasin, et que vous ne saviez pas si vous venez acheter une bouteille de cidre ou trois bouteilles de whisky. Et quand on s’habitue à de telles doses de cannabis, on glisse vite sur la pente qui mène à la consommation de drogues dites « plus dures », comme la cocaïne

Santé – Accès aux soins et télémédecine

Santé – Accès aux soins et télémédecine (Laure de la Bretèche)

Intrerview de Laure de la Bretèche, directrice déléguée des Politiques sociales à la caisse de dépôts dans LA TRIBUNE-

Après l’explosion de la médecine à distance pendant la crise sanitaire, où en sont les dispositifs de télémédecine aujourd’hui ?

LAURE DE LA BRETÈCHE- La télémédecine n’est pas un nouveau domaine de la médecine, mais une nouvelle modalité pour enrichir des disciplines préexistantes, elles-mêmes en mouvement permanent (nouveaux traitements, découvertes scientifiques…). Dans un contexte où le besoin de soins augmente très significativement avec le vieillissement de la population, ces dispositifs innovants sont très scrutés. Ils sont une promesse de gain de temps face à une ressource médicale raréfiée, et donc de meilleure allocation des ressources financières alors que le budget de l’assurance maladie est sous très forte contrainte.

Le grand tournant a vraiment été le premier confinement du printemps 2020. Il a conduit à une suspension partielle de l’accès aux soins pour assurer la gestion de crise, qui a été particulièrement périlleuse pour les malades chroniques et pour les personnes âgées polypathologiques. La forte attente suscitée par la télémédecine dans ce contexte a d’ailleurs conduit le conseil de l’ordre des médecins à alerter sur ses limites. Dans une recommandation de décembre 2020 dédiée aux « mésusages » de la télémédecine, il rappelle notamment l’importance du contact direct avec le patient et la nécessité que ces innovations fassent une place à une intervention directe de médecin.

Comment la Caisse des Dépôts en est-elle venue à s’intéresser à la télémédecine ?

L. de la B. En tant qu’investisseur, la Caisse des Dépôts a pour mission de soutenir des initiatives dans les territoires, là où les règles du marché sont insuffisantes ou inadaptées pour répondre aux besoins. Il peut s’agir notamment de secteurs confrontés à des failles de marché, où les technologies ne sont pas matures. La télémédecine correspond bien à ce cadre d’action. Quand elle est apparue comme levier déterminant pour les équilibres à long terme de l’accès aux soins, la Caisse lui a donné une place significative, au tournant de la crise Covid-19 en septembre 2020.

En fait, la télémédecine est d’abord un moyen de repenser le bon usage du temps médical et de ce qui peut être fait à distance. Mais la question de l’accès aux soins n’est pas uniquement géographique, elle est aussi financière. Dans certains territoires, l’offre de soins se déséquilibre au profit du secteur 2, c’est-à-dire d’honoraires excédant significativement les tarifs de la sécurité sociale, la télémédecine peut être aussi un moyen de restaurer un choix pour les habitants. Freiner l’irruption d’une médecine à deux vitesses entre aussi dans les priorités de la Caisse des Dépôts car les fractures sociales sont totalement indissociables des lacunes territoriales.

Quelle est la coordination entre les différentes entités intervenant dans ce champ ?

En se structurant autour de toutes ces questions, la Caisse entend consolider les différentes actions existant en son sein : la Banque Publique d’Investissement (BPI), dont elle est cofondatrice avec l’État, est chargée de toute la dimension de soutien aux start-up et d’émergence de l’innovation. Des projets sont également menés par la Banque des territoires. La direction des Politiques sociales est, quant à elle, en charge de la coordination. Elle cherche à identifier les expériences les plus pertinentes et les différents axes stratégiques sur lesquels nous pouvons réunir l’ensemble de nos acteurs. Enfin, La Poste, à travers sa réflexion servicielle, renforce ses moyens pour jouer un rôle en matière de prévention, à laquelle contribue la télémédecine. Nous avons créé une communauté de l’e-santé permettant à l’ensemble de ces acteurs d’être cohérents et coordonnés.

Comment intervenez-vous concrètement auprès des territoires ?

Un de nos champs d’intervention concerne l’appui au développement des téléconsultations. Sur ce point, les expériences s’enrichissent avec le temps. Mais alors que des projets accompagnés il y a quelques années avaient souffert d’une faible accessibilité pour la population cible, nous avons constaté que leur installation pouvait fonctionner dans les Maisons France Services, dans lesquelles la Caisse des Dépôts est engagée. Une autre de nos orientations porte sur la télémédecine au domicile. La Caisse des Dépôts soutient un certain nombre d’entreprises dans ce cadre, par exemple la société Lucine qui permet le suivi des maladies chroniques.

Nous convergeons pleinement avec les réalisations de la délégation du numérique en santé (DNS) et de l’agence du numérique en santé (ANS). Leur feuille de route 2023 vient d’être lancée, elle est très orientée sur les territoires et comprend notamment un volet sur la formation en e-santé. Nous apportons notre soutien à ce plan via France 2030 et l’appui à l’axe compétences et métiers d’avenir. Ceci permet à la fois de faire émerger des formations nouvelles et d’investir dans des structures offrant ces formations. À travers Mon compte formation, que nous gérons à la direction des Politiques sociales, nous portons également une vigilance particulière à ce type de dispositif.

Votre accompagnement des projets va parfois au-delà, dans quel cadre ?

Pour certains projets notre intervention relève plus de l’ordre de la coordination, afin de créer des écosystèmes dans les territoires. Nous avons été opérateurs de l’appel à projet Tiers lieux d’expérimentation, lancé par l’ANS et conduit par la Banque de territoires dans le champ de la filière numérique en santé. Ils ont vocation à réunir une diversité d’acteurs pour mettre en œuvre les expérimentations, les évaluer et contribuer à leur accès au marché. Nous accompagnons également le projet E-Meuse Santé, dans le cadre des Territoires d’innovation.

Par ailleurs, au titre de mes fonctions à la Caisse des Dépôts, je préside Arpavie, un groupe associatif de résidences pour personnes âgées dont la Caisse est l’unique membre de droit. Cette filiale joue un peu le rôle d’incubateur d’une réflexion sur la télémédecine et ses usages pour la prévention de la dépendance des plus âgées. Avec ses 45 Ehpad et ses 80 résidences autonomie, Arpavie est très présente en Île-de-France, dont certains territoires ont toutes les caractéristiques d’un désert médical. Cela nous a conduits à une réflexion très concrète sur l’usage de la télémédecine et à développer un partenariat avec le dispositif Presage. Il permet d’anticiper les risques d’hospitalisation et vise à prévenir les dégradations de santé. Nous avons ainsi réduit de 20 % les hospitalisations non programmées, sachant que Presage arrive à prédire environ 80 % d’entre elles. Et toutes les personnes qui ont eu une intervention médicale de prévention ont évité l’hospitalisation. Lorsqu’elle est pratiquée au plus près du besoin, la télémédecine a vraiment un effet très net.

En mars 2021, nous avons également créé Assist (association innovation, santé et territoires) avec le Groupe VYV, en vue d’accompagner très concrètement différentes actions. Nous avons soutenu en Bourgogne des expérimentations s’appuyant sur l’intelligence artificielle et un certain nombre de dispositifs médicaux connectés en Ehpad afin de mieux accompagner le recours aux soins dans ces maisons très insuffisamment médicalisées. Ce dispositif ad hoc permet d’accélérer le démarrage de petits projets, sur lesquels nous ne serions peut-être pas intervenus dans nos structures classiques, en leur donnant en quelque sorte le financement du dernier kilomètre.

Existe-t-il des prérequis à la réussite de ces innovations et expérimentations ?

Les projets accompagnés par la Caisse obéissent à une règle d’or : le partenariat. Elle n’intervient jamais seule, le plus souvent quand il y a une initiative locale identifiée et que le projet répond bien aux objectifs stratégiques fixés par les autorités publiques, dont l’État. Un gros travail a été fait dans le champ de la télémédecine et de la santé numérique, avec la mise en place d’une gouvernance nationale et d’un pilotage des grands objectifs. L’État appelle à la mobilisation des acteurs, il faut maintenant unir nos efforts et forces, d’où notre contribution via les différents appels à projets et la BPI.

La Caisse mobilise les leviers qu’elle active depuis toujours, comme l’ingénierie et la coordination. Il y a aussi une forme de capitalisation sur les éléments permettant à une solution de fonctionner. Dans cette logique, l’évaluation constante est indispensable pour avoir le plus de retours d’informations possible. Des équipes dédiées mènent une instruction longue et approfondie.

Aujourd’hui, les grands enjeux sont à la fois de « laisser sa chance au produit » et d’accepter avec humilité l’idée que la télémédecine peut aussi créer des effets non anticipés… et positifs ! Une innovation a toujours des effets imprévus, c’est sa force. Elle aura fait ses preuves si elle permet d’améliorer les grands indicateurs de santé publique, mais il est encore bien trop tôt pour le mesurer.

Santé : « La question de l’accès aux soins n’est pas uniquement géographique, elle est aussi financière » (Laure de la Bretèche)
ENTRETIEN. Parmi les missions de la Caisse des Dépôts : la réduction de la fracture territoriale. Et face aux déserts médicaux, l’établissement public n’est pas en reste. Il déploie même de nombreux leviers en télémédecine. Le point avec Laure de la Bretèche, directrice déléguée des Politiques sociales. Cet article est issu de T La revue n°14 – Santé : un équilibre en jeu, actuellement en kiosque.

Santé- L’importance de l’activité physique sur les facultés cognitives

Santé- L’importance de l’activité physique sur les facultés cognitives

auteurs
par Matthieu P. Boisgontier
Associate Professor, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa

Boris Cheval
PhD. Neuropsychologie de l’activité physique, Université de Genève

Les effets positifs de l’activité physique sur la santé sont indéniables. Cependant, une étude récente remet en cause le célèbre adage Mens sana in corpore sano, ou « un esprit sain dans un corps sain ». Les auteurs y contestent l’importance de l’exercice physique pour la santé de notre cerveau et de notre cognition. Chercheurs en santé, neurosciences et psychologie, nous avons publié, quelques jours plus tard, une étude qui vient alimenter ce débat scientifique. Qui a tort, qui a raison ? La réponse n’est pas si simple. Voici ce qu’il en est dans the Conversation .

L’exercice physique serait-il inutile au fonctionnement cognitif ?

La première étude a été publiée le 27 mars 2023. Il s’agit d’une revue de 24 méta-analyses qui réexamine les données de 11 266 personnes en bonne santé, en utilisant une approche plus rigoureuse que les analyses antérieures.

Bien que la quasi-totalité des 24 méta-analyses incluses dans cette étude ait démontré un effet positif de l’exercice physique régulier sur les fonctions cognitives, les auteurs soutiennent que ces analyses manquaient d’ajustements. Ils soulignent par exemple que le niveau d’activité physique en début d’intervention ainsi que la tendance de la communauté scientifique à ne publier que les résultats significatifs étaient rarement pris en compte. Une fois ces ajustements effectués, les auteurs aboutissent à des résultats suggérant que les bénéfices de l’exercice physique sont en réalité plus faibles que ceux estimés dans les précédentes méta-analyses, voire négligeables.

Sur la base de ces résultats, les auteurs se disent convaincus que les organismes de santé publique tels que l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) devraient retirer l’amélioration de la santé cognitive et de la réussite scolaire de la liste des bienfaits de l’activité physique.

Dans la dernière phrase du résumé de l’article, les auteurs mettent notamment le lecteur en garde contre les affirmations et les recommandations liant l’exercice physique régulier aux bénéfices cognitifs chez les personnes en bonne santé, tout du moins, jusqu’à ce que des preuves scientifiques plus fiables s’accumulent.

Il n’a pas fallu attendre longtemps.

La seconde étude, la nôtre, est une étude génétique incluant près de 350 000 personnes, publiée 4 jours plus tard, soit le 31 mars. Nous y apportons des preuves scientifiques à l’appui des bénéfices cognitifs de l’activité physique d’intensité modérée et élevée.

Ces preuves sont basées sur la méthode de randomisation mendélienne à deux échantillons, qui exploite les variations aléatoires de notre ADN survenant lors de la conception, donc avant la naissance.

Lorsqu’on compare deux humains, 99,9 % de leur matériel génétique est identique. On peut considérer l’ADN comme une longue chaîne de briques, appelées nucléotides. Il y a quatre types de briques, agencées de manière aléatoire : la thymine, l’adénine, la guanine et la cytosine. Ainsi, une fois sur 1 000, la brique d’ADN varie entre ces deux humains. Ces variations génétiques, appelées « snips », peuvent par exemple donner une brique de cytosine à un certain endroit de l’ADN d’une personne et une brique de thymine au même endroit chez une autre personne.

Le premier échantillon de notre étude, comptant 91 084 personnes, a été utilisé pour identifier les variations génétiques qui aboutissaient à des différences d’activité physique, mesurée à l’aide de capteurs de mouvement portés au poignet.

Le second échantillon de notre étude, qui comptait 257 854 personnes, a été utilisé pour tester si ces variations génétiques associées au niveau d’activité physique influençaient le fonctionnement cognitif de manière proportionnelle. Si c’était le cas, nous pouvions conclure à un effet causal de l’activité physique sur la fonction cognitive.

Preuves génétiques des bienfaits cognitifs de l’activité physique

Dans notre étude utilisant une nouvelle méthode de randomisation mendélienne, plus précise et plus robuste que les versions précédentes, les résultats montrent que des niveaux d’activité physique modérés et élevés conduisent à une amélioration du fonctionnement cognitif.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que l’effet de l’activité physique modérée (marche rapide, vélo) était 1,5 fois plus important que celui de l’activité physique d’intensité élevée (course à pied, basketball, ski de fond). L’intensité de l’activité physique que nous pratiquons est donc importante. Et, surtout, nos résultats soulignent qu’il n’est pas nécessaire de se pousser jusqu’à l’épuisement pour obtenir les bénéfices cognitifs d’une activité physique régulière.

femme sur un vélo
Les bénéfices cognitifs de l’activité physique modérée sont 1,5 fois supérieurs à ceux de l’activité physique soutenue. (Shutterstock)
L’importance de la durée et de l’intensité de l’exercice
Quand l’ensemble de l’activité physique des participants était considéré (incluant les activités sédentaires et les activités physiques d’intensité légère), nos résultats ne montraient plus d’effet sur le fonctionnement cognitif. Ce résultat confirme l’importance d’atteindre des intensités suffisantes pour profiter des bénéfices cognitifs de l’exercice physique.

Ces résultats concordent avec ceux d’une étude récente qui souligne l’importance de la durée et de l’intensité de l’exercice pour la libération d’une protéine appelée BDNF dans le cerveau. Cette protéine est impliquée dans la création de nouveaux neurones, de nouvelles connexions entre ces neurones et de nouveaux vaisseaux sanguins permettant de nourrir ces neurones.

Cette protéine, dont la production augmente au cours de l’exercice, est donc un des mécanismes physiologiques permettant d’expliquer les effets bénéfiques de l’activité physique sur le fonctionnement cognitif. L’existence même de ce mécanisme explicatif renforce les résultats soutenant ces effets bénéfiques.

Plusieurs différences peuvent expliquer la divergence de résultats entre la méta-analyse basée sur des essais contrôlés randomisés et notre étude basée sur la génétique.

Tout d’abord, la méta-analyse s’intéresse uniquement aux personnes en bonne santé, ce qui n’est pas le cas de notre étude. Ensuite, notre étude différencie les activités physiques d’intensité modérée et élevée alors que la méta-analyse ne fait pas cette distinction. Enfin, la randomisation mendélienne évalue des effets à long terme, tout au long de la vie, alors que la méta-analyse se base sur des interventions durant entre 1 mois et 2 ans.

Puisque nous abordons ici les aspects temporels de l’activité physique, il nous parait important de rappeler qu’il n’est jamais trop tard pour s’y mettre. En effet, une étude de 2019 avait montré que commencer à être actif tard dans la vie procurait les mêmes effets positifs sur la santé qu’avoir été actif toute sa vie.

Sur la base de nos résultats, il semble que l’amélioration du fonctionnement cognitif ait encore sa place sur la liste des bienfaits de l’activité physique. Comme c’est souvent le cas en sciences, il est plus raisonnable de ne pas prendre de décision hâtive et d’attendre les résultats des études scientifiques à venir avant de modifier les lignes directrices de promotion de l’activité physique.

Dans le climat sociopolitique actuel de méfiance envers la science, il est important de ne pas se précipiter sur la base d’une seule étude analysant différemment des données déjà existantes, et aboutissant à des conclusions contredisant des années de recherche basées sur ces mêmes données.

L’accumulation de preuves convergentes provenant de différentes équipes de recherche doit être un prérequis incontournable avant toute modification du message de santé publique. Comme le montre cet article, nous n’en sommes pas du tout là, et les effets de l’activité physique sur de très nombreux versants de la santé physique et mentale restent indéniables.

Santé-L’enjeu sanitaire et sociétal de l’accès aux soins (Cynthia Fleury)

Santé-L’enjeu sanitaire et sociétal de l’accès aux soins (Cynthia Fleury)

Cynthia Fleury, la philosophe pour La Tribune, l revient dans un long entretien sur ce qui pourrait être une réconciliation entre la santé et le soin.

Cynthia Fleury, professeur titulaire de la Chaire Humanités et Santé du Conservatoire national des arts et métiers, titulaire de la Chaire de Philosophie du GHU Paris Psychiatrie et Neurosciences


En quoi le soin – l’accès, la qualité – est-il un marqueur singulier des inégalités au sein de la population française ?

CYNTHIA FLEURY- Le soin est un marqueur des inégalités d’abord dans le phénomène de conscientisation et d’autorisation d’accès aux soins. Les êtres humains n’appréhendent pas le soin de la même façon. Cette approche peut avoir différentes influences : a-t-on fait l’objet de soins (ou pas) ? se considère-t-on (ou pas) soi-même comme l’objet ou le sujet d’un soin ? la généalogie et la culture auxquelles on est lié encouragent-elles (ou pas) au droit de prendre soin de son corps ? les histoires personnelles dont on est l’enfant, conditionnent-elles (ou pas) à accéder au soin ? etc. Les niveaux de conscientisation composent une grande variété de configurations.

D’autre part, la réalité très « basique » des territoires exerce un impact sur ces inégalités. Le soin n’est pas qu’une affaire individuelle, il est aussi une affaire collective, insérée dans des politiques publiques locales ou nationales. Les études sociologiques, démographiques le démontrent, et la traduction politique et électorale de ce biais incontestable en est une illustration supplémentaire : que l’on vive au cœur d’une grande métropole ou dans un hameau du centre de la France ne donne pas le même accès aux soins. Or, rien n’est plus structurel que le soin, puisque du soin dépend notre existence même. Il est un besoin vital, et donc les inégalités qui lui sont corrélées sont particulièrement aiguës.

Alors justement, de tous les domaines dans lesquels s’expriment les inégalités, peut-on, d’un point de vue philosophique, considérer celui du soin comme le plus insupportable – si l’on s’accorde sur le fait que notre exposition à la santé est à la fois la plus essentielle et la plus aléatoire ?

Question délicate. Il est difficile de hiérarchiser les besoins fondamentaux. Il y a bien sûr des truismes ; sans accès à l’eau ou à la nourriture, point de vie. Personne ne peut mettre en doute que le soin est un besoin vital, non négociable, personne ne peut contester que l’inégalité d’accès aux soins provoque une situation de stigmatisation et de discrimination inadmissible, personne ne doit ignorer que cette inégalité non seulement met en danger le sujet mais, en plus, irradie son environnement familial. Pour autant, faut-il considérer cet accès aux soins comme une essentialité supérieure à l’accès à l’éducation ? Cela peut sembler évident, mais cela ne l’est pas. Car finalement, que l’on parle d’accès inégal aux soins ou à la connaissance, à la culture, à l’éveil, tout cela fait partie d’une même matrice d’injustice, et dans les mêmes proportions l’onde de choc dépasse le sujet pour affecter le collectif auquel il est lié. Fondamentalement, l’éducation et le soin sont des items très connexes. Dans la définition très politisée que j’en fais, le soin signifie « rendre capacitaire un corps » ; or rendre capacitaire un corps, c’est le rendre accessible à tous les régimes d’attention, qu’il s’agisse de soins, d’idées, de savoirs, de créativité.

D’un point de vue politique, le soin n’est donc pas plus cardinal que d’autres domaines régaliens (éducation, justice, travail) pour mieux faire société ensemble…

Exactement. Reste toutefois une singularité : il est plus matriciel que tous les autres, car d’un point de vue généalogique il se situe en amont. Sans accès aux savoirs ou à la culture on est très peu ; mais si en amont on est sans accès aux soins, on n’est rien. Et entre les deux, il y a un accès charnière : celui aux soins des toutes premières années. Il est charnière car de sa qualité dépend la disposition aux autres fondamentaux (précités) que, graduellement dans le temps, l’être humain va rencontrer.

Chaque pilier de la société est en permanence questionné sur son rapport à l’économie marchande. Le néolibéralisme hégémonique depuis trois décennies a entraîné un tsunami de privatisations qui n’épargne pas le monde du soin. Pour du bon et surtout pour le pire ? S’il est établi qu’elle est un bien commun, comment la santé peut-elle s’accommoder d’un modèle de plus en plus privé – le scandale Orpea, coté en Bourse, a mis cruellement en lumière cette dérive ?

Pour un peu de bon et en effet, surtout pour le pire – à ce titre aussi, le parallèle avec l’éducation est criant. Depuis une trentaine d’années, le mécanisme de marchandisation et de privatisation des biens communs fondamentaux fait son œuvre. Et c’est invariable : à un moment s’impose une bascule dans quelque chose de nature entropique, par la faute de laquelle le désordre prend des proportions délétères. Une privatisation partielle, contrôlée, régulée du soin est possible, elle peut même être souhaitable dans certaines circonstances ; mais lorsqu’elle devient dominante, lorsqu’elle devient la règle, c’est l’entièreté du système de soins qu’elle met en péril.


Le système de soins et, au-delà, la civilisation elle-même ? Les pays anglo-saxons ont fait le choix d’un modèle ultralibéral et délibérément inégalitaire, un modèle parfaitement assumé dans sa philosophie politique. « Ce » que ces nations ont fait de leur système de soins, et en filigrane « ce » que ces sociétés humaines sont devenues aujourd’hui – avec une « traduction politique » dont l’avènement de Donald Trump et le Brexit sont les symptômes paroxystiques -, prophétise-t-il des nations et des sociétés en déclin d’un point de vue civilisationnel ?

Selon moi, une société, une culture qui fait le choix de marchandiser à outrance le soin et l’éducation – je ne dissocie pas les deux sujets – se prépare à des lendemains de guerre, à des fractures frontales délirantes, à des zones de non-État de droit, puisque l’incurie ne peut que surgir d’une telle configuration. Une situation donc propice à un recul civilisationnel. L’incurie mêlée à l’inculture – au sens de la « non-éducation » -, que provoque-t-elle en effet ? Misère, ségrégation, violence, barbarie. Et au final, le fracas. À quelle situation cette conception binaire, manichéenne de la société ainsi cultivée par les États-Unis expose-t-elle ? À une confrontation, séparée par une longue mais fragile frontière, opposant d’un côté des populations extrêmement aisées, protégées, dans un rapport fructueux au corps et à l’éducation, de l’autre des populations de plus en plus démunies, précaires, abandonnées, et donc prêtes, très logiquement, à en découdre.

L’économie de la santé et la philosophie du soin ne font pas spontanément « bon ménage ». Ne font plus, est-on tenté de préciser. Du vaste éventail des secteurs d’activité, la santé est-il le plus sensible à dégager une ligne de crête éthique vers laquelle convergent les deux approches ?

Cette ligne de crête, on peut la définir par les « humanités médicales ». Que désigne-t-on par ce terme ? Une éthique appliquée, qui s’emploie à maintenir l’approche centrée sur la personne malade et pas seulement sur la maladie. Or que constate-t-on ? L’insuffisance de ces humanités médicales dans les parcours de soins s’accompagne d’un enchérissement considérable du coût économique. Les négliger, c’est prendre l’initiative que le coût de la prévention, celui de la rééducation, celui des maladies chroniques, celui du burn out des personnels soignants, celui des risques psychosociaux, vont grever substantiellement l’économie du secteur. Faire l’économie d’une stratégie en faveur des humanités médicales se solde par une aggravation considérable du coût économique de la filière. Ce que l’on pense gagner d’un côté, on le fait payer plus lourdement à toute la société…

… preuve que la santé est un enjeu de démocratie. Mais a-t-on oublié que le soin lui-même l’est ?

Autrefois, santé et soin partageaient un même sens. Ils se sont dissociés au fur et à mesure que le syndrome scientiste a pris le pouvoir : une approche hypertechniciste, centrée sur le fameux cure (guérir) et l’objectivation de la maladie, s’est imposée. Elle est utile, mais elle ne suffit pas. Prenons l’exemple d’une femme atteinte d’un cancer du sein. L’objectivation du diagnostic l’oriente vers un protocole précis (chimiothérapie, chirurgie, etc.) à l’issue duquel elle guérit. Mais qui se préoccupe des dégâts physiques, psychiques, émotionnels qui, eux, vont perdurer ? Qui prend en considération, dans la durée et au-delà de la guérison, des stigmates collatéraux : épuisement du traitement, usure du combat, séquelles irréversibles, possiblement dépression, voire divorce ou perte d’emploi ? En France, l’enjeu du recovery (rétablissement) est très faiblement investi. La santé n’est pas circonscrite aux seuls buts médicaux, elle réclame une approche extensive (avant et après autant que pendant) qui, alors, devient soin. Cessons d’opposer des moments en réalité indissociables les uns des autres, et travaillons à les complémentariser. Ne peut-on pas croire qu’être attentif à l’après est déterminant pour appréhender du mieux possible l’épreuve du traitement ? Le rétablissement démarre le jour J. Dans la spécialité de l’oncologie, cette évidence s’impose de mieux en mieux, les parcours de soins sont réinventés, et ce progrès doit beaucoup aux remontées des « expertises patients ».


Les médecins généralistes réclament le doublement de leurs honoraires – figés à 25 €. Ce débat est le symbole d’un questionnement central : la société en général et les pouvoirs publics en particulier ne reconnaissent pas le soin à sa « juste valeur » et donc les soignants à leur juste valeur. Quelle interprétation philosophique et politique peut-on en faire ? Comment déterminer la « juste valeur » d’un soin ?

Sujet récurrent, toujours éminemment sensible. Et que l’on peut d’ailleurs appliquer à d’autres domaines ; lorsque j’étais chercheuse au laboratoire Conservation des espèces, restauration et suivi des populations (au muséum national d’Histoire naturelle), combien de fois s’était-on interrogé sur ce qui distingue les valeurs intrinsèque et instrumentale de la nature, sur l’opportunité de lui affecter (ou non) une valeur économique, sur les conditions de sa possible monétarisation ! Le soin questionne des ressorts similaires. A priori, il est un sujet indivisible, qui n’a pas de prix – tout comme l’éducation, la culture, etc. Mais « en même temps » nous évoluons dans des régimes de contrainte, de rareté de la ressource, dans une économie de marché qui, de fait, établit une valeur et donc un prix. L’enjeu est que la traduction pécuniaire de cette obligation s’effectue de la manière la plus démocratique, la plus raisonnable, la plus collégiale qui soit, en d’autres termes, la plus respectueuse de la valeur, inquantifiable, du soin que l’on apporte à un être humain. Et ce prix est nécessairement variable.

Je suis favorable à ce que les participants des humanités médicales abordent la dimension économique – et ses déclinaisons écosystémiques : le modèle du temps, la formation, etc. Ce n’est pas dans leur culture, mais éluder le sujet revient à mal le traiter, et à laisser les arbitrages à des mains qui ne sont pas les plus bienveillantes. Par exemple, la tarification à l’acte a délibérément démonétarisé la question, centrale, du temps qui est dévolu à l’accueil, à l’écoute, au diagnostic, au partage collégial. Or, ces temps sont absolument indispensables. Ne faut-il pas mettre en débat la nécessité de monétariser le temps institutionnel auquel sont liés les soignants ? le temps des explications que le médecin doit au patient ? Cela peut sembler très indélicat ; mais indexer une valeur économique à ces temps si essentiels et si malmenés, est peut-être le seul moyen de reconnaître et, dans nombre de circonstances, de ressusciter le temps du soin, sans lequel il n’y a pas de santé de qualité.

Vous avez été commissaire en 2022 d’une grande exposition, Ville, architecture et soin – présentée au Pavillon de l’Arsenal. Dans l’histoire des villes et des sociétés urbaines, le soin a toujours exercé un rôle cardinal. Est-ce encore le cas ?

Ce rôle demeure très prégnant. Les sociétés occidentales ne sont pas seulement des États de droit, elles sont des États sociaux de droit. Or tout État social de droit sollicite la matérialisation d’un droit, laquelle prend souvent la forme du soin. En effet, les disciplines du soin – tout comme l’école – participent à la sectorisation d’une ville. Exemples ? La psychiatrie de secteur, au nom de laquelle chaque quartier dispose d’un accès à un CMP (centre médico-psychologique). Mais aussi le grand âge – l’allongement de l’espérance de vie et la dépendance convoquent la transformation des habitats – et le développement des soins à domicile. L’enjeu, nouveau, de la déstigmatisation entraîne la création de care commons, des communs du soin. Ces tiers lieux se multiplient, en particulier en psychiatrie adolescente car il est moins stigmatisant de s’y rendre que dans un établissement traditionnel. Voilà quelques leviers de réorganisation de la ville à partir du soin ; elle se manifeste en son cœur comme en périphérie, au profit de tous les âges et de toutes sortes de pathologies – or la transformation de nos conditions d’existence provoque une augmentation des troubles comportementaux qui nécessite de telles structures. Enfin, n’oublions pas que le soin constitue la « première porte d’entrée » de la politique d’accueil des villes en faveur des personnes immigrées ou déplacées.

Un bémol, toutefois. L’histoire met en exergue l’ambivalence, la face cachée du soin : il signifie aussi la surveillance. Ce que je dénomme la « biensurveillance » est à opposer à la tentation d’organiser le soin au profit d’un contrôle de l’ordre. Preuve que la tension du biopouvoir est omniprésente dans le domaine de la santé publique.

Les dysfonctionnements de l’organisation de la santé et les inégalités d’accès aux soins mettent en lumière les immenses disparités géographiques, les déficits accumulés en matière d’aménagement et d’équilibre des territoires, mais aussi les écarts selon les habitats. Habite-t-on son corps, et habite-t-on son corps malade selon les conditions dans lesquelles on habite son lieu de vie ? De vivre dans le silence ou dans le bruit, dans un quartier résidentiel ou dans une cité, près ou loin de son travail, au cœur d’une métropole ou dans un village, y a-t-il un impact mesurable sur la manière dont nous habitons notre corps ?

Voilà des situations d’inégalité déterminantes. La manière dont nous habitons notre corps est d’ordre culturel. Or, le constat est que nous habitons encore assez peu notre corps, plus exactement nous l’habitons selon le silence ou le réveil des organes. Nous peinons à habiter notre corps en dehors de l’expérience de la maladie. Notre rapport au corps s’améliore, mais il reste encore assez abstrait, et la marge de progrès est importante.

C’est une réalité : l’individu habite son corps malade d’autant plus difficilement que le milieu auquel il est lié n’est pas soutenant – d’un point de vue économique, social, culturel. Un corps malade est d’autant plus vulnérable qu’il est totalement poreux à son environnement. Voilà pourquoi aujourd’hui les humanités médicales travaillent sur l’ensemble des « enveloppes » de l’individu : l’enveloppe corporelle bien sûr, mais aussi les autres déterminants (milieu architectural, design, mobilité, paysage, accès aux éveils, etc.), car c’est de ce continuum de « tous les habitats » que dépendent les leviers d’aide et donc la capacité d’un corps de se rétablir.

Comment exercer le soin – et non pas la « simple » santé – lorsque les conditions de travail (rémunération, organisation du travail, reconnaissance) sont à ce point difficiles ? Comment pratiquer un soin humain lorsque ces conditions sont jugées par beaucoup déshumanisées ?

Les soignants trouvent les ressorts, parfois héroïques, dans l’ethos de leur métier, c’est-à-dire dans le sens, le fait d’être utile. Or justement, c’est ce vocationnel et l’exercice éthique du métier que les défaillances du système frappent en premier lieu, et elles provoquent une immense souffrance. Dans les ateliers dédiés au burn out, le nombre de soignants venus consulter pour se soigner et retrouver les forces pour « repartir au combat » ne cesse de progresser. Comment s’étonner alors du nombre de démissions et de la grande complexité des recrutements ? Les institutions ont commencé à se saisir du problème, elles admettent que l’attractivité de ces métiers passe par une requalification à la fois salariale et symbolique – par exemple, cesser de considérer les soignants comme des pions remplaçables. C’est un enjeu – et un choix – de politique publique. Mais ce problème n’est pas propre au soin ; regardez l’état social de l’université…

Le système de soins souffre de l’emprise très excessive du pouvoir administratif. La montée en puissance de cette expertise fut une nécessité de gestion – d’autant plus cruciale que l’administration d’un établissement de soins est devenue extraordinairement complexe -, mais elle s’est faite au détriment de l’expertise des soignants, aujourd’hui reléguée. Et cela participe au chaos humain qu’éprouve le système hospitalier. La santé est-elle la démonstration paroxystique de la technocratie qui enkyste la France ?

On dispose désormais d’enquêtes fouillées sur ce que l’on nomme le malaise institutionnel, voire la maltraitance institutionnelle. Et parmi les critères figurent en effet la bureaucratie, la technocratie, le rationalisme gestionnaire, le « temps volé » – lire Excel m’a tuer, l’hôpital fracassé, de Bernard Granger (Odile Jacob, 2022). Le mal est là, et il faut absolument l’arrêter. Il ne s’agit pas de dénoncer la possibilité d’évaluation ou l’utilité des gestionnaires ; simplement il faut cesser de prendre les soignants pour des abrutis et les enfermer dans un carcan technocratique absolument délétère, qui nuit à l’exercice de leur expertise et au final pénalise le soin, et donc les patients. Des expériences de binômes médecins-administratifs se développent, les premiers pesant très fortement sur la gouvernance des fonds. Les premiers retours sont intéressants.

Comptabiliser, quantifier, normer, noter, comparer, évaluer quadrillent notre quotidien, et donc celui des professionnels de la santé. La dictature du chiffre est un facteur clé de déshumanisation. La pratique du soin peut-elle encore s’en émanciper ?

Rien de sain ne peut s’accommoder d’une dictature, quelle qu’elle soit ; le principe même d’un système est de défendre l’indivisibilité des objectifs et non pas l’hyperdivisibilité, voire l’exclusivité d’un seul objectif. Dès lors qu’un unique objectif est fixé, par exemple le profit, la gestion de la rareté, que sais-je, le système s’expose à une tyrannie dudit objectif. C’est valable dans tout domaine, pas seulement celui du soin. Et je constate que sous la pression climato-environnementale, de la raison d’être, des objectifs de RSE, et pour être en phase avec l’obligation de transition (écologique, énergétique), les entreprises révisent leurs normes comptables, et donc réévaluent leur rapport au contrat social. Voilà pourquoi il faut trouver un terrain d’entente, et ce terrain d’entente doit replacer les humanités médicales au cœur et non plus en périphérie des enjeux.

Autre sujet riche d’espérance et d’inquiétudes : la technologisation exponentielle du soin. Espérance parce qu’elle laisse entrevoir d’immenses progrès techniques, inquiétudes que la machine relègue l’intervention humaine et, là encore, déshumanise le soin. À quelles conditions le progrès de l’un peut-il ne pas provoquer le déclin de l’autre ?

La règle est que l’outil doit avoir pour objectif de toujours renforcer les capacités des humains, patients, aidants et soignants. Pour les premiers, cela signifie qu’il ne doit pas générer de fractures, de sentiment d’exclusion ; de manière plus générale, l’outil numérique ne doit pas renforcer le liberticide ou l’hyper-normatif ; il doit s’accommoder à la singularité de l’humain et ce dernier ne doit pas se sentir « machinisé ». En d’autres termes, l’outil doit être configuré pour être human friendly. Le monitoring de la santé, connecté à la data, est un excellent exemple de cette ambivalence : il permet d’avoir des approches personnalisées, il peut aussi motiver des approches profondément normalisantes, voire qui sanctionnent si la surveillance des observances le « justifie ». L’hypersurveillance et l’hypernormalisation de l’individu constituent un vrai danger.

.

Maisons de santé et Macron: encore du vent!

Maisons de santé et Macron: encore du vent!

Face à l’insuffisance conique de l’offre médicale dans certaines zones Marcon a repris les vieilles idées des maisons de santé qui ne sont que du béton pour regrouper les médecins existants. Cela n’a aucune incidence sur le volume de l’offre. Simplement, l’État met le contribuable à contribution avec les impôts locaux pour construire des cabinets médicaux qui n’augmentent pas autant le nombre de praticiens. Macron refuse en effet ce que la plus grande partie de la population réclame; à savoir, une régulation pour l’implantation des médecins notamment pour les jeunes diplômés.

Alors que plusieurs élus, y compris dans son camp, lui demandent de réguler l’installation des médecins, lui «ne croit pas» à cette option. Son credo reste l’«incitatif», la «simplification» et la «coopération», afin de «créer une offre de soins» adaptée «aux besoins sur le terrain».

Lui veut d’abord «inciter» les futurs retraités à «ne pas partir tout de suite». Il entend aussi «sauver du temps médical» pour donner aux praticiens «plus de temps devant les patients». Raison pour laquelle il souhaite accélérer le recrutement d’assistants médicaux et la délégation d’actes administratifs.

Le problème c’est que les médecins libéraux ne souhaitent pas être aidés par l’État mais d’une part être justement rémunérés et contestent la solution béton des maisons de santé et autres assistants administratifs.

Emmanuel Macron a aussi fait l’impasse sur les urgences dans les hôpitaux , pourtant il reconnaît que «tout le pays est en train d’être carencé», reconnaît le président, en citant les 600.000 à 700.000 malades chroniques sans médecin traitant. Une preuve, à ses yeux, que le système de santé est «à bout de souffle», victime d’une «crise sans fin».

Cancer et Santé-Papillomavirus : l’infection sexuellement transmissible massive

Santé-Papillomavirus : l’infection sexuellement transmissible massive

par Nasrine Callet, gynécologue et oncologue à l’Institut Curie. dans le Figaro

• L’infection aux papillomavirus humains (en anglais, human papillomavirus, HPV) est l’une des infections sexuellement transmissibles (IST) les plus fréquentes. On estime qu’environ 70 à 80% des sexuellement actifs – femmes et hommes confondus – rencontrent un papillomavirus au moins une fois dans leur vie. «Dans la majorité des cas, l’infection sera éliminée spontanément par l’organisme et ne provoquera aucune maladie, assure le Dr Callet. Mais dans 10% des cas environ, elle peut provoquer différents types de lésions, bénignes ou précancéreuses. Mal traitées ou non diagnostiquées, elles peuvent donc au fil du temps évoluer en cancer ; de la vulve, du vagin, du col de l’utérus, de l’anus, du pénis, de la bouche et de la gorge.»

• Même lors d’un rapport sexuel protégé, le papillomavirus peut se transmettre. «Et ce pour une bonne et simple raison : les papillomavirus appartiennent à la famille des verrues de la peau. De ce fait, le virus se transmet non seulement durant des rapports sexuels mais aussi par contact intime, de peau à peau, même sans pénétration avec une ou des personnes porteuses du virus», insiste Nasrine Callet. Certaines personnes pensent que l’on contracte le virus par le sperme, mais c’est une idée reçue. Il n’est pas contenu dans les sécrétions et peut donc notamment être transmis par les doigts lors de caresses sexuelles

• Un virus très souvent indétectable à l’œil nu

• Le papillomavirus sévit à bas bruit. «Il détériore les tissus et crée des anomalies, des lésions notamment, mais la plupart du temps, les personnes infectées ne présentent aucun symptôme», prévient le Dr Callet. Résultat : on ne se rend compte de rien, on ne ressent rien, «hormis dans certains cas, où de petites verrues surgissent sur les organes génitaux», mentionne la médecin. Les éventuels symptômes apparaissent tardivement, le plus souvent quand le cancer est déjà présent et qu’il a atteint un stade avancé, comme pour le cancer du col de l’utérus. D’où l’importance de se faire régulièrement dépister.

• Si les hommes comme les femmes peuvent être touchés par le papillomavirus, seules les femmes peuvent être diagnostiquées, via un frottis. «Les hommes, eux, ne peuvent pas savoir s’ils sont infectés, sauf s’ils ont des verrues. Mais cela reste très rare», note Nasrine Callet. Depuis quelques années, les autorités de santé recommandent ainsi fortement à toutes les femmes de se rendre à la visite gynécologique gratuite, accessible dès 25 ans. «À cette occasion, la patiente peut parler de nombreux sujets, de sa sexualité, de sa contraception… Et surtout, elle peut effectuer un frottis, qui consiste à gratter un peu de sécrétions sur le col pour ensuite les analyser.»

• Si le retour du laboratoire ne montre rien, tant mieux, il suffira de refaire un frottis trois ans plus tard. En revanche, si le papillomavirus a été détecté, on regardera de plus près s’il est bénin ou non en pratiquant une biopsie. «Il existe plusieurs papillomavirus, certains sont inoffensifs et d’autres malins, signale la gynécologue. S’il est malin, il faudra faire un examen du col de l’utérus avec une loupe (une colposcopie) pour voir si le col est abîmé.» En cas de lésion pré-cancéreuse, il s’agira de la traiter par laser ou chirurgie. En cas de lésion cancéreuse, le traitement dépendra du type de cancer et de son stade d’avancement. Une chimiothérapie peut être envisagée.

• Il est à l’origine de 98% des cancers du col de l’utérus

• Extrêmement fréquentes, les infections au papillomavirus sont la plupart du temps bénignes, mais elles peuvent persister et aboutir à un cancer. Chaque année, elles sont ainsi responsables de 2.900 cancers du col de l’utérus. Ce dernier, qui est le 12e cancer féminin en France et provoque plus de 1.000 décès par an, est même quasi exclusivement dû aux papillomavirus. «Or, le cancer du col est un des rares cancers que l’on peut éviter, grâce au dépistage et à la vaccination.»
• Les professionnels de santé sont unanimes : la vaccination contre le papillomavirus est un moyen extrêmement efficace pour prévenir un certain nombre de cancers. Elle est préconisée aux filles entre 11 et 14 ans depuis 2007 et aux garçons du même âge depuis le 1er janvier 2021. Le schéma vaccinal contient deux doses espacées de 6 mois, ou trois dans le cadre d’un rattrapage entre 15 et 19 ans révolus. Les personnes homosexuelles de moins de 27 ans bénéficient, quant à elles, d’un délai rallongé pour se faire vacciner. «Lorsqu’elle est effectuée avant le début de la vie sexuelle, l’efficacité de la protection contre les virus est proche de 100%», affirme Nasrine Callet. Si l’on peut se faire vacciner après le début de sa vie sexuelle, le risque augmente de fait avec les rapports, mieux vaut donc se faire vacciner avant.

• À partir du mois de septembre 2023, «la prescription et la vaccination contre le HPV (papillomavirus) pourront être réalisées par les pharmaciens, sages-femmes et infirmiers», a précisé mardi 28 février Emmanuel Macron, lors d’une rencontre avec des élèves dans un collège de Jarnac (Charente), aux côtés des ministres de la Santé et de l’Éducation, François Braun et Pap Ndiaye.

• Grâce à la vaccination, certains pays sont même en passe de vaincre ces cancers. C’est le cas de l’Australie où le taux de personnes infectées par les HPV à l’origine des cancers du col de l’utérus est passé de 22,7% en 2005-2007 à 1,5% en 2015 chez les jeunes femmes de 18-24 ans, relève l’AFP. Là-bas, les autorités de santé envisagent même une éradication du cancer du col de l’utérus d’ici 15 ans.

• Quid de la France ? À la fin de l’année 2021, 45,8% des jeunes filles âgées de 15 ans avaient reçu une dose, et 37,4% des jeunes filles de 16 ans un schéma complet à deux doses, selon les chiffres de Santé Publique France. Chez les garçons, seulement 6% avaient reçu une dose à 15 ans. «Malgré tous les efforts, une défiance vis-à-vis du vaccin demeure», regrette l’oncologue. L’une des raisons est le coût du vaccin, compris entre 95 et 116 euros. S’il est actuellement remboursé à 65% par l’Assurance maladie (le reste est pris en charge par une mutuelle complémentaire), l’avance des frais ou l’absence de mutuelle peuvent freiner. Autre raison de la méfiance ? Le tabou qui plane encore sur la sexualité des (pré)adolescents, selon la gynécologue : «Il y a un amalgame entre l’injection de ce vaccin et l’âge des premiers rapports».

Santé-Papillomavirus : l’infection sexuellement transmissible massive

Santé-Papillomavirus : l’infection sexuellement transmissible massive

par Nasrine Callet, gynécologue et oncologue à l’Institut Curie. dans le Figaro

• L’infection aux papillomavirus humains (en anglais, human papillomavirus, HPV) est l’une des infections sexuellement transmissibles (IST) les plus fréquentes. On estime qu’environ 70 à 80% des sexuellement actifs – femmes et hommes confondus – rencontrent un papillomavirus au moins une fois dans leur vie. «Dans la majorité des cas, l’infection sera éliminée spontanément par l’organisme et ne provoquera aucune maladie, assure le Dr Callet. Mais dans 10% des cas environ, elle peut provoquer différents types de lésions, bénignes ou précancéreuses. Mal traitées ou non diagnostiquées, elles peuvent donc au fil du temps évoluer en cancer ; de la vulve, du vagin, du col de l’utérus, de l’anus, du pénis, de la bouche et de la gorge.»

• Même lors d’un rapport sexuel protégé, le papillomavirus peut se transmettre. «Et ce pour une bonne et simple raison : les papillomavirus appartiennent à la famille des verrues de la peau. De ce fait, le virus se transmet non seulement durant des rapports sexuels mais aussi par contact intime, de peau à peau, même sans pénétration avec une ou des personnes porteuses du virus», insiste Nasrine Callet. Certaines personnes pensent que l’on contracte le virus par le sperme, mais c’est une idée reçue. Il n’est pas contenu dans les sécrétions et peut donc notamment être transmis par les doigts lors de caresses sexuelles

• Un virus très souvent indétectable à l’œil nu

• Le papillomavirus sévit à bas bruit. «Il détériore les tissus et crée des anomalies, des lésions notamment, mais la plupart du temps, les personnes infectées ne présentent aucun symptôme», prévient le Dr Callet. Résultat : on ne se rend compte de rien, on ne ressent rien, «hormis dans certains cas, où de petites verrues surgissent sur les organes génitaux», mentionne la médecin. Les éventuels symptômes apparaissent tardivement, le plus souvent quand le cancer est déjà présent et qu’il a atteint un stade avancé, comme pour le cancer du col de l’utérus. D’où l’importance de se faire régulièrement dépister.

• Si les hommes comme les femmes peuvent être touchés par le papillomavirus, seules les femmes peuvent être diagnostiquées, via un frottis. «Les hommes, eux, ne peuvent pas savoir s’ils sont infectés, sauf s’ils ont des verrues. Mais cela reste très rare», note Nasrine Callet. Depuis quelques années, les autorités de santé recommandent ainsi fortement à toutes les femmes de se rendre à la visite gynécologique gratuite, accessible dès 25 ans. «À cette occasion, la patiente peut parler de nombreux sujets, de sa sexualité, de sa contraception… Et surtout, elle peut effectuer un frottis, qui consiste à gratter un peu de sécrétions sur le col pour ensuite les analyser.»

• Si le retour du laboratoire ne montre rien, tant mieux, il suffira de refaire un frottis trois ans plus tard. En revanche, si le papillomavirus a été détecté, on regardera de plus près s’il est bénin ou non en pratiquant une biopsie. «Il existe plusieurs papillomavirus, certains sont inoffensifs et d’autres malins, signale la gynécologue. S’il est malin, il faudra faire un examen du col de l’utérus avec une loupe (une colposcopie) pour voir si le col est abîmé.» En cas de lésion pré-cancéreuse, il s’agira de la traiter par laser ou chirurgie. En cas de lésion cancéreuse, le traitement dépendra du type de cancer et de son stade d’avancement. Une chimiothérapie peut être envisagée.

• Il est à l’origine de 98% des cancers du col de l’utérus

• Extrêmement fréquentes, les infections au papillomavirus sont la plupart du temps bénignes, mais elles peuvent persister et aboutir à un cancer. Chaque année, elles sont ainsi responsables de 2.900 cancers du col de l’utérus. Ce dernier, qui est le 12e cancer féminin en France et provoque plus de 1.000 décès par an, est même quasi exclusivement dû aux papillomavirus. «Or, le cancer du col est un des rares cancers que l’on peut éviter, grâce au dépistage et à la vaccination.»
• Les professionnels de santé sont unanimes : la vaccination contre le papillomavirus est un moyen extrêmement efficace pour prévenir un certain nombre de cancers. Elle est préconisée aux filles entre 11 et 14 ans depuis 2007 et aux garçons du même âge depuis le 1er janvier 2021. Le schéma vaccinal contient deux doses espacées de 6 mois, ou trois dans le cadre d’un rattrapage entre 15 et 19 ans révolus. Les personnes homosexuelles de moins de 27 ans bénéficient, quant à elles, d’un délai rallongé pour se faire vacciner. «Lorsqu’elle est effectuée avant le début de la vie sexuelle, l’efficacité de la protection contre les virus est proche de 100%», affirme Nasrine Callet. Si l’on peut se faire vacciner après le début de sa vie sexuelle, le risque augmente de fait avec les rapports, mieux vaut donc se faire vacciner avant.

• À partir du mois de septembre 2023, «la prescription et la vaccination contre le HPV (papillomavirus) pourront être réalisées par les pharmaciens, sages-femmes et infirmiers», a précisé mardi 28 février Emmanuel Macron, lors d’une rencontre avec des élèves dans un collège de Jarnac (Charente), aux côtés des ministres de la Santé et de l’Éducation, François Braun et Pap Ndiaye.

• Grâce à la vaccination, certains pays sont même en passe de vaincre ces cancers. C’est le cas de l’Australie où le taux de personnes infectées par les HPV à l’origine des cancers du col de l’utérus est passé de 22,7% en 2005-2007 à 1,5% en 2015 chez les jeunes femmes de 18-24 ans, relève l’AFP. Là-bas, les autorités de santé envisagent même une éradication du cancer du col de l’utérus d’ici 15 ans.

• Quid de la France ? À la fin de l’année 2021, 45,8% des jeunes filles âgées de 15 ans avaient reçu une dose, et 37,4% des jeunes filles de 16 ans un schéma complet à deux doses, selon les chiffres de Santé Publique France. Chez les garçons, seulement 6% avaient reçu une dose à 15 ans. «Malgré tous les efforts, une défiance vis-à-vis du vaccin demeure», regrette l’oncologue. L’une des raisons est le coût du vaccin, compris entre 95 et 116 euros. S’il est actuellement remboursé à 65% par l’Assurance maladie (le reste est pris en charge par une mutuelle complémentaire), l’avance des frais ou l’absence de mutuelle peuvent freiner. Autre raison de la méfiance ? Le tabou qui plane encore sur la sexualité des (pré)adolescents, selon la gynécologue : «Il y a un amalgame entre l’injection de ce vaccin et l’âge des premiers rapports».

Santé- La sécurité alimentaire mondiale en danger

Santé- La sécurité alimentaire mondiale en danger

Pour La Tribune, Sébastien Abis, chercheur associé à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) et auteur de « Géopolitique du blé » (2023) dresse le bilan, un an après le début du conflit, de l’état de la sécurité alimentaire mondiale, plus que jamais remise en question.


LA TRIBUNE – Les exportations de céréales ukrainiennes, bloquées après l’invasion du pays par la Russie, ont repris depuis huit mois grâce à l’accord signé entre Kiev et Moscou le 22 juillet 2022 sous l’égide de l’ONU et de la Turquie. Les risques d’une crise alimentaire mondiale sont-ils écartés ?

SÉBASTIEN ABIS – La réponse est à nuancer. Fin février 2022, lors du déclenchement de la guerre, l’arrêt des exportations de céréales ukrainiennes a provoqué une inquiétude immense sur la scène internationale. Cela a créé un écart entre l’offre et la demande, car aucun autre pays, excepté la Russie, n’était capable d’augmenter sa production de manière à compenser l’absence des céréales ukrainiennes. L’inquiétude était d’autant plus forte que l’équilibre était déjà fragile avant même le début du conflit. À onze reprises depuis 2000, la consommation annuelle mondiale de blé a dépassé la production. Puis, au printemps, la décision de l’Inde -qui avait fait une récolte plutôt bonne-, de garder une partie de ses volumes pour assurer sa sécurité alimentaire a amplifié les tensions sur le marché. Le corridor d’exportations établi fin juillet a donc été extrêmement précieux, car il a permis à l’Ukraine d’exporter le reste de sa récolte au cours des premières semaines du mois d’août. Toutefois, ce grain exporté l’été et l’automne dernier, avait été récolté en 2021. Le stockage et la qualité sanitaire n’étaient donc pas idéaux.

L’accord a depuis été prolongé jusqu’au 18 mars prochain, ce qui a permis à l’Ukraine d’exporter entre le 1er août 2022 et le 15 février 2023, 21 millions de tonnes de céréales et d’huiles de grande culture. C’est un volume important et c’est primordial pour l’équilibre mondial, mais cela ne doit pas masquer le fait que, d’une part, l’Ukraine voit ses récoltes chuter. Du fait de la guerre, elle a moins récolté en 2022 et récoltera encore moins en 2023, réduisant donc ses capacités exportatrices. D’autre part, la prolongation de l’accord en vigueur repose sur la volonté de la Russie qui risque de semer le doute jusqu’au dernier moment. Elle se sert, en effet, de cet accord pour mettre en valeur son rôle dans le maintien de la sécurité alimentaire mondiale. Il y a donc une grande incertitude pour le mois de mars à venir. Enfin, l’accord a été conclu sous l’égide de l’ONU et de la Turquie. Or, cette dernière a quatre rendez-vous importants en 2023 : l’élection présidentielle en mai, celles législatives qui suivront, le centenaire d’Atatürk en octobre et, surtout, la gestion d’un séisme dramatique qui change un peu la donne sur les débats prioritaires pour la campagne de Recep Tayyip Erdogan. Rien ne garantit que le pays soit autant mobilisé qu’en 2022.

Qu’en est-il de l’influence de la guerre sur l’évolution des prix des céréales ?

Au-delà de la tension sur l’approvisionnement des pays les plus dépendants des céréales ukrainiennes, l’incertitude actuelle a une forte influence sur le cours de ces matières premières qui risquent d’être, de nouveau, agités à l’approche de la date de prolongation de l’accord. D’autant que les prix sont restés très élevés depuis février. Ils atteignaient d’ailleurs déjà un sommet avant même l’invasion de l’Ukraine par la Russie, du fait des deux années de crise sanitaire. Avant celle-ci, la tonne de blé se vendait entre 150 et 200 euros. Il y a eu une forte progression de février à mai passant de 260 à 430 euros la tonne. Actuellement, les prix n’ont pas beaucoup diminué et la tonne de blé se situe toujours à environ 300 euros. De même pour la tonne de maïs qui était à 320 euros en février 2022, est montée jusqu’à 390 euros en mai avant de redescendre, actuellement à 300 euros.


Quelles régions du monde souffrent le plus de la tension sur les céréales ?

Il faut bien comprendre que des tensions pesaient déjà sur les céréales avant même le début du conflit. Un grand nombre de pays dans de nombreuses régions du monde connaissaient des difficultés alimentaires et agricoles. En Europe, nous avons d’ailleurs peut-être eu tendance à fermer les yeux sur l’amplification de l’insécurité alimentaire mondiale durant ce siècle. C’est particulièrement le cas pour les pays d’Afrique, notamment subsaharienne, mais aussi au Soudan du Sud, Somalie, Ethiopie ou encore au Nigeria qui connaissent de fortes pertes de leurs récoltes du fait de conflits internes, d’aléas climatiques couplés à de très fortes pressions démographiques. L’Asie et certains pays d’Amérique latine sont également concernés. Lors du sommet mondial de l’alimentation en 2021, l’Organisation des nations unies (ONU) alertait ainsi sur le fait que trois milliards de personnes étaient en insécurité alimentaire grave (un milliard) et modérée (deux milliards).
La situation s’est donc aggravée avec, dans un premier temps, la pandémie de Covid-19 qui a fragilisé le système agricole dans beaucoup de pays, a renchéri le prix des matières premières, du transport. Puis, le conflit entre deux superpuissances agricoles que sont la Russie et l’Ukraine a accru ces difficultés. Sans compter que nous sommes dans une période marquée par des jeux d’influence avec des pays qui utilisent les questions agroalimentaires géopolitiquement. Il faut donc bien garder à l’esprit que la situation est, à l’heure actuelle, encore plus inquiétante qu’il y a un an.

Il faut également souligner que la population ukrainienne connaît une précarité alimentaire sans précédent et les agriculteurs du pays sont en grande difficulté. Ailleurs dans le monde, dans les pays développés comme en Europe, il y a eu un immense renchérissement des coûts de production du fait de l’inflation notamment du prix de l’énergie, mais aussi des engrais. Il n’y a donc pas un endroit sur la planète où la crise agricole et alimentaire n’est pas un sujet de préoccupation. Beaucoup d’habitants de la planète ont vu leur quotidien alimentaire se dégrader.
On évoque régulièrement les phénomènes météorologiques El Niño et son pendant La Niña qui sont des phénomènes océaniques à grande échelle du Pacifique équatorial, affectant le régime des vents, la température de la mer, les précipitations et donc la production agricole.

De manière générale, comment le changement climatique impacte-t-il les récoltes de céréales ?

Les deux phénomènes El Niño et La Niña sont actuellement des déterminants majeurs. L’un des miracles de 2022, c’est qu’à part en Inde où la récolte s’est avérée moins abondante que prévue en raison d’aléas climatiques, les autres pays exportateurs et producteurs n’ont pas connu de réduction de leurs productions. Si cette année, ils rencontrent des baisses de volume de récolte, sachant que l’Ukraine produira et exportera moins, la situation pourrait encore empirer. Mais l’enjeu du changement climatique n’est pas nouveau et de plus en plus de pays en subissent les conséquences avec davantage de périodes chaudes voire de sécheresse, mais aussi une pluviométrie qui, si elle n’est pas en baisse partout, illustre surtout une hyper volatilité des précipitations. Certaines régions connaissent ainsi des périodes avec beaucoup de pluies et d’autres sans aucune, ce qui n’est pas bon pour les cultures.

La question est donc de savoir comment adapter les systèmes agricoles plus que jamais au défi du climat. Les pays développés, notamment, ne doivent pas mener la même agriculture qu’au cours du XXe siècle. Cela doit être une agriculture forcément durable sinon il n’y en aura plus du tout à la fin du siècle aggravant encore plus l’insécurité alimentaire. Mais sera-t-on capable de mener, durant le siècle en cours, deux fronts : un front sécuritaire, car il faut pouvoir produire et nourrir le monde, et un front climatique, pour pouvoir s’adapter à l’absolue nécessité de réduire l’empreinte environnementale de l’activité agricole ? Sans compter que, les changements climatiques accentuent les interdépendances entre régions et pays. Certains pays vont connaître des années de très bonnes récoltes, d’autres non et inversement. Or, la scène internationale, avec les bouleversements géopolitiques que l’on connaît, est plus que jamais fracturée.

Quel rapport entre âge de la retraite et santé


Quel rapport entre âge de la retraite et santé

En attendant l’examen des amendements portant sur le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans, les députés d’opposition ont fait échec à la proposition gouvernementale de création d’un index senior, au grand dam des ministres en charge du dossier. L’idée était d’obliger les entreprises à publier leurs statistiques d’embauche de salariés en fin de carrière pour les inciter à embaucher ou garder en emploi des salariés plus âgés, sans toutefois les y contraindre, en réponse à des craintes pour l’emploi des seniors. Des participants au débat, pensifs quant à l’utilité du dispositif, ont notamment avancé que les travailleurs seniors ont un risque assez élevé de se retrouver en congés maladie de longue durée ou en situation d’invalidité.

C’est sur ce point que nos travaux récents ont porté, proposant une évaluation des effets de la réforme de 2010 sur les absences maladie des seniors.
Une équation financière pas systématiquement positive

La principale mesure de cette réforme avait été l’augmentation de 2 ans des âges légaux, d’ouverture des droits comme d’annulation de la décote. Ils sont passés respectivement de 60 et 62 à 62 et 64 ans, et ce, dans un délai remarquablement court, 5 ans.

Étaient visées une réduction de la charge des pensions et une augmentation du taux d’activité des seniors pour limiter le déficit des caisses d’assurance-retraite. Le nouveau texte a, de fait, induit une augmentation des taux d’activité des seniors. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la proportion des personnes âgées de 60 ans en emploi s’est accrue de 17 points de pourcentage pour les hommes et de 16 points pour les femmes tandis que la proportion au chômage s’est accrue de 7 et 6 points de pourcentages, respectivement.

En fin de carrière, cette hausse du chômage est même mesurée à 13 points de pourcentages par d’autres études. Combiné à une hausse de l’invalidité de 6 points, cela pèse sur les régimes d’assurance sociale alternatifs à la retraite. La Cour des comptes n’a pas manqué de le relever dans un rapport de 2019. Elle pointe une croissance notable des dépenses pour le risque maladie : dans les années qui ont suivi la réforme, le coût des indemnités journalières liées à l’absence pour maladie a augmenté en moyenne chaque année de 4,2 % pour atteindre 8 milliards d’euros en 2017. Une part non négligeable de cette hausse est attribuée au vieillissement de la population des salariés.

En même temps qu’elle prolonge la durée de cotisations à l’assurance-retraite, l’allongement de la vie semble en même temps augmenter, dans une moindre mesure toutefois, d’autres dépenses. Au-delà d’un enjeu financier pour des organismes publics, c’est aussi, pour les entreprises, des absences plus fréquentes de salariés qu’il leur faut pallier.
Des arrêts maladie plus fréquents, plus longs et plus nombreux après 60 ans

Pour le documenter, nous avons, dans nos travaux, mobilisé une base de données administratives dans laquelle les mêmes individus sont suivis sur plusieurs années : le panel Hygie sur la période 2005-2015, mis en place par l’Irdes après un appel d’offres de la Drees, direction statistique du ministère de la Santé. Il combine des données administratives de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse avec celles de la Caisse nationale de l’assurance maladie.
Pour mesurer l’impact d’un décalage de l’âge légal de départ sur la fréquence des absences maladie, il faudrait pouvoir observer ce qui se serait passé chez ceux qui ont pu prendre leur retraite à 60 ans s’ils avaient travaillé jusqu’à l’âge 62 ans, ce qui est impossible. On peut néanmoins trouver moyen de trouver une approximation pour cet élément de comparaison que l’on appelle, en statistique, le contre-factuel.

En comparant les toutes premières générations concernées par la retraite à 62 ans (les individus nés entre 1952 et 1954) avec les toutes dernières à y avoir échappé (1946-1951), on peut ainsi réduire un certain nombre de biais. On peut en effet supposer plus de ressemblance entre la trajectoire réelle des individus nés en 1952 avec celle, fictive, des individus nés en 1950 que si l’on comparait les générations 1940 et 1958.
L’idée est la suivante. Avec des départs en retraite, une génération voit logiquement le nombre d’individus concernés par un ou plusieurs arrêts maladie chuter (puisqu’on n’est pas arrêté pour maladie lorsque l’on est retraité). Cela survient à 60 ans avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2010, à 62 ans après. Si l’on compare donc nos deux groupes entre 60 et 62 ans, l’un aura connu cette chute et pas l’autre. La différence s’expliquera donc a priori largement par un décalage de l’âge légal.

La méthode dite de « régression avec discontinuité ». Author provided
Pour rendre les deux groupes aussi comparables que possible du point de vue de leurs caractéristiques individuelles, toute autre que l’âge de départ en retraite, on va également tenir compte de ces dernières dans nos calculs. Parmi ces caractéristiques figurent le salaire des individus, le temps qu’ils ont passé au chômage durant l’ensemble de la carrière ou encore leur catégorie socioprofessionnelle.

Nous avons ainsi pu mettre en regard entre nos deux groupes, la probabilité de connaître au moins un arrêt de travail sur une année, la durée annuelle cumulée d’arrêts-maladie et le nombre d’épisodes d’arrêts-maladie dans l’année d’observation. Les analyses économétriques confirment bien que la hausse de l’âge d’ouverture des droits explique une large part de l’augmentation significative de la probabilité, après 60 ans, d’être arrêté pour maladie sur une année de l’ordre de 1,7 point de pourcentage. Le nombre annuel cumulé de jours d’arrêt augmenterait, lui, d’un peu plus d’un jour et le nombre annuel d’arrêts maladie, de 0,02.

De manière générale, une grande hétérogénéité apparaît au-delà de ces moyennes. Il s’avère notamment que la réforme des retraites de 2010 a effectivement eu un effet plus fort sur la probabilité d’arrêt pour les individus considérés en mauvaise santé et ayant connu des événements de santé comme les accidents de travail et maladies professionnelles conduisant à des absences maladie de longue durée par le passé (hausse de 2,2 points de pourcentage contre 1,2 point de pourcentage pour ceux en bonne santé). L’effet de la réforme sur le nombre de jours annuel de maladie est également plus important pour ces individus en mauvaise santé avant le report de l’âge légal d’ouverture des droits entraînant une augmentation de 1,8 jour environ.
Les différences semblent, en outre, plus marquées pour les femmes que pour les hommes s’agissant de la probabilité d’arrêt ou du nombre d’épisodes d’arrêt. Elles restent toutefois moins importantes en ce qui concerne le nombre annuel de jours d’arrêt.

Pareilles observations suggèrent l’importance pour des projets d’évolution des paramètres de retraite, comme la réforme en débat actuellement, de mesures permettant de tenir compte de l’hétérogénéité des situations parmi la population active, avec une prise en compte de la pénibilité et de l’état de santé des salariés. Cela peut passer par des mesures de prévention, une amélioration des conditions de travail ou par une possibilité laissée aux salariés fragilisés par leur état de santé ou par leur parcours professionnel d’accéder à la retraite plus tôt. Il pourrait aussi s’agir d’assouplir le temps de travail des seniors, avec des possibilités de départs progressifs à la retraite, et de les affecter aux postes les moins pénibles.

Rappelons enfin qu’un recul de l’âge de départ n’influence pas seulement les absences maladie des seniors : il induit également un effet de déversement vers d’autres dispositifs alternatifs de protection sociale tels que le chômage ou l’invalidité. Seule la prise en compte de l’ensemble de ces effets éclairerait le décideur public quant à l’ensemble des retombées de réformes telles que celle actuellement en débat.

dans the Conversation par
Mohamed Ali Ben Halima
Maître de conférences, économiste santé au travail, MESuRS, CEET, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Ali Skalli
Maître de conférences de sciences économiques, Laboratoire d’Economie Mathématique et de Microéconomie Appliquée (LEMMA), Université Paris 2 Panthéon-Assas

Malik Koubi
Chercheur associé au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Age de la retraite et santé

Age de la retraite et santé

En attendant l’examen des amendements portant sur le recul de l’âge légal de 62 à 64 ans, les députés d’opposition ont fait échec à la proposition gouvernementale de création d’un index senior, au grand dam des ministres en charge du dossier.
L’idée était d’obliger les entreprises à publier leurs statistiques d’embauche de salariés en fin de carrière pour les inciter à embaucher ou garder en emploi des salariés plus âgés, sans toutefois les y contraindre, en réponse à des craintes pour l’emploi des seniors. Des participants au débat, pensifs quant à l’utilité du dispositif, ont notamment avancé que les travailleurs seniors ont un risque assez élevé de se retrouver en congés maladie de longue durée ou en situation d’invalidité.

C’est sur ce point que nos travaux récents ont porté, proposant une évaluation des effets de la réforme de 2010 sur les absences maladie des seniors.
Une équation financière pas systématiquement positive

La principale mesure de cette réforme avait été l’augmentation de 2 ans des âges légaux, d’ouverture des droits comme d’annulation de la décote. Ils sont passés respectivement de 60 et 62 à 62 et 64 ans, et ce, dans un délai remarquablement court, 5 ans.

Étaient visées une réduction de la charge des pensions et une augmentation du taux d’activité des seniors pour limiter le déficit des caisses d’assurance-retraite. Le nouveau texte a, de fait, induit une augmentation des taux d’activité des seniors. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), la proportion des personnes âgées de 60 ans en emploi s’est accrue de 17 points de pourcentage pour les hommes et de 16 points pour les femmes tandis que la proportion au chômage s’est accrue de 7 et 6 points de pourcentages, respectivement.

En fin de carrière, cette hausse du chômage est même mesurée à 13 points de pourcentages par d’autres études. Combiné à une hausse de l’invalidité de 6 points, cela pèse sur les régimes d’assurance sociale alternatifs à la retraite. La Cour des comptes n’a pas manqué de le relever dans un rapport de 2019. Elle pointe une croissance notable des dépenses pour le risque maladie : dans les années qui ont suivi la réforme, le coût des indemnités journalières liées à l’absence pour maladie a augmenté en moyenne chaque année de 4,2 % pour atteindre 8 milliards d’euros en 2017. Une part non négligeable de cette hausse est attribuée au vieillissement de la population des salariés.

En même temps qu’elle prolonge la durée de cotisations à l’assurance-retraite, l’allongement de la vie semble en même temps augmenter, dans une moindre mesure toutefois, d’autres dépenses. Au-delà d’un enjeu financier pour des organismes publics, c’est aussi, pour les entreprises, des absences plus fréquentes de salariés qu’il leur faut pallier.
Des arrêts maladie plus fréquents, plus longs et plus nombreux après 60 ans

Pour le documenter, nous avons, dans nos travaux, mobilisé une base de données administratives dans laquelle les mêmes individus sont suivis sur plusieurs années : le panel Hygie sur la période 2005-2015, mis en place par l’Irdes après un appel d’offres de la Drees, direction statistique du ministère de la Santé. Il combine des données administratives de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse avec celles de la Caisse nationale de l’assurance maladie.
Pour mesurer l’impact d’un décalage de l’âge légal de départ sur la fréquence des absences maladie, il faudrait pouvoir observer ce qui se serait passé chez ceux qui ont pu prendre leur retraite à 60 ans s’ils avaient travaillé jusqu’à l’âge 62 ans, ce qui est impossible. On peut néanmoins trouver moyen de trouver une approximation pour cet élément de comparaison que l’on appelle, en statistique, le contre-factuel.

En comparant les toutes premières générations concernées par la retraite à 62 ans (les individus nés entre 1952 et 1954) avec les toutes dernières à y avoir échappé (1946-1951), on peut ainsi réduire un certain nombre de biais. On peut en effet supposer plus de ressemblance entre la trajectoire réelle des individus nés en 1952 avec celle, fictive, des individus nés en 1950 que si l’on comparait les générations 1940 et 1958.
L’idée est la suivante. Avec des départs en retraite, une génération voit logiquement le nombre d’individus concernés par un ou plusieurs arrêts maladie chuter (puisqu’on n’est pas arrêté pour maladie lorsque l’on est retraité). Cela survient à 60 ans avant l’entrée en vigueur de la réforme de 2010, à 62 ans après. Si l’on compare donc nos deux groupes entre 60 et 62 ans, l’un aura connu cette chute et pas l’autre. La différence s’expliquera donc a priori largement par un décalage de l’âge légal.

La méthode dite de « régression avec discontinuité ». Author provided
Pour rendre les deux groupes aussi comparables que possible du point de vue de leurs caractéristiques individuelles, toute autre que l’âge de départ en retraite, on va également tenir compte de ces dernières dans nos calculs. Parmi ces caractéristiques figurent le salaire des individus, le temps qu’ils ont passé au chômage durant l’ensemble de la carrière ou encore leur catégorie socioprofessionnelle.

Nous avons ainsi pu mettre en regard entre nos deux groupes, la probabilité de connaître au moins un arrêt de travail sur une année, la durée annuelle cumulée d’arrêts-maladie et le nombre d’épisodes d’arrêts-maladie dans l’année d’observation. Les analyses économétriques confirment bien que la hausse de l’âge d’ouverture des droits explique une large part de l’augmentation significative de la probabilité, après 60 ans, d’être arrêté pour maladie sur une année de l’ordre de 1,7 point de pourcentage. Le nombre annuel cumulé de jours d’arrêt augmenterait, lui, d’un peu plus d’un jour et le nombre annuel d’arrêts maladie, de 0,02.

De manière générale, une grande hétérogénéité apparaît au-delà de ces moyennes. Il s’avère notamment que la réforme des retraites de 2010 a effectivement eu un effet plus fort sur la probabilité d’arrêt pour les individus considérés en mauvaise santé et ayant connu des événements de santé comme les accidents de travail et maladies professionnelles conduisant à des absences maladie de longue durée par le passé (hausse de 2,2 points de pourcentage contre 1,2 point de pourcentage pour ceux en bonne santé). L’effet de la réforme sur le nombre de jours annuel de maladie est également plus important pour ces individus en mauvaise santé avant le report de l’âge légal d’ouverture des droits entraînant une augmentation de 1,8 jour environ.
Les différences semblent, en outre, plus marquées pour les femmes que pour les hommes s’agissant de la probabilité d’arrêt ou du nombre d’épisodes d’arrêt. Elles restent toutefois moins importantes en ce qui concerne le nombre annuel de jours d’arrêt.

Pareilles observations suggèrent l’importance pour des projets d’évolution des paramètres de retraite, comme la réforme en débat actuellement, de mesures permettant de tenir compte de l’hétérogénéité des situations parmi la population active, avec une prise en compte de la pénibilité et de l’état de santé des salariés. Cela peut passer par des mesures de prévention, une amélioration des conditions de travail ou par une possibilité laissée aux salariés fragilisés par leur état de santé ou par leur parcours professionnel d’accéder à la retraite plus tôt. Il pourrait aussi s’agir d’assouplir le temps de travail des seniors, avec des possibilités de départs progressifs à la retraite, et de les affecter aux postes les moins pénibles.

Rappelons enfin qu’un recul de l’âge de départ n’influence pas seulement les absences maladie des seniors : il induit également un effet de déversement vers d’autres dispositifs alternatifs de protection sociale tels que le chômage ou l’invalidité. Seule la prise en compte de l’ensemble de ces effets éclairerait le décideur public quant à l’ensemble des retombées de réformes telles que celle actuellement en débat.

dans the Conversation par
Mohamed Ali Ben Halima
Maître de conférences, économiste santé au travail, MESuRS, CEET, Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

Ali Skalli
Maître de conférences de sciences économiques, Laboratoire d’Economie Mathématique et de Microéconomie Appliquée (LEMMA), Université Paris 2 Panthéon-Assas

Malik Koubi
Chercheur associé au Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET), Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)

1...56789...27



L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol