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Santé : la formation des internes dans les déserts médicaux contestée par la confédération des syndicats médicaux français !

Santé : la formation des internes dans les déserts médicaux contestée par la confédération des syndicats médicaux français !

 

Le gouvernement envisage que la dernière année de formation des internes s’exerce dans les déserts médicaux. Il faut noter qu’immédiatement la confédération des syndicats médicaux français a pris une position très corporatiste pour contester cette proposition

 

« Si cela devait déboucher sur envoyer des internes, dans des zones où il n’y a personne, ils arrêteront médecine« , a alerté samedi 24 septembre sur franceinfo Luc Duquesnel, médecin généraliste en Mayenne et président des généralistes de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), alors que le gouvernement souhaite mettre en place une quatrième année d’internat supplémentaire pour les étudiants de médecine générale en les incitant à la réaliser dans des déserts médicaux.

franceinfo : Que pensez-vous de cette idée avancée par le ministre de la Santé ?

Luc Duquesnel : Une quatrième année d’internat, entre autres pour les médecins généralistes, mais aussi pour les autres spécialités médicales, cela doit être une année professionnalisante. Cela veut donc dire que l’on ne va pas envoyer ces médecins là où il n’y a plus médecins depuis deux ou trois ans dans les déserts médicaux. C’est une année de formation. Ils sont toujours internes. Dans des zones avec une faible démographie médicale, ils devront être accueillis dans des maisons médicales, dans des maisons de santé pluri-professionnelles. C’est indispensable. Quand j’étais interne, si on m’avait lâché tout seul dans une campagne, j’aurais choisi un autre métier où j’aurais été médecin salarié ou médecin hospitalier. Il ne s’agit pas de les mettre en danger. On a besoin d’être entouré par d’autres collègues. Je tiens à rappeler que les déserts médicaux, ce ne sont pas que les zones rurales. Paris est un désert médical en médecins généralistes. Donc ce sont aussi les zones urbaines.( !)

Donc est-ce que cette quatrième année est une bonne idée ?

Non. Je pense que c’est mal présenté. Et la façon dont certains élus en parlent, ils ont l’impression que dans leur village, où il n’y a plus de médecins depuis trois ans, on va avoir tout d’un coup un interne en quatrième année qui va débarquer chez eux. Non, cela ne doit pas être ça, très clairement. Par contre, il y a des zones où l’on manque énormément de médecins. Durant cette année professionnalisante, ils doivent être entourés d’un ou deux médecins. C’est aussi permettre aux territoires de s’organiser. Mais si cela devait déboucher sur envoyer des internes, qui ne sont pas encore médecins, dans des zones où il n’y a personne, ils arrêteront médecine.

Que faut-il faire pour trouver une solution à ces déserts médicaux ?

La situation démographique d’aujourd’hui est le fruit de décisions qui sont prises depuis 35 ou 40 ans par des hommes politiques. Ce sont les mêmes qui, aujourd’hui, veulent de la coercition, qui nous ont amenés dans la situation où l’on est aujourd’hui. D’un autre côté, la situation n’est pas acceptable en termes d’accès aux soins. Ces internes, beaucoup d’entre eux n’ont travaillé qu’à l’hôpital. Il faut leur montrer ce que c’est que d’être médecin en ambulatoire, la médecine libérale. Donc cette quatrième année doit permettre de travailler avec d’autres médecins dans des zones à faible démographie médicale et de découvrir ce qu’est l’exercice libéral. Après ça, il y a plein d’autres solutions. C’est aussi travailler avec d’autres professionnels de santé, avec des infirmières de pratiques avancées, embaucher des assistants médicaux. On sait très bien que pour les dix ou treize ans à venir, le nombre de médecins va encore continuer à diminuer. Donc, cela veut dire modifier nos organisations professionnelles pour prendre en charge plus de patients, parce que la situation actuelle en termes d’accès aux soins n’est plus acceptable

Santé : le grand âge oublié

Santé : le grand âge oublié

 

Saluant l’annonce du ministre de la santé de mettre en place des consultations médicales gratuites aux trois âges de la vie (25, 45 et 65 ans), un collectif de gériatres demande également la mise en place d’une consultation de prévention à 85 ans. Selon eux, la prévention doit être poursuivie à tout âge.

 

Comment ne pas réagir face à une mesure qui oublie les plus âgés ?

Annoncées dimanche 18 septembre par le ministre de la santé, François Braun, les consultations médicales gratuites tous les vingt ans, aux trois âges de la vie, 25 ans, 45 ans et 65 ans, seraient mises en place dans le but de « renforcer le volet prévention du système de santé français ».

Pour les adultes âgés de 25 ans, il s’agira de faire le point sur les vaccins, leur activité physique et leur risque cardiovasculaire ; pour les 45 ans, le dépistage du cancer du sein, du côlon et de la prostate en plus de l’activité physique et de la santé mentale ; à 65 ans, la prévention d’autonomie, le dépistage des cancers et autres maladies.

Cette mesure qui met en avant une médecine de prévention trop souvent délaissée est une bonne mesure et nous la saluons. Mais qu’en est-il des plus âgés ? On ne vieillit plus en France après 65 ans ? Si nous suivons la logique de vingt ans entre chaque consultation ne devrait-il pas y avoir une consultation gratuite à 85 ans ?

En tant que gériatres, nous savons qu’il est possible de faire de la prévention passé 65 ans et qu’elle est utile (notamment pour les risques de chute, les troubles de la mémoire, la malnutrition, la dépression ou encore pour la vaccination contre la grippe, le pneumocoque, le zona, dont la prévention évite des complications parfois mortelles).

Et que dire de l’activité physique, qui, selon le ministre, disparaîtrait à la consultation des 65 ans alors que l’on sait très bien que, comme le lien social, elle est une composante essentielle du vieillissement en santé ! Soulignons enfin que la perte d’autonomie qui serait un « axe fort » lors de la consultation des 65 ans est loin d’être une priorité pour un senior actif qui, aujourd’hui, jongle entre la garde de ses petits-enfants, les loisirs, ses activités sociales et le soutien de ses parents qui, eux, ont atteint le vrai âge de la perte d’autonomie…

Alors devons-nous une nouvelle fois constater qu’il ne fait pas toujours bon vieillir en France ? Ne pas proposer une consultation après 65 ans est au mieux une méconnaissance des solutions aux problématiques liées au vieillissement de la population, au pire l’aveu que rien n’est prioritaire ou efficace dans le grand âge…

Démarrer un mandat avec un projet de loi aussi « âgiste » est un très mauvais signal envoyé à la population (c’est-à-dire aux 13,4 millions de personnes âgées de plus de 65 ans) et aux professionnels de santé qui œuvrent chaque jour dans le champ du vieillissement (qui ont encore du mal à digérer la promesse non tenue de la loi « grand âge »).

Pour une politique publique de la santé visuelle

Pour une politique publique de la santé visuelle 

 

Alors que près de deux millions de personnes sont malvoyantes ou non voyantes en France, et que les projections démographiques anticipent une augmentation, la politique publique esquissée en ce domaine manque d’ambition, alertent, dans une tribune au « Monde », quatre spécialistes du handicap visuel.

 

Moins on voit, moins on est vu. Les personnes qui perdent la vue, perdent aussi, progressivement, leur autonomie et leur place dans notre société. Ce processus de retrait ou de repli de la vie sociale est en grande partie lié à l’impact physique et psychique du handicap visuel. C’est une double peine pour des personnes qui sont déjà confrontées à l’angoisse terrible de la perte totale ou partielle d’un sens qui, à lui seul, apporte près de 80 % de la perception du monde qui nous entoure.

Cette mécanique d’isolement social et de perte d’autonomie s’est d’ailleurs malheureusement amplifiée avec l’explosion de la numérisation de nos actes de la vie courante. L’association Valentin Haüy l’a d’ailleurs récemment souligné lors d’une campagne de sensibilisation pour faire prendre conscience des difficultés spécifiques que posent les usages du numérique aux personnes en situation de handicap visuel.

Au-delà de cette fracture numérique, c’est plus globalement une fracture sociale qui menace toutes les personnes dont la vue s’abîme. Face à ce constat, la politique publique esquissée pour maintenir et développer l’autonomie des personnes touchées par le handicap visuel manque d’ambition. Comme l’a encore souligné l’inspection générale des affaires sociales (IGAS), on note en France, pour l’ensemble de la filière visuelle, « une quasi-absence de stratégie au plan national et régional » et des données épidémiologiques largement « insuffisantes ». Ni la « stratégie nationale de santé », définie par le ministère de la santé, ni les « projets régionaux de santé », élaborés par les agences régionales de santé (ARS), n’identifient des axes forts d’intervention consacrés à la santé visuelle.

L’absence de politique publique forte dans ce domaine pose question dans un contexte où l’offre d’accueil, d’orientation, de suivi médical et médico-social et de prise en charge des personnes en situation de déficience visuelle est globalement très insuffisante. Cette insuffisance d’offre est criante dans l’ensemble des régions. Ainsi, en Ile-de-France, une seule institution propose quelques places en soins de réadaptation pour les personnes en situation de handicap visuel, avec par conséquent des listes d’attente de plus de deux ans !

Cette situation est d’autant plus étonnante qu’il s’agit d’un enjeu de santé qui touche des millions de Français. En ce qui concerne le handicap visuel c’est près de deux millions de personnes qui sont concernées. Cela ne devrait pas s’améliorer dans les années à venir, bien au contraire. Les projections démographiques montrent que, avec le vieillissement de la population, les pathologies visuelles, souvent corrélées à l’âge (DMLA, glaucome), vont augmenter très sensiblement.

Santé : sortir de la marchandisation

Santé : sortir de la marchandisation

 

La marchandisation du secteur de la santé met en danger notre système qui repose sur la solidarité, dénoncent Pauline Londeix et Jérôme Martin, cofondateurs de l’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament, dans une tribune au « Monde ». Ils appellent à la mise en place d’un modèle collaboratif et non compétitif.

 

La mise en place fin juillet d’un comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires permettra-t-elle une meilleure prise en compte des alertes scientifiques sur les menaces pour notre santé ? On peut l’espérer, mais les progrès que cette instance pourrait apporter resteront limités si ne sont pas repensées en profondeur les politiques économiques et industrielles qui garantissent des réponses efficaces aux défis sanitaires présents et à venir.

Deux ans et demi après le début de la pandémie de Covid-19, la variole du singe, connue depuis des décennies en Afrique, s’étend dans les pays riches. La réponse tardive des gouvernements à cette nouvelle menace est conduite avec des outils développés contre la variole humaine, faute de financements adaptés lorsqu’elle touchait principalement des pays pauvres. Des menaces importantes pèsent sur Taïwan, et l’escalade possible des tensions entre les Etats-Unis et la Chine pourrait avoir un impact direct sur la production de matière première pharmaceutique, particulièrement concentrée dans ce pays. La situation n’est pas sans rappeler celle que nous avons connue en France, au printemps 2020, où notre dépendance envers la production asiatique, alors arrêtée par les mesures de confinement, s’était traduite dramatiquement par des tensions sur des médicaments essentiels dans les hôpitaux.

 

La philosophe Cynthia Fleury avait qualifié en avril 2020 la pandémie de Covid-19 de « répétition générale ». Une étude récente de Santé publique France estime à 30 % le taux de personnes contaminées par le Sars-CoV-2 qui développe ensuite un Covid long, dont l’ensemble des conséquences sont encore mal connues, mais qui incluent une augmentation significative des risques cardio-vasculaires. A ce jour, la pandémie a fait au moins 6,5 millions de morts. Aurions-nous pu y être mieux préparés ?

Ce qui est certain, c’est que des alertes – comme celles concernant les conséquences sur la santé des déforestations massives, des atteintes à la biodiversité ou de l’élevage intensif – ont été lancées depuis des décennies par de nombreux scientifiques, et que celles-ci ne se sont pas traduites dans les priorités de recherche. Par exemple, la Commission européenne a refusé en 2015 des financements à des équipes de recherche qui étudiaient les coronavirus.

Du fait des changements environnementaux, de nouvelles pandémies risquent d’apparaître, avec des agents pathogènes plus létaux et plus transmissibles. L’évolution des modes de vies, l’impact humain sur l’environnement ou encore le changement climatique favorisent par ailleurs l’explosion de certaines autres pathologies, comme les maladies cardio-vasculaires, le diabète, les cancers. La résistance aux antibiotiques, une des pires menaces pour l’humanité selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), peut compromettre quant à elle des décennies d’avancées biomédicales et causer un nombre croissant de décès – elle provoque déjà 35 000 morts par an aux Etats-Unis, 33 000 en Europe, dont 5 000 en France. Des maladies millénaires comme la tuberculose sont par ailleurs en pleine résurgence. Enfin, le vieillissement de la population à l’échelle mondiale est également un facteur d’augmentation significatif des besoins en produits de santé.

La sobriété va servir la santé ?

La sobriété va servir la santé ?

Dix dirigeants d’entreprises et organisations du monde de la santé proposent de sortir des réponses court-termistes sur les enjeux sanitaires et écologiques pour les repenser ensemble, en faisant de la sobriété un accélérateur de transformation au service du bien-être de tous.( la Tribune)

Collectif (*)

A l’heure où la sobriété s’impose comme une priorité nationale, il est naturel de mettre en lien cet enjeu avec une composante essentielle de nos vies : la santé. Ce secteur en lui-même génère une empreinte carbone importante (1), et il paraît pertinent de s’interroger sur la manière de réduire l’impact écologique de nos pratiques. Acteurs des secteurs du soin et du prendre soin, nous pensons même que notre système de santé aujourd’hui à bout de souffle pourrait utilement intégrer une démarche globale de sobriété, faisant de cette contrainte un socle pour se réinventer en s’appuyant plus sur une façon de prendre soin et d’accompagner la fragilité que sur le décompte du nombre d’actes et de médicaments.

Deux modèles distincts sont souvent opposés : un premier, qui entrevoit la santé à travers des actes, traduisant un système centré sur le « quoi ». Un second dans lequel prévaut la question du « comment », passant plus par la prévention et l’accompagnement, et qui suppose de suivre de nouveaux indicateurs souvent oubliés comme l’espérance de vie en bonne santéL’objectif n’est pas d’apporter une réponse dogmatique mais bien d’intégrer l’enjeu de la sobriété pour mieux prendre en compte la singularité de chaque personne avec une Santé centrée sur la préservation du bien-être tout au long de la vie, et ce autour de trois enjeux clés.

En premier lieu, notre santé n’est pas uniquement dépendante de notre patrimoine génétique : elle est étroitement liée à des facteurs environnementaux qui peuvent entraîner de nombreuses maladies chroniques. Il est donc judicieux d’intégrer de nouvelles façons de nous déplacer, nous nourrir, de travailler, consommer plus ‘sobre’ pour améliorer notre bien-être à long terme Mais modifier nos conditions de vie ne peut relever que de la seule responsabilité individuelle et nécessite une action conjointe des pouvoirs publics, acteurs associatifs et mutualistes, pour imaginer comment répondre au plus près aux besoins de chacun.

Cette question de sobriété enjoint ensuite à un rapprochement entre le secteur sanitaire, celui du soin, et le secteur de l’aide et de l’accompagnement, celui du prendre soin. Au pays de Descartes, c’est historiquement le secteur sanitaire qui est tout puissant car c’est celui qui agit, qui soigne, qui guérit. Le secteur du prendre soin, constitué de métiers moins qualifiés, y est à ce jour encore largement subordonné. Pourtant, pour continuer à améliorer la Santé de tous dans un monde aux ressources contraintes, le prendre soin et le soin doivent être désormais indissociables, pensés ensemble, à travers ce que le care apporte au cure et inversement.

Enfin, incarner cette dimension de sobriété au quotidien permettra également de redonner du sens à nos métiers : faire preuve de sobriété, c’est faire évoluer ses pratiques en s’appuyant sur la qualité du lien, du soin, pour sortir de la surconsommation et réduire l’empreinte de nos actions. Cela ne pourra se faire sans une autonomie retrouvée des professionnels face aux développement des normes et procédures, sans une responsabilisation nouvelle car ce sont bien eux, sur le terrain, qui vont s’adapter, optimiser, sans des formations  afin qu’ils puissent toujours améliorer l’impact positif de leurs actions.

La sobriété au secours de la santé ? Nous en débattrons avec tous les entrepreneurs et dirigeants engagés du secteur sanitaire et social qui souhaitent construire avec nous cette vision d’avenir, lors des Universités d’été de l’économie de demain, le 30 août à la Cité Internationale Universitaire de Paris. Cet échange qui permettra de croiser les regards de Antoine Prioux – Shift Project, Yann Bubien – Directeur du CHU de Bordeaux, et Emmanuelle Gaudemer – Aia - avec de nombreux acteurs du secteur, sera la première pierre d’une démarche de réflexion continue sur la manière dont la sobriété peut nous permettre de vivre en meilleure santé.

(*) Signataires :

  • Thibault de Saint Blancard, Co-fondateur Alenvi
  • Yann Bubien, Directeur CHU Bordeaux
  • Abdelaali El Badaoui, Fondateur Banlieues Santé
  • Myriam El Khomri, Auteure du rapport sur l’attractivité des métiers du grand âge et de l’autonomie, ancienne Ministre et directrice du conseil Diot SIACI
  • Philippe El Saïr, Directeur CHU Nantes
  • Lionel Fournier, Directeur Santé & Écologie Harmonie Mutuelle – Vyv
  • Nicolas Froissard, Porte-Parole Groupe SOS
  • Edouard de Hennezel, Fondateur Cercle Vulnérabilités et société
  • Professeur Samir Henni, Chef de Pôle CHU d’Angers
  • Christine Jeandel, Présidente Colisée
  • Dominique Monneron, Directeur Général Fondation Partage et vie
  • Dafna Mouchenik, Directrice Générale Logivitae
  • Caroline Neyron, Directrice Générale Mouvement Impact France
  • Antoine Perrin, Directeur Général FEHAP
  • Thomas Roux, DRH CHU La Martinique

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(1) Selon le PTEF Santé du Shift project, les émissions de gaz à effet de serre dans la santé représentent près de 8 % du total national

Collectif (*)

Santé : promouvoir l’activité physique

Santé : promouvoir l’activité physique

La promotion de l’activité physique régulière est un défi majeur à relever pour l’action publique dans la prochaine décennie souligne, dans une tribune au « Monde », Régis Juanico, ancien député et expert en politique publique sportive.

 

La lutte contre la pandémie de sédentarité est un enjeu sanitaire majeur du XXIe siècle. Selon de récentes estimations d’épidémiologistes américains et canadiens publiées dans le British Medical Journal of Sports Medicine, l’inactivité physique serait responsable de 7,2 % des morts toutes causes confondues chaque année, soit plus de 4 millions de morts sur les 56,9 millions personnes qui décèdent en moyenne chaque année. Il y a urgence à agir.

Urgence d’abord à désamorcer ce que nous avons qualifié, avec ma collègue ancienne députée (LRM) Marie Tamarelle-Verhaeghe, de « bombe à retardement sanitaire » dans notre rapport sur l’évaluation parlementaire « des politiques de prévention en santé publique » publié en juillet 2021. Urgence ensuite à inscrire cet enjeu comme un défi majeur d’action publique à relever pour la prochaine décennie.

La sédentarité gangrène nos modes de vie et plus particulièrement celle des plus jeunes générations. Le temps passé couché ou assis, notamment devant les écrans de loisir, est estimé à 55 % de la journée pour des écoliers et à 75 % pour des adolescents.

L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) nous alerte sur le fait qu’en 2015, soit bien avant la crise sanitaire, 50 % des 11-17 ans avaient un risque sanitaire très élevé du fait de la sédentarité, avec plus de quatre heures et demi devant les écrans et moins de vingt minutes d’activité physique par jour.

Par ailleurs, 95 % de la population générale ne fait pas assez d’activité physique. Le cardiologue du sport François Carré observait en 2021 que, si un enfant se couche à 20 heures et s’il est emmené à l’école le lendemain matin en voiture au dernier moment, « il ne commencera à bouger qu’à la première récréation, à 10 heures. En quatorze heures, il [n’aura] fait que cinquante pas ! »

Or, comme le montre une étude de 2019 de l’American Cancer Society, il suffit de remplacer trente minutes de sédentarité quotidienne par trente minutes d’activité physique – même d’intensité modérée, y compris du jardinage – pour faire baisser de 17 % la mortalité prématurée et de 30 % le risque d’accidents cardio-vasculaires. Si cette activité est plus intense, la diminution de la mortalité prématurée est de 35 %.

La lutte contre la sédentarité doit constituer la priorité, un fil rouge pour les politiques publiques de prévention en santé publique à tous les âges de la vie. Une réponse à ce défi est de promouvoir l’activité physique régulière. Elle est le premier levier de lutte contre la sédentarité et le meilleur bouclier pour protéger sa santé.

Santé : L’enjeu d’un espace européen des données médicales

Santé : L’enjeu d’un espace européen des données médicales

 

La Commission européenne met en œuvre l’espace européen des données de santé (EDHS), qui doit permettre la formation d’un marché européen unique des thérapies numériques compétitif face à la concurrence américaine, expliquent, dans une tribune au « Monde », des entrepreneurs, médecins, patients engagés dans l’innovation en santé numérique.

 

La Commission européenne a choisi, le 20 juillet, de confier au Health Data Hub, un consortium de seize partenaires issus de dix pays différents, la construction, dès septembre, d’une première version du futur « espace européen des données de santé » (European Health Data Space, EDHS en anglais).

Début mai, elle présentait sa proposition de règlement relatif à l’espace européen des données de santé, qui sera prochainement soumis au Conseil de l’Union européenne puis au Parlement européen. Le choix de l’opérateur, désormais entériné, rapproche donc un peu plus l’EDHS de la réalité, sans toutefois lever toutes les « réserves ». Celles-ci portent notamment sur le choix de Microsoft Azure, un acteur américain, comme hébergeur de ces données de santé, et sur l’assurance que ces données ne pourront pas franchir l’Atlantique.

A cette question, comme à d’autres qui ne manqueront pas de se poser, il faudra apporter des réponses fortes et transparentes. Celles-ci garantiront une confiance sans laquelle l’investissement à long terme serait compromis. Or, l’enjeu est de taille. La vocation de l’EDHS est de « placer les citoyens au centre, en leur donnant le pouvoir de contrôler leurs données afin de bénéficier de meilleurs soins de santé », selon les mots de Stella Kyriakides, commissaire européenne à la santé et à la sécurité alimentaire.

L’EDHS ouvre la voie à une vague d’innovations au profit des patients et doit aussi permettre la formation d’un marché européen unique des thérapies numériques, doté de règles communes, qui, à son tour, favorisera l’émergence d’un tissu de technologies de la santé européen compétitif face à la concurrence américaine.

Au cœur de cette révolution – et c’est ce qui rend la question de la protection des données si sensible – se trouvent les « données patients ». Valorisées par l’intelligence artificielle (IA) et le big data, celles-ci sont une mine d’or pour l’identification de marqueurs biologiques et l’interprétation des données.

Ces marqueurs sont eux-mêmes à la base de nouveaux outils de diagnostic (imagerie médicale, biologie) et de prévention (interprétation des symptômes, analyse des interactions médicamenteuses) qui se déploient à grande vitesse dans les hôpitaux et les cabinets médicaux.

Dans le diabète et en cancérologie, des dispositifs « point of care » [« au plus près des patients »], installés sur les smartphones et rendus intelligents grâce au machine learning, accompagnent les patients dans le suivi de leur pathologie et de leur thérapie, tout en gardant les professionnels de santé « dans la boucle ».

Santé: Les progrès des diagnostics précoces et de la médecine de précision

Santé: Les progrès des diagnostics précoces et de la médecine de précision 

Un papier de la Tribune évoque les progrès des diagnostics précoces et de la médecine de précision .

Les marqueurs biologiques, cellulaires et génétiques, la recherche médicale s’oriente vers une pratique de précision. Ces signatures biologiques permettent de diagnostiquer plus tôt, d’adapter les traitements plus finement et de mieux comprendre comment fonctionnent les maladies.

 

Entre la fiabilité des tests Covid et l’identification du type de variants, la crise sanitaire a montré que la médecine identifie de mieux en mieux la signature biologique d’une maladie. Au-delà de la nomenclature du XXe siècle où presque toutes les affections respiratoires étaient une angine ou une grippe, elle a aujourd’hui les moyens de vérifier de quoi souffre exactement un patient. En comprenant mieux le langage biologique des maladies, elle sait repérer ses signatures et comprendre la façon dont elles affectent nos organismes. Par exemple, en février dernier, la startup Ziwig (Lyon) a présenté le premier test salivaire pour détecter l’endométriose, une maladie mal connue qui touche près de 10% des femmes.

Biologiques, génétiques ou cellulaires, le terme « marqueur » est entré dans le vocabulaire médical. Ces signatures sont comme des indices qui permettent de diagnostiquer au plus près la pathologie qui affecte le patient. Elles aident aussi les chercheurs à comprendre comment la maladie fonctionne et menace l’organisme pour trouver les bons moyens de la soigner. Chaque année, les chercheurs et les biotechs découvrent de nouveaux marqueurs qui mènent soignants et pharmas vers une médecine de précision.

En oncologie, cette multiplication des marqueurs modifie peu à peu la façon de soigner. On ne traite plus seulement le cancer en fonction de l’organe touché, mais suivant les mutations que présente la tumeur initiale. « En suivant les marqueurs au plus près, on va de plus en plus loin dans la compréhension des cancers et de la façon dont elles se développent, affirme le Pr Steven Le Gouill, directeur de l’Ensemble hospitalier de l’Institut Curie à Paris. Certains marqueurs donnent une idée de l’agressivité de la maladie et d’autres donnent des informations sur la manière dont elle répondra au traitement. Combiner différents marqueurs donne une approche complète et précise qui permet de développer des algorithmes médicaux. »

Prévoir la réaction de la maladie au traitement, c’est déjà le cas dans les cancers du sein, du colon et du mélanome. Bientôt, ce sera aussi possible pour un des cancers les plus mortels : celui du pancréas. Fin 2019, le diagnostic GemciTest® de la biotech Acobiom a reçu le marquage CE. Ce test prédit la réponse de la tumeur à la Gemcitabine (chimiothérapie) en fonction de la spécificité de son cancer du pancréas et Acobiom lancera bientôt les démarches en vue de son remboursement. . « Le traitement des données issues d’expériences de biologie et de séquençage par bio-informatique et bio-statistique permet d’identifier de nouveaux marqueurs et de prédire le pronostic vital ou la réussite d’un traitement, confirme Philippe Outrebon, responsable financier chez Acobiom. En 1999, nous avons commencé avec quelques dizaines de milliers de données à traiter en bio informatique, mais avec le séquençage haut-débit, nous en analysons des dizaines de millions aujourd’hui. »

« Le traitement des données issues d’expériences de biologie et de séquençage par informatique permet le développement de statistiques pour prédire le pronostic vital ou la réussite d’un traitement, confirme Philippe Outrebon, responsable financier chez Acobiom. En 1999, nous avons commencé avec quelques dizaines de milliers de données en bio informatique, mais avec la multiplication des marqueurs, nous en analysions des dizaines de millions aujourd’hui. »

Au-delà des chimiothérapies, les traitements par immunothérapie fonctionnent aussi plus ou moins bien suivant les patients et les mutations cancéreuses. Lors de la dernière grande rencontre internationale de l’oncologie ASCO à Chicago, le Dr Arthur Daban de l’Hôpital européen Georges-Pompidou a montré que la présence d’auto-anticorps dans le sang des patients est associée à davantage d’effets secondaires quand ils entrent en immunothérapie. Pour les labos pharma, ces pronostics de réussite ou d’effets secondaires à leurs traitements est une aubaine. Mieux prescrits, ces traitements pourraient améliorer leur efficacité avec une meilleure maîtrise des risques d’effets secondaires.

Autour de l’oncologie, d’autres innovations permettent aussi d’améliorer l’état des patients soumis aux chimiothérapies. Pour notre pionnière de la médecine microbiome MaaT Pharma, les années Covid ont été celles du lancement de la production industrielle de leur premier traitement : le MaaT013. Ce traitement vise à restaurer le microbiome – la flore intestinale – des patients atteints de complications suite à une greffe de cellule souche dans le traitement de certains cancers du sang comme les leucémies. Sans être encore autorisé, MaaT013 est utilisé dans différents pays dans le cadre de la médecine compassionnelle.

« Dans la mesure où le microbiome est partenaire du système immunitaire qu’il entraîne, son altération fait baisser les défenses immunitaires des patients, explique Hervé Affagard, CEO et co-fondateur de la biotech. Comme d’autres signatures biologiques, le microbiome est un marqueur propre à chaque patient, son analyse pourra sans doute bientôt permettre de prédire le risque de complications pour les patients soumis aux traitements par chimiothérapie ou immunothérapie. »

Dans un autre registre et avec un organe complexe à étudier, on attend beaucoup de la recherche de biomarqueurs permettant de diagnostiquer des maladies du cerveau. En 2020, des chercheurs de l’Université de Lausanne (Suisse) ont identifié deux biomarqueurs de la schizophrénie. Présents dans le sang, ces indices biologiques ont permis de différencier deux types de schizophrénie qui permettra peut-être de développer des traitements spécifiques et mieux adaptés. En 2019, une forme de démence aux symptômes proches de la maladie d’Alzheimer a été découverte aux États-Unis. Appelée Late, elle implique l’accumulation d’une forme anormale de la protéine TDP-43 dans les neurones. Dans ce cas, une définition plus précise de la maladie pourra améliorer la conception de traitements adaptés.

Enfin, pendant les années Covid, l’imagerie médicale assistée par ordinateur a aussi fait beaucoup de progrès. Contrairement à d’autres projets biotech, elle n’a pas souffert de la difficulté à recruter des patients confinés et inquiets alors que les hôpitaux étaient saturés. Avec l’imagerie, les marqueurs visuels et leur traitement informatique permettent d’affiner le diagnostic, mais surtout d’automatiser des tâches simples et répétitives. Afin de concentrer l’expertise médicale sur des dossiers complexes. En 2020, le logiciel d’aide au diagnostic Breast-SlimView de la start-up française Hera-Mi (Nantes) a commencé à assister la lecture des mammographies dans le cadre du dépistage des cancers du sein. Une aide au diagnostic qui écarte plus rapidement les cas non problématiques pour concentrer le radiologue sur les clichés suspects.

Dans le même état d’esprit, AZmed a été récompensée d’un trophée lors de l’exposition Santexpo 2021. Là encore, son logiciel Rayvolve est capable de détecter tous types de fractures sur une radiographie standard. Rapide et fiable, ce diagnostic informatique permet aux médecins de passer moins de temps sur ces études rébarbatives. Cette fois, c’est l’automatisation des techmed qui permet à l’expertise médicale de consacrer plus de temps aux cas complexes, toujours pour pratiquer une médecine de précision. Selon les études de Research and Market, le marché mondial des logiciels d’imagerie médicale en termes de revenus devrait croître à un taux de croissance annuel composé (TCAC) de plus de 7% au cours de la période 2020-2026.

Société et santé-Le Conseil scientifique: trop liberticide ?

Société et santé-Le Conseil scientifique: trop liberticide ?


 

Un curieux papier du Figaro met en cause le caractère liberticide des orientations du conseil scientifique. Un conseil qu’on vient de remplacer par un autre car un peu trop gênant pour le pouvoir. Le papier du Figaro considère à juste titre bien sûr que le conseil scientifique n’avait pas de légitimité démocratique. Reste qu’une plus grande discipline en matière de précaution sanitaire ne porte pas forcément atteinte aux libertés fondamentales mais sert plutôt la solidarité face au danger collectif  de la maladie. La conception des libertés frôle parfois un certain concept d’anarchie en France.

Papier du Figaro:

C’est donc la fin d’un organisme qui aura joué un rôle décisif tout le long de la crise sanitaire, et il n’est pas inutile d’en tirer un premier bilan.

Peuplé de gens brillants et de nos meilleurs scientifiques, le Conseil scientifique aura été, malgré tous les talents qui le composent, l’un des principaux artisans de la débâcle démocratique de la crise sanitaire. Et s’il y a une leçon que l’on peut tirer de ce fiasco, c’est que la science ne doit jamais se substituer au politique et que la décision politique ne peut pas résulter de la simple expertise scientifique – au risque d’abîmer profondément notre démocratiLe Conseil scientifique a dirigé la France pendant presque deux ans. Les confinements, couvre feu, masques obligatoires et pass ont tous été recommandés par le Conseil scientifique avant d’être imposés par le pouvoir politique, qui a donc suivi aveuglément les avis de Jean-Francois Delfraissy et ses collègues. Les avis du Conseil scientifique fonctionnaient toujours ainsi: une analyse précise et rigoureuse de la situation sanitaire, puis une série de recommandations alternatives allant de la plus «légère» à la plus dure. Mais le Conseil scientifique ne se contentait pas d’exposer les mesures de précaution possibles: il exprimait également une préférence. Et systématiquement, il exprimait sa préférence pour la recommandation la plus dure et la plus liberticide. Et quasi systématiquement, le gouvernement suivait cette recommandation à la lettre – à l’exception de janvier 2021, quand Emmanuel Macron décide de ne pas reconfiner le pays contre l’avis du Conseil (mais il y a encore, à cette époque, un couvre-feu !).

Pour renforcer leur influence, certains membres du Conseil scientifique arpentaient les plateaux télé pour assurer le service après-vente de leurs recommandations. Et aux paroles anxiogènes s’est ajouté l’ethos de scientifiques et médecins qui se sont mis ) indiqué les règles qu’il fallait suivre dans sa vie familiale et sa vie privée, précisant de quelle manière il fallait voir ses amis, faire la fête, manger – et même… parler (l’Académie des sciences recommandant de ne pas parler dans les transports en commun…). La science s’est mise à régir nos vies et à décider, par son autorité indiscutable, de ce qu’il fallait faire et ne pas faire.

Ce Conseil scientifique était pourtant parfaitement légitime, et il fallait un organisme qui puisse éclairer le gouvernement du point de vue de la science. Il fallait un organisme pour avoir une lecture scientifique des chiffres de l’épidémie, pour comprendre la dynamique et les scenarii possibles de contamination, pour saisir la manière dont le vaccin fonctionne. Et si le Conseil s’en était tenu à ce type d’éclairages, alors il aurait été parfaitement dans son rôle. Nous avions besoin des médecins et scientifiques pour nous donner les clefs d’explication des contaminations, des variants, des gestes de protection et des vaccins. Et sur ce point-là, la parole des scientifiques a été précieuse.

Mais le problème est que les scientifiques se sont mis à faire de la politique. À recommander des mesures politiques aussi graves que le confinement ou le passe sanitaire. Or ces mesures ne peuvent être prises sur le fondement de considérations purement scientifiques ; elles mettent en jeu notre modèle démocratique, social, économique et revêtent des considérations éthiques gigantesques. Aucun scientifique n’est légitime pour déclarer qu’il faut confiner un pays tout entier. Seul le politique, après avoir pris en compte l’ensemble des enjeux et des problèmes, peut décider de mettre en place une telle mesure. Le pass consiste à interdire de vie sociale toute une partie de la population par le biais d’un QR code qui s’active et se réactive à mesure que l’on fait ses rappels de vaccin: comment une mesure aussi grave, qui pose des problèmes éthiques incommensurables, pourrait-elle être recommandée… par des médecins ?

Comment l’idée même de masque obligatoire dans la rue, qui met en cause la sociabilité du visage et donc la possibilité même de la vie en commun, peut-il résulter d’une simple recommandation scientifique ? Comment le scientifique pourrait-il recommander un couvre-feu, c’est-à-dire d’interdire de toute sortie un individu et de garantir cette interdiction par un dispositif policier répressif ? Et comment, enfin, laisser aux scientifiques le soin de dire s’il faut réintégrer ou non des soignants qui n’ont violé aucune clause de leur contrat de travail ? Rappelons que la politique «zéro covid» qui a été ouvertement prônée par plusieurs scientifiques de renom suppose de reconfiner l’ensemble de la population à la moindre recrudescence épidémique. C’est ni plus ni moins la politique qui a été menée la première année de la pandémie, et qui revient à s’affranchir totalement de l’État de droit et à défendre l’idée d’un état d’urgence sanitaire permanent. Et ce que certains scientifiques appelaient «mesures de freinage» étaient en réalité des mesures qui, dans une certaine mesure, portaient atteinte à l’Etat de droit.

La sobriété au service de la santé

La sobriété au service de la santé

Par Pierre Vladimir Ennezat, Médecin des hôpitaux, Groupes hospitaliers universitaires Henri Mondor AP-HP, Créteil ( La Tribune)

 « Notre confort de vie basé sur une utilisation massive de l’énergie fait le lit des maladies de notre civilisation ».

 

 

La prestigieuse revue américaine d’épidémiologie American Journal of Epidemiology publiait, en 2007 les bénéfices du blocus économique imposé par les Etats-Unis sur la santé des Cubains (doi: 10.1093/aje/kwm226). La conséquence la plus visible de l’embargo contre Cuba était la quasi-disparition des automobiles dans les rues de La Havane tout comme celle des bouteilles de Coca-Cola !

Entre 1980 et 2005, la proportion de sujets physiquement actifs augmentait de 30 à près de 70%, la prévalence de l’obésité déclinait de moitié. Les décès attribuables au diabète, à la maladie coronaire et aux AVC diminuaient de 51, 35 et 20% respectivement. La mortalité toute cause était réduite de près de 20%. Cette étude est passée inaperçue alors que ces gains thérapeutiques pourraient être enviés par de nombreux fabricants de médicaments. D’ailleurs l’accès aux médicaments était également restreint durant cette période de restriction imposée à Cuba.

Notre confort de vie basé sur une utilisation massive de l’énergie fait donc le lit des maladies de notre civilisation. Ces pathologies chroniques effectivement inondent notre système de soins. Les multiples solutions détaillées par Fred Vargas dans son ouvrage L’Humanité en péril, virons de bord, toute ! pourraient être enfin expérimentées afin d’anticiper les prochaines crises qui pourraient s’avérer durables et largement plus douloureuses. Des chercheurs du département d’épidémiologie et de nutrition de l’université d’Havard (doi: 10.1001/jama.292.12.1490) estiment par exemple que la correction de l’inactivité physique combinée à la lutte contre la malbouffe et à l’arrêt du tabac est capable de réduire la survenue de maladies coronaires, de cancers du colon et de diabète de plus de 70%. La pollution atmosphérique est également un puissant facteur de risque de maladies cardiovasculaires et respiratoires.

Par conséquent, la crise de l’approvisionnement énergétique, pourrait être une opportunité pour une utilisation accrue de la marche ou de la bicyclette et ce, au mieux, sans assistance électrique pour les courtes distances. Le stress très pathogène lié aux embouteillages serait ainsi supprimé. Les pouvoirs publics doivent bien sûr investir massivement dans les transports publics pour desservir les lieux d’habitation de façon régulière, fréquente et sécurisée sur tout le territoire.

Cette réduction de la consommation d’énergie pourrait également être imposée au secteur du tourisme afin de réduire les conséquences écologiques dévastatrices des paquebots de croisières, véritables villes flottantes, pouvant rejeter dans l’atmosphère et ce, en propulsion ou même dans les ports, l’équivalent de plusieurs centaines de milliers de véhicules pour répondre aux besoins de la climatisation, des casinos, cuisines, ascenseurs ou piscines.

On peut évoquer également l’énergie utilisée pour séjourner dans des hôtels-clubs dans lesquels l’eau potable coule en abondance dans des régions affectées par le stress hydrique et où les deux tiers de la nourriture passent dans les ordures alors que le tiers de l’humanité risque de revivre des famines. C’est aussi un effort de réflexion qui devrait être imposé aux stations de sport d’hiver devenues des usines d’altitude utilisant notamment des dizaines de dameuses de 9 à 12 tonnes, puissantes de 600 chevaux, sillonnant chaque nuit les domaines skiables afin de satisfaire les désirs des touristes.

Pour atteindre ces usines de montagne, c’est aussi des centaines de milliers de véhicules particuliers qui s’agglutinent chaque week-end d’hiver dans les vallées devenues inhabitables en raison des pics de pollution et des nuisances sonores. De même, les villes parfois récompensées avec les labels « fleuries », « vertes» ou « propres » n’améliorent probablement pas la santé des riverains et surtout de leurs employés équipés comme des fantassins de casques et de moteurs bruyants et polluants pour pousser nos feuilles d’automne ou divers déchets alors que le balai d’antan le faisait silencieusement et plus sainement.

L’État doit également remettre sur la table le problème des marchandises transportées par les millions de poids lourds qui embouteillent nos routes chaque année, qui souvent ne font que traverser l’Hexagone et consomment plus de 30 litres de gazole aux 100 kilomètres. Ou encore, il est affligeant de constater toujours l’existence de réfrigérateurs ou congélateurs sans portes dans les commerces. C’est donc un profond remaniement de nos habitudes énergivores aussi bien au niveau individuel que collectif jusqu’à l’échelle des décisions politiques nationales et locales qui est nécessaire pour affronter les restrictions futures et éviter de remettre en service les centrales à charbon qui aggraveront la pollution aux particules fines.

A l’instar de l’exemple cubain bien involontaire, la sobriété énergétique associée à une augmentation de l’activité physique et à une réduction de la pollution, pourrait améliorer l’état de santé psychique et physique de la population, et de facto, celui des services d’urgences et des soignants.

Santé–eau en bouteille: danger

Santé–eau en bouteille: danger 

 

 

 

Le commerce de l’eau en  bouteille est évidemment un contresens écologique mais aussi économique. C’est aussi un danger sanitaire que 80 % des bouteilles contiendraient des micros plastiques. L’association Agir pour l’Environnement  vient de publier une étude intitulée «Nous buvons du plastique». Pour l’association, «le plastique génère des quantités astronomiques de microplastiques qui contaminent les écosystèmes et les corps humains. Le plastique ne se dégrade pas : il se fragmente en microdébris, en microplastiques.» Partant de ce constat, Agir pour l’Environnement a voulu vérifier si les principales eaux en bouteille vendues en France étaient impactées. Vittel, Cristalline, Evian, Volvic ou encore Perrier sont ainsi concernés. ( info du Figaro)

 

Conclusion, 78% des eaux testées contiennent des microplastiques. Pour la Vittel Kids de 33 cl, indique l’enquête, leur nombre atteint même 121 microparticules par litre. Si l’association considère que l’origine principale de ces contaminations pourrait être industrielle, «les sources de microplastiques ne sont pas encore bien élucidées». Elles proviendraient ainsi de la «dégradation de l’emballage» ou des «fragments qui se détachent du bouchon».

Ces microparticules sont aussi bien détectées dans les selles que dans le sang et peuvent aussi bien atteindre d’autres organes comme le cerveau, les poumons ou le placenta. L’association rappelle une des données essentielles du problème: «La pollution devient imperceptible, mais demeure bien réelle» et elle contamine «la biodiversité, le cycle de l’eau, les sols, la chaîne alimentaire et in fine nos organismes». Selon Agir pour l’Environnement, 8,3 milliards de tonnes de plastiques ont été produites depuis 1950. Dont la moitié ces quinze dernières années. «Nous en mangeons, nous en buvons et nous en respirons. Chaque semaine, nous en ingérons en moyenne 5 grammes, l’équivalent d’une carte de crédit», souligne l’étude.

«Le plastique provient de ressources fossiles, pétrole et gaz, qui subissent des transformations chimiques dangereuses pour fabriquer les polymères. (…) L’industrie du plastique contribue aussi fortement aux émissions de gaz à effet de serre (production, transport, incinération…)», poursuit Agir pour l’Environnement. L’occasion également de détailler ses propositions face à un recyclage qui est, selon l’association, trop faible. Cette dernière propose ainsi d’organiser une sortie du plastique d’ici 2030, d’interdire les plastiques à usage unique ou encore de refuser que le plastique soit en contact avec un aliment susceptible d’être chauffé.

Santé, alimentation et environnement: Quelle cohérence ?

Santé, alimentation et environnement: Quelle cohérence  ?

 

Plusieurs experts*s’interrogent  dans The Conversation  sur la cohérence entre santé, alimentation et environnement

 

Les acteurs des politiques publiques se disent conscients de l’urgence à lutter contre les pollutions, la perte de biodiversité, le changement climatique et contre les maladies chroniques liées à l’alimentation et à l’environnement. Les politiques propres à chaque ministère n’abordent cependant souvent qu’une facette de ces problèmes, très interdépendants.

Ces politiques en silo échouent souvent à atteindre les objectifs qu’elles se sont fixés ou génèrent des effets rebonds, c’est-à-dire des effets indésirables dans un autre domaine.

C’est pourquoi des politiques plus transversales, à l’image de ce qui est initié pour la planification écologique, devraient être renforcées, et étendues aux enjeux de santé. La coordination de ces différentes politiques est aussi à renforcer à l’échelle des territoires où il plus facile de mobiliser les différents acteurs du système alimentaire.Pilotée par le Ministère de la transition écologique, la stratégie nationale bas carbone comprend un volet agricole pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, augmenter la séquestration de carbone dans les sols et produire de l’énergie.

L’objectif fixé en 2015 était de diviser les émissions par deux pour 2050. Le Haut Conseil pour le climat alerte aujourd’hui sur le rythme de réduction insuffisant au vu des enjeux d’atténuation. Les recherches montrent que les bonnes pratiques agricoles ne suffiront pas à elles seules à atteindre les objectifs ; il faudrait par exemple réduire d’environ 50 % la consommation de viande, ce qui nécessiterait un redimensionnement de l’élevage.

Depuis peu, les agriculteurs se saisissent du label « bas carbone » pour stocker du carbone dans les sols moyennant rétribution. Sachant que pour aboutir à de la matière organique stable encapsulant ce carbone il faut apporter 100 g d’azote par kg de carbone, cet apport d’azote devrait provenir des légumineuses plutôt que des engrais de synthèse dont la fabrication nécessite du gaz naturel et contribue à d’importantes émissions de protoxyde d’azote dans l’atmosphère.

Par ailleurs, la méthanisation alimentée par des déjections animales risque de créer un appel à plus d’élevage, maintenant l’objectif productiviste de l’agriculture.

Pour éviter ces déviances, il faut donc concevoir une politique répondant conjointement aux trois objectifs : production alimentaire et énergie, séquestration de carbone.

Le programme national nutrition santé recommande aujourd’hui de consommer plus de légumineuses, de fruits et légumes, si possible bio, et moins de viande (limitée à 500 grammes de viande rouge et 150 grammes de charcuteries/semaine).

Tout en respectant [la recommandation de 1 gramme de protéines par kg de poids corporel pour un adulte] sédentaire (contre 1,4 d’après les études INCAs), il est possible de diviser en moyenne par deux la quantité de viande consommée, voire plus en ne consommant qu’un tiers de protéines animales grâce à une plus grande végétalisation de l’assiette.

Les ministères concernés doivent l’encourager pour la santé des consommateurs et de l’environnement, tout en accompagnant la transformation requise des filières.

Consommer des légumineuses deux fois par semaine nécessiterait, par exemple, de quintupler leur surface cultivée ! Or le ministère de l’Agriculture ne précise pas comment libérer ces surfaces, alors même qu’il veut réduire les importations de tourteaux de soja américain. Or, sans réduction préalable de l’élevage et sans réattribution des terres à la culture de légumineuses, il est impossible de répondre aux enjeux de santé et de climat.

Soulignons que notre consommation de fruits et légumes frais est en grande partie importée – à 31 % pour les légumes et 60 % pour les fruits. Pour les noix, par exemple, décupler les surfaces couvrirait à peine plus de 50 % des besoins théoriques des Français en fruits à coque. La production de fruits et légumes doit donc être bien plus soutenue qu’elle ne l’est par les politiques publiques (0,11 %) de la PAC.

Le programme national nutrition santé encourage aussi la consommation de céréales complètes bio pour leur apport en fibres et leur qualité sanitaire, mais nous en importons déjà 75 000 tonnes alors que 90 % des Français ne consomment pas suffisamment de fibres et d’antioxydants.

Il est dès lors évident que la proposition du gouvernement de soutenir dans un premier temps l’agriculture biologique (AB) et la certification haute valeur environnementale (HVE) au même niveau témoigne du manque d’ambition pour une forte transition agroécologique comme le souligne la Commission européenne dans un récent avis.

En effet, l’HVE réduit bien moins l’exposition aux pesticides. D’autre part, il est prévu de supprimer les aides au maintien de l’agriculture biologique.

Enfin, les programmes actuels de financement de la recherche poussent à investir sur l’ultra-transformation des protéines végétales, au lieu de favoriser la transformation sobre des graines entières.

Mais cette ultra-transformation (cause) – associée le plus souvent à de l’« ultra-formulation » (effet) pour corriger la dégradation excessive des matrices alimentaires d’origine (ajout de nombreux agents cosmétiques type arômes, modificateurs de goûts, texturants, colorants…) – s’accompagne de risques accrus de maladies chroniques.

Les différents plans Ecophyto (2015, 2018, 2020) ne sont pas parvenus à leur objectif de diviser par deux l’utilisation des pesticides malgré un soutien financier conséquent.

Les efforts ont porté sur l’amélioration de l’efficience (le bon produit, au bon moment, à la bonne dose) ou la substitution (remplacer un pesticide de synthèse par un produit de biocontrôle), et non sur une reconception des systèmes permettant une diversification des cultures et de notre alimentation.

Pour renforcer la protection des cultures par les « ennemis » naturels, la recherche souligne la nécessité de combiner plusieurs leviers : diversité des espèces cultivées, des sols en bonne santé, des surfaces des parcelles réduites et 20 % d’infrastructures paysagères… Or ces leviers sont encore peu pris en compte dans les politiques agricoles.

En outre, les normes actuelles sur les limites maximales de résidus de pesticides ne suffisent pas : leur danger pour notre santé provient des effets cocktails qui sont plus qu’additifs, ainsi que des effets non considérés sur notre microbiote intestinal.

Malgré les politiques dédiées depuis 1991, les émissions d’azote dans l’environnement (nappes phréatiques autant qu’eaux de surface) restent à un niveau critique.

Entre 2000 et 2018, le nombre de captages abandonnés pour cause de pollution a doublé. Repenser la place de l’élevage et des légumineuses est urgent : pour produire 100 g de protéines, les pertes d’azote sont de 250 g pour le bœuf contre 4,5 g pour les légumineuses !

Le ministère de la Santé ne prend pas certaines mesures essentielles pour atteindre ses propres objectifs. Le 4e programme national nutrition santé propose de réduire de 20 % la consommation d’aliments ultra-transformés (35 % des calories chez les adultes et 46 % chez les enfants), mais le NutriScore, pilier des politiques de santé censé accompagner le consommateur dans ses choix, ne tient pas compte de cette caractéristique en premier choix, alors que 57 % des produits industriels notés A et B sont des aliments ultra-transformés.

Autrement dit, les objectifs de santé publique ne peuvent être atteints.

Par ailleurs, l’objectif de l’affichage environnemental en cours d’élaboration est louable : sensibiliser les consommateurs aux impacts environnementaux de leur alimentation, notamment la consommation trop élevée de protéines animales. Mais des divergences existent selon le modèle de production.

Ainsi, un modèle agroécologique s’affranchissant au maximum des intrants conduira à favoriser un élevage à l’herbe, cohérent avec les enjeux environnementaux, alors qu’un modèle basé sur les technologies de la robotique, du numérique et de la génétique favorise des animaux élevés en bâtiment.

Ces politiques publiques « en silos », sectorielles (agriculture, alimentation, environnement, santé) et réductionnistes, ne permettent donc pas structurellement de relever les défis sanitaires et environnementaux : elles ne les traitent chacune qu’en partie et génèrent des effets rebond.

L’excès d’utilisation d’azote, de pesticides, de consommation de viande et d’aliments ultra-transformés, entraîne des coûts cachés non payés directement par le consommateur : pour 1 euro dépensé en alimentation, la société doit en dépenser presque 2 pour réparer la santé et l’environnement

Pour la nécessaire refonte de notre système alimentaire, il faut donc dépasser les outils classiques d’action publique (subventions et taxes, normes et étiquetages) en les coordonnant au sein d’un pôle composé par ces quatre domaines d’action.

Pour cela, seules des politiques territorialisées permettront de décliner les ambitions nationales pour tenir compte à la fois des spécificités des territoires (sol, climat, entreprises…) et faciliter la concertation entre la société civile et les acteurs économiques. En ce sens, les projets alimentaires territoriaux constitueraient une échelle d’action privilégiée.

*auteurs

  1. Michel Duru

Directeur de recherche, UMR AGIR (Agroécologie, innovations et territoires), Inrae

  1. Anthony Fardet

Chargé de recherche, UMR 1019 – Unité de Nutrition humaine, Université de Clermont-Auvergne, Inrae

  1. Jean-Pierre Sarthou

Professeur INP-ENSAT en agronomie et agroécologie, Inrae

  1. Marie-Benoît Magrini

Économiste, Inrae

Santé : pour une formation plus adaptée au monde contemporain

Santé : pour une formation plus adaptée au monde contemporain

 

La formation privilégie une approche individualiste alors qu’une prise en charge réussie des patients nécessite aujourd’hui de savoir identifier ses faiblesses et de miser sur le groupe, regrettent dans une tribune au « Monde » des médecins de l’association Facteurs humains en santé.(dans le Monde)

 

tribune 

 

En avril 2022, des étudiants d’AgroParisTech proclament lors de la remise des diplômes : « Nous sommes plusieurs à ne pas vouloir faire mine d’être fiers et méritants d’obtenir ce diplôme à l’issue d’une formation qui pousse globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours. »

Début juin, ils sont suivis par une étudiante de HEC qui déclare ressentir un « profond malaise » en comprenant que les métiers auxquels mènent ces études sont « la principale cause » de l’effondrement environnemental. Puis c’est au tour d’étudiants de Sciences Po, de l’Ecole normale supérieure de Paris ou de l’École Polytechnique de prendre la parole.

 

Tous regrettent que leurs études ne soient pas plus adaptées au monde actuel, anticipant le monde de demain. Tous regrettent d’être promis à un métier qui ne correspond pas au sens qu’ils veulent donner à leur vie. Ces prises de parole publiques reflètent un tournant auquel l’ensemble du corps enseignant se doit de réfléchir.

Si ce mouvement s’amorce au sein de ces grandes écoles, on peut s’interroger sur son probable développement en médecine. Aujourd’hui, les étudiants en médecine peinent à se mobiliser, alors qu’ils ont de nombreuses raisons de le faire. Ils évoluent au sein d’un système de santé à bout de souffle. Leur formation est longue et éreintante, et leur souffrance est de plus en plus visible.

Selon l’intersyndicale des internes, on compte dans cette catégorie d’étudiants un suicide tous les 18 jours. Certaines universités introduisent de nouvelles disciplines comme l’informatique, l’éthique ou la philosophie. La simulation en santé connaît un fort développement. Mais les apprentissages proposés durant le cursus initial restent globalement peu diversifiés tant sur le fond que sur la forme.

L’étude du fonctionnement organisationnel et humain nous apprend pourtant à identifier la normalisation de la déviance. Ce phénomène intervient quand les acteurs d’une organisation, tellement habitués à des comportements déviants, ne les considèrent plus comme tels. Triste justification de cette normalisation, il est fréquent de s’entendre dire : « On a toujours fait comme ça. » Il faut pourtant changer de cap.

Si un fonctionnement dégradé provoque une diminution de la qualité du soin, on occulte aussi souvent l’impact qu’il peut avoir chez les soignants et les étudiants en santé. En effet, ils expriment une perte de sens et se trouvent en décalage avec l’image qu’ils avaient de leur métier. Cette distorsion est une source de souffrance.

Santé: l’indispensable soutien de la filière industrielle

L’impératif de relocalisation de la production de médicaments en France mis en lumière par la crise Covid a propulsé la sous-traitance pharmaceutique au rang d’activité stratégique, au cœur des enjeux de sécurité et de souveraineté sanitaires. Par Christophe Durand, Président de Cenexi (dans la Tribune)

 

Alors que la France ambitionne de devenir la première nation européenne innovante et souveraine en matière de santé, il est indispensable de capitaliser sur cette prise de conscience collective pour soutenir les vocations, les carrières et au final le développement de la filière industrielle de santé sur le territoire français.

Depuis la fin des années 1990, la France s’est détournée de son industrie qui a fait figure de parent pauvre dans les politiques publiques économiques mises en œuvre. Dans La désindustrialisation de la France, publié en juin 2022, Nicolas Dufourcq, directeur général de BPI dresse un constat sans appel. Entre 1995 et 2015, la France a perdu le tiers de son emploi industriel. Plusieurs millions de postes disparus, avec en toile de fond un risque pesant sur l’expertise et les compétences de l’industrie à la française.

L’industrie pharmaceutique a largement fait les frais de cette tendance de fond et une grande partie de la production de médicaments a été délocalisée au cours des dernières années dans d’autres pays. La pyramide des âges est vieillissante et tous les acteurs de la filière peinent à recruter. En début d’année, 11% des offres d’emploi du secteur n’étaient pas pourvues, principalement dans les domaines de la R&D et de la qualité tandis que seuls 28% des jeunes interrogés par Ipsos pour le LEEM se verraient travailler pour les entreprises du médicament.

Alors que les technologies industrielles n’ont jamais autant évolué, appelant un renouvellement partiel des compétences au sein des usines, le recrutement de nouveaux talents est devenu une donnée fondamentale pour maintenir la compétitivité et le niveau de qualité des sites français, tout en adaptant les qualifications aux métiers qui émergent.

Pour consolider une filière industrielle de santé en France, et in fine servir au mieux les patients, il est donc de notre responsabilité de mieux en valoriser les métiers. Ceci passera par un travail main dans la main de tous les acteurs impliqués : pouvoirs publics, laboratoires pharmaceutiques, biotechs, start-ups et bien sûr sous-traitants. Ensemble, nous devrons dans les mois à venir tout mettre en œuvre pour :

  • soutenir l’activité des façonniers, maillon crucial dans la relocalisation de la production des médicaments en France et favoriser leur développement en travaillant sur l’attractivité des bassins d’emplois où ils sont implantés
  • mieux faire connaître les parcours, la diversité et la richesse des métiers ainsi que les opportunités, actuelles et futures, dans un secteur qui peut s’adresser à tous, quel que soit le niveau de qualification, de l’agent de production au pharmacien responsable
  • adapter les formations initiales et continues aux profondes mutations de la production chimique et biologique
  • recréer les conditions de la confiance à l’égard d’une industrie, porteuse de bien commun pour mettre sur le marché au plus vite les innovations qui permettront de prévenir les maladies et de traiter les patients

Toutes les forces de la filière doivent être tendues en ce sens, avec pour ambition finale de booster la production de médicaments en France et hisser le pays comme terre d’innovation et d’industrie en santé au service des patients.

 

Santé-former les médecins spécialistes africains……en Afrique

  Santé-former les médecins spécialistes africains……en Afrique 

 

Stéphan Bretones, du centre hospitalier Saint-Joseph-Saint-Luc de Lyon, et Kora Tushune, de l’université éthiopienne de Jimma, appellent à repenser les projets de collaboration Nord-Sud.

 

Tribune.

 

Les collaborations Nord-Sud en médecine ne sont pas cantonnées aux missions humanitaires sur fond de guerre ou de catastrophes naturelles. Des échanges féconds existent de longue date dans le domaine de l’enseignement. En Afrique, il existe des universités de médecine dans la plupart des pays. On y forme des généralistes et des spécialistes, et si toutes les spécialités ne sont pas enseignées dans tous les établissements, elles sont accessibles ailleurs sur le continent, pour peu que l’on soit disposé à voyager.

Il en va différemment des surspécialités, qui concernent soit des compétences très pointues, soit des spécialités d’un seul organe à l’intérieur d’une même spécialité. Leur enseignement s’organise depuis de nombreuses années dans les systèmes de santé du Nord, mais manque cruellement au Sud. Il arrive donc que des universités africaines fassent appel à des homologues occidentaux pour des cours, des présentations ou des démonstrations opératoires, mais, le plus souvent, ces formations ont lieu en Europe ou aux Etats-Unis. Des déplacements qui sont coûteux pour les intéressés et peu rentables.

 

D’abord parce que beaucoup d’étudiants finissent par rester à l’étranger pour pallier les pénuries locales de personnel, ce qui prive les Etats africains d’enseignants dont les Etats ont besoin pour que leurs systèmes de santé évoluent. Ensuite parce que les médecins africains formés en Occident ne disposent pas toujours, dans leur pays d’origine, des technologies qu’ils ont appris à utiliser au Nord, ce qui peut poser problème dans leur pratique.

Nous pensons qu’il est préférable et surtout plus utile de former les futurs spécialistes africains en Afrique. Pour y parvenir, des projets de collaboration Nord-Sud respectueux de chacun et qui fonctionnent dans la durée sont possibles, comme en témoigne le partenariat entre le centre hospitalier Saint-Joseph-Saint-Luc de Lyon, les Hospices civils de Lyon et l’université de Jimma, en Ethiopie.

C’est l’université qui a sollicité, en 2016, l’équipe lyonnaise pour mettre en place une formation d’urogynécologie. Cette équipe, comprenant un professeur des universités et deux chirurgiens gynécologues, s’est engagée à assurer une formation sur place une semaine tous les deux mois pendant deux ans. Ces trois gynécologues ont permis d’assurer une formation théorique et pratique qui s’est soldée par une remise de diplômes d’urogynécologie de l’université de Jimma à cinq gynécologues obstétriciens éthiopiens.

 

Depuis, deux promotions ont été formées par les diplômés et une troisième est en cours. Aujourd’hui, le projet s’étend dans le pays puisqu’un nouvel enseignement d’urogynécologie s’ouvre prochainement dans la capitale, Addis-Abeba. Ce succès est lié en grande partie à l’engagement des acteurs locaux, mais aussi à l’entente entre les membres des équipes du Nord et du Sud. D’autres formations sont en cours à Jimma selon le même modèle. Chacun de ces enseignements fait suite à une demande de l’équipe médicale locale appuyée par l’université de Jimma.

Pour tous ces projets, il est important de souligner que l’université et son vice-président se sont engagés au niveau financier. Cela leur a permis de rester maîtres à bord et d’avoir un certain degré d’exigence sur le déroulement des formations. Trop de projets de collaboration dans le domaine de la santé prennent fin quand les fonds se tarissent. L’engagement des Etats africains et de leurs universités dans le financement de surspécialités est donc un point à ne pas négliger dans le futur.

Si la collaboration entre Lyon et Jimma a été fructueuse, c’est aussi parce que les équipes occidentales se sont impliquées sur le long terme, avec des professionnels aux profils variés. L’enseignement universitaire diplômant requiert bien évidemment le concours de professeurs d’universités pour assurer la partie théorique. Mais la formation des spécialistes passe aussi par le compagnonnage et l’apprentissage auprès des pairs. Dans les hôpitaux du Nord, c’est auprès de praticiens hospitaliers des services publics et privés que les futurs spécialistes sont formés.

Les universitaires sont peu nombreux et souvent trop occupés pour pouvoir s’engager seuls dans des programmes de formation à l’étranger. Les médecins non universitaires sont beaucoup plus nombreux, parfois plus jeunes, et souvent très motivés pour donner de leur temps dans des projets de partage de compétences. La mobilité des étudiants et de leurs professeurs français a permis de combiner de manière équilibrée l’observation au Nord avec une formation pratique et concrète au Sud. Ce point est important pour optimiser l’apprentissage, car la seule observation, tel que c’est le cas pour la plupart des médecins africains lorsqu’ils viennent apprendre une surspécialité au Nord, ne donne pas les compétences requises et forme les résidents en dehors du contexte dans lequel ils travaillent.

 

Si la France veut jouer un rôle dans le transfert de compétences du Nord vers le Sud, il faudrait dès à présent mettre en commun les forces vives du ministère de la santé et du ministère de l’enseignement supérieur, en collaboration avec le ministère des affaires étrangères, afin de construire les enseignements diplômants souhaités par les pays du Sud. Il faut pouvoir utiliser les compétences et envies de chacun pour permettre la formation de ceux qui donneront au pays ses spécialistes et surspécialistes.

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