Salauds de patrons (Geoffroy Roux de Bézieux)
Un extrait d’un livre, au titre provocateur du nouveau patron du Medef sur les golden parachute qui choquent régulièrement l’opinion. Reste à savoir si ce livre aura inspiré les grands patrons dans leur pratique !
« Ce que les dérapages récents ont remis en cause, ce n’est pas seulement la prise de risque ou le montant des options. Bien sûr, je partage l’indignation des uns et l’écœurement des autres face à ces comportements cupides, et comme la très grande majorité des chefs d’entreprise, je suis l’une des victimes collatérales de ces affaires. Mais ce ne sont pas les montants, à quelques exceptions près, qui sont choquants, non c’est l’absence de partage. Je suis écœuré avant tout par la dérive monarchique de certains patrons qui s’octroient plus du tiers de la totalité des stock-options attribuées et plus de la moitié de celles réserves au comité de direction.
« Le patron, surtout dans un rôle de manager salarié, devrait être primus inter pares (premier parmi les égaux) au sein de son équipe de direction, celui sur qui repose la décision finale mais qui travaille avec ses collaborateurs. Selon cette conception du management, il ne peut accaparer une trop grande part des stock-options ou du bonus annuel, car les systèmes d’incentive mis en place le sont pour l’ensemble du management et, plus largement, des collaborateurs.
«Après les stock-options, ce sont les “golden parachutes” et “retraites chapeaux” qui se sont retrouvés dans le collimateur des médias et de l’opinion. C’est très simple à comprendre : le Français moyen fait immédiatement la comparaison avec son propre sort, sa retraite menacée, et surtout ses indemnités en cas de licenciement.
. « En raison de ces conséquences sur l’opinion, mais aussi pour des raisons de morale, je suis contre l’attribution de parachutes dorés ou de retraites complémentaires, hors bien sûr une indemnité contractuelle pour remplacer l’absence d’Assedic pour les mandataires sociaux. Autant un patron qui développe un grand groupe doit pouvoir être très bien payé, autant, s’il part, de son fait ou contre son gré, il n’a pas à toucher des sommes faramineuses comme celles qui défrayent la chronique. Notons d’ailleurs que de nombreux patrons partent en fin de carrière sans passer par la case “golden parachute”. Il y a un vieil adage de droit qui dit : “Là où est le risque, là doit être le profit.” C’est bien tout le débat : on ne peut pas faire croire aux Français, actionnaires ou non, que plusieurs dizaines de millions d’euros d’indemnités de départ correspondent à une juste rémunération du risque.
« Un dernier point me paraît indispensable, c’est la transparence. Nous vivons à l’ère de la transparence dans tous les domaines de la société et rien n’est pire que de cacher les choses. “Pour vivre heureux, vivons cachés”, a longtemps été la devise du patronat français ; cela n’est plus tenable aujourd’hui. A chaque nouvelle affaire de salaires ou de “golden parachutes” patronaux, j’ai le choix entre deux attitudes : soit ne rien dire et laisser les médias se déchaîner, soit intervenir, non pas dans le détail de l’affaire, mais sur les principes généraux énoncés plus haut, au risque de me faire accuser par les pairs de jeter de l’huile sur le feu. Je continue à croire que la première attitude qui a longtemps prévalu est suicidaire.»
Geoffroy Roux de Bézieux, président du Medef depuis le 3 juillet dernier, Salauds de patrons (Hachette, avril 2007).