Archive pour le Tag 'RSE ?'

La RSE: Pas seulement des discours, aussi des actes

La RSE: Pas seulement des discours, aussi des actes

 

Les discours mettant en lumière le « vide » des politiques de responsabilité sociale et environnementale (RSE) cachent les véritables avancées qui ont lieu dans les entreprises, estime Pierre-Yves Gomez, professeur à l’EM Lyon, dans sa chronique au « Monde ».

 

 

Gouvernance. En 2021, la part de la finance spécialisée dans les investissements « verts » dépassera 30 % des encours mondiaux. L’épargne est ainsi dirigée vers les placements ayant un impact sur l’environnement et, plus généralement, vers la transformation écologique, sociale et politique des entreprises.

La réorientation sélective des investissements est un phénomène si massif qu’elle fait craindre la formation d’une bulle spéculative : en effet, les attentes de retours sur ces financements sont survalorisées, et accentuées par une communication excessivement flatteuse sur les engagements des entreprises… par rapport à leurs pratiques réelles.

Sans discuter, ici, du risque de bulle qui menace de manière cyclique un capitalisme devenu structurellement spéculatif, on peut s’arrêter sur la question du blanchiment des résultats (« greenwashing » ou « socialwashing »). Elle est invoquée depuis longtemps pour mettre en doute la sincérité des entreprises qui se livrent à des politiques de responsabilité sociale et environnementale (RSE), et mérite, de ce fait, une attention particulière.

Des collaborateurs engagés, voire militants

Il est certain que toute communication sur la RSE cherche à se faire entendre dans le grand récit écologiste, qui se nourrit, d’une part, de la dégradation objective de l’environnement et du climat due aux activités industrielles et, d’autre part, du besoin de nos sociétés menacées d’implosion de se découvrir un destin collectif dans le salut de la planète. Comme elle est une partie prenante de la société, chaque entreprise cherche à montrer qu’elle alimente ce discours vertueux. De la même manière que la dénonciation du blanchiment des résultats par les activistes qui se donnent la charge de préserver la pureté idéale du récit écologique nourrit celui-ci.

Mais il serait naïf d’en rester là, comme si les promesses des « grands discours » étaient nécessairement des paravents masquant le vide des pratiques. Dans la réalité, la RSE est assumée par des collaborateurs (et, parfois, des dirigeants) engagés, voire militants.

Ils dessinent des trajectoires de rupture, même à des échelles modestes ; ils déploient des tactiques, des savoirs et des savoir-faire soutenus par d’autres acteurs de la RSE ; ils trouvent des ruses pour contourner les contraintes économiques, les résistances aux conservatismes et les discours purement opportunistes. Ils participent donc aussi au grand récit global mais en produisant une activité quotidienne qui, comme l’a montré Michel de Certeau (L’Invention du quotidien, Union générale d’éditions, 1980), est un discours par les actes.

RSE: des différences d’approche entre la France et l’Allemagne

RSE: des différences d’approche entre la France et l’Allemagne

 

« Le législateur allemand fixe des limites à la responsabilité sociale d’une entreprise vis-à-vis d’entités juridiques dont elle n’a pas le contrôle »(Tribune dans l’Opinion)

 

Noëlle Lenoir, est avocate, ancienne membre du Conseil constitutionnel.

 

 

Quatre ans après la loi française de 2017, voilà que l’Allemagne adopte à son tour une loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et donneuses d’ordre. Le but est d’obliger les entreprises à veiller, partout où elles opèrent, à ce que leurs filiales et leur chaîne de sous-traitance respectent les droits de l’homme et la protection de l’environnement. Cette législation est bienvenue. On ne peut admettre que des sociétés profitent des défaillances de certains pays pour fermer les yeux sur des pratiques gravement contraires à nos valeurs. Toutefois, à l’impossible nul n’est tenu, notamment lorsqu’il s’agit de surveiller des dizaines de milliers de fournisseurs éparpillés aux quatre coins de la planète. Le législateur allemand l’a compris en fixant des limites à la responsabilité sociale d’une entreprise vis-à-vis d’entités juridiques dont elle n’a pas le contrôle. Il en résulte un fort contraste dans la conception du devoir de vigilance de part et d’autre du Rhin.

Diligence raisonnable. Certes, comme la loi française, la loi allemande impose aux entreprises de publier un rapport annuel de « diligence raisonnable » (« plan de vigilance » dans la loi française) comportant l’identification des risques d’atteinte aux droits de l’homme et à l’environnement, les mesures devant les prévenir ainsi que la façon dont l’entreprise traitera les signalements en cas d’alerte professionnelle. Le rapport contiendra aussi l’évaluation de l’efficacité des mesures de vigilance et précisera s’il y a de nouvelles mesures à mettre en place. La publication de ce rapport n’obligera pas à révéler des secrets d’affaires, ce que le Conseil constitutionnel avait relevé en jugeant que la publication du plan de vigilance « n’impose pas aux sociétés… de rendre publiques des informations relatives à leur stratégie industrielle ou commerciale ».

« La loi française, elle, permet à toute ONG, sans condition d’antériorité, d’ester en justice pour compte propre pour défendre ses intérêts sociaux »

Pour le reste, les choix du législateur allemand diffèrent sensiblement de ceux de la France. D’abord pas question en Allemagne de s’en remettre à la soft law. La loi énumère strictement les règles nationales et internationales dont la violation est sanctionnée au titre du devoir de vigilance, dont en particulier l’interdiction du travail des enfants et de toute forme d’esclavage. En matière d’environnement, la loi renvoie aux obligations découlant de trois conventions internationales sur les polluants de longue durée, les émissions de mercure et le transport de déchets dangereux. Elle vise la violation des lois sur la préservation des sols, des forêts et de l’eau, mais uniquement en lien avec la protection de la santé humaine.

Deuxième différence : le devoir de vigilance ne portera en principe que sur les fournisseurs de premier rang, alors que les contours du périmètre de vigilance sont beaucoup plus vagues dans la loi française.

Activisme judiciaire. En outre, syndicats et ONG ne pourront agir en justice qu’au nom et sur mandat d’une victime dont les droits protégés par la loi auraient été violés, sous réserve qu’ils ne soient pas créés pour la circonstance et n’aient pas d’activité commerciale ; alors que loi française, elle, permet à toute ONG, sans condition d’antériorité, d’ester en justice pour compte propre pour défendre ses intérêts sociaux.

Enfin et surtout, la loi allemande exclut toute mise en jeu de la responsabilité civile de la société sur son fondement. Les manquements à la vigilance seront punis par une autorité administrative — le Bureau Fédéral de l’Economie et du Contrôle des Exportations (Bafa) — d’une amende qui, si elle est validée par un juge, pourra être assortie de l’exclusion des marchés publics. Si les sociétés françaises peuvent être attraites devant un juge pour se voir enjoindre de réviser leur stratégie de vigilance, ce pouvoir d’injonction en Allemagne sera réservé au Bafa.

L’adoption prévue pour 2022 d’une directive européenne sur le devoir de vigilance n’évitera pas la différence de traitement entre entreprises françaises et allemandes. En effet, la directive en préparation laisserait aux Etats membres le soin de décider du régime de responsabilité civile applicable ou non pour manquement à la vigilance, les entreprises françaises restant ainsi soumises à un activisme judiciaire que la loi allemande devrait épargner aux secondes.

Noëlle Lenoir est avocate, ancienne membre du Conseil constitutionnel.

Bruno Le Maire se convertit à la RSE

Bruno Le Maire se convertit à la RSE

 

 

A son tour, Bruno Lemaire le ministre de l’économie semble se convertir à la RSE dans une interview à la Tribune. Une conversion tardive mais bienvenue quand même … si elle est réelle!

 

Interview

 

Nous célébrons ce 22 mai les deux ans de la loi Pacte, le Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises que vous avez porté, et qui a créé notamment le statut d’entreprise à mission. Avez-vous le sentiment d’avoir eu, avec cette loi, une idée qui vient à son heure, alors que les dirigeants n’ont que le mot RSE en tête en sortie de crise Covid ?

C’est une idée venue un peu avant l’heure et qui a été confirmée par la pandémie. A la sortie de cette crise, tous nos compatriotes aspirent à un nouveau capitalisme, qui ait du sens, qui lutte contre les inégalités et ne se fasse pas au détriment de la planète. C’était les objectifs de la loi Pacte. Le bilan est positif : 166 sociétés à mission ont été créées. Avec Jean-Dominique Senard et Nicole Notat, auteurs du rapport « l’entreprise et l’intérêt général », nous avons eu l’intuition que le capitalisme devait changer d’orientation. Le profit pour le profit, les gens n’en veulent plus. La création de richesse au détriment de la planète est une impasse. Il faut inventer un autre capitalisme, qui n’épuise pas les ressources et garantisse l’égalité.

Comment parler de RSE, alors qu’à la sortie de la crise, pour beaucoup de salariés, cela risque surtout d’être le temps des PSE ?

Il faut penser les choses autrement.  Les salariés ne sont pas des adversaires de l’entreprise, ils apportent leurs propositions. Réduire les écarts de rémunération entre les salariés et les dirigeants, c’est créer de la cohésion et avoir une entreprise beaucoup plus performante, avec des salariés beaucoup plus engagés. Intéresser davantage les salariés aux résultats, c’est bon pour l’entreprise. Permettre aux salariés d’avoir plus d’importance dans les conseils d’administration, c’est bon pour l’entreprise.

Défendre l’égalité femmes/hommes, va améliorer la performance et la créativité des entreprises. Je soutiens la proposition de loi de la députée Marie-Pierre Rixain visant à avoir 30% de femmes dans les instances dirigeantes en 2027 et 40% en 2030. Il n’y aura pas d’opposition entre protection de l’environnement et réussite économique.

Ce capitalisme responsable ne peut pas être celui d’un seul pays. Est-ce à l’Europe d’en définir les règles ?

Durant la crise, l’Europe a été le seul continent qui a totalement protégé ses entreprises et ses salariés. Ce modèle de capitalisme qui respecte la personne humaine, les compétences, mais aussi le capital, qui a été accumulé à force de travail et qu’on n’a pas voulu voir disparaitre à cause de la crise du Covid est déjà un modèle européen. Il faut le traduire en normes. L’Europe est capable d’en imposer. C’est le cas avec la taxonomie verte, qui consiste à dire, voilà les investissements qu’il ne faut plus faire et ceux qu’il faut inciter.

Ce capitalisme risque de se heurter à la compétition mondiale si les grands fonds anglo-saxons nous imposent leurs règles et qu’elles ne sont pas aussi responsables que celles que nous voulons.

Il faut que nous arrivions à imposer nos propres règles. Arrêtons de sous-estimer ce que nous représentons. Nous sommes le continent le plus riche de la planète. Il ne faut pas que l’Europe ait peur de son ombre. Elle doit être capable d’imposer ses règles du jeu. John Kerry, l’envoyé spécial de Joe Biden pour le climat est venu en France et nous lui avons proposé de définir une taxonomie commune.

Il faudrait déjà se mettre d’accord sur cette taxonomie en Europe.

Il y a un point de divergence sur le nucléaire. Mais je suis convaincu que la raison va l’emporter. Que chacun va comprendre que le nucléaire est une énergie qui n’émet pas de CO2, qui est disponible de manière constante, que la France maitrise et qu’elle doit être comptabilisée comme une énergie propre. Mettons nous d’accord en Europe et ne fermons pas la porte à une taxonomie commune avec les Américains, qui sont nos alliés.

La finance cherche à sortir du charbon, sous la pression des activistes et des actionnaires. Mais beaucoup l’accuse de green washing et de ne pas aller assez loin ?

La bonne finance, verte, va chasser la finance grise. C’est déjà le cas, sous la pression des ONG, qui jouent un rôle important en nous critiquant et nous mettant sous tension pour nous faire progresser. Après, c’est à nous qui gouvernons d’arbitrer entre ce qui est possible ou pas. Concernant les actionnaires, si je devais choisir entre un fonds d’investissement qui mise sur la création de nouvelles centrales à charbon et un autre qui investit dans l’hydrogène, je choisirai plutôt le second. Une banque qui continuera à financer des usines à charbon, une entreprise qui ne ferait pas évoluer ses modes de production, pour être plus vertueuse, sont condamnées,… parce que les consommateurs, les clients ne voudront plus de leurs produits.

Que pensez-vous du terme « Big Reset », la « grande réinitialisation » du capitalisme, inventé par les fondateurs du forum de Davos ?

Plutôt que cet anglicisme, je préfère parler d’une réinvention du modèle économique, aussi importante que la révolution industrielle. Au XIXème siècle, les machines exploitaient la planète pour générer du profit. Cela a bien fonctionné durant un siècle. La nouvelle révolution industrielle du XXIème siècle est environnementale. Elle consiste à utiliser au mieux les ressources de la planète en les préservant, pour garantir notre bien commun. C’est un défi qui demande de nous réinventer totalement et la France a toutes les cartes pour jouer son rôle.

Les enjeux de la RSE

Les enjeux de la RSE

En réponse à la chronique de l’économiste Jean Marc Daniel («L’affaire Danone pose la question du sens de la RSE ») publiée dans Les Echos le 24 mars 2021, Patrick d’Humières, enseignant Sciences-Po (Sustainable business models), auteur de « la nature politique de l’entrepreneur » (éditions Michel de Meaule), fondateur d’Eco-Learn, revient sur les enjeux de l’économie du bien commun et de la « durabilité ».

Patrick d’Humières (*)

 

Comme épilogue à l’éviction de Emmanuel Faber, l’économiste Jean-Marc Daniel exprimait récemment  une interrogation très ironique sur l’utilité de la RSE en économie, laissant entendre que la bonne régulation publique de la concurrence et des taxes correctrices étaient préférables à des gestions d’entreprise qui tordent leurs objectifs d’optimisation de leur mission économique et financière…

Ce débat doctrinal sérieux court de longue date ; mais ce n’est pas l’embardée (provisoire), très particulière, de Danone, à laquelle chacun peut faire dire ce qu’il veut, qui peut remettre en cause une autre vision de l’économie politique qui s’affirme aujourd’hui, celle d’un optimum collectif visant « le bien commun ». Ou qui puisse remettre en selle la doxa classique d’une Ecole de Chicago néo-libérale qui s’est auto-condamnée par ses excès, et surtout ses incapacités à réguler les enjeux collectifs qui obèrent la poursuite du modèle de croissance post trente-glorieuses.

Et ce n’est pas parce que des patrons auraient entendu des voix « en Société » ou sont en réaction contre des mécanismes de marché qui les désavantagent, que « la RSE » est devenue un modèle mainstream dont les 5000 premières entreprises de la zone OCDE et au-delà, rendent compte aujourd’hui dans leur rapport de gestion !

Le mouvement est passé en vingt ans d’une communication réactive faisant suite aux critiques violentes des ONG, à une transformation volontaire des modèles de production et de répartition de la valeur, enseignée dans les grandes business schools, à la performance mesurée et reconnue, reposant sur des cadres normatifs internationaux.

Mais si on en était resté là, la critique de Jean-Marc Daniel s’imposerait, car il n’a pas suffit que les grandes entreprises prennent conscience de leurs impacts, négatifs et pas seulement positifs, pour qu’on sache gérer les risques climatiques et environnementaux, mais aussi sociaux et sociétaux et qu’on fasse basculer la mondialisation dans une « économie responsable ».

Le contexte actuel, décrit aussi bien par le forum de Davos que par Emmanuel Macron devant l’Organisation Internationale du Travail, est bien celui d’une mondialisation irresponsable qui favorise le dumping, les rentes monopolistiques, les délocalisations sans contrôle, l’exploitation des chaînes de valeur, l’accroissement des inégalités, l’opacité des gouvernances et par-dessus tout l’épuisement de la biosphère et son réchauffement angoissant. Ce sont là des risques systémiques, documentés par la science et partagés dans toutes les couches de la société, dont les auteurs sont à la fois les grands acteurs économiques qui les sous-estiment par convenance et les gouvernements qui laissent faire par impuissance ou par faiblesse. L’histoire récente démontre l’incapacité des logiques de marché à inverser le mouvement et des logiques politiques à réguler de façon efficace, condamnant définitivement l’efficience mythique de « la main invisible ».

C’est cette situation collective problématique, portée dans le débat depuis le choc pétrolier par le Rapport Meadows sur l’épuisement des ressources de la planète, qui a abouti à proposer dans les années 1970 un autre modèle de croissance, conciliant les démarches économiques, environnementales et sociales, qu’on a dénommé le développement durable car chargé de prendre en compte les intérêts des générations à venir. Ce saut anthropologique – on n’avait jamais jusqu’ici dans l’Histoire pensé notre modèle optimum de croissance – a été consacré en 2015, parallèlement à l’Accord de Paris, autour des 17 Objectifs du Développement Durable (ODD), endossés par les Etats et applicables désormais aux entreprises, à tel point qu’on ne parle plus vraiment de RSE mais bien de « durabilité » afin de remettre en cohérence la création de valeur, durable, avec les capacités de la planète et nos valeurs communes, remises au-dessus de l’économie.

La sphère financière ne s’y est pas trompée ; on rappellera à ceux qui n’ont pas perçu ce sens de la RSE qui est d’insérer la micro-économie d’entreprise dans une macro-économie durable et responsable où chacun à son niveau et de façon concertée si possible, prend en charge les impacts qui sont les siens, que ce sont les « investisseurs éclairés », les fonds de long terme, le private equity et la gestion d’actifs qui structurent le mouvement, imposent des référentiels, créent des indices de marché et notent les entreprises en fonction de leur performance extra-financière pour savoir où investir ou non…

Cette finance durable très active, en France notamment, tire le tissu économique dans une mutation vertueuse en faveur de l’économie décarbonée, mais aussi loyale, équitable, accessible, qui conduit les entreprises à devoir démontrer qu’elles peuvent créer de la valeur de plus en plus durable, en innovant et en retirant de leur activité la valeur non durable également, quitte à devoir plaider devant leurs actionnaires des rendements moins attractifs à court terme ! Pour réussir toutefois, cette mutation a besoin d’un contexte « d’économie responsable » car elle ne peut reposer sur les seuls actionnaires et en réalité sur les salariés, les clients étant protégés par les délocalisations et un contexte qui ne facture pas les externalités environnementales.

S’il s’agit « au nom de la RSE », c’est-à-dire de la durabilité des modèles, de faire reposer le coût de la mutation sur les acteurs individuels, indifféremment de leurs efforts propres – on contraint Total mais pas Gazprom sur le même champ commercial ! -, cette durabilité se fera au détriment de la compétitivité, du moins tant que l’UE n’aura pas mise en application sa nouvelle doctrine commerciale, la réforme de l’OMC et celle des parités des monnaies etc, etc…Il n’y a donc d’avenir pour une RSE plus que jamais au service d’une durabilité indispensable des modèles d’entreprise, que dans un cadre d’économie responsable qu’il convient de bâtir urgemment à partir de la zone commerciale européenne, en jouant de l’extra-territorialité que cela implique, autour d’une transparence comparable des performances des acteurs, et en disposant d’une incitation pour récompenser ceux qui agissent pour le bien commun, au détriment de ceux qui ne font rien, qui ne peut se trouver aisément que dans l’impôt. Au moment où on cherche à faire évoluer à la baisse l’impôt sur les sociétés, pour des bonnes raisons d’uniformisation des règles, ne devrait-on pas réserver la disposition aux groupes qui agissent pour le climat, la biodiversité, le bien être de leurs salariés, l’économie locale, critères simples de responsabilité qu’on sait très bien mesurer aujourd’hui. Cette aussi la seule façon de faire accepter le mouvement par l’opinion et ce n’est que juste économiquement !

La RSE a plus que jamais un sens qui est de passer d’une économie défaillante remise entre les mains d’opérateurs individuels qu’on ne sait pas encadrer, à une économie responsable reposant sur des accords passés entre opérateurs et régulateurs engagés, qui s’accordent sur des objectifs communs, prenant en charge les enjeux collectifs qui sont les nôtres, du climat aux territoires, que les données extra-financières permettent d’appréhender objectivement et que les parties intéressées peuvent discuter.

Cette vision n’est plus révolutionnaire, ni utopique ; elle dérange seulement les inerties intellectuelles et les situations acquises. Mais y-a-t’il un autre modèle qui concilie l’économie de marché et la satisfaction du plus grand nombre ? Nous jouons ici l’avenir de « la démocratie de marché » qui sera le cœur des

La remise en cause des entreprises à RSE par François de Closets

La  remise en cause des entreprises à  RSE par François de  Closets

Après l’affaire Danone, François de Closets s’interroge sur l’avenir du concept de RSE qui vient en contradiction avec les exigences de rentabilité de certains actionnaires. ( Chronique dans l’opinion)

 

Au XIXe siècle, les sociétés industrielles lièrent pouvoir et propriété. Le propriétaire, artisan ou maître des forges, imposait sa loi et achetait le travail dont il avait besoin. Depuis lors, les travailleurs ont acquis un statut protecteur et l’entreprise est devenue le foyer où se forme la valeur marchande. Sur 30 millions de Français au travail, 90 % sont des salariés. C’est dire que l’entreprise est une des institutions structurantes au même titre que la famille, l’école ou la nation. Elle absorbe la vie laborieuse : 1 600 heures par an, elle est le creuset de la créativité, des espérances, des conflits ou de la résignation. Elle est au cœur de l’existence, mais a-t-elle un cœur ?

Dans les années 1950-1970, les sociétés industrielles se sont éloignées du capitalisme originel. En 1967, John Kenneth Galbraith créa l’événement en publiant The new industrial state dans lequel il montrait que les grandes entreprises étaient aux mains d’une technostructure salariée et que le capital éparpillé en des millions d’actionnaires ne pesait plus rien. L’actionnaire était considéré comme un obligataire. Il touchait son dividende mais n’avait pas voix au chapitre. La structure était aux mains de cadres dirigeants qui décidaient de tout en interaction avec le personnel, les clients, les syndicats, les banquiers ou les fournisseurs, voire le gouvernement. Le monde industriel était sorti du capitalisme sans s’en rendre compte !

 Avant même que s’apaisent les remous du livre, Milton Friedman lançait dans le New York Time sa bombe, en assignant comme seul objectif, seule raison d’être, à l’entreprise la création de valeur pour l’actionnaire, sa création et son accroissement. Bref, l’enrichissement des propriétaires. Galbraith et Friedman eurent tous deux raison : chacun à son tour.

Entre 1950 et 1970, la direction du personnel devenait la gestion des ressources humaines et l’on se prit à imaginer que le contrat de travail pourrait déboucher sur une vraie citoyenneté d’entreprise

Entre 1950 et 1970, l’entreprise avait bel et bien échappé au capital. Elle était perçue comme une communauté dans laquelle chacun devait trouver sa place. Les salariés n’étaient pas seulement un coût mais d’abord une richesse. La direction du personnel devenait la gestion des ressources humaines et l’on se prit à imaginer que le contrat de travail pourrait déboucher sur une vraie citoyenneté d’entreprise.

Rêve vite évanoui car le modèle de Milton Friedman l’emporta sur celui de Galbraith. Conforté par la concurrence, le capital reprit le pouvoir et imposa sa loi. L’entreprise n’était qu’une machine à produire, une boîte noire générant le profit sous forme de dividendes ou de plus-values. Le salarié se vit assigner un seul objectif : enrichir son patron. Par contrecoup, l’attachement à l’entreprise se réduisit au lien commercial. Dans cet espace ubérisé, les salariés sont des mercenaires qui vendent leurs services aux plus offrants.

Quant aux dirigeants, ils ne sont plus les premiers des salariés mais les représentants du capital. Ils doivent obtenir le maximum de productivité pour le moindre coût et faire monter le cours en bourse. La déshumanisation du travail, l’accroissement des inégalités et les atteintes à l’environnement que peut engendrer ce système sont des externalités et n’ont pas à être prises en compte.

Ce modèle s’est imposé par son efficacité économique mais il reste aussi peu satisfaisant sur le plan humain que sur le plan environnemental. Peut-on réduire l’entreprise au profit, le travailleur au salaire et la nature à des économies externes. ? L’idée d’enrichir les finalités en ajoutant des objectifs sociaux et environnementaux à la seule maximalisation du profit faisait son chemin. Mais les dirigeants sont tenus par le cadre légal et se mettraient en infraction s’ils ajoutaient des dimensions supplémentaires aux objectifs réglementaires. La nouvelle entreprise a besoin d’un cadre juridique.

Ce qui fut fait en 2010 aux Etats-Unis lorsqu’apparurent trois nouveaux types de sociétés que nous avons regroupées sous le titre de « sociétés à missions ». Notre loi Pacte de 2019 introduit ces statuts qui permettent d’ajouter des objectifs sociaux et écologiques aux seuls objectifs commerciaux. On a donc vu apparaître en France, mais aussi en Amérique et en Italie, des entreprises qui se donnent des objectifs plus étendus que ceux prévus par le libéralisme friedmanien. Sont-elles l’avant-garde d’une rupture avec le capitalisme du seul profit ? La réponse devait venir du marché concurrentiel, car, avec ou sans « missions », une entreprise doit d’abord être rentable et ne peut survivre que si elle assure sa compétitivité.

L’affaire Danone apporte une première réponse. Notre champion des yaourts est la première entreprise du CAC40 à avoir pris le statut d’entreprise à missions et ce, bien qu’il compte des fonds activistes parmi ses actionnaires. Il se donnait comme « raison d’être » « d’apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre. ». Une transformation approuvée par le conseil d’administration et l’Assemblée générale. Le PDG et ardent promoteur de ce nouveau capitalisme pouvait conclure : « Vous avez déboulonné la statue de Friedman ».

Déboulonné, oui, détruite, non. Car la Bourse, elle, en reste aux résultats financiers. L’entreprise, que ce soit Danone ou une autre, est condamnée au grand écart entre le respect de ses « missions » et les performances boursières. Or les fonds activistes constatent que le compte n’y est pas. Sur l’ensemble de l’exercice 2020, le chiffre d’affaires a reculé de 1,5 % et le résultat net courant de 13 %. Le dividende est rogné et le cours dévisse de 30 %. C’en est trop, ou pas assez comme on voudra. Emmanuel Faber le champion du nouveau capitalisme est évincé. Danone va se recentrer sur la première de toutes ses missions : les résultats comptables. Nul doute que, dans l’avenir, les quarante du CAC ne seront guère empressés à se lancer dans l’aventure du capitalisme multimissionné.

Retenons ce brutal rappel à l’ordre : une société cotée doit d’abord être rentable. Les « missions » viennent en plus de la compétitivité, elles ne la remplacent pas

L’entreprise de Friedman a-t-elle définitivement gagné ? Ce serait trop vite conclure car elle est toujours prisonnière de ses limites et l’on ne peut tirer des conclusions générales d’un cas particulier. En revanche ce précédent doit enrichir la réflexion sur le dépassement de l’entreprise. Retenons ce brutal rappel à l’ordre : une société cotée doit d’abord être rentable. Les « missions » viennent en plus de la compétitivité, elles ne la remplacent pas. Mais comment financer les coûts supplémentaires ou le manque à gagner ? Il n’est qu’une source de productivité à exploiter, c’est le travail.

La pression qu’entretient le management libéral déshumanisé lui permet-elle d’atteindre son plus haut niveau de productivité ? Toute amélioration sociale dans l’entreprise se traduira-t-elle par une moindre efficacité ? Si tel est le cas, alors il y a peu à espérer de ces « missions » qui promettent tant dans leurs intentions et tiennent si mal au niveau des résultats. Mais on peut aussi espérer que le personnel se mobilise davantage apporte plus d’énergie et de créativité dans une entreprise qui sait atteindre l’individu au-delà du salarié. Les patrons « paternalistes » du XIXe siècle l’avaient pressenti et ne s’en portèrent pas plus mal.

Au XXIe siècle, il est bien des façons de renforcer cette adhésion aux valeurs de l’entreprise. Et, pour commencer, faire de chaque salarié un actionnaire mais aussi pousser plus avant la valorisation des tâches, les possibilités de promotion, la reconnaissance du mérite, l’écoute des individus, la prise en compte des difficultés, bref redonner tout son sens à cette expression de « ressources humaines ». En contrepartie de ces progrès sociaux peut-on susciter un attachement qui améliore la productivité ? Doit-on, au contraire, reconnaître que l’entreprise friedmanienne est indépassable ?

C’est la question préjudicielle. Si l’amélioration sociale incite au relâchement, les entreprises n’iront pas bien loin dans leurs nouvelles « missions ». Si au contraire elle provoque l’engagement alors on pourra voir comment l’accompagnement fiscal, la législation écologique, le cadre réglementaire pourront permettre à la nouvelle entreprise de l’emporter et de régénérer le capitalisme.

Danone : victime de la RSE et des fonds spéculatifs

Danone : victime de la RSE et des fonds spéculatifs

Simon Gueguen, Maître de conférences en finance à CY-Cergy-Paris Université

Lionel Melka, Directeur de la recherche de la société de gestion de portefeuille Homa Capital estiment que, détenu par une coopérative, des fondations ou même des fonds d’impact, le groupe Danone aurait été davantage en mesure de déployer sa stratégie.

Tribune. Les fonds activistes à l’œuvre chez Danone ont obtenu une première victoire : le départ de son PDG Emmanuel Faber. La bataille essentielle commence maintenant. Elle va porter sur les objectifs stratégiques de l’entreprise, première société cotée à avoir adopté le statut d’entreprise à mission introduit par la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019.

La guerre de tranchées au sein de Danone a trouvé son paroxysme lors d’un conseil d’administration sous haute tension qui s’est tenu le 1er mars. Les forces en présence sont connues : d’un côté Emmanuel Faber défendant son bilan à la tête de l’entreprise, de l’autre des fonds activistes (Bluebell Capital Partners et Artisan Partners) jugeant les performances du groupe décevantes et militant pour un changement de structure, de patron et de stratégie.

Le changement de structure a été obtenu immédiatement, avec la séparation entre la présidence du conseil d’administration et la direction opérationnelle. Il n’aura fallu que deux semaines supplémentaires pour voir le départ d’Emmanuel Faber. Quant à la stratégie, la bataille qui commence illustre tant la montée en puissance des fonds activistes que la difficulté, pour une société cotée, à être évaluée sur d’autres critères que la performance boursière.

La montée en puissance des actionnaires activistes est un phénomène qui a pris de l’ampleur au tournant des années 2000, sous l’effet conjugué de l’aspiration d’horizontalité (le petit peut défier le grand) et du principe de redevabilité (le grand doit rendre des comptes) qui investit tous les espaces de pouvoir.

La question de la transparence

Cet essor spectaculaire a été concomitant avec le succès de la gestion « passive », qui consiste à suivre passivement les indices boursiers sans chercher à battre le marché. Nul besoin pour cela de rémunérer une équipe entière d’analystes : la gestion passive bénéficie ainsi d’un avantage concurrentiel en raison de ses faibles coûts. Pour justifier des coûts élevés, les activistes ne se contentent pas, comme la gestion active traditionnelle, de sélectionner des titres qu’ils estiment sous-évalués. Ils cherchent à user de leur influence pour changer en profondeur la stratégie, la politique financière ou la gouvernance de leurs cibles.

Dans le cas de Danone, les fonds Bluebell Capital Partners et Artisan Partners détiennent chacun moins de 5 % du capital, le seuil qui les aurait obligés à déclarer leur participation au marché dans un délai de quatre jours. L’influence de ces fonds sur les sociétés cotées pose la question de la transparence sur le contrôle des entreprises : avec moins de 5 % et en seulement quelques semaines, ils parviennent à imposer des changements majeurs dans la gouvernance de leurs cibles.

Danone : l’échec de la RSE ?

Danone : l’échec de la RSE ?

Les chercheurs Jérémy Lévêque et Blanche Segrestin expliquent, dans une tribune au « Monde », en quoi l’éviction d’Emmanuel Faber de la direction de Danone n’exclut pas la poursuite des visées sociales et environnementales de l’entreprise.

Tribune

 Le 26 juin 2020, Danone était la première entreprise cotée à adopter la qualité de « société à mission », introduite par la loi Pacte (relative à la croissance et la transformation des entreprises du 22 mai 2019). Cette transformation, votée à 99,4 % par l’assemblée générale des actionnaires, confortait la tradition sociale du groupe. Elle renforçait aussi la stratégie de son PDG, Emmanuel Faber.

Huit mois plus tard, après plusieurs semaines de tensions autour de son plan de redressement financier, Emmanuel Faber est finalement démis de ses fonctions par le conseil d’administration, exhorté en cela par deux fonds activistes nouvellement entrés au capital.

 

Dès le début des tensions, de nombreux observateurs se sont empressés de voir dans le cas de Danone la faillite du statut de société à mission qui ne permettrait pas de résister à la course à la rentabilité actionnariale, et la chute du PDG qui avait engagé Danone sur cette voie scellerait de facto son abandon.

Nous pensons, au contraire, que le cas Danone ne permet pas encore de se prononcer ni sur l’échec ni sur la portée de la société à mission. Il convient d’abord de revenir aux dispositions de la loi. Car il est plus facile d’évincer un dirigeant que de se désengager des engagements d’une société à mission ! Le dirigeant est révocable par son conseil d’administration sans préavis ni justification ; tandis qu’il faut un vote aux deux tiers de l’ensemble des actionnaires pour rejeter la qualité de société à mission.

Surtout, ce n’est en fait qu’à partir de maintenant, et quand la nouvelle équipe dirigeante va proposer sa stratégie pour répondre aux attentes des actionnaires, que nous allons pouvoir observer les effets concrets de la société à mission et juger de sa robustesse.

L’intérêt du cadre de la société à mission est en effet de permettre à une entreprise d’inscrire dans ses statuts une mission constituée d’un ensemble d’objectifs d’intérêt collectif librement choisis. Une fois dans les statuts, cette mission devient alors juridiquement opposable.

Danone s’est ainsi engagée sur plusieurs objectifs dont : la promotion de meilleures pratiques alimentaires ; le soutien à un modèle d’agriculture régénératrice, plus juste et plus durable ; le souci de donner à chaque salarié la possibilité de peser sur les décisions de l’entreprise ; ainsi que l’accompagnement des acteurs les plus fragiles de son écosystème. Ces objectifs ne sont pas caducs du seul fait du départ d’Emmanuel Faber. Demain, plusieurs parties prenantes pourraient les rappeler aux actionnaires comme à la nouvelle direction.

Le patron de Danone, Emmanuel Faber, : victime de la RSE

Le patron de Danone, Emmanuel Faber,  : victime de la RSE

 

inutile de tourner autour du pot la rébellion en cours au sein du conseil d’administration de Danone est surtout portée par des fonds spéculatifs qui reprochent à Danone sa trop grande prise en compte de la RSE au détriment de la rentabilité. L’objectif des fonds était de dégager le président. L’invasion progressive de ces fonds dans les grandes entreprises pourrait à terme porter atteint au concept de RSE  (responsabilité sociale au sens large) alors qu’il ne fait qu’à peine émerger  comme critère de gestion.

 

Pourtant Le 1er mars dernier, Emmanuel Faber avait accepté d’initier le processus de dissociation des fonctions de président et de directeur général. Cette nouvelle gouvernance était censée entrer en vigueur lors de la prise de fonction du futur patron opérationnel, Emmanuel Faber se concentrant alors sur les fonctions de président. Mais le retard pris dans le lancement du processus de sélection du futur directeur général, et la volonté de l’actuel PDG de peser sur le choix de son successeur, ont convaincu le board de reprendre les choses en main.

Le conseil d’administration a élu à sa présidence Gilles Schnepp. Cet ancien PDG de Legrand, âgé de 62 ans, avait été coopté au board de Danone mi-décembre, avec vocation à en devenir administrateur référent à l’issue de l’assemblée générale, le 29 avril prochain. Mais le 1er mars, Emmanuel Faber avait réussi à imposer la nomination d’un de ses proches, Jean-Michel Severino, comme administrateur référent.

Danone : victime de la RSE par les fonds spéculatifs

Danone : victime de la RSE par les fonds spéculatifs

inutile de tourner autour du pot la rébellion en cours au sein du conseil d’administration de Danone est surtout portée par des fonds spéculatifs qui reprochent à Danone sa trop grande prise en compte de la RSE au détriment de la rentabilité. L’objectif des fonds est de dégager le président. L’invasion progressive de ces fonds dans les grandes entreprises pourrait à terme porter atteint au concept de RSE  (responsabilité sociale au sens large) alors qu’il ne fait qu’à peine émerger  comme critère de gestion.

 

À quelques semaines d’une assemblée générale cruciale pour l’avenir de Danone, la tension est à son comble au sein du conseil d’administration. «Les couteaux sont tirés», résume un observateur du combat qui oppose le PDG, Emmanuel Faber, et certains administrateurs. En coulisses, les tractations sont intenses avant le conseil prévu dimanche soir. Deux sujets sont à l’ordre du jour, à commencer par les résolutions présentées à l’assemblée générale du 29 avril. Les actionnaires devront voter les propositions de nouveaux administrateurs, le mandat de 6 des 16 membres du board arrivant à échéance. Autre dossier brûlant au menu du conseil de dimanche, le processus de sélection du futur directeur général de Danone, avec la création d’un comité ad hoc d’administrateurs et la désignation de deux cabinets de chasseurs de têtes.

 «Emmanuel Faber est très remonté, assure un proche du conseil. Il tente de marginaliser les administrateurs qui sont contre lui, voire de les pousser à la démission. « 

 

RSE aussi pour le e-commerce ?

RSE aussi pour le e-commerce ?

 

 

Une mission redoutable a été confiée à Anne-Marie Idrac, ancienne ministre pour essayer d’intégrer la RSE dans le e-commerce, c’est-à-dire la responsabilité sociétale ( social, environnement etc.) dans ce type de business en pleine expansion.

 

L’un des problèmes majeurs résulte dans le fait qu’  une grosse partie du e-commerce est effectuée par des opérateurs étrangers et que même la logistique n’est pas forcément localisée en France.

 

Cette mission confiée à Anne-Marie Idrac tient compte notamment d’un rapport récent  économique, social et environnemental du e-commerce en France, réalisé par France Stratégie, le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et l’inspection générale des finances (IGF). Le média spécialisé dans les politiques publiques Contexte l’avait rendu public jeudi, un jour avant sa mise en ligne par le gouvernement.

 

Depuis quelques temps, la prise de conscience environnementale des cyberacheteurs s’accélère nettement :
- 70% disent privilégier les sites qui mettent en avant une démarche éco-responsable ;
53% (62% parmi ceux de la génération Y) déclarent aujourd’hui tenir compte d’éléments environnementaux, responsables ou éthiques dans leurs habitudes de consommation en ligne.

Cette prise en considération d’éléments RSE conduit en particulier les cyberacheteurs à regrouper les commandes afin de limiter les livraisons (pour 71% d’entre eux), privilégier l’achat auprès de sites français (68%), favoriser la livraison en point relais (66%), ou encore envisager l’achat de produits issus de l’économie circulaire (51%).

Ainsi, 45% des cyberacheteurs ont déjà acheté un produit issu de l’économie circulaire (reconditionné, recyclé, ou d’occasion) et 94% des cyberacheteurs déclarent trier les emballages de leurs commandes pour permettre leur recyclage et/ou les réutiliser.

Le prix reste toutefois, aujourd’hui encore, le principal facteur de décision, avec plus de 75% des cyberacheteurs qui ont acheté des produits reconditionnés ou issus du recyclage pour des raisons budgétaires plutôt qu’environnementales, et seulement 44% des cyberacheteurs qui diminuent volontairement leur consommation pour des raisons environnementales.

 

Dans le rapport déjà réalisé par France stratégie, il est notamment proposé de «réformer rapidement la fiscalité du commerce pour améliorer l’équité entre les différentes formes de commerce», d’«encadrer les livraisons du commerce en ligne réalisées par des véhicules à moteur thermique» ou encore de «mener à leur terme les actions entreprises en matière d’ajustement carbone aux frontières de l’Union européenne et de réforme de la fiscalité des multinationales».

 

La question qui se pose est de savoir si une référence française RSE une fois définie pourrait s’appliquer aux énormes plates-formes numériques localisées à l’étranger. Sinon le risque serait grand d’imposer des contraintes aux opérateurs français seulement ; ce qui handicaperait un peu plus la compétitivité du pays. À tout le moins la référence devrait s’appliquer au plan européen. D’une certaine manière, c’est un peu la même problématique vis-à-vis des GAFA.

RSE: un devoir européen pour les entreprises

RSE: un devoir européen pour les entreprises

 

Le Parlement européen devrait adopter mercredi à une large majorité une résolution demandant la création d’un devoir de vigilance des entreprises européennes concernant les atteintes aux droits humains et à l’environnement sur l’ensemble de leurs chaînes d’approvisionnement. La Commission européenne doit présenter en juin une proposition de directive sur le sujet.

Eurodéputé (groupe Renew, libéral), Pascal Durand est rapporteur fictif d’une résolution parlementaire sur le devoir de vigilance des entreprises européennes.

Pourquoi faudrait-il imposer aux entreprises une obligation de vigilance relative au respect des droits humains et de l’environnement ?

Cette idée se fonde sur un changement de perception global de la société. De plus en plus, les individus veulent trouver une cohérence entre ce qu’ils espèrent pour le monde et ce qu’ils pratiquent eux-mêmes, notamment dans leur manière de consommer. Or, dans une économie mondialisée, on se rend aussi compte qu’on ne plus tout attendre des Etats. La régulation et la diplomatie sont importantes, mais elles ne suffisent pas pour lutter contre des fléaux comme la déforestation, le travail forcé ou le travail des enfants. Il est donc nécessaire de s’appuyer sur les entreprises.

Est-il vraiment réalisable d’exiger que les entreprises surveillent leurs sous-traitants et leurs fournisseurs sur des chaînes d’approvisionnement qui peuvent compter des milliers de maillons ?

Ce n’est pas ce qu’on leur demande. L’idée est de faire peser sur elles une obligation de moyen : repérer les vulnérabilités sur leurs chaînes d’approvisionnement et présenter des stratégies pour éviter les abus. Cela permettrait notamment de contraindre les Etats étrangers à la transparence, en mettant en balance des parts de marché. Si les abus ont tout de même lieu, les personnes justifiant d’un intérêt à agir, comme les ONG ou syndicats, pourront demander réparation à l’entreprise. Pour cela, elles devront prouver qu’une faute a été commise – par exemple, que la stratégie n’a pas ou a mal été mise en œuvre. Si l’entreprise doit payer une réparation, rien ne l’empêche ensuite de se retourner contre son fournisseur ou sous-traitant.

Comment convaincre les entreprises de s’associer à cette démarche ?

Certaines entreprises sont déjà entrées d’elles-mêmes dans une dynamique vertueuse, comme Nestlé sur l’huile de palme ou Michelin sur le caoutchouc. Ces entreprises demandent à présent une régulation, pour pouvoir lutter à armes égales contre leurs concurrents qui, pour l’heure, ne respectent pas la même éthique et sont donc avantagés. C’est aussi une demande forte du secteur de la finance, qui se rend compte que son image de marque est en jeu.

Notons par ailleurs que la pensée libérale a évolué sur ce sujet, peut-être en partie parce que les entreprises sont désormais demandeuses. Le commissaire à la Justice Didier Reynders appartient à cette famille politique et s’apprête à porter la proposition de la Commission avec beaucoup de conviction.

Enfin, la France a déjà depuis 2017 une législation nationale. Les Pays-Bas ont suivi et l’Allemagne s’apprête à le faire. Trois pays qui comptent parmi les plus gros PIB du continent se mettent donc en synergie, mais en créant des normes différentes, ce qui rend nécessaire une harmonisation européenne. Cette nécessité est en même temps une opportunité : être les premiers à créer des normes cohérentes, pragmatiques, compatibles avec ce que peuvent faire les entreprises, pour ensuite exporter ces normes à l’international. Il y a donc un vrai alignement des planètes.

Le syndicat patronal Business Europe demeure très réticent…

Les institutions représentatives des entreprises sont souvent plus conservatrices que la plupart de leurs membres. Business Europe explique qu’il faudrait arrêter la responsabilité au premier rang de la chaîne d’approvisionnement. Dans ce cas, il suffirait aux entreprises d’ouvrir une filiale à Singapour pour échapper à toute régulation. Autant ne pas faire de texte du tout. Une partie des députés PPE et des libéraux restent malheureusement sensibles à ces arguments timorés. Mais c’est aussi la négociation avec les députés plus conservateurs qui a permis d’en arriver à un texte équilibré, qui devrait être largement soutenu.

Quels peuvent être les autres obstacles politiques à une régulation ambitieuse ?

Il y a un fort soutien de certains Etats membres dont la France, qui a fait du devoir de vigilance une priorité pour sa présidence du Conseil en 2022. Les difficultés pourraient cependant venir des pays européens les moins développés. Ils pourraient dire « vous pouvez vous permettre de vous poser ces questions, mais nous n’avons pas ce luxe ». C’est un argument audible, mais cela n’est pas une raison pour baisser les bras. Il ne s’agit de toute façon pas de passer en force pour déchirer le tissu de PME européennes. On peut prendre le temps de bien calibrer la régulation, de différencier sa mise en œuvre, et de l’étendre progressivement, secteur par secteur.

RSE: une réforme managériale de l’entreprise

RSE: une réforme managériale de l’entreprise

Un collectif de dirigeants d’entreprises, de fonds d’investissements et d’universitaires appelle, dans une tribune au « Monde », les grandes entreprises à mener les réformes de gouvernance indispensables à l’atteinte des objectifs de développement durable

Tribune. 

 

Responsables et dirigeants d’entreprises ou d’institutions financières, chercheurs et professeurs d’université, nous saluons et encourageons les efforts déployés aux quatre coins du monde pour que le concept de développement durable soit intégré aux initiatives, aux codes et aux lois sur la gouvernance d’entreprise.

Nous sommes convaincus que la soutenabilité des entreprises, la finance soutenable, la raison d’être et la création de valeur sur le long terme passent d’abord par les conseils d’administration et les systèmes de gouvernance auxquels les entreprises sont assujetties.

Des associations d’administrateurs d’entreprise reconnaissent l’urgence climatique et la nécessité d’accélérer les progrès dans la mise en œuvre de l’accord de Paris et la réalisation des objectifs de développement durable. A cette fin, il est essentiel que les administrateurs s’orientent vers la création de valeur à long terme plutôt que vers la maximisation des profits à court terme

Des entreprises sont engagées pour sortir du paradigme de la valeur actionnariale et prendre pleinement en compte les enjeux de soutenabilité, garantir qu’aucune partie prenante ne soit gravement lésée. Bien que le droit accorde déjà aux membres du conseil d’administration une forte latitude pour prendre en compte ces enjeux dans l’entreprise, les schémas de gouvernance actuels les empêchent trop souvent de mettre en œuvre concrètement leurs intentions.

Des investisseurs soutiennent cette démarche, insistant pour que les entreprises intègrent les considérations environnementales, sociales et de bonne gouvernance dans leur gestion des risques.

Mais tant que les schémas de gouvernance d’entreprise n’auront pas été réformés en ce sens, la réalisation des objectifs de soutenabilité sera entravée.

Le point de non-retour de la crise climatique approche : il est temps d’agir.

L’enjeu n’est pas simplement de doter les entreprises d’une « stratégie de développement durable » ou de publier des rapports de « responsabilité sociale et environnementale », mais de faire que les systèmes de gouvernance s’attachent avant tout à ce que les entreprises créent et préservent de la valeur pour elles-mêmes et leurs parties prenantes.

Nous exprimons notre soutien à la consultation lancée par la Commission européenne et à l’examen des propositions faites en matière de gouvernance d’entreprise durable, en particulier le rôle que doit exercer le conseil d’administration dans son contrôle, l’obligation de « diligence raisonnable » (due diligence) et la mise en cohérence de la rémunération des dirigeants et des cadres avec les objectifs de développement durable.

RSE: Danone victime des actionnaires activistes

RSE: Danone victime des actionnaires activistes

Pierre Pagesse, ancien dirigeant dans l’agroalimentaire, s’insurge dans une tribune au « Monde » contre ce qu’il considère être une tentative de démantèlement de Danone par les fonds activistes anglo-saxons.

Tribune.

 

Crise économique, crise de rentabilité, crise de gouvernance : comme des dominos, les mauvaises nouvelles se sont accumulées pour le groupe Danone, la contestation de la direction succédant à la chute du cours de Bourse et aux mauvais chiffres de 2020. Lundi 1er mars, le conseil d’administration a tranché : Emmanuel Faber restera à la présidence de l’entreprise, mais dissocie son poste de celui de directeur général. Les administrateurs comptent ainsi faire dégonfler la pression médiatique et financière qui pèse sur Danone.

Une solution qui laisse en suspens bon nombre de questions – dont l’identité et l’étendue des pouvoirs de ce futur directeur général –, tandis que les fonds activistes anglo-saxons continuent de réclamer la tête du président et, surtout, une profonde « purge » de l’entreprise, pour dégager une plus forte rentabilité.

Car le débat autour de la personnalité d’Emmanuel Faber a masqué les véritables enjeux de ce rapport de force, où la pression financière risque de faire primer ses intérêts à court terme sur ceux du groupe et, au-delà, sur ceux de notre pays.

Que veulent finalement ces fonds activistes ? Accroître la rentabilité du groupe et faire flamber son cours en Bourse. Ce qui impliquerait, selon eux, que Danone se sépare de plusieurs de ses activités historiques, mais pas assez juteuses.

Ils n’en font d’ailleurs pas mystère, à l’image d’Artisan Partners, qui a explicitement demandé, mi-février, à Danone de « céder 30 % de l’activité de chacune de [ses] divisions » Eaux et Produits laitiers et ceux d’origine végétale (EDP). Le groupe « doit se débarrasser de ses activités dans le lait et le beurre », intime ainsi Jan Bennink, un ancien dirigeant de Danone qui conseille désormais le fonds Artisan Partners.

Une option stratégique qui a pour l’instant été écartée par le conseil d’administration du groupe, mais qui demeure une épée de Damoclès au-dessus de Danone en attendant la prochaine assemblée générale du 29 avril.

Ce scénario, s’il venait à prendre forme, en rappellerait malheureusement beaucoup d’autres en France. Combien de fiertés nationales, aux prises avec des difficultés conjoncturelles, ont-elles ainsi été attaquées par des fonds anglo-saxons avant d’être dépecées, sans que l’Etat français, dépourvu des outils adéquats et de toute culture de guerre économique, réagisse et protège ses intérêts stratégiques ?

Danone : victime de la RSE ?

Danone : victime de la RSE ?

 

Le professeur de stratégie Jérôme Barthélemy , directeur général adjoint de l’ESSEC ,commente, dans une tribune au « Monde », les difficultés d’Emmanuel Faber face aux actionnaires de Danone à la lumière d’une étude américaine sur le sort des PDG engagés dans la responsabilité sociale et environnementale.

Tribune. Depuis plusieurs semaines, Emmanuel Faber, le PDG de Danone, est sur la sellette. Plusieurs fonds d’investissement ont demandé son départ. Pour le moment, M. Faber est parvenu à conserver la présidence du géant agroalimentaire français. En revanche, il a dû, lundi 1er mars, abandonner la fonction de directeur général.

Quels facteurs conditionnent la longévité des dirigeants des entreprises cotées ? Comme l’ont montré de nombreuses recherches en management, la performance financière est le principal critère utilisé par les marchés pour évaluer les dirigeants d’entreprise. Plus la performance financière d’une entreprise est mauvaise, plus son PDG est susceptible d’être poussé vers la sortie.

Les déboires actuels de M. Faber s’expliquent donc en partie par les mauvais résultats de Danone. En 2020, le chiffre d’affaires de l’entreprise a baissé de 6,6 %, sa marge opérationnelle et son cours de Bourse ont aussi diminué. Même si la crise du Covid-19 explique en partie les résultats décevants de Danone, ils restent moins bons que ceux de ses concurrents.


Mais M. Faber n’est pas un dirigeant comme les autres. En juin 2020, il a été le premier PDG d’une entreprise du CAC 40 à faire approuver à ses actionnaires le statut d’entreprise à mission. Certains y ont vu l’aboutissement du double projet économique et social qu’Antoine Riboud avait développé dès les années 1970.

Dans quelle mesure l’importance que M. Faber accorde à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE) a-t-elle contribué à ses déboires ?

Les résultats d’une étude récente – menée sur plusieurs centaines d’entreprises américaines – permettent de répondre à cette question (Hubbard, T.D., Christensen, D.M. et Graffin, S.D., 2017. « Higher highs and lower lows : The role of corporate social responsibility in CEO dismissal », Strategic Management Journal, vol. 38, n° 11).

Ils montrent que les investissements dans la RSE n’ont aucun effet direct sur la longévité des dirigeants.

En revanche, ils exacerbent l’impact de la performance financière sur le sort que les actionnaires leur réservent.

Lorsque la performance financière d’une entreprise est bonne, le fait d’investir dans la RSE est fortement valorisé par les marchés. Ils en déduisent que le PDG est à la fois capable de créer de la valeur pour les actionnaires et d’agir de manière responsable. Un PDG qui a de bons résultats financiers et qui investit beaucoup dans la RSE a deux fois moins de chances (53 %) de perdre son poste qu’un PDG qui a de bons résultats financiers mais qui investit peu dans la RSE.




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