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Programme du RN: quelle crédibilité ?

Programme du RN: quelle crédibilité ?

Toutes les études d’opinion soulignent que le vote RN est un vote de colère et de mécontentement alimenté par les débats sur l’immigration et l’insécurité, mais aussi et surtout par la baisse du pouvoir d’achat. Ce ressentiment est encore ravivé par la hausse du prix du gaz de 12 % en moyenne décidée par la Commission de régulation de l’électricité (indépendante du gouvernement) annoncée au lendemain de la dissolution et qui entrera en vigueur au lendemain du premier tour… Aujourd’hui, ses électeurs n’ont pratiquement pas étudié le programme budgétaire du RN.

 

 

par ,Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business School dans The Conversation 

Le mode de scrutin par circonscription uninominal à deux tours amplifiant le score du parti hégémonique du moment il est tout à fait possible que le RN dispose non seulement d’une majorité à la prochaine Chambre, mais même, ce qui paraissait impensable il y a encore quelques mois, d’une majorité absolue. Et ce d’autant que les électeurs tentés par l’aventure RN mais encore réticents peuvent être désinhibés par le maintien rassurant à la tête de l’État d’un président disposant de pouvoirs forts dans son domaine réservé (armée et diplomatie) et de l’arme de la dissolution qu’il pourra de nouveau dégainer dans un an. L’Assemblée nationale ayant le dernier mot pour voter les lois de finances, le programme fiscal et budgétaire du parti va être scruté par les marchés financiers au cours des prochaines semaines.

Au cours des dernières années, le soutien massif des Français à la monnaie unique a eu raison de la volonté affichée par Marine Le Pen lors des présidentielles de 2017 de sortir de l’euro. Le parti a depuis considérablement édulcoré son projet et, en 2024, il est simplement question pour lui de baisser la contribution de la France au budget européen et de refuser tout impôt prélevé par l’UE en redonnant aux États le pouvoir exclusif de proposer de nouvelles normes.

La doctrine de justice fiscale du RN reste fondée sur la préférence nationale. Mais les velléités d’un retour de la souveraineté nationale (comme l’exigence d’un débat sur la pertinence de la politique monétaire européenne, la limitation de la contribution nette de la France à l’Union européenne à 2 milliards d’euros par an – soit 5 à 7 milliards d’économies – une taxation plus élevée du transport maritime et aérien ou l’abrogation des règles du marché européen de l’énergie) se heurteraient aux traités qu’il faudrait alors renégocier…

Le programme social du RN prévoit de revenir en partie sur l’emblématique réforme des retraites qui comme nous l’avions signalé lors de son adoption s’avère moins efficace qu’espérée avec un déficit attendu de 5,8 milliards en 2024 et de 14 milliards en 2030.

Même si le parti a finalement abandonné l’idée d’un retour de l’âge légal pour tous à 60 ans, il veut toujours ramener le nombre d’annuités requises de 42 à 40 ans, ce qui coûterait au bas mot 25 milliards par an. Cela mettrait gravement en péril l’équilibre financier déjà précaire du système de retraites. Le RN prétend également revenir sur la hausse de la participation des Français aux frais de santé et sur la limitation des arrêts maladie alors même que le déficit de la branche maladie à plus de 10 milliards d’euros en 2023 ne montre pas de signe de réduction.

La taxation des « surdividendes », surprofits et « surachat d’actions » que Marine Le Pen avait été la première personnalité politique à proposer avant l’élection présidentielle de 2022, le remplacement de l’IFI par un ISF ciblant la « spéculation financière », et la limitation de la flat tax aux revenus inférieurs à 60 000 euros ne rapporteraient au mieux que quelques milliards d’euros et leurs effets pervers (comme le retour d’une vague de délocalisations d’entreprises mais aussi de particuliers refusant le retour de l’ISF) risqueraient même d’être supérieurs aux gains annoncés. En tout cas, ces recettes seraient très loin de compenser l’instauration d’une TVA à 0 % sur les produits de première nécessité ainsi que la réduction de la TVA sur les prix de l’énergie à 5,5 % d’un coût d’au moins 10 milliards tout en étant, selon le Conseil des prélèvements obligatoires, deux fois moins efficace que le défunt bouclier tarifaire.

Toujours côté dépenses, l’augmentation de 10 % des salaires sans charges patronales jusqu’à trois fois le smic coûterait également 10 milliards par an tout en réduisant les recettes sociales. Quant à l’exonération de l’impôt sur le revenu pour tous les actifs jusqu’à 30 ans, il ferait perdre 4 milliards de recettes fiscales. Si la suppression totale de la cotisation foncière des entreprises qui était pertinemment programmée pour réduire le poids des impôts de production est une bonne piste pour améliorer la compétitivité des entreprises, l’idée de supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) pour aider les PME est baroque car cette dernière n’est acquittée que par les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 19 millions d’euros alors que la petite entreprise est définie comme ayant un chiffre d’affaires inférieur à 15 millions, le tout représentant un manque à gagner d’environ 11 milliards d’euros par an.

Comme nous le rappelions récemment sur ce site, les marges de manœuvre des finances publiques sont désormais nulles. À l’exception de la fin de la subvention au service public radiophonique et audiovisuel via sa privatisation qui pourrait assez vite économiser 3,5 milliards d’euros, les pistes d’économies budgétaires proposées par le RN sont nébuleuses.

La réforme de l’État, visant en particulier la suradministration, la lutte contre les fraudes, fiscale et sociale, sont des chantiers de long terme et leur rendement sera, au vu de l’histoire, très éloigné des 15 milliards attendus. Quant à l’interdiction stricte des bons du Trésor indexés sur l’inflation, elle ne présente aucun… intérêt et n’aura strictement aucun impact à court ou à long terme : les 10 à 14 milliards d’euros d’économie sur ce poste sont donc totalement illusoires.

C’est d’ailleurs sur le front des taux d’intérêt des obligations d’État que va se jouer la crédibilité du programme du RN, l’annonce de la dissolution ayant ouvert une forte période d’incertitudes. La Bourse de Paris a accusé le coup perdant 3 % en 3 jours, les valeurs bancaires étant les plus touchées par une éventuelle hausse des coûts d’emprunt. Si l’euro est resté à peu près stable, l’indicateur le plus instructif sera dans les prochaines semaines le spread de taux d’intérêt avec l’Allemagne qui est passé de 50 points de base à 64 points. Cette hausse a une conséquence : elle renchérit mécaniquement à moyen terme le coût d’une dette publique parmi les plus élevées de la zone euro.

Il y a même pire puisque l’État emprunte depuis le 12 juin à un taux supérieur à celui… du Portugal pourtant noté A – soit 3 crans en dessous de notre pays (AA-), ce qui paraissait inimaginable il y a encore quelques jours.

Dans ces conditions, il est clair que les ambitions budgétaires et fiscales du RN seraient très largement revues à la baisse en cas de victoire. Même ainsi les inévitables dérapages supplémentaires des comptes publics de la nouvelle politique se heurteront très vite aux réalités économiques. Certes, la protection de la monnaie unique évitera un scénario à la Liz Truss, l’éphémère première ministre britannique de l’automne 2022. Après l’annonce de son programme fiscal et budgétaire, la livre s’était en effet effondrée et les taux d’intérêt envolés contraignant l’imprudente première ministre à démissionner moins de deux mois après sa nomination.

L’appartenance de la France à la zone euro interdira la solution de facilité de la dévaluation qui fut utilisée jadis par des gouvernements désireux de s’affranchir des contraintes internationales car les Français refuseront toute sortie de l’euro. Le seul moyen de rétablir les comptes publics sera alors de procéder à un ajustement budgétaire d’ores et déjà inéluctable mais qui devra s’effectuer brutalement et dans l’urgence.

Cet ajustement devrait être certes moins violent que ce qu’a connu la Grèce ou l’Irlande au cours de la dernière décennie, mais il entraînera une hausse du chômage – notamment des jeunes – une baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires et des retraités c’est-à-dire précisément des électeurs que le parti a attiré récemment et surtout des classes populaires qui constituent traditionnellement son socle électoral.

RN et Nouveau Front Populaire : des programmes économiques proches (Astérès)

RN et Nouveau Front Populaire : des  programmes économiques  proches (Astérès)

Alors que deux visions de la société s’opposent, sur le plan économique, les deux partis attendus en finale du premier tour des législatives selon plusieurs sondages, partagent des recettes communes, affirme le cabinet d’études Astérès dont rend compte « La Tribune »

Les programmes sont  « en réalité fortement similaires », avance le cabinet d’études Astérès. « La principale différence concerne l’immigration », constate-t-il.

Pour le reste, en se basant sur les propositions de Marine Le Pen pour l’élection présidentielle de 2022, des ressemblances apparaissent. « Toutes deux défendent l’idée d’une économie française repliée sur elle-même, sur une stimulation de l’économie par la dépense publique, et par un bouclage budgétaire illusoire », écrit Astérès dimanche 16 juin. Le cabinet, d’orientation libérale et pro business, souligne : « ils défendent l’idée que l’économie française serait plus prospère si elle se protégeait de la  concurrence internationale par des barrières douanières. »

En commun également, une méfiance accrue envers les décisions prises au niveau européen. Les traités européens et  les règles européennes sont, d’une manière générale, remis en causes par le RN comme par le NFP, note-t-il encore.

Notons que les deux programmes sont assez nourris de promesses sociales mais c’est vrai également pour le programme récemment présenté par Gabriel Attal. Des promesses sociales certes souvent  légitimes mais dont le financement est loin d’être assuré.

Sondage législatives : RN en tête

Sondage législatives : RN en tête

Selon une étude  Elabe pour « La Tribune Dimanche » et « BFMTV », Le RN arrive en tête (32%), mais l’alliance de gauche n’est pas si loin (26%). « On y lit un potentiel de mobilisation avec une dynamique comparable à celle des législatives de 2022 », poursuit Bernard Sananès. Quant à la dissolution, près de (58%) 6 Français sur 10 y voient une bonne décision. À commencer par les électeurs de Jordan Bardella. Ceux de Valérie Hayer approuvent également. « Preuve que l’argument de la clarification avancé par le président est un argument audible pour son électorat », conclut Bernard Sananès.
À noter cependant que d’un point de vue méthodologique, les enquêtes sur un échantillon national ne rendent pas forcément compte de la diversité du contexte de politique locale. L’addition de ces contextes locaux pouvant différer d’une vision uniquement nationale.

 

Sondage Elabe pour La Tribune Dimanche effectué les 11 et 12 juin 2024 auprès d’un échantillon représentatif de 1 502 personnes, âgées de 18 ans et plus résidant en France Métropolitaine. Terrain réalisé en majeure partie avant la conférence de presse d’Emmanuel Macron du 12 juin, selon la méthode des quotas.

Sondage législatives: Le RN proche de la majorité absolue

Sondages législatives: Le RN proche de la majorité absolue

Pour qu’un groupe politique, ou une alliance de groupes politiques, obtienne la majorité absolue à l’Assemblée nationale, il lui faut obtenir 289 sièges sur les 577 que compte l’Assemblée nationale. Dans un sondage Elabe pour La Tribune Dimanche et BFMTV, le RN recueillerait 31% des voix devant l’alliance de gauche (28%) et le camp macroniste (18%).Les projections en sièges établies par l’institut Elabe donneraient : une fourchette de 220 à 270 sièges pour le RN, de 150 à 190 pour l’alliance de gauche, de 90 à 130 élus pour les macronistes et de 30 à 40 pour LR. « Des projections à prendre avec précaution », selon Bernard Sananès président d’Elabe.

 
Ce sondage contient d’autres mauvaises pour Emmanuel Macron et sa majorité sortante. Pour sept Français sur 10, l’implication du chef de l’Etat est perçue plutôt comme un handicap pour son camp. Cela va donc dans le sens de certains députés sortants qui préfèrent mettre la photo de Gabriel Attal sur leurs documents de campagne plutôt que celle d’Emmanuel Macron.

Autre signe qu’aucun sursaut ne semble en cours dans l’opinion : à la question qui souhaitez-vous comme Premier ministre, les Français penchent à 39% pour Jordan Bardella devant Gabriel Attal (36%), viennent ensuite Jean-Luc Mélenchon (16%) juste devant Laurent Berger (15%) et Gérard Larcher (14%).

Quant au pronostic de victoire, 43% des sondés voient le RN vainqueur contre seulement 10% pour la gauche et les macronistes.

Sondage législatives – Le RN à 32%, la gauche à 25% ?

Sondage législatives – Le RN à 32%, la gauche à 25% ?

Un sondage d’Opinionway pour CNews, Europe 1, et le JDD, place le RN de Jordan Bardella en tête avec 32% des intentions de vote, suivi par le « Front populaire » à 25%. Les résultats montrent que la majorité présidentielle, Renaissance, se situe en troisième position avec 19% des voix.

Un sondage sans doute à prendre avec précaution compte tenu de l’annonce de l’union à gauche et qui pourrait faire remonter le Front populaire.

En pleines bisbilles quant à une potentielle alliance avec la formation de Marine Le Pen, le parti Les Républicains et Reconquête récoltent respectivement 9% et 4% des intentions de vote. 3% des sondés expriment leur soutien pour « un candidat divers gauche ». Tant « un autre candidat écologiste » que « un candidat divers droite » attirent 1% des votes chacun, et « un candidat de l’extrême gauche » reçoit également 1%. Il est important de noter que 9% des personnes interrogées n’ont pas déclaré de préférence de vote.

Les candidats sont tenus de déposer leur dossier rapidement. Les inscriptions doivent être finalisées le dimanche 16 juin avant 18 heures. L’élection se tiendra dans 577 circonscriptions sous le système de scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Pour être élu au premier tour, un candidat doit obtenir plus de 50% des voix exprimées et un nombre de suffrages au moins équivalent à 25% des électeurs inscrits.

Si aucun candidat ne remplit ces conditions, les deux candidats ayant reçu le plus de votes accèdent au second tour, qui est programmé pour le 7 juillet. Les candidats ayant réuni plus de 12,5% des inscrits peuvent également se maintenir pour le second tour, même s’ils se classent troisième ou quatrième. Le vainqueur du second tour sera celui qui recueille le plus grand nombre de voix, quel que soit le taux de participation.

Le programme du RN est-il crédible ?

Le programme du RN est-il crédible ?

 

Le très court délai d’organisation des scrutins des 30 juin et 7 juillet prochains favorise indéniablement le Rassemblement national (RN) en forte dynamique aujourd’hui à la droite de l’échiquier politique face à une gauche minée par ses querelles intestines malgré une unité de façade purement électorale, des Républicains en plein divorce et une majorité présidentielle victime entre autres du rejet de la réforme des retraites, et de l’inflation.

par

Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business School dans The Conversation 

Toutes les études d’opinion soulignent que le vote RN est un vote de colère et de mécontentement alimenté par les débats sur l’immigration et l’insécurité, mais aussi et surtout par la baisse du pouvoir d’achat. Ce ressentiment est encore ravivé par la hausse du prix du gaz de 12 % en moyenne décidée par la Commission de régulation de l’électricité (indépendante du gouvernement) annoncée au lendemain de la dissolution et qui entrera en vigueur au lendemain du premier tour… Aujourd’hui, ses électeurs n’ont pratiquement pas étudié le programme budgétaire du RN.

Le mode de scrutin par circonscription uninominal à deux tours amplifiant le score du parti hégémonique du moment il est tout à fait possible que le RN dispose non seulement d’une majorité à la prochaine Chambre, mais même, ce qui paraissait impensable il y a encore quelques mois, d’une majorité absolue. Et ce d’autant que les électeurs tentés par l’aventure RN mais encore réticents peuvent être désinhibés par le maintien rassurant à la tête de l’État d’un président disposant de pouvoirs forts dans son domaine réservé (armée et diplomatie) et de l’arme de la dissolution qu’il pourra de nouveau dégainer dans un an. L’Assemblée nationale ayant le dernier mot pour voter les lois de finances, le programme fiscal et budgétaire du parti va être scruté par les marchés financiers au cours des prochaines semaines.

Au cours des dernières années, le soutien massif des Français à la monnaie unique a eu raison de la volonté affichée par Marine Le Pen lors des présidentielles de 2017 de sortir de l’euro. Le parti a depuis considérablement édulcoré son projet et, en 2024, il est simplement question pour lui de baisser la contribution de la France au budget européen et de refuser tout impôt prélevé par l’UE en redonnant aux États le pouvoir exclusif de proposer de nouvelles normes.

La doctrine de justice fiscale du RN reste fondée sur la préférence nationale. Mais les velléités d’un retour de la souveraineté nationale (comme l’exigence d’un débat sur la pertinence de la politique monétaire européenne, la limitation de la contribution nette de la France à l’Union européenne à 2 milliards d’euros par an – soit 5 à 7 milliards d’économies – une taxation plus élevée du transport maritime et aérien ou l’abrogation des règles du marché européen de l’énergie) se heurteraient aux traités qu’il faudrait alors renégocier…

Le programme social du RN prévoit de revenir en partie sur l’emblématique réforme des retraites qui comme nous l’avions signalé lors de son adoption s’avère moins efficace qu’espérée avec un déficit attendu de 5,8 milliards en 2024 et de 14 milliards en 2030.

Même si le parti a finalement abandonné l’idée d’un retour de l’âge légal pour tous à 60 ans, il veut toujours ramener le nombre d’annuités requises de 42 à 40 ans, ce qui coûterait au bas mot 25 milliards par an. Cela mettrait gravement en péril l’équilibre financier déjà précaire du système de retraites. Le RN prétend également revenir sur la hausse de la participation des Français aux frais de santé et sur la limitation des arrêts maladie alors même que le déficit de la branche maladie à plus de 10 milliards d’euros en 2023 ne montre pas de signe de réduction.

La taxation des « surdividendes », surprofits et « surachat d’actions » que Marine Le Pen avait été la première personnalité politique à proposer avant l’élection présidentielle de 2022, le remplacement de l’IFI par un ISF ciblant la « spéculation financière », et la limitation de la flat tax aux revenus inférieurs à 60 000 euros ne rapporteraient au mieux que quelques milliards d’euros et leurs effets pervers (comme le retour d’une vague de délocalisations d’entreprises mais aussi de particuliers refusant le retour de l’ISF) risqueraient même d’être supérieurs aux gains annoncés. En tout cas, ces recettes seraient très loin de compenser l’instauration d’une TVA à 0 % sur les produits de première nécessité ainsi que la réduction de la TVA sur les prix de l’énergie à 5,5 % d’un coût d’au moins 10 milliards tout en étant, selon le Conseil des prélèvements obligatoires, deux fois moins efficace que le défunt bouclier tarifaire.

Toujours côté dépenses, l’augmentation de 10 % des salaires sans charges patronales jusqu’à trois fois le smic coûterait également 10 milliards par an tout en réduisant les recettes sociales. Quant à l’exonération de l’impôt sur le revenu pour tous les actifs jusqu’à 30 ans, il ferait perdre 4 milliards de recettes fiscales. Si la suppression totale de la cotisation foncière des entreprises qui était pertinemment programmée pour réduire le poids des impôts de production est une bonne piste pour améliorer la compétitivité des entreprises, l’idée de supprimer la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) pour aider les PME est baroque car cette dernière n’est acquittée que par les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 19 millions d’euros alors que la petite entreprise est définie comme ayant un chiffre d’affaires inférieur à 15 millions, le tout représentant un manque à gagner d’environ 11 milliards d’euros par an.

Comme nous le rappelions récemment sur ce site, les marges de manœuvre des finances publiques sont désormais nulles. À l’exception de la fin de la subvention au service public radiophonique et audiovisuel via sa privatisation qui pourrait assez vite économiser 3,5 milliards d’euros, les pistes d’économies budgétaires proposées par le RN sont nébuleuses.

La réforme de l’État, visant en particulier la suradministration, la lutte contre les fraudes, fiscale et sociale, sont des chantiers de long terme et leur rendement sera, au vu de l’histoire, très éloigné des 15 milliards attendus. Quant à l’interdiction stricte des bons du Trésor indexés sur l’inflation, elle ne présente aucun… intérêt et n’aura strictement aucun impact à court ou à long terme : les 10 à 14 milliards d’euros d’économie sur ce poste sont donc totalement illusoires.

C’est d’ailleurs sur le front des taux d’intérêt des obligations d’État que va se jouer la crédibilité du programme du RN, l’annonce de la dissolution ayant ouvert une forte période d’incertitudes. La Bourse de Paris a accusé le coup perdant 3 % en 3 jours, les valeurs bancaires étant les plus touchées par une éventuelle hausse des coûts d’emprunt. Si l’euro est resté à peu près stable, l’indicateur le plus instructif sera dans les prochaines semaines le spread de taux d’intérêt avec l’Allemagne qui est passé de 50 points de base à 64 points. Cette hausse a une conséquence : elle renchérit mécaniquement à moyen terme le coût d’une dette publique parmi les plus élevées de la zone euro.

IL y a même pire puisque l’État emprunte depuis le 12 juin à un taux supérieur à celui… du Portugal pourtant noté A – soit 3 crans en dessous de notre pays (AA-), ce qui paraissait inimaginable il y a encore quelques jours.

Dans ces conditions, il est clair que les ambitions budgétaires et fiscales du RN seraient très largement revues à la baisse en cas de victoire. Même ainsi les inévitables dérapages supplémentaires des comptes publics de la nouvelle politique se heurteront très vite aux réalités économiques. Certes, la protection de la monnaie unique évitera un scénario à la Liz Truss, l’éphémère première ministre britannique de l’automne 2022. Après l’annonce de son programme fiscal et budgétaire, la livre s’était en effet effondrée et les taux d’intérêt envolés contraignant l’imprudente première ministre à démissionner moins de deux mois après sa nomination.

L’appartenance de la France à la zone euro interdira la solution de facilité de la dévaluation qui fut utilisée jadis par des gouvernements désireux de s’affranchir des contraintes internationales car les Français refuseront toute sortie de l’euro. Le seul moyen de rétablir les comptes publics sera alors de procéder à un ajustement budgétaire d’ores et déjà inéluctable mais qui devra s’effectuer brutalement et dans l’urgence.

Cet ajustement devrait être certes moins violent que ce qu’a connu la Grèce ou l’Irlande au cours de la dernière décennie, mais il entraînera une hausse du chômage – notamment des jeunes – une baisse du pouvoir d’achat des fonctionnaires et des retraités c’est-à-dire précisément des électeurs que le parti a attiré récemment et surtout des classes populaires qui constituent traditionnellement son socle électoral.

« Les médias contribuent à légitimer le RN « 

« Les médias contribuent à légitimer le RN « 

Post-doctorante au Centre européen de sociologie et de science politique (CESSP/EHESS) et docteure en science politique, Safia Dahani mène des recherches sur la légitimation de l’extrême droite contemporaine, et notamment du Rassemblement national (RN). Elle souligne dans la Tribune la manière dont les chaînes d’information en continu ont permis au parti de Marine Le Pen de faire progresser ses idées.

Alors que le Rassemblement national (RN) l’a largement emporté aux élections européennes, une enquête de la plateforme Tagaday montre que Jordan Bardella a été beaucoup plus exposé dans les médias que les autres candidats. Est-ce nouveau ?

SAFIA DAHANI - Ce que les travaux nous montrent, c’est qu’il y a eu un changement dans la médiatisation de ce parti dans les années 2010, dans le sillage de l’ascension de Marine Le Pen à la tête du Front national, devenu Rassemblement national. Il est intéressant de voir la manière dont les médias vont cadrer son accès à la présidence du FN. Elle est élue en 2011 à la tête du parti. Mais dès 2009-2010, elle commence à être invitée dans les émissions politiques de premier plan, en première partie de soirée, sur le service public. Elle débat de controverses nationales avec les ministres sarkozystes de l’époque. Les sondeurs vont la tester, dès 2010, pour l’élection présidentielle de 2012. Marine Le Pen n’est pas médiatisée de la même manière que l’était son père, Jean-Marie Le Pen. Quand Jean-Marie Le Pen était, par exemple, à son époque invité à « L’Heure de vérité » [sur France 2, Ndlr], le journaliste présentait toute sa biographie et rappelait ses ancrages à l’extrême droite. Il y avait des manifestations devant les sièges des chaînes, des appels au boycott… Avec Marine Le Pen, ce n’est plus toujours le cas, et une dynamique nouvelle s’est installée. Il y a cette idée, dans les médias, que c’est nouveau, que c’est une femme, qu’elle présente bien, et que ce n’est pas son père.

Diriez-vous que débute, à ce moment-là, la stratégie dite de « dédiabolisation » du RN ?

Je n’ai pas l’impression qu’il y a alors une stratégie particulière du parti. Ce sont les journalistes, les sondeurs, les observateurs médiatiques de la vie politique qui voient et présentent Marine Le Pen comme quelque chose d’apparemment nouveau, et vont la cadrer de manière différente. Alors effectivement, Marine Le Pen va prendre ses distances avec l’affaire du « détail de l’histoire » [la manière dont son père avait qualifié les chambres à gaz de la seconde guerre mondiale, Ndlr] par exemple… Mais sa médiatisation change. C’est aussi le début des chaînes d’information en continu, ce qu’on appelle le « troisième marché médiatique ». A l’époque, I-Télé va notamment diffuser les meetings de Marine Le Pen, ses conférences de presse, ce qu’on ne voyait pas avant. Ces chaînes vont donner une forte visibilité au FN dans les années 2010. En 2014-2015, j’ai compté que Florian Philippot, alors premier vice-président du parti, était présent au moins tous les deux jours sur les chaînes d’info en continu.

Cette exposition grandissante du RN est-elle aussi liée à l’essor, depuis quelques années, de médias à la ligne ultraconservatrice comme CNews ou le JDD du milliardaire Vincent Bolloré ? On a d’ailleurs vu CNews doubler BFMTV en termes d’audiences une semaine avant le vote des européennes.

Il y a plusieurs éléments. Le premier, c’est que les nouvelles chaînes d’info en continu ont fait apparaître de nouveaux espaces médiatiques, avec la nécessité de trouver de nouveaux invités. C’est à ce moment-là que des députés ont été très médiatisés, alors que cela était jusqu’alors plutôt réservé aux ministres. Le deuxième élément, ce sont les logiques de concentration économique de certains médias, où l’on a effectivement vu des lignes éditoriales se droitiser [comme ce fut le cas avec CNews, ex-I-Télé, après son rachat par le Vivendi de Vincent Bolloré, Ndlr]. Mais au-delà des médias conservateurs comme Valeurs Actuelles ou Le Figaro, qu’on repère directement comme des espaces où les idées de l’extrême droite vont être nuancées, atténuées, légitimées, d’autres types de médias vont progressivement véhiculer cette vision d’un nouveau FN-RN en invitant régulièrement des membres et dirigeants de ce parti. Ils vont le faire en arguant que c’est la démocratie, mais en évacuant tout ce que la science nous dit de ce parti, qui est d’extrême droite, réactionnaire, antisémite et raciste. Cela s’est déployé dans l’ensemble du champ journalistique, à l’exception de quelques médias libres et indépendants, y compris dans l’audiovisuel public. Il y a par exemple eu un débat sur BFMTV, l’an dernier, où le député RN Jean-Philippe Tanguy a suscité la controverse en évoquant des « Français de papier ». Cette médiatisation dépasse les cas de CNews ou du JDD. Elle favorise la percée des idées de l’extrême droite, les rend légitimes. C’est ainsi qu’en 2022, Valérie Pécresse, alors candidate Les Républicains à la présidentielle, a parlé de « grand remplacement » dans un de ses meetings.

Pendant la campagne des européennes, certains observateurs ont notamment critiqué un face à face, le 23 mai sur France 2, entre le Premier ministre Gabriel Attal et Jordan Bardella. Le lendemain, François-Xavier Bellamy, le candidat LR, a critiqué l’organisation de ce débat, refusant de « commenter » un « match qu’on a écrit à l’avance ». Cette forme de médiatisation a-t-elle contribué à légitimer le RN ?

L’organisation de ce duel est quand même questionnant. Le fait que le Premier ministre accepte ce « one to one » avec Jordan Bardella a accouché d’une sorte de transfert de légitimité. Il y a cette idée que ça vaut la peine, en fait, de débattre avec le président du RN, d’y accorder du temps, et en « prime time ». Cela légitime plus qu’autre chose Jordan Bardella et son parti. Ce débat revêt quelque chose d’historique, d’un peu nouveau.

Y a-t-il des précédents à cet épisode ?

C’était déjà historique qu’un président et/ou candidat à l’élection présidentielle débatte avec l’extrême droite avant le second tour, comme Emmanuel Macron l’a fait en 2017 puis en 2022. Il y a désormais cette idée qu’il faut donner la parole au FN-RN en raison de son poids électoral. Mais lors du dernier scrutin, la donne était différente puisqu’il s’agissait des élections européennes, que Gabriel Attal n’était pas candidat, et qu’il a choisi, parmi les dizaines de listes disponibles, de débattre avec le représentant du premier parti d’extrême droite. C’est en cela qu’il y a un changement, et encore une fois un effet de légitimation.

Édouard Philippe contre l’alliance avec le RN

Édouard Philippe contre l’alliance avec le RN

L’ex-premier ministre invite «tous les démocrates» à se rassembler «avant le premier tour» des législatives pour «construire une nouvelle majorité» face aux alliances à droite et à gauche. Il «espère» présenter près d’«une centaine» de candidats Horizons.

 

Une alliance « contre nature ». Édouard Philippe a réagi  à l’annonce du président des Républicains Éric Ciotti de vouloir s’allier au Rassemblement national (RN) en vue des élections législatives anticipées. « Je la trouve consternante et contre nature », a-t-il indiqué sur le plateau de BFMTV.

 

Sondages législatives: Le RN proche de la majorité absolue

Sondages législatives: Le RN proche de la majorité absolue

Pour qu’un groupe politique, ou une alliance de groupes politiques, obtienne la majorité absolue à l’Assemblée nationale, il lui faut obtenir 289 sièges sur les 577 que compte l’Assemblée nationale. Dans un sondage Elabe pour La Tribune Dimanche et BFMTV, le RN recueillerait 31% des voix devant l’alliance de gauche (28%) et le camp macroniste (18%).Les projections en sièges établies par l’institut Elabe donneraient : une fourchette de 220 à 270 sièges pour le RN, de 150 à 190 pour l’alliance de gauche, de 90 à 130 élus pour les macronistes et de 30 à 40 pour LR. « Des projections à prendre avec précaution », selon Bernard Sananès président d’Elabe.

 
Ce sondage contient d’autres mauvaises pour Emmanuel Macron et sa majorité sortante. Pour sept Français sur 10, l’implication du chef de l’Etat est perçue plutôt comme un handicap pour son camp. Cela va donc dans le sens de certains députés sortants qui préfèrent mettre la photo de Gabriel Attal sur leurs documents de campagne plutôt que celle d’Emmanuel Macron.

Autre signe qu’aucun sursaut ne semble en cours dans l’opinion : à la question qui souhaitez-vous comme Premier ministre, les Français penchent à 39% pour Jordan Bardella devant Gabriel Attal (36%), viennent ensuite Jean-Luc Mélenchon (16%) juste devant Laurent Berger (15%) et Gérard Larcher (14%).

Quant au pronostic de victoire, 43% des sondés voient le RN vainqueur contre seulement 10% pour la gauche et les macronistes.

Législatives : Bellamy pour le RN au second tour

Législatives : Bellamy  pour le RN  au second tour

 

Un nouvel embarras pour LR avec cette déclaration du chef de file aux européennes François-Xavier Bellamy qui indique qu’il votera pour le RN au second tour. De quoi brouiller encore un peu plus la ligne d’un parti de plus en plus écartelé.

François-Xavier Bellamy marche sur un fil. Le chef de file des eurodéputés LR, propulsé à la vice-présidence du parti après l’exclusion d’Éric Ciotti - que l’intéressé conteste -, s’est opposé catégoriquement à l’idée d’une «alliance» avec le Rassemblement national. Il n’empêche, le député européen a assuré qu’il voterait «bien sûr» pour le parti à la flamme en cas de second tour face à l’union des gauches, le 7 juillet prochain.

Rétropédalages au RN sur les retraites et la nationalité

Rétropédalages  au RN sur les retraites et la nationalité

 

Un premier rétropédalage de Bardella  a concerné les retraites. Le candidat RN au poste de premier ministre a en effet considéré dans un premier temps que la priorité n’était pas celle de la réforme des retraites. C’est-à-dire l’annulation de la réforme récente de Macron. Puis il a dû se raviser sous les critiques. Plus récemment, c’est le député RN Sébastien Chenu qui est revenu lui sur ses affirmations concernant la suppression de la double nationalité ( hormis pour les binationaux européens)

Le vice-président de l’Assemblée nationale a affirmé jeudi soir sur C8 que le gouvernement frontiste, qu’il appelle de ses vœux, supprimera la double nationalité des Français concernés, à l’exception des binationaux européens. «Une nationalité dit beaucoup de ce que vous êtes et de ce à quoi vous êtes attaché», a-t-il défendu. «On ne peut pas être Français pour certaines choses et Uruguayens pour d’autres», a poursuivi Sebastien Chenu, qui ne «demande à personne de renier (ses origines)» mais «d’adhérer à des valeurs.» Suite à cette bévue, le RN a dû revenir sur les propos de Sébastien Chenu.

 

 

Sondages législatives: Le RN proche de la majorité absolue

Sondages législatives: Le RN proche de la majorité absolue

Pour qu’un groupe politique, ou une alliance de groupes politiques, obtienne la majorité absolue à l’Assemblée nationale, il lui faut obtenir 289 sièges sur les 577 que compte l’Assemblée nationale. Dans un sondage Elabe pour La Tribune Dimanche et BFMTV, le RN recueillerait 31% des voix devant l’alliance de gauche (28%) et le camp macroniste (18%).Les projections en sièges établies par l’institut Elabe donneraient : une fourchette de 220 à 270 sièges pour le RN, de 150 à 190 pour l’alliance de gauche, de 90 à 130 élus pour les macronistes et de 30 à 40 pour LR. « Des projections à prendre avec précaution », selon Bernard Sananès président d’Elabe.

 

 
Ce sondage contient d’autres mauvaises pour Emmanuel Macron et sa majorité sortante. Pour sept Français sur 10, l’implication du chef de l’Etat est perçue plutôt comme un handicap pour son camp. Cela va donc dans le sens de certains députés sortants qui préfèrent mettre la photo de Gabriel Attal sur leurs documents de campagne plutôt que celle d’Emmanuel Macron.

Autre signe qu’aucun sursaut ne semble en cours dans l’opinion : à la question qui souhaitez-vous comme Premier ministre, les Français penchent à 39% pour Jordan Bardella devant Gabriel Attal (36%), viennent ensuite Jean-Luc Mélenchon (16%) juste devant Laurent Berger (15%) et Gérard Larcher (14%).

Quant au pronostic de victoire, 43% des sondés voient le RN vainqueur contre seulement 10% pour la gauche et les macronistes.

Le vote RN et l’école

Le  vote RN et l’école

par , Postdoctorant, CESDIP, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay dans The Conversation
 

La faiblesse du niveau de diplôme est un des facteurs les plus prédictifs du vote pour le Rassemblement national (RN), et avant lui le Front national (FN). Derrière ce constat statistique, ce que la sociologie de terrain retrouve, ce sont des trajectoires scolaires souvent heurtées, relativement courtes, vécues difficilement. C’est ainsi un certain rapport à l’école, distant voire défiant, qui apparaît comme l’un des facteurs communs à une partie importante de l’électorat lepéniste. Il ne s’agit pas de suggérer qu’il y aurait un lien direct et nécessaire entre un « manque de culture » et les penchants xénophobes nourrissant le vote RN – après tout, il y a toujours eu des manières très cultivées d’être d’extrême droite, et l’idéologie raciste s’est toujours reposée sur des constructions intellectuelles et savantes. La faiblesse du diplôme a en revanche des conséquences socioprofessionnelles importantes, du fait de la fragilité sur le marché du travail qu’elle engendre. Dans une société où la possession de capitaux scolaires est devenue si importante, en être dépourvu produit une incertitude et un pessimisme structurant les préférences électorales pour le RNCette situation génère aussi une relation spécifique à l’ordre scolaire, y compris pour les électeurs étant parvenus à une certaine stabilité sociale. C’est sur cette relation à l’école et ses conséquences sociales et politiques que j’aimerais m’attarder ici.

 

par ,Postdoctorant, CESDIP, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines (UVSQ) – Université Paris-Saclay dans The Conversation 

 

De 2016 à 2022, dans le cadre d’une enquête de terrain menée dans le sud-est de la France, j’ai rencontré des électeurs de classes populaires et de petites classes moyennes votant ou ayant déjà voté pour le RN. Durant les entretiens, l’enjeu de l’école a été régulièrement convoqué, souvent sous un registre négatif. À propos de leurs parcours scolaires, beaucoup de personnes m’indiquent n’avoir « pas aimé » l’école, ou n’être « pas faites pour les études », trahissant le désajustement entre leur propre socialisation et les attentes de l’institution scolaire.

Pour ces électeurs, qui étaient pour beaucoup des parents au moment de l’enquête, la question scolaire émerge de plusieurs façons. D’abord comme inquiétude pour leurs enfants face à une dégradation de l’école publique – ce qui peut amener certaines familles à se tourner vers les établissements privés. Ensuite, comme moteur d’antagonisme vis-à-vis d’autres groupes sociaux, notamment ceux davantage dotés en capital culturel – antagonisme qui s’accompagne souvent d’une défiance envers la gauche.

La moindre maîtrise de l’univers scolaire a pour première conséquence de se sentir démuni face à ce qui est considéré comme une détérioration de l’offre scolaire publique. Sur mon terrain comme ailleurs, l’école publique pâtit d’une mauvaise réputation. La conviction que « le public » s’est « dégradé » semble très largement partagée, en particulier dans certains quartiers en cours d’appauvrissement dans lesquels vivent souvent les personnes interrogées. Cette situation est vécue d’autant plus durement que l’importance des certifications scolaires pour leurs enfants a parfaitement été intégrée par les parents de classes moyennes et de classes populaires. Mais contrairement aux groupes mieux pourvus en ressources culturelles, il est plus difficile pour eux de mettre en place des stratégies de compensation du niveau jugé insatisfaisant de certaines écoles publiques (faire les devoirs à la maison, voire détourner la carte scolaire, etc.).

Dans certains cas, le faible capital culturel peut être compensé en partie par un (petit) capital économique, notamment en ayant recours à l’école privée. Beaucoup de personnes rencontrées m’indiquent ainsi avoir choisi de scolariser leurs enfants dans le privé, et ce parfois au prix de sacrifices financiers importants. Dans les territoires dans lesquels j’ai enquêté, il n’est un secret pour personne que l’inscription dans ces établissements doit être demandée très en avance, car les listes d’attente ne cessent de s’allonger. Par contraste avec les établissements publics, les écoles privées sont réputées de meilleur niveau, avec une sélection des élèves plus importante, une « discipline » et une « surveillance » accrues pour les enfants et adolescents. Le privé est donc le prix à payer par les parents pour, comme on me l’a souvent dit, être « tranquilles » quant à l’éducation scolaire et aux « fréquentations » de leurs enfants.

Il faut noter que cette décision n’est jamais prise de gaieté de cœur. Comme me l’exprime une électrice ayant scolarisé ses enfants dans le privé, « c’est quand même malheureux d’en arriver là ». Ce choix du privé est conçu, au fond, comme anormal, et les élites dirigeantes en sont en grande partie tenues responsables. Le recours au privé n’est donc pas un refus de l’État, mais le symptôme d’une déception vis-à-vis de ce que les institutions publiques devraient offrir aux citoyens.

L’offre scolaire locale est ainsi perçue comme faisant partie d’un système concurrentiel, avec des classements informels des établissements circulant selon leur réputation. Dans les discours des personnes interrogées, ces perceptions s’avèrent souvent profondément racialisées. La proportion de personnes identifiées comme immigrées fréquentant les écoles fonctionne comme une sorte de signal du niveau scolaire global de l’établissement, orientant les stratégies parentales de placement scolaire. Dans certains quartiers, le déclassement social des écoles publiques est ainsi d’autant plus visible qu’il est perçu racialement, et d’autant plus difficile à enrayer que cette perception renforce, par circularité, les pratiques d’évitement des ménages blancs.

Cette situation suscite des désirs de protectionnisme non plus seulement sur le terrain de l’emploi, mais également sur celui de l’accès aux ressources communes et aux services publics. Le problème n’est plus ici l’immigré travailleur, mais les familles immigrées, dont les enfants vont être scolarisés dans les écoles du quartier. De ce fait, les discours politiques comme ceux du RN prônant la réduction de l’immigration et l’arrêt du regroupement familial trouvent ici des échos favorables.

Dans mon enquête, ces inquiétudes éducatives touchent davantage les électrices que les électeurs. On sait que l’éducation des enfants continue d’être une prérogative majoritairement féminine, ce qui pourrait constituer une des causes du vote des femmes (et notamment des mères) pour le RN. Le vote d’extrême droite a longtemps été un vote majoritairement masculin, les femmes votant traditionnellement beaucoup moins pour cette famille politique. En France, ce « gender gap » (écart entre les sexes) s’est cependant progressivement réduit au fil des élections récentes. Il a même désormais complètement disparu pour le RN (tout en refaisant son apparition sur le vote Zemmour).

Les causes de ce rattrapage électoral féminin sont multiples, d’un « effet Marine Le Pen » (par comparaison avec le virilisme explicite de son père) à des causes plus structurelles, comme la précarisation croissante de secteurs d’emplois majoritairement féminins (aides à la personne, secteur du care, etc.). Mon enquête invite aussi à prendre davantage en compte la question scolaire dans l’explication du progressif ralliement des femmes à l’extrême droite. À bien des égards, un autre ressort crucial du vote RN féminin réside dans cette situation dégradée de l’école en France et dans les appréhensions parentales qu’elle suscite.

Le rapport à l’école a aussi des conséquences sur les manières de percevoir les autres groupes sociaux et, derrière eux, les formations politiques. Comme suggéré plus haut, pour beaucoup d’électeurs du RN, c’est le travail, plus que l’école, qui leur a permis d’accéder à un emploi (relativement) stable et à un petit patrimoine (souvent leur propre logement dont ils sont propriétaires). Ils se caractérisent ainsi par un capital économique supérieur à leur capital culturel. Cette structure du capital que l’on retrouve de façon transversale au sein de l’électorat lepéniste se traduit par la valorisation de styles de vie orientés davantage vers la réussite économique que vers « des ressources culturelles distinctives ».

Dès lors, lorsqu’il s’agit de qualifier les groupes situés dans le « haut » de l’espace social, les électeurs du RN vont davantage valoriser les élites spécifiquement économiques. Sur mon terrain, si l’on peut certes critiquer une richesse trop ostentatoire (ceux qui « veulent montrer qu’ils ont de l’argent ») ou démesurée (ceux qui « se gavent »), la figure du « bon patron » ou de la personne qui a « réussi » économiquement revient souvent de façon positive dans les discours.

Par contraste, les groupes et individus les plus pourvus en capital culturel, les « sachants », et notamment les professions spécialisées dans l’usage du savoir, de la parole et des symboles (enseignants, journalistes, artistes…), vont souvent susciter scepticisme et hostilité. Ces derniers sont souvent associés à une position de privilégié moralisateur, des « beaux parleurs » et des « donneurs de leçons ». Cette défiance se rejoue dans le rejet de la gauche, camp politique souvent associé – non sans un certain réalisme sociologique – à ces « élites du diplôme ».

À bien des égards, le mépris de classe dont s’estiment parfois victimes les électeurs du RN fait écho aux formes de violence symbolique dont l’école est un des principaux foyers. Comme si la distance à l’univers scolaire, aux positions professorales, à la culture dite légitime et aux styles de vie qui lui sont associés exprimait une réaction de défense face à une domination scolaire subie antérieurement.

L’institution scolaire reste pour beaucoup avant tout un lieu de classements, de frustrations et d’humiliations. Il faut donc s’interroger sur ce que produit politiquement notre école, sur les visions du monde et les préférences électorales qu’elle engendre sur le long terme chez les individus.

Législatives: gauche réunie……par le succès RN

Législatives: gauche  réunie……par le succès RN

 

 

À gauche ce n’est pas la grande joie après les élections européennes puisqu’elle ne vient qu’en troisième position. L’avenir n’apparaît guère prometteur non plus. Et le seul moteur de la gauche sera de s’opposer au Rassemblement National puisque désormais le pouvoir de Macron est marginalisé. D’une certaine manière ,on peut considérer que le RN a favorisé l’unité de façade de la gauche.
Il s’agit en effet d’une unité de façade car en faite tout les sépare aussi bien sur l’avenir de l’Europe, que le positionnement sur les guerres d’Ukraine et de Gaza et même sur la démocratie ou l’économie.La gauche sera réduite, compte tenu notamment de cette ambiguïté, à une posture de témoignage en attendant des jours meilleurs peut-être. Mais rien ne sera possible sans qu’une clarification idéologique ne sera pas opérée. Ce qui passe notamment par la mise à l’écart de Mélenchon et des plus gauchistes.

L’union des gauches semble donc ressuscitée : le Parti socialiste, le Parti communiste français, Les Écologistes et La France insoumise ont indiqué vouloir « soutenir des candidatures uniques dès le premier tour » pour les législatives anticipées, dans un communiqué également signé par Place publique et Générations, cité par l’AFP. Le problème c’est que l’addition de ces partis très disparates ne donne que 23 % des voix dans les sondages actuellement.

« Nous appelons à la constitution d’un nouveau front populaire rassemblant dans une forme inédite toutes les forces de gauche humanistes, syndicales, associatives et citoyennes » afin de « construire une alternative à Emmanuel Macron et combattre le projet raciste de l’extrême droite », écrivent les partis signataires.
 Pour rappel, le président de la République Emmanuel Macron a dissous l’Assemblée nationale dimanche 9 juin, à l’issue des élections européennes marquées par la large victoire du Rassemblement national. Provoquant, donc, des élections législatives anticipées. Le premier tour de ces élections est prévu le 30 juin, et le second le 7 juillet.

Des résultats conformes aux sondages avec le RN nettement en tête

Des résultats conformes aux sondages avec le RN nettement en tête

Le RN arrive en tête avec 31,47 %, devant Renaissance (14,56%), PS-Place publique (13,8%), LFI (9,87%) et LR (7,24%), selon les résultats provisoires. Suivent les Écologistes (5,47%) et Reconquête! (5,46%).

Pour le pouvoir il s’agit d’une sorte de séisme qui d’ailleurs a amené le président a décidé la dissolution de l’Assemblée nationale.

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