Archive pour le Tag 'Révolte'

Nouvelle-Calédonie : des points communs avec la révolte des quartiers

Nouvelle-Calédonie : des points communs avec la révolte des quartiers

Si effectivement la modification constitutionnelle visant à faire évoluer le nombre d’électeurs en Nouvelle-Calédonie a été l’élément déclencheur, reste que la révolte des jeunes en particulier présente des analogies avec le mouvement des banlieues dans l’Hexagone. La même violence contre les biens publics et privés et surtout les mêmes pillages.

 

En cause une jeunesse désœuvrée comme dans les banlieues avec des taux de chômage de l’ordre de 25 %, aussi le désœuvrement, le délitement de l’autorité publique et le déclassement culturel.

Une jeunesse cependant qui a été manœuvrée par des courants politiques sous influence étrangère.

La situation en Nouvelle-Calédonie est évidemment spécifique mais les grands facteurs explicatifs des violences ressemblent malheureusement à ce de la révolte des quartiers de 2023. Le résultat d’une faillite de l’État tant en matière de sécurité que de formation et d’insertion.

Révolte agricole : un mouvement qui peut s’étendre pour 70 % des Français

Révolte agricole : un mouvement qui peut s’étendre pour 70 % des Français

Compte tenu des contradiction entre les différentes parties au conflit agricole , il ne faut guère espérer sortir du chaos avant une semaine. Cela d’autant plus que certaines organisations syndicales ont l’impression d’avoir été cocues par le pouvoir. Surtout la FNSEA prises en quelque sorte à revers et contraintes de durcir ses positions. Sans parler des influences politiques à la veille des élections européennes. Le risque c’est de voir ce mouvement s’amplifier mais surtout contaminer d’autres secteurs comme par exemple les marins, les chauffeurs de taxi, le transport routier voir d’autres catégories nombreuses qui souffrent de la baisse du pouvoir d’achat face à l’inflation.

Il y a donc d’abord urgence à ouvrir des négociations dans l’agriculture avec tous les syndicats représentatifs et les autres partis prenantes( industriels, distribution, qui par parenthèse en général ont profité de la période pour s’en mettre plein les poches; on pourra le vérifier après l’arrêté des comptes des secteurs visés). Par avance ,la semaine va être hypothéquée par la volonté de certains agriculteurs de montrer encore leur mécontentement. Dès la semaine suivante devrait alors s’ouvrir une sorte de Grenelle de l’agriculture prenant pour base la déclaration d’Attal davantage développée et plus concrète. Sinon ,l’enlisement agricole pourrait pourrir la situation sociale d’autres secteurs d’activité et la France pourrait entrer alors vers une forme de chaos déjà connu .

Un sondage Elabe pour BFM révèle que 87 % des Français approuvent le mouvement en cours en dépit de certaines contradictions entre les intérêts des uns et des autres. La preuve sans doute que l’opinion opère une sorte de transfert de mécontentement général sur l’action en cours. En effet, ils sont 70 % à considérer que le mouvement pourrait prendre une autre ampleur beaucoup plus générale.

En cause sans doute, le très mauvais climat qui règne en France sur un certain nombre de sujets notamment prioritaires comme le pouvoir d’achat, la santé, la sécurité ou encore l’école.

Personne ne peut lire dans le marc de café mais ce gouvernement a largement démontré depuis 2017 son manque de compétence et de légitimité. On a ainsi accumulé des crises stériles comme la réforme des retraites ou mouvement des gilets jaunes. Des crises qui pouvaient être évitées avec une concertation à temps avec les différents acteurs. Or Macron se caractérise par une transgression permanente des règles de concertation avec les organisations et organismes représentatifs y compris d’ailleurs le Parlement qu’il remplace par des structures bidons destinées à sa propre communication.

Certes le mouvement des agriculteurs est différent de celui des gilets jaunes mais il présente cependant des caractéristiques parfois communes. Ainsi ce mouvement est parti de la base et s’il s’étend dans toute la France c’est sur impulsion de cette base, aussi en raison de la de concurrence entre les organisations agricoles.

Le pouvoir ne s’est pas rendu compte du caractère particulièrement délétère en France qui se manifeste par un manque flagrant de compétence et d’autorité légitime. La crise éclate dans l’agriculture mais elle aurait pu commencer dans n’importe quel autre secteur. Notamment à propos du pouvoir d’achat massacré depuis deux ans et qui va encore subir les nombreuses augmentations décidées notamment par l’État début 2024.

Encore une fois si juridiquement le pouvoir macronien ne peut être contesté par contre politiquement il n’est plus légitime. Pire, Macon lui-même n’est pas seulement contesté il est détesté autant pour ses orientations que pour sa personnalité jupitérienne hors sol et méprisante.

Il est à prévoir qu’en la circonstance le pouvoir comme d’habitude va essayer de gagner du temps. Mais justement en tergiversant il va en perdre car plus le temps passe et plus la radicalisation se renforcera voire s’étalera.

Pouvoir d’achat : la prochaine révolte sociale

Pouvoir d’achat : la prochaine révolte sociale

Tous les indicateurs sont dans le rouge ainsi la pauvreté n’a jamais atteint un tel niveau. On voit par exemple une augmentation significative du nombre de bénéficiaires de minima sociaux, les restos du cœur sont complètement débordés et les Français en moyenne ont réduit leur consommation dans la grande distribution de 7 % en volume. Pourtant les médias et les experts en général sous-estiment largement le mécontentement des salariés et des ménages vis-à-vis de la chute de leur pouvoir d’achat. Pour l’instant, on se focalise sur des orientations illusoires ( écologie, sécurité, immigration etc.) faute évidemment de moyens à la hauteur des enjeux. Et ce n’est pas le dernier discours ennuyeux de Macron à la télé qui convaincra sur ces sujets.

Dernièrement, la question du carburant a montré l’immobilisme total d’un gouvernement minoritaire non seulement à l’Assemblée nationale mais de plus en plus discrédité dans l’opinion. La première ministre et le ministre de l’économie en fait preuve à cet égard d’une grande hypocrisie concernant l’envolée du prix de l’essence. D’une grande irresponsabilité aussi par exemple en supprimant l’aide aux carburants du secteur déjà sinistré de la pêche.( Du coup, on importe de plus en plus).

Sans entrer dans une bataille de chiffres plus ou moins pertinents( on peut démontrer ce qu’on veut en fonction des méthodologies), on constate tout simplement et surtout la hausse de l’alimentaire de 20 % sur deux ans et envol du prix du carburant. Au total le pouvoir d’achat sur deux ans a diminué de 10 % pour les ménages.

Social- Pouvoir d’achat : la prochaine révolte

Social- Pouvoir d’achat : la prochaine révolte

Les médias et les experts en général sous-estiment largement le mécontentement des salariés et des ménages vis-à-vis de la chute de leur pouvoir d’achat. Pour l’instant, on se focalise sur des orientations illusoires ( écologie, sécurité, immigration etc.) faute évidemment de moyens à la hauteur des enjeux. Et ce n’est pas le discours ennuyeux de Macron dimanche à la télé qui convaincra sur ces sujets.

Dernièrement, la question du carburant a montré l’immobilisme total d’un gouvernement minoritaire non seulement à l’Assemblée nationale mais de plus en plus discrédité dans l’opinion. La première ministre et le ministre de l’économie en fait preuve à cet égard d’une grande hypocrisie concernant l’envolée du prix de l’essence. D’une grande irresponsabilité aussi par exemple en supprimant l’aide aux carburants du secteur déjà sinistré de la pêche.( Du coup, on importe de plus en plus).

Sans entrer dans une bataille de chiffres plus ou moins pertinents( on peut démontrer ce qu’on veut en fonction des méthodologies), on constate tout simplement et surtout la hausse de l’alimentaire de 20 % sur deux ans et envol du prix du carburant. Au total le pouvoir d’achat sur deux ans a diminué de 10 % pour les ménages.

Tout augmente pas seulement l’alimentaire ou le carburant mais toutes les dépenses contraintes (chauffage, assurances, électricité, taxe foncière, abonnements, les services en général etc.)

Ce sont les bas salaires et les couches moyennes qui font les frais de cette inflation galopante qui a permis aux grands groupes de spéculer et de réaliser des résultats financiers exceptionnels.

En réalité, l’inflation est un phénomène particulièrement pervers qui permet une redistribution à l’envers des ménages vers les profits des grandes sociétés. Comme une sorte d’impôt sur les achats mais sans passer par la case fiscalité officielle.

Certes, le pouvoir politique ne peut pas tout dans ce domaine mais il pourrait au moins d’une part inciter à la négociation pour faire baisser les prix, d’autre part inciter aussi à la discussion dans les branches et les entreprises pour augmenter les salaires. Pourtant le gouvernement actuel n’agit ni sur l’un ni sur l’autre se limitant à des discours creux voire mensongers.

La révolte dans la police révèle une grave crise d’autorité et de légitimité du politique

La révolte dans la police révèle une grave crise d’autorité et de légitimité du politique


Au-delà des faits individuels qui font émerger des contradictions entre le pouvoir politique et la justice, ressurgit le vrai problème de la crise d’autorité et de légitimité du politique.

L’autorité républicaine est en effet en pleine déliquescence et cela depuis des années. Progressivement, on a autorisé des prises de distance avec les règles qui conditionnent la vie en société. Tout commence souvent à l’intérieur des familles incapables de transmettre les valeurs de base puis se prolonge à l’école ou le pédagogisme a triomphé non seulement des programmes mais aussi de la discipline. La lâche suppression du service militaire a terminé le travail de destruction des liens sociétaux. Par parenthèse ce qui a transformé l’armée française en armée échantillonnaire qui serait vite balayée dans le cadre d’un conflit comme celui entre la Russie et l’Ukraine. Pour preuve nos reculs successifs en Afrique face à des ennemis pourtant de moindre importance. L’ensemble de la société s’est finalement accommodé de cette prise de distance avec les règles qui permettent de concilier liberté individuelle et libertés collectives.

La police est mise en cause mais c’est l’État tout entier qui est sur la sellette en raison d’absence d’orientation claire, de moyens et de cohérence.

Le problème de fond, c’est que le politique n’a plus de légitimité. Pour preuve, plus de 50 % des électeurs refusent désormais de voter et nos élus à tous les niveaux sont souvent choisis avec un socle d’électeurs de l’ordre de 10 à 15 %. Et certains des élus se croient investis pour imposer leur idéologie alors qu’ils ne représentent qu’une minorité.

Par ailleurs on a tout fait pour affaiblir les organisations intermédiaires qui permettaient d’entretenir des liens entre le politique et les citoyens. On leur a substitué des organisations fictives composées de technocrates, de courtisans et d’arrivistes.

Du coup dans chacun des secteurs, dans chaque couche de sociétés, l’accumulation de problèmes non traités fait sauter le couvercle de la cocotte-minute un moment donné. Le pays devient le champion du monde des chienlits. Or le politique est largement responsable de cette situation d’abord parce que non légitime ensuite discrédité par sa politique clientéliste autant que par son immobilisme.

La restauration de cette légitimité est donc de l’autorité qui doit l’accompagner passe nécessairement par un retour aux pratiques démocratiques quand le pouvoir est aujourd’hui aux mains d’aventuriers incompétents, d’idéologues et de courtisans. La crise n’est donc pas celle de la police ou même de la justice mais celle de la société tout entière en panne de repères et de démocratie. Mais certains objecteront peut-être que la France a actuellement les politiques qu’on mérite. Une manière d’acter le déclin global du pays.

Environnement–ZFE : des inégalités et des risques de révolte

Environnement–ZFE : des inégalités et des risques de révolte


Un nouveau sujet explosif: les ZFE, c’est-à-dire ces zones qui seront interdites aux voitures des plus anciennes. Une forme de discrimination économique et sociale supplémentaire. En effet ce sont souvent ceux qui n’ont pas les moyens financiers de résider dans le centre des villes qui conjuguent habitat éloigné et voitures forcément plus polluantes puisque plus anciennes. Notons que dans ces populations, les salariés occupent souvent des emplois de service tôt le matin et tard le soir quand les transports collectifs deviennent quasiment inexistants. Or le rythme de réduction de l’utilisation de l’automobile devrait se faire au rythme de développement des transports alternatifs.

Missionnés par le gouvernement sur les zones à faibles émissions (ZFE), le Toulousain Jean-Luc Moudenc et la Strasbourgeoise Anne-Marie Jean viennent de remettre leur rapport au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu. Les deux élus de France urbaine y érigent en priorité les mesures sociales d’accompagnement des plus modestes. L’exécutif vient de reporter la plupart des décisions au mois de septembre

« Changer les règles de façon à éviter une explosion sociale du type Gilets jaunes puissance 10 ». Tel est l’objectif de Jean-Luc Moudenc et d’Anne-Marie Jean avec leur rapport rendu ce 10 juillet au gouvernement, comprenant 25 mesures pour une application « plus juste » et « plus cohérente » des zones à faibles émissions (ZFE). Au nom de l’association d’élus France urbaine, le maire (ex-LR) et président de Toulouse métropole, ainsi que sa co-autrice vice-présidente (Divers gauche) de l’Eurométropole strasbourgeoise, viennent de mener de multiples auditions et remontées de terrain.

« Nous avons voulu synthétiser les constats émanant du terrain et les difficultés recensées dans la mise en œuvre de ces ZFE (…) L’idée consiste à moins brutaliser les gens. C’est une transition que nous devons organiser et, par définition, une transition induit une nécessaire progressivité, et non de l’immédiateté, en allant dans une direction donnée. Actuellement, nous y allons un peu trop à marche forcée », témoigne Jean-Luc Moudenc interrogé par La Tribune.

Jusqu’à présent, 11 ZFE étaient déjà en œuvre et 32 autres devaient suivre, d’ici au 1er janvier 2025, dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Avec des calendriers de mise en application différents et des périmètres géographiques concernés pas forcément cohérents. Mais, ce 10 juillet, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a redessiné la carte des ZFE : Paris, Marseille, Strasbourg, Rouen et Lyon sont confirmées comme ZFE, à la différence des autres agglomérations qui sont désormais catégorisés « Territoires de vigilance ».

« Ces ZFE ont été décidées en 2019 pour lutter contre la pollution atmosphérique. Seulement, la situation économique était totalement différente. Les problématiques de pouvoir d’achat d’aujourd’hui n’existaient pas », poursuit le maire de Toulouse.

Environnement–ZFE : des inégalités et des risques de révolte

Environnement–ZFE : des inégalités et des risques de révolte


Un nouveau sujet explosif: les ZFE, c’est-à-dire ces zones qui seront interdites aux voitures des plus anciennes. Une forme de discrimination économique et sociale supplémentaire. En effet ce sont souvent ceux qui n’ont pas les moyens financiers de résider dans le centre des villes qui conjuguent habitat éloigné et voitures forcément plus polluantes puisque plus anciennes. Notons que dans ces populations, les salariés occupent souvent des emplois de service tôt le matin et tard le soir quand les transports collectifs deviennent quasiment inexistants.

Missionnés par le gouvernement sur les zones à faibles émissions (ZFE), le Toulousain Jean-Luc Moudenc et la Strasbourgeoise Anne-Marie Jean viennent de remettre leur rapport au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu. Les deux élus de France urbaine y érigent en priorité les mesures sociales d’accompagnement des plus modestes. L’exécutif vient de reporter la plupart des décisions au mois de septembre

« Changer les règles de façon à éviter une explosion sociale du type Gilets jaunes puissance 10 ». Tel est l’objectif de Jean-Luc Moudenc et d’Anne-Marie Jean avec leur rapport rendu ce 10 juillet au gouvernement, comprenant 25 mesures pour une application « plus juste » et « plus cohérente » des zones à faibles émissions (ZFE). Au nom de l’association d’élus France urbaine, le maire (ex-LR) et président de Toulouse métropole, ainsi que sa co-autrice vice-présidente (Divers gauche) de l’Eurométropole strasbourgeoise, viennent de mener de multiples auditions et remontées de terrain.

« Nous avons voulu synthétiser les constats émanant du terrain et les difficultés recensées dans la mise en œuvre de ces ZFE (…) L’idée consiste à moins brutaliser les gens. C’est une transition que nous devons organiser et, par définition, une transition induit une nécessaire progressivité, et non de l’immédiateté, en allant dans une direction donnée. Actuellement, nous y allons un peu trop à marche forcée », témoigne Jean-Luc Moudenc interrogé par La Tribune.

Jusqu’à présent, 11 ZFE étaient déjà en œuvre et 32 autres devaient suivre, d’ici au 1er janvier 2025, dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Avec des calendriers de mise en application différents et des périmètres géographiques concernés pas forcément cohérents. Mais, ce 10 juillet, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a redessiné la carte des ZFE : Paris, Marseille, Strasbourg, Rouen et Lyon sont confirmées comme ZFE, à la différence des autres agglomérations qui sont désormais catégorisés « Territoires de vigilance ».

« Ces ZFE ont été décidées en 2019 pour lutter contre la pollution atmosphérique. Seulement, la situation économique était totalement différente. Les problématiques de pouvoir d’achat d’aujourd’hui n’existaient pas », poursuit le maire de Toulouse.

ZFE : des inégalités et des risques de révolte

ZFE : des inégalités et des risques de révolte


Un nouveau sujet explosif: les ZFE, c’est-à-dire ces zones qui seront interdites aux voitures des plus anciennes. Une forme de discrimination économique et sociale supplémentaire. En effet ce sont souvent ceux qui n’ont pas les moyens financiers de résider dans le centre des villes qui conjuguent habitat éloigné et voitures forcément plus polluantes puisque plus anciennes. Notons que dans ces populations, les salariés occupent souvent des emplois de service tôt le matin et tard le soir quand les transports collectifs deviennent quasiment inexistants.

Missionnés par le gouvernement sur les zones à faibles émissions (ZFE), le Toulousain Jean-Luc Moudenc et la Strasbourgeoise Anne-Marie Jean viennent de remettre leur rapport au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu. Les deux élus de France urbaine y érigent en priorité les mesures sociales d’accompagnement des plus modestes. L’exécutif vient de reporter la plupart des décisions au mois de septembre

« Changer les règles de façon à éviter une explosion sociale du type Gilets jaunes puissance 10 ». Tel est l’objectif de Jean-Luc Moudenc et d’Anne-Marie Jean avec leur rapport rendu ce 10 juillet au gouvernement, comprenant 25 mesures pour une application « plus juste » et « plus cohérente » des zones à faibles émissions (ZFE). Au nom de l’association d’élus France urbaine, le maire (ex-LR) et président de Toulouse métropole, ainsi que sa co-autrice vice-présidente (Divers gauche) de l’Eurométropole strasbourgeoise, viennent de mener de multiples auditions et remontées de terrain.

« Nous avons voulu synthétiser les constats émanant du terrain et les difficultés recensées dans la mise en œuvre de ces ZFE (…) L’idée consiste à moins brutaliser les gens. C’est une transition que nous devons organiser et, par définition, une transition induit une nécessaire progressivité, et non de l’immédiateté, en allant dans une direction donnée. Actuellement, nous y allons un peu trop à marche forcée », témoigne Jean-Luc Moudenc interrogé par La Tribune.

Jusqu’à présent, 11 ZFE étaient déjà en œuvre et 32 autres devaient suivre, d’ici au 1er janvier 2025, dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Avec des calendriers de mise en application différents et des périmètres géographiques concernés pas forcément cohérents. Mais, ce 10 juillet, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a redessiné la carte des ZFE : Paris, Marseille, Strasbourg, Rouen et Lyon sont confirmées comme ZFE, à la différence des autres agglomérations qui sont désormais catégorisés « Territoires de vigilance ».

« Ces ZFE ont été décidées en 2019 pour lutter contre la pollution atmosphérique. Seulement, la situation économique était totalement différente. Les problématiques de pouvoir d’achat d’aujourd’hui n’existaient pas », poursuit le maire de Toulouse.

Emeutes des quartiers – Pourquoi la révolte ?

Emeutes des quartiers – Pourquoi la révolte ?

La mort de Nahel.M, 17 ans, abattu par un tir policier lors d’un contrôle de véichule à Nanterre mardi 27 juin au matin a déclenché une série d’émeutes dans plusieurs communes populaires en Ile-de-France et une vague d’indignation dans le pays. Les destructions et dégradations ont conduit le chef de l’Etat jeudi 29 à dénoncer « des scènes de violences » contre « les institutions et la République » qui sont « injustifiables ». Pourquoi tout casser, tout détruire ? Les histoires de bandes ou de violences dans les quartiers populaires, notamment lors d’événements déclencheurs (interpellations, blessures ou comme ici, un décès après une intervention policière) défrayent régulièrement la chronique. Si les parcours sociaux des individus sont plus hétérogènes qu’il n’y paraît, comme je le montre sur mon terrain mais aussi comme le font de nombreux travaux universitaires dont ceux de la sociologue Emmanuelle Santelli, il existe également des déterminismes sociaux mais aussi ethno-raciaux qui scellent la plupart des destins des jeunes des quartiers populaires urbains qui les conduisent, certes en fonction des trajectoires spécifiques, à des confrontations avec les institutions d’encadrement comme la police, l’école ou le travail social.

par Eric Marliere
Professeur de sociologie à l’université de Lille, Université de Lille dans the Conversation

Nous sommes donc en droit de nous demander si ces différentes manifestations de violence et d’agressivité véhiculées par certains jeunes adultes ne sont-elles pas en quelque sorte l’expression de formes politiques par le bas ? Une forme de résistance infra-politique qui prend la forme d’incivilités, que l’anthropologue James C. Scott appelle le « texte caché ».

Cette question nous paraît désormais centrale dans la mesure où les revendications politiques et sociales de la majorité des habitants des quartiers populaires et notamment des différentes générations de jeunes n’ont jamais été véritablement prises en compte par les institutions.

L’un des moments marquants illustrant cette hypothèse est l’épisode des « émeutes de 2005 ». Les médias avaient ainsi relayé leur incompréhension, indignation et condamnation morale face aux incendies de nombreuses écoles primaires. Or comme l’explique le sociologue Didier Lapeyronnie, le fait d’incendier les écoles – parfois occupées par les petites sœurs ou petits frères – ne peut être appréhendé comme un geste de violence « gratuite », mais plutôt comme un sentiment de revanche contre une institution, l’école, perçue comme humiliante et excluante.

Cette forme d’ostracisme n’est pas sans conséquence pour ces jeunes dans la mesure où la sélection sociale cautionnée par l’institution scolaire a condamné définitivement leur avenir notamment pour celles et ceux qui en sortiront sans diplôme.

L’action de brûler les écoles constitue pour ces jeunes le moyen d’occasionner un mouvement de rébellion, écrit Lapeyronnie, bien que dépourvus d’idéologie et de règle, mais visant à provoquer une « réaction » ou des « réformes » de la part de ces mêmes institutions.

Il s’agit également de se faire entendre par des institutions qui ne vous écoutent plus et de stopper momentanément un « système » qui tourne sans vous et se passe de votre existence depuis des années comme l’affirme Didier Lapeyronnie un peu plus loin :

« L’émeute est une sorte de court-circuit : elle permet en un instant de franchir les obstacles, de devenir un acteur reconnu, même de façon négative, éphémère et illusoire et d’obtenir des « gains » sans pour autant pouvoir contrôler et encore moins négocier ni la reconnaissance ni les bénéfices éventuels. »

Les formes de provocations et autres « incivilités » véhiculées par certains jeunes des « quartiers » envers les enseignants pourrait être appréhendée comme une réponse quotidienne au rôle central de l’école comme moyen verdict social pour l’avenir des jeunes.

Sur nos terrains d’enquête, nous avons aussi constaté des attitudes quelque peu ambiguës de la part d’agents de police dans l’espace public à l’égard de jeunes et parfois même de moins jeunes.

Par exemple, tel dimanche, en début d’après-midi, lorsque cinq jeunes adultes âgés de trente à trente-cinq ans, qui sont pour la plupart mariés et ont une situation professionnelle plus ou moins stable, se retrouvent dans la cité comme à l’accoutumée, avant d’aller voir jouer l’équipe municipale de football plus tard. Survient alors une 106 blanche « banalisée », avec à son bord des inspecteurs qui regardent de façon soupçonneuse les jeunes adultes en pleine conversation ; l’un des policiers baisse la vitre de la voiture et lance de manière impromptue : « Alors, les petits pédés, ça va ? ! » La réaction des jeunes adultes et des trentenaires présents se mêle de rires et d’incompréhensions face à une interpellation insultante et gratuite mais qui traduit aussi un ordinaire.

Cet ordinaire reflète une forme de négligence vis-à-vis de ces « quartiers populaires » où l’exception en matière de régulation policière, mais aussi en termes de politique de la ville, du logement, de marché du travail…

Il est également vrai que certains jeunes ne sont pas en reste avec les forces de police. L’historique et l’expérience sociale ont fait que certains jeunes récemment n’hésitent pas non plus à provoquer ou à narguer la police. Si certains trafiquants sont parfois dangereux en raison des enjeux économiques inhérents aux trafics, d’autres jeunes ayant intériorisé les pratiques agonistiques de rue perçoivent la police comme un ennemi.

Il existe donc des représailles de la part des jeunes : au bout de plus de 30 ans de confrontations, une sorte de cercle vicieux s’est ainsi instauré entre certains jeunes et certains policiers.

Pour autant si la prise de recul est nécessaire pour appréhender la nature de ces rapports de force – qui tourne le plus souvent à l’avantage des policiers à moyen terme – nous observons que les tensions étudiées qui ont cours dans les quartiers populaires sont liées à un quadrillage policier spécifique à l’encontre de ses jeunes perçus comme indésirables qui est sans commune mesure entre la police et les autres groupes sociaux (hormis les groupes extrêmes et récemment les « gilets jaunes »).

Du côté des politiques sociales, on a constaté une suspicion générale des jeunes envers les formes d’accompagnement proposés par le travail social par exemple.

En effet, contrairement aux discours médiatiques, beaucoup de jeunes adultes en grande difficulté préfèrent le plus souvent contourner les institutions et fuir les conflits notamment avec les forces de l’ordre et les institutions en général car leur survie sociale et/ou physique en dépend.

Les questions relatives à l’illégalité, à la déviance, au mensonge se situent aux confins de la débrouillardise et du « système D » et constituent un moyen de défense et de survie pour les classes populaires en grande difficulté.

Mais lorsque ces stratégies de survie entre des économies parallèles ne peuvent plus s’opérer en raison de conjonctures économiques défavorables ou d’institutions trop répressives dans les quartiers populaires urbains, le « système D » s’efface au profit des résistances, de révoltes ou des formes d’agressivité à l’égard d’agents de l’État appréhendés comme opposés aux possibilités de s’en sortir des personnes rencontrées sur le terrain.

Depuis les années 1970, une fraction des classes populaires urbaines se retrouve de plus en plus confrontée aux forces de police en période pourtant stable du point de vue politique. Si auparavant des conflits éclataient entre paysans et agents royaux durant l’Ancien Régime, et à partir du milieu du XIXe siècle entre ouvriers et la police, c’était le plus souvent en périodes de troubles sociaux ou politiques conséquence d’émeutes à répétition.

Même constat au sujet de la naissance du mouvement ouvrier à la fin du XIXe siècle – période de déstabilisation pour les classes populaires assujetties aux travaux rugueux et normatifs du monde industriel naissant – où les résistances et parfois les révoltes se développent à l’encontre des pouvoirs.

Au sujet des quartiers populaires urbains, la question semble quelque peu différente, car même en période d’« accalmie » ou stable, la police paraît toujours présente pour contrôler les jeunes, et ce quelles que soient leurs activités.

Emeutes – Pourquoi la révolte ?

Emeutes – Pourquoi la révolte ?

La mort de Nahel.M, 17 ans, abattu par un tir policier lors d’un contrôle de véichule à Nanterre mardi 27 juin au matin a déclenché une série d’émeutes dans plusieurs communes populaires en Ile-de-France et une vague d’indignation dans le pays. Les destructions et dégradations ont conduit le chef de l’Etat jeudi 29 à dénoncer « des scènes de violences » contre « les institutions et la République » qui sont « injustifiables ». Pourquoi tout casser, tout détruire ? Les histoires de bandes ou de violences dans les quartiers populaires, notamment lors d’événements déclencheurs (interpellations, blessures ou comme ici, un décès après une intervention policière) défrayent régulièrement la chronique. Si les parcours sociaux des individus sont plus hétérogènes qu’il n’y paraît, comme je le montre sur mon terrain mais aussi comme le font de nombreux travaux universitaires dont ceux de la sociologue Emmanuelle Santelli, il existe également des déterminismes sociaux mais aussi ethno-raciaux qui scellent la plupart des destins des jeunes des quartiers populaires urbains qui les conduisent, certes en fonction des trajectoires spécifiques, à des confrontations avec les institutions d’encadrement comme la police, l’école ou le travail social.

par Eric Marliere
Professeur de sociologie à l’université de Lille, Université de Lille dans the Conversation

Nous sommes donc en droit de nous demander si ces différentes manifestations de violence et d’agressivité véhiculées par certains jeunes adultes ne sont-elles pas en quelque sorte l’expression de formes politiques par le bas ? Une forme de résistance infra-politique qui prend la forme d’incivilités, que l’anthropologue James C. Scott appelle le « texte caché ».

Cette question nous paraît désormais centrale dans la mesure où les revendications politiques et sociales de la majorité des habitants des quartiers populaires et notamment des différentes générations de jeunes n’ont jamais été véritablement prises en compte par les institutions.

L’un des moments marquants illustrant cette hypothèse est l’épisode des « émeutes de 2005 ». Les médias avaient ainsi relayé leur incompréhension, indignation et condamnation morale face aux incendies de nombreuses écoles primaires. Or comme l’explique le sociologue Didier Lapeyronnie, le fait d’incendier les écoles – parfois occupées par les petites sœurs ou petits frères – ne peut être appréhendé comme un geste de violence « gratuite », mais plutôt comme un sentiment de revanche contre une institution, l’école, perçue comme humiliante et excluante.

Cette forme d’ostracisme n’est pas sans conséquence pour ces jeunes dans la mesure où la sélection sociale cautionnée par l’institution scolaire a condamné définitivement leur avenir notamment pour celles et ceux qui en sortiront sans diplôme.

L’action de brûler les écoles constitue pour ces jeunes le moyen d’occasionner un mouvement de rébellion, écrit Lapeyronnie, bien que dépourvus d’idéologie et de règle, mais visant à provoquer une « réaction » ou des « réformes » de la part de ces mêmes institutions.

Il s’agit également de se faire entendre par des institutions qui ne vous écoutent plus et de stopper momentanément un « système » qui tourne sans vous et se passe de votre existence depuis des années comme l’affirme Didier Lapeyronnie un peu plus loin :

« L’émeute est une sorte de court-circuit : elle permet en un instant de franchir les obstacles, de devenir un acteur reconnu, même de façon négative, éphémère et illusoire et d’obtenir des « gains » sans pour autant pouvoir contrôler et encore moins négocier ni la reconnaissance ni les bénéfices éventuels. »

Les formes de provocations et autres « incivilités » véhiculées par certains jeunes des « quartiers » envers les enseignants pourrait être appréhendée comme une réponse quotidienne au rôle central de l’école comme moyen verdict social pour l’avenir des jeunes.

Sur nos terrains d’enquête, nous avons aussi constaté des attitudes quelque peu ambiguës de la part d’agents de police dans l’espace public à l’égard de jeunes et parfois même de moins jeunes.

Par exemple, tel dimanche, en début d’après-midi, lorsque cinq jeunes adultes âgés de trente à trente-cinq ans, qui sont pour la plupart mariés et ont une situation professionnelle plus ou moins stable, se retrouvent dans la cité comme à l’accoutumée, avant d’aller voir jouer l’équipe municipale de football plus tard. Survient alors une 106 blanche « banalisée », avec à son bord des inspecteurs qui regardent de façon soupçonneuse les jeunes adultes en pleine conversation ; l’un des policiers baisse la vitre de la voiture et lance de manière impromptue : « Alors, les petits pédés, ça va ? ! » La réaction des jeunes adultes et des trentenaires présents se mêle de rires et d’incompréhensions face à une interpellation insultante et gratuite mais qui traduit aussi un ordinaire.

Cet ordinaire reflète une forme de négligence vis-à-vis de ces « quartiers populaires » où l’exception en matière de régulation policière, mais aussi en termes de politique de la ville, du logement, de marché du travail…

Il est également vrai que certains jeunes ne sont pas en reste avec les forces de police. L’historique et l’expérience sociale ont fait que certains jeunes récemment n’hésitent pas non plus à provoquer ou à narguer la police. Si certains trafiquants sont parfois dangereux en raison des enjeux économiques inhérents aux trafics, d’autres jeunes ayant intériorisé les pratiques agonistiques de rue perçoivent la police comme un ennemi.

Il existe donc des représailles de la part des jeunes : au bout de plus de 30 ans de confrontations, une sorte de cercle vicieux s’est ainsi instauré entre certains jeunes et certains policiers.

Pour autant si la prise de recul est nécessaire pour appréhender la nature de ces rapports de force – qui tourne le plus souvent à l’avantage des policiers à moyen terme – nous observons que les tensions étudiées qui ont cours dans les quartiers populaires sont liées à un quadrillage policier spécifique à l’encontre de ses jeunes perçus comme indésirables qui est sans commune mesure entre la police et les autres groupes sociaux (hormis les groupes extrêmes et récemment les « gilets jaunes »).

Du côté des politiques sociales, on a constaté une suspicion générale des jeunes envers les formes d’accompagnement proposés par le travail social par exemple.

En effet, contrairement aux discours médiatiques, beaucoup de jeunes adultes en grande difficulté préfèrent le plus souvent contourner les institutions et fuir les conflits notamment avec les forces de l’ordre et les institutions en général car leur survie sociale et/ou physique en dépend.

Les questions relatives à l’illégalité, à la déviance, au mensonge se situent aux confins de la débrouillardise et du « système D » et constituent un moyen de défense et de survie pour les classes populaires en grande difficulté.

Mais lorsque ces stratégies de survie entre des économies parallèles ne peuvent plus s’opérer en raison de conjonctures économiques défavorables ou d’institutions trop répressives dans les quartiers populaires urbains, le « système D » s’efface au profit des résistances, de révoltes ou des formes d’agressivité à l’égard d’agents de l’État appréhendés comme opposés aux possibilités de s’en sortir des personnes rencontrées sur le terrain.

Depuis les années 1970, une fraction des classes populaires urbaines se retrouve de plus en plus confrontée aux forces de police en période pourtant stable du point de vue politique. Si auparavant des conflits éclataient entre paysans et agents royaux durant l’Ancien Régime, et à partir du milieu du XIXe siècle entre ouvriers et la police, c’était le plus souvent en périodes de troubles sociaux ou politiques conséquence d’émeutes à répétition.

Même constat au sujet de la naissance du mouvement ouvrier à la fin du XIXe siècle – période de déstabilisation pour les classes populaires assujetties aux travaux rugueux et normatifs du monde industriel naissant – où les résistances et parfois les révoltes se développent à l’encontre des pouvoirs.

Au sujet des quartiers populaires urbains, la question semble quelque peu différente, car même en période d’« accalmie » ou stable, la police paraît toujours présente pour contrôler les jeunes, et ce quelles que soient leurs activités.

Société- Pourquoi la révolte des banlieues

Société- Pourquoi la révolte des banlieues

La mort de Nahel.M, 17 ans, abattu par un tir policier lors d’un contrôle de véichule à Nanterre mardi 27 juin au matin a déclenché une série d’émeutes dans plusieurs communes populaires en Ile-de-France et une vague d’indignation dans le pays. Les destructions et dégradations ont conduit le chef de l’Etat jeudi 29 à dénoncer « des scènes de violences » contre « les institutions et la République » qui sont « injustifiables ». Pourquoi tout casser, tout détruire ? Les histoires de bandes ou de violences dans les quartiers populaires, notamment lors d’événements déclencheurs (interpellations, blessures ou comme ici, un décès après une intervention policière) défrayent régulièrement la chronique. Si les parcours sociaux des individus sont plus hétérogènes qu’il n’y paraît, comme je le montre sur mon terrain mais aussi comme le font de nombreux travaux universitaires dont ceux de la sociologue Emmanuelle Santelli, il existe également des déterminismes sociaux mais aussi ethno-raciaux qui scellent la plupart des destins des jeunes des quartiers populaires urbains qui les conduisent, certes en fonction des trajectoires spécifiques, à des confrontations avec les institutions d’encadrement comme la police, l’école ou le travail social.

par Eric Marliere
Professeur de sociologie à l’université de Lille, Université de Lille dans the Conversation

Nous sommes donc en droit de nous demander si ces différentes manifestations de violence et d’agressivité véhiculées par certains jeunes adultes ne sont-elles pas en quelque sorte l’expression de formes politiques par le bas ? Une forme de résistance infra-politique qui prend la forme d’incivilités, que l’anthropologue James C. Scott appelle le « texte caché ».

Cette question nous paraît désormais centrale dans la mesure où les revendications politiques et sociales de la majorité des habitants des quartiers populaires et notamment des différentes générations de jeunes n’ont jamais été véritablement prises en compte par les institutions.

L’un des moments marquants illustrant cette hypothèse est l’épisode des « émeutes de 2005 ». Les médias avaient ainsi relayé leur incompréhension, indignation et condamnation morale face aux incendies de nombreuses écoles primaires. Or comme l’explique le sociologue Didier Lapeyronnie, le fait d’incendier les écoles – parfois occupées par les petites sœurs ou petits frères – ne peut être appréhendé comme un geste de violence « gratuite », mais plutôt comme un sentiment de revanche contre une institution, l’école, perçue comme humiliante et excluante.

Cette forme d’ostracisme n’est pas sans conséquence pour ces jeunes dans la mesure où la sélection sociale cautionnée par l’institution scolaire a condamné définitivement leur avenir notamment pour celles et ceux qui en sortiront sans diplôme.

L’action de brûler les écoles constitue pour ces jeunes le moyen d’occasionner un mouvement de rébellion, écrit Lapeyronnie, bien que dépourvus d’idéologie et de règle, mais visant à provoquer une « réaction » ou des « réformes » de la part de ces mêmes institutions.

Il s’agit également de se faire entendre par des institutions qui ne vous écoutent plus et de stopper momentanément un « système » qui tourne sans vous et se passe de votre existence depuis des années comme l’affirme Didier Lapeyronnie un peu plus loin :

« L’émeute est une sorte de court-circuit : elle permet en un instant de franchir les obstacles, de devenir un acteur reconnu, même de façon négative, éphémère et illusoire et d’obtenir des « gains » sans pour autant pouvoir contrôler et encore moins négocier ni la reconnaissance ni les bénéfices éventuels. »

Les formes de provocations et autres « incivilités » véhiculées par certains jeunes des « quartiers » envers les enseignants pourrait être appréhendée comme une réponse quotidienne au rôle central de l’école comme moyen verdict social pour l’avenir des jeunes.

Sur nos terrains d’enquête, nous avons aussi constaté des attitudes quelque peu ambiguës de la part d’agents de police dans l’espace public à l’égard de jeunes et parfois même de moins jeunes.

Par exemple, tel dimanche, en début d’après-midi, lorsque cinq jeunes adultes âgés de trente à trente-cinq ans, qui sont pour la plupart mariés et ont une situation professionnelle plus ou moins stable, se retrouvent dans la cité comme à l’accoutumée, avant d’aller voir jouer l’équipe municipale de football plus tard. Survient alors une 106 blanche « banalisée », avec à son bord des inspecteurs qui regardent de façon soupçonneuse les jeunes adultes en pleine conversation ; l’un des policiers baisse la vitre de la voiture et lance de manière impromptue : « Alors, les petits pédés, ça va ? ! » La réaction des jeunes adultes et des trentenaires présents se mêle de rires et d’incompréhensions face à une interpellation insultante et gratuite mais qui traduit aussi un ordinaire.

Cet ordinaire reflète une forme de négligence vis-à-vis de ces « quartiers populaires » où l’exception en matière de régulation policière, mais aussi en termes de politique de la ville, du logement, de marché du travail…

Il est également vrai que certains jeunes ne sont pas en reste avec les forces de police. L’historique et l’expérience sociale ont fait que certains jeunes récemment n’hésitent pas non plus à provoquer ou à narguer la police. Si certains trafiquants sont parfois dangereux en raison des enjeux économiques inhérents aux trafics, d’autres jeunes ayant intériorisé les pratiques agonistiques de rue perçoivent la police comme un ennemi.

Il existe donc des représailles de la part des jeunes : au bout de plus de 30 ans de confrontations, une sorte de cercle vicieux s’est ainsi instauré entre certains jeunes et certains policiers.

Pour autant si la prise de recul est nécessaire pour appréhender la nature de ces rapports de force – qui tourne le plus souvent à l’avantage des policiers à moyen terme – nous observons que les tensions étudiées qui ont cours dans les quartiers populaires sont liées à un quadrillage policier spécifique à l’encontre de ses jeunes perçus comme indésirables qui est sans commune mesure entre la police et les autres groupes sociaux (hormis les groupes extrêmes et récemment les « gilets jaunes »).

Du côté des politiques sociales, on a constaté une suspicion générale des jeunes envers les formes d’accompagnement proposés par le travail social par exemple.

En effet, contrairement aux discours médiatiques, beaucoup de jeunes adultes en grande difficulté préfèrent le plus souvent contourner les institutions et fuir les conflits notamment avec les forces de l’ordre et les institutions en général car leur survie sociale et/ou physique en dépend.

Les questions relatives à l’illégalité, à la déviance, au mensonge se situent aux confins de la débrouillardise et du « système D » et constituent un moyen de défense et de survie pour les classes populaires en grande difficulté.

Mais lorsque ces stratégies de survie entre des économies parallèles ne peuvent plus s’opérer en raison de conjonctures économiques défavorables ou d’institutions trop répressives dans les quartiers populaires urbains, le « système D » s’efface au profit des résistances, de révoltes ou des formes d’agressivité à l’égard d’agents de l’État appréhendés comme opposés aux possibilités de s’en sortir des personnes rencontrées sur le terrain.

Depuis les années 1970, une fraction des classes populaires urbaines se retrouve de plus en plus confrontée aux forces de police en période pourtant stable du point de vue politique. Si auparavant des conflits éclataient entre paysans et agents royaux durant l’Ancien Régime, et à partir du milieu du XIXe siècle entre ouvriers et la police, c’était le plus souvent en périodes de troubles sociaux ou politiques conséquence d’émeutes à répétition.

Même constat au sujet de la naissance du mouvement ouvrier à la fin du XIXe siècle – période de déstabilisation pour les classes populaires assujetties aux travaux rugueux et normatifs du monde industriel naissant – où les résistances et parfois les révoltes se développent à l’encontre des pouvoirs.

Au sujet des quartiers populaires urbains, la question semble quelque peu différente, car même en période d’« accalmie » ou stable, la police paraît toujours présente pour contrôler les jeunes, et ce quelles que soient leurs activités.

Pourquoi la révolte des banlieues

Pourquoi la révolte des banlieues

La mort de Nahel.M, 17 ans, abattu par un tir policier lors d’un contrôle de véichule à Nanterre mardi 27 juin au matin a déclenché une série d’émeutes dans plusieurs communes populaires en Ile-de-France et une vague d’indignation dans le pays. Les destructions et dégradations ont conduit le chef de l’Etat jeudi 29 à dénoncer « des scènes de violences » contre « les institutions et la République » qui sont « injustifiables ». Pourquoi tout casser, tout détruire ? Les histoires de bandes ou de violences dans les quartiers populaires, notamment lors d’événements déclencheurs (interpellations, blessures ou comme ici, un décès après une intervention policière) défrayent régulièrement la chronique. Si les parcours sociaux des individus sont plus hétérogènes qu’il n’y paraît, comme je le montre sur mon terrain mais aussi comme le font de nombreux travaux universitaires dont ceux de la sociologue Emmanuelle Santelli, il existe également des déterminismes sociaux mais aussi ethno-raciaux qui scellent la plupart des destins des jeunes des quartiers populaires urbains qui les conduisent, certes en fonction des trajectoires spécifiques, à des confrontations avec les institutions d’encadrement comme la police, l’école ou le travail social.

par Eric Marliere
Professeur de sociologie à l’université de Lille, Université de Lille dans the Conversation

Nous sommes donc en droit de nous demander si ces différentes manifestations de violence et d’agressivité véhiculées par certains jeunes adultes ne sont-elles pas en quelque sorte l’expression de formes politiques par le bas ? Une forme de résistance infra-politique qui prend la forme d’incivilités, que l’anthropologue James C. Scott appelle le « texte caché ».

Cette question nous paraît désormais centrale dans la mesure où les revendications politiques et sociales de la majorité des habitants des quartiers populaires et notamment des différentes générations de jeunes n’ont jamais été véritablement prises en compte par les institutions.

L’un des moments marquants illustrant cette hypothèse est l’épisode des « émeutes de 2005 ». Les médias avaient ainsi relayé leur incompréhension, indignation et condamnation morale face aux incendies de nombreuses écoles primaires. Or comme l’explique le sociologue Didier Lapeyronnie, le fait d’incendier les écoles – parfois occupées par les petites sœurs ou petits frères – ne peut être appréhendé comme un geste de violence « gratuite », mais plutôt comme un sentiment de revanche contre une institution, l’école, perçue comme humiliante et excluante.

Cette forme d’ostracisme n’est pas sans conséquence pour ces jeunes dans la mesure où la sélection sociale cautionnée par l’institution scolaire a condamné définitivement leur avenir notamment pour celles et ceux qui en sortiront sans diplôme.

L’action de brûler les écoles constitue pour ces jeunes le moyen d’occasionner un mouvement de rébellion, écrit Lapeyronnie, bien que dépourvus d’idéologie et de règle, mais visant à provoquer une « réaction » ou des « réformes » de la part de ces mêmes institutions.

Il s’agit également de se faire entendre par des institutions qui ne vous écoutent plus et de stopper momentanément un « système » qui tourne sans vous et se passe de votre existence depuis des années comme l’affirme Didier Lapeyronnie un peu plus loin :

« L’émeute est une sorte de court-circuit : elle permet en un instant de franchir les obstacles, de devenir un acteur reconnu, même de façon négative, éphémère et illusoire et d’obtenir des « gains » sans pour autant pouvoir contrôler et encore moins négocier ni la reconnaissance ni les bénéfices éventuels. »

Les formes de provocations et autres « incivilités » véhiculées par certains jeunes des « quartiers » envers les enseignants pourrait être appréhendée comme une réponse quotidienne au rôle central de l’école comme moyen verdict social pour l’avenir des jeunes.

Sur nos terrains d’enquête, nous avons aussi constaté des attitudes quelque peu ambiguës de la part d’agents de police dans l’espace public à l’égard de jeunes et parfois même de moins jeunes.

Par exemple, tel dimanche, en début d’après-midi, lorsque cinq jeunes adultes âgés de trente à trente-cinq ans, qui sont pour la plupart mariés et ont une situation professionnelle plus ou moins stable, se retrouvent dans la cité comme à l’accoutumée, avant d’aller voir jouer l’équipe municipale de football plus tard. Survient alors une 106 blanche « banalisée », avec à son bord des inspecteurs qui regardent de façon soupçonneuse les jeunes adultes en pleine conversation ; l’un des policiers baisse la vitre de la voiture et lance de manière impromptue : « Alors, les petits pédés, ça va ? ! » La réaction des jeunes adultes et des trentenaires présents se mêle de rires et d’incompréhensions face à une interpellation insultante et gratuite mais qui traduit aussi un ordinaire.

Cet ordinaire reflète une forme de négligence vis-à-vis de ces « quartiers populaires » où l’exception en matière de régulation policière, mais aussi en termes de politique de la ville, du logement, de marché du travail…

Il est également vrai que certains jeunes ne sont pas en reste avec les forces de police. L’historique et l’expérience sociale ont fait que certains jeunes récemment n’hésitent pas non plus à provoquer ou à narguer la police. Si certains trafiquants sont parfois dangereux en raison des enjeux économiques inhérents aux trafics, d’autres jeunes ayant intériorisé les pratiques agonistiques de rue perçoivent la police comme un ennemi.

Il existe donc des représailles de la part des jeunes : au bout de plus de 30 ans de confrontations, une sorte de cercle vicieux s’est ainsi instauré entre certains jeunes et certains policiers.

Pour autant si la prise de recul est nécessaire pour appréhender la nature de ces rapports de force – qui tourne le plus souvent à l’avantage des policiers à moyen terme – nous observons que les tensions étudiées qui ont cours dans les quartiers populaires sont liées à un quadrillage policier spécifique à l’encontre de ses jeunes perçus comme indésirables qui est sans commune mesure entre la police et les autres groupes sociaux (hormis les groupes extrêmes et récemment les « gilets jaunes »).

Du côté des politiques sociales, on a constaté une suspicion générale des jeunes envers les formes d’accompagnement proposés par le travail social par exemple.

En effet, contrairement aux discours médiatiques, beaucoup de jeunes adultes en grande difficulté préfèrent le plus souvent contourner les institutions et fuir les conflits notamment avec les forces de l’ordre et les institutions en général car leur survie sociale et/ou physique en dépend.

Les questions relatives à l’illégalité, à la déviance, au mensonge se situent aux confins de la débrouillardise et du « système D » et constituent un moyen de défense et de survie pour les classes populaires en grande difficulté.

Mais lorsque ces stratégies de survie entre des économies parallèles ne peuvent plus s’opérer en raison de conjonctures économiques défavorables ou d’institutions trop répressives dans les quartiers populaires urbains, le « système D » s’efface au profit des résistances, de révoltes ou des formes d’agressivité à l’égard d’agents de l’État appréhendés comme opposés aux possibilités de s’en sortir des personnes rencontrées sur le terrain.

Depuis les années 1970, une fraction des classes populaires urbaines se retrouve de plus en plus confrontée aux forces de police en période pourtant stable du point de vue politique. Si auparavant des conflits éclataient entre paysans et agents royaux durant l’Ancien Régime, et à partir du milieu du XIXe siècle entre ouvriers et la police, c’était le plus souvent en périodes de troubles sociaux ou politiques conséquence d’émeutes à répétition.

Même constat au sujet de la naissance du mouvement ouvrier à la fin du XIXe siècle – période de déstabilisation pour les classes populaires assujetties aux travaux rugueux et normatifs du monde industriel naissant – où les résistances et parfois les révoltes se développent à l’encontre des pouvoirs.

Au sujet des quartiers populaires urbains, la question semble quelque peu différente, car même en période d’« accalmie » ou stable, la police paraît toujours présente pour contrôler les jeunes, et ce quelles que soient leurs activités.

Révolte des quartiers : aussi terrain de pauvreté et d’insécurité

Révolte des quartiers : aussi terrain de pauvreté et d’insécurité

Fabien Truong, sociologue : « Dans ces quartiers, la pauvreté et l’insécurité sont des réalités concrètes. C’est pourquoi cette colère est politique »
Dans un entretien au « Monde », le sociologue Fabien Truong analyse les raisons de la colère d’une partie de la jeunesse française qui s’est spontanément identifiée à Nahel M.


Sociologue, Fabien Truong est professeur à l’université Paris-VIII. Des émeutes de 2005 aux attentats de janvier 2015, il a suivi le parcours scolaire et biographique d’une vingtaine de ses anciens élèves du secondaire en Seine-Saint-Denis (Jeunesses françaises, La Découverte, 2015, 2022). Il est également l’auteur de Des capuches et des hommes (Buchet-Chastel, 2013) et de Loyautés radicales (La Découverte, 2017).

Pourquoi une partie de la jeunesse française s’est-elle soulevée après la mort de Nahel, embrasant des quartiers bien au-delà de la ville où il résidait et où il a été tué ?
Ce sont des garçons du même âge que Nahel qui réagissent de manière intime et violente pour une raison simple : cette mort aurait pu être la leur. Chacun se dit en son for intérieur : « cela aurait pu être moi ». Chaque adolescent de ces quartiers garde en mémoire des souvenirs d’altercations négatives et heurtées avec la police. Les contrôles d’identité désagréables et répétés en bas de chez soi sont humiliants, génèrent du stress et nourrissent, à la longue, un profond ressentiment. Ils induisent que leur présence, au pied même de leur domicile n’est pas légitime, qu’elle doit se justifier. Cette logique du soupçon est presque métaphysique et existentielle. Ces jeunes se disent qu’ils sont contrôlés pour ce qu’ils sont et non pour ce qu’ils font. Ces expériences laissent des traces durables dans l’existence. Dans le cadre de mes enquêtes, je constate à quel point ces blessures marquent : passés la trentaine, la peur de la police reste vive. Le rapport à l’Etat a été douloureux, la promesse républicaine n’a pas été tenue. C’est sans doute ce qui explique en partie la désaffection politique des habitants des cités et la méfiance à l’égard de ce qui incarne le pouvoir.

Ces quartiers cumulent les inégalités, mais aussi la délinquance et les incivilités…
Oui, il s’agit de poches où se concentrent la pauvreté et la violence sociale qui va avec, mais ce n’est pas parce que les jeunes fuient et qu’ils refusent d’obtempérer qu’ils ont pour autant quelque chose à se reprocher. Zyed Benna et Bouna Traoré, électrocutés dans un poste électrique alors qu’ils tentaient d’échapper à un contrôle de police à Clichy-sous-Bois, en 2005, n’avaient commis aucune infraction et leur mort a provoqué des nuits de colères interminables.

Pourquoi la révolte contre la réforme des retraites ?

Pourquoi la révolte contre la réforme des retraites ?

Par
Michel Villette Michel Villette
Professeur de Sociologie, Chercheur au Centre Maurice Halbwachs ENS/EHESS/CNRS
, professeur de sociologie, AgroParisTech – Université Paris-Saclay dans the Conversation

Une réflexion intéressante sur les facteurs explicatifs et perspectives de la crise sur les retraites. Mais qui fait un peu l’impasse sur le climat socio économique général comme l’inflation par exemple qui nourrit aussi la colère. Sans parler de la question plus fondamentale concernant l’usure du système politique Quant aux perspectives elles sont depuis longtemps appropriées par les syndicats réformistes qui tous militent pour une vraie réforme universelle juste et efficace. NDLR

La gronde ne retombe pas. Le mardi 28 mars, entre 740 000 et deux millions de personnes ont manifesté à l’occasion de la 10e journée d’action contre la réforme des retraites. Malgré un repli de ces chiffres par rapport à la précédente journée de mobilisation, l’intersyndicale se dit toujours « déterminée après deux mois de mobilisation exemplaire » et a appelé à une nouvelle journée d’action le jeudi 6 avril. Des sociologues américains m’ont demandé de leur expliquer l’actuelle révolte des Français contre l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Une révolte qu’il leur est difficile de comprendre, eux qui peuvent travailler jusqu’à 70 ans et plus. J’ai trouvé que leur demande était une excellente occasion de prendre un peu de recul et de se demander : qu’est-ce qui est en jeu dans les considérables mouvements de foule que l’on observe actuellement en France ?

Ce n’est pas seulement, ni peut-être principalement les réglages très techniques des paramètres de notre système de retraite par répartition qui sont en jeu. En effet, une grande partie des Français – qu’ils soient manifestants ou non – ne comprend pas les subtilités de ce système, ni les permanents rajustements nécessaires à son équilibre financier.

Commençons par une évidence : du point de vue individuel de chaque citoyen, l’obligation de travailler plus longtemps est une mauvaise nouvelle (sauf pour les quelques-uns qui souhaitent continuer à travailler au-delà de l’âge « légal » de départ à la retraite).

Cette nouvelle « norme » a tous les aspects d’une perte d’avantage acquis. Dire que l’on passe de 62 à 64 ans, cela revient à dire : deux ans de perdu !

Pour justifier cette apparente perte d’avantage acquis, le gouvernement en appelle à la science des modélisateurs. Malheureusement, ajuster les paramètres d’un système de retraite par répartition pour qu’il soit équilibré vingt ans plus tard est une tâche scientifiquement impossible. Il y a trop d’incertitudes sur l’avenir, comme le soulignait le démographe Hervé Le Bras dans une interview récente au journal Le Monde.

Toute modélisation est contestable et peut être évidemment contestée, ce qui laisse le président et son gouvernement sans justification absolument convaincante, sauf à déplacer la question et à rechercher l’équilibre financier de l’État français dans son ensemble. Mais alors, c’est en « chef de l’État » qu’Emmanuel Macron se comporte, autrement dit en « patron » de l’entreprise France, au risque de ne plus être reconnu comme le président de tous les Français.

Or, on ne peut nier que l’État français est très endetté (plus de 110 % du PIB), que le budget est constamment en déficit et que la balance des paiements est constamment négative faute d’exportations suffisantes. En tant que « chef de l’État », Emmanuel Macron peut donc souhaiter que les Français travaillent plus longtemps, et affirmer qu’il impose cet allongement de la durée légale du travail dans « l’intérêt général », et pour assurer la continuité de l’État providence.

Le problème est que, ce faisant, sa conduite se confond avec celle des « patrons » qui ont fait l’objet de nos travaux de sociologie. Même en se présentant comme un patron social, il entre alors inévitablement en opposition frontale avec des organisations syndicales, dont les adhérents sont principalement des salariés de la fonction publique et des entreprises publiques.

C’est ici que se noue le nœud gordien. Un président de la Ve République ne peut être un « patron », car il est supposé protéger les Français contre les excès du capitalisme. Dans une perspective anthropologique de longue durée, il faut plutôt le comparer à un roi de l’Ancien Régime, car la population attend de lui qu’il protège, et prenne personnellement en charge tous les problèmes. S’il n’y parvient pas, il est détesté et devient l’ennemi du peuple. L’image des « deux corps du roi », théorisée par l’historien allemand naturalisé américain Ernst Kantorowicz en 1957. Le politologue Loïc Blondiaux a décrit cette image ainsi :

« Le roi posséderait deux corps, l’un naturel, mortel, soumis aux infirmités, aux tares de l’enfance et de la vieillesse ; l’autre surnaturel, immortel, entièrement dépourvu de faiblesses, ne se trompant jamais et incarnant le royaume tout entier ».

Pendant la Révolution française, les royalistes étaient considérés comme des traîtres à la nation, des êtres nuisibles qu’il fallait éliminer. Pour être une personne de bonne moralité, il fallait se mobiliser et soutenir « la nation en armes ». Cette vision dualiste de la morale a été renforcée au XIXe siècle par la philosophie marxiste qui postule qu’il est moral d’être avec et pour la « classe ouvrière », et immoral de se ranger au côté des puissants, des nantis, des élites, des bourgeois.

Un élément complémentaire de cette morale traditionnelle française, sans doute en lien avec notre tradition catholique, consiste à rejeter, a priori, tout argument d’inspiration économique, toute question d’argent. Encore aujourd’hui, beaucoup de Français sont convaincus que les visions économiques du monde sont la source de tous les maux. Ils parlent volontiers de « l’horreur économique » pour reprendre le titre d’un célèbre livre écrit par l’essayiste Vivianne Forester.

Pour être moral, selon une majorité de Français, il faut donc être pour le peuple, indifférent aux questions d’argent et éviter les raisonnements économiques, les calculs. Mais ce n’est pas encore assez. Être une personne morale, c’est aussi être une personne qui s’indigne, qui proteste, qui manifeste contre les puissants. Soutenir les institutions et leurs dirigeants est plutôt un signe de soumission, une faiblesse.

La grandeur est dans l’indignation, comme l’a bien dit le titre du best-seller du résistant Stéphane Hessel publié en 2011 « : Indignez-vous ! ». Dans ces conditions, avancer des arguments démographiques et économiques en faveur d’une gestion prudente des finances publiques, c’est « trahir la bonne cause ».

On comprend aisément que l’âge légal de départ à la retraite ne soit plus la question principale en ce mois de mars 2023. Un glissement s’est opéré vers une nouvelle question : l’incapacité du Président de la République à se comporter en roi débonnaire capable de protéger les citoyens contre des « risques financiers trop grands », pour reprendre sa formule, pour justifier le recours au 49.3.

Ce qui est en jeu, c’est sa capacité à se comporter en « roi nourricier », à assurer le bien être de son peuple et à lui promettre qu’il en sera toujours ainsi. Une conception traditionnelle de la morale est à l’œuvre. Elle s’exprime par des manifestations, une liesse populaire, un désordre. Il devient moralement obligatoire de participer à ce désordre pour être un « bon citoyen ».

Il y a peut-être une solution pour réconcilier la logique économique et la morale sociale traditionnelle des Français : au lieu de fixer un âge légal de départ à la retraite, il faut au contraire abolir solennellement l’âge « légal ». L’État doit cesser d’être arrogant et d’imposer sa loi.

Bien que je ne sois pas un spécialiste de l’économie des systèmes de retraite, il me semble que cette proposition n’est pas impraticable. C’est ce que suggère, par exemple, Peter A. Diamond en 2006 dans la Revue française d’économie. Dans son article académique, l’économiste américain souligne que :

« Certains travailleurs aiment leur travail et voudraient continuer leur activité au-delà de ce que certains considèrent comme l’âge normal de départ à la retraite. D’autres n’aiment plus leur travail (ou ne l’ont jamais aimé), et sont pressés d’arrêter leur activité dès qu’ils peuvent bénéficier d’une retraite décente. Un bon système de retraite ne devrait pas encourager le premier groupe à quitter le marché du travail au même âge que le second groupe. Cette opinion est largement, voire unanimement partagée par les économistes ».

Ce même auteur ajoute à propos du système de retraite par répartition français (qu’il compare au système suédois) :

« Nous pensons que les systèmes de retraite seraient mieux compris si l’on abandonnait le concept d’âge “normal” de départ à la retraite. On devrait plutôt parler de l’âge minimum de liquidation des droits, et d’ajustement des prestations en cas de départ au-delà de cet âge ».

Il resterait alors aux caisses de retraite à fournir chaque année, une information précise et fiable sur le montant de la pension à laquelle chacun pourrait prétendre, s’il partait à 60, 65 ou même 70 ans, ce qui devrait permettre au citoyen de faire son choix, entre un peu plus de temps à la retraite ou bien un peu plus de revenus pendant cette période.

Cette solution de libre choix des personnes reste applicable, quel que soit l’état du système de calcul du montant des prestations. Cependant, il est évident que si ce système est trop inégalitaire, les plus bas salaires n’auront d’autre choix que d’essayer de travailler le plus longtemps possible pour bénéficier d’une retraite à la hauteur de leurs espérances. Il restera donc aux politiques, aux syndicalistes et aux gestionnaires à s’attaquer au vrai problème : les criantes injustices entre métiers, professions et statuts. Un sujet important qui justifiera sans nul doute encore bien des débats.

D’une contestation à la révolte , pourquoi ?

D’une contestation à la révolte , pourquoi ?

Par auteur
Alessio Motta
Enseignant chercheur en sciences sociales, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Les grandes manifestations auxquelles on assiste en ce moment, mais aussi les blocages, les regroupements spontanés et les initiatives originales, ramènent à une grande question des sciences sociales : qu’est-ce qui conduit au déclenchement d’une action contestataire ?

Cette question a suscité de nombreux fantasmes chez les journalistes, chercheurs et autres commentateurs de mouvements médiatisés. Beaucoup se sont demandé pourquoi il y avait des révoltes, se sont intéressés aux événements situés en amont de ces dernières et ont considéré que les frustrations des gens expliquaient naturellement le passage à l’acte, voyant par exemple dans tel événement déclencheur la « goutte d’eau de trop ».

Mais les gens qui se révoltent ne sont pas des vases remplis d’eau, ce sont des individus qui pensent et calculent. La métaphore n’explique pas la réalité du déclenchement de la mobilisation.
Pour comprendre ce qui crée la révolte, il faut changer la question posée. Dans toute société, un grand nombre de gens vivent des brimades et frustrations et sont conscients de subir des injustices et de ne pas être les seuls à en subir.

Dès lors, la bonne question n’est pas pourquoi y a-t-il des révoltes mais, comme l’a souligné il y a plus de 40 ans le sociologue Barrington Moore : pourquoi n’y en a-t-il pas plus souvent ? Il est nettement plus simple de répondre à cette question : s’il n’y en a pas plus souvent, c’est parce qu’organiser une révolte est une entreprise incertaine et coûteuse. Si les choses se passent mal, si l’on se retrouve seul à agir, on craint, selon le contexte politique, d’être ridicule, d’être arrêté, d’être violenté ou d’être tué par la police.

Le moyen le plus évident de réduire ces risques est de s’assurer qu’on ne sera pas seul à agir. De fait, c’est ça qui préoccupe le plus les individus qui tentent de soulever le début d’un mouvement collectif et qui s’apprêtent à se montrer au rendez-vous, à commencer à agir, à s’engager publiquement.

Parvenir à s’assurer que du monde va venir est une chose difficile. On peut le faire si l’on a un réseau fiable de contacts, une position d’autorité, ou que l’on appartient à un groupe qui a l’habitude de contester collectivement. Ces éléments sont autant de « facteurs de probabilité » de l’action qui permettent de rassurer les acteurs sur le fait qu’ils ne seront pas seuls au moment de se jeter à l’eau.

S’assurer de ne pas se retrouver seul à agir n’est pas une préoccupation que l’on trouve seulement dans les actions de révoltes « ordinaires » comme les grèves, manifestations ou blocages. Cette préoccupation est présente pour d’autres types de mobilisations qui sont au cœur de la construction des crises, telles qu’une fronde parlementaire ou un processus de dénonciation publique.

Les dénonciations publiques de viols, par exemple, même si elles font souvent apparaître une femme seule, n’ont lieu qu’après un travail collectif visant à garantir à cette femme qu’elle bénéficiera de certains soutiens.

[Près de 80 000 lecteurs font confiance à la newsletter de The Conversation pour mieux comprendre les grands enjeux du monde. Abonnez-vous aujourd’hui]

C’est aussi au cœur des inquiétudes, de façon bien plus nette encore, de ceux qui organisent des actions collectives aussi engageantes que le sont certains attentats ou les coups d’État, où la défection est particulièrement coûteuse, à la fois pour celui qui « plante » les autres et pour les autres.

Cela conduit généralement les organisateurs et participants de ces coups à écrire précisément leur scénario à l’avance (répartition des rôles, timing de l’action…), mais sans échanger longuement à l’avance les garanties qu’ils vont agir, en tâtant longuement le terrain et en repoussant les coups irréversibles au dernier moment.

Les « facteurs de probabilité » qui permettent de s’assurer que d’autres entreront en action peuvent être des engagements explicites, ou des indices tacites. Mais en pratique, un engagement explicite seul est sans effet.

Si vous croisez dans la rue un passant que vous ne connaissez ni d’Ève ni d’Adam et qui vous dit de le rejoindre car il prépare un coup d’État pour le lendemain à 14 heures, vous n’en croirez pas un mot. Par contre, si un groupe d’amis s’engage à venir bloquer l’entrée de la fac avec vous le lendemain, que votre histoire passée avec eux et le contexte dans lequel ils s’y engagent vous persuadent de la fiabilité de leur parole, l’engagement a de bonne chance de vous donner la certitude de ne pas être seul à agir.

Un appel à la mobilisation aura d’autant plus de chances d’être suivi qu’il s’appuie sur des personnes ou groupes perçus comme fiables.
On croit aux engagements d’une personne ou d’un groupe de gens parce que des éléments tacites donnent de la crédibilité à leur parole. Ce sont alors des engagements à la fois explicites et tacites : ils sont mixtes. Un appel à la mobilisation aura d’autant plus de chances d’être suivi qu’il s’appuie sur des personnes ou groupes perçus comme fiables et/ou a lieu dans une situation qui paraît mobilisatrice, par exemple après l’annonce d’un projet de réforme largement défini comme portant une atteinte lourde à certains principes… Une réforme repoussant l’âge de la retraite, par exemple.

Mais certains facteurs de probabilité sont entièrement tacites, c’est-à-dire qu’ils permettent une coordination d’acteurs sans qu’il ne soit forcément nécessaire d’appeler explicitement à l’action. C’est le cas quand le groupe social dans lequel on s’inscrit est réputé très facile à mobiliser, ou quand surviennent certains événements, des « déclencheurs types », qui rendent la mobilisation hautement probable et agissent comme une prophétie autoréalisatrice, facilitant, voire mâchant le travail aux organisateurs.

Le décès d’un jeune de certains quartiers populaires suite à une bavure policière est par exemple un célèbre déclencheur type qui a spécialement fait effet dans les années 1990 et 2000. C’est un événement qui, parce qu’il est chargé d’une mémoire collective très particulière, suffit à assurer aux gens que des mouvements de révolte auront lieu.

C’est ce qui se passe dans la banlieue Est Lyonnaise à partir de 1990 : la population locale est tellement persuadée que chaque bavure est suivie d’émeute que, effectivement, l’occasion est saisie à chaque fois par quelques dizaines de personnes. Dans la décennie qui suit, toutes les bavures policières meurtrières sont suivies d’émeutes le soir-même.

Dans le cas des manifestations spontanées qui se sont répandues le soir dans les grandes villes françaises en particulier à partir du 20 mars 2023, jour de l’échec des motions de censure contre le gouvernement Borne, c’est le même type de logique autoréalisatrice qui est à l’œuvre.

Les médias d’info en continu et réseaux sociaux ont vite permis de comprendre aux personnes ou petits groupes souhaitant participer à des actions qu’en se rendant sur certaines places ou avenues identifiées, il était hautement probable qu’ils retrouvent des congénères. D’autant plus probable qu’au fil des soirs, la pratique s’est reproduite et institutionnalisée : l’essentiel des gens savaient d’avance, avant même de le vérifier sur leurs médias, qu’ils ne seraient pas seuls en descendant dans la rue.

L’auteur de cet article vient de publier
Antimanuel de socio. Les ressorts de l’action et de l’ordre social, Bréal.

Sociologie des déclenchements d’actions protestataires, Le croquant.

Les crises politiques, Atlande.

1234



L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol