« Trump : le réveil tardif de Wall Street »
Alors que les milieux d’affaires avaient « laissé faire » un président dont l’action leur était de fait favorable, l’intrusion au Capitole du 6 janvier leur a, bien tardivement, ouvert les yeux, observe, dans sa chronique, Arnaud Leparmentier, correspondant du « Monde » à New York.
Chronique.
L’élection de 2016 avait été prétendument perdue par les démocrates à cause des ingérences russes – en réalité, parce qu’Hillary Clinton était une mauvaise candidate. Quatre ans plus tard, l’Amérique dénonce « the mob », la foule, la « populace » qui a envahi le Capitole. Un terme des plus péjoratif qui crée de nouveau une sorte d’altérité, d’étrangeté, comme pour signifier « ce n’est pas nous, ce n’est pas l’Amérique ». Mais si. En réalité, la foule était le gratin des 74 millions d’électeurs de Donald Trump. Et la dénonciation de ces méchants dingues ne saurait masquer la responsabilité de ceux qui n’ont rien dit ni rien vu pendant des années, à savoir les milieux d’affaires et les républicains bon teint.
Ces derniers pensaient de Trump, comme d’autres naguère, « on n’en fera qu’une bouchée ». Ils étaient ravis de pousser leur agenda ultraconservateur derrière la marionnette Trump. Jusqu’à ce funeste 6 janvier, où les masques sont tombés : the mob était peut-être instrumentalisée, mais Trump, lui, tentait bien un putsch, à savoir inverser par la violence la certification constitutionnelle des élections. On avait tout faux, ce type est un « fasciste », commentait le surlendemain un haut conseiller de la Maison Blanche au New York Magazine. Un peu tard, et lâchement comme toujours, sous couvert d’anonymat.
Car, pendant des années, les milieux économiques et républicains se sont réjouis en silence de Donald Trump, qui baissait les impôts et dérégulait l’économie. Certes, les cercles de patrons conseillant la Maison Blanche furent dissous en 2017 après les émeutes de Charlottesville (Virginie) qui firent une morte écrasée volontairement par un néonazi. Trump avait déclaré qu’il y avait des gens bien des deux côtés des manifestants. Mais au fond, Donald Trump était avant un tout un acteur de téléréalité, un catcheur grotesque. L’entrée en « résistance » proclamée après son élection était invisible à New York – le PDG de JPMorgan, Jamie Dimon, étant une rare voix dissonante – et un slogan en Californie. Car qu’avait-il fait d’irrémédiable pour les Américains ? Pas grand-chose en réalité.
Le discours ouvriériste modéré de Biden
Hors de la capitale Washington, la vie suivait son cours plutôt paisiblement, l’économie était florissante, tandis que les violences faites aux Afro-Américains existaient sous Obama. A l’étranger : un chaos indescriptible dans les relations internationales, mais pas de nouvelle guerre. Son plus grand crime reste d’avoir séparé à la frontière des centaines d’enfants de migrants de leurs parents. Jusqu’à ces élections, qui ont montré que Donald Trump voulait voler aux Américains les élections et leur démocratie.