Archive pour le Tag 'retard'

Recherche- investissement : l’Europe prend du retard sur les États-Unis

Recherche- investissement : l’Europe prend du retard sur les États-Unis

 

Au début des années 2000, le PIB par habitant en zone euro était de 33.500 euros contre 43.700 euros aux Etats-Unis. Vingt ans plus tard, le revenu par habitant sur le Vieux continent atteint à peine 39.600 euros contre 54.800 euros de l’autre côté de l’Atlantique. En cause,  des retards en recherche en investissement et par conséquent en productivité.

La crise financière de 2008, la crise des dettes souveraines de 2012, la pandémie et le choc énergétique ont laissé de profondes traces sur le tissu productif en zone euro. Aux Etats-Unis, ces différentes crises ont également laissé des stigmates sur l’économie. Mais les politiques budgétaires et monétaires menées outre-Atlantique ont permis aux différents moteurs de l’économie de repartir plus vite.

Les moindres gains de productivité en zone euro pourraient contribuer amplement à creuser l’écart avec les Etats-Unis, selon une note très détaillée de l’OFCE dévoilée ce 16 mai. De l’autre côté de l’Atlantique, la croissance de la productivité a augmenté de 1,5% par an contre 0,8% seulement en zone euro entre 2000 et 2019.

La guerre en Ukraine a ravivé l’alliance transatlantique. Mais la relation entre les États-Unis et leurs alliés européens est de plus en plus déséquilibrée. L’économie américaine est aujourd’hui considérablement plus riche et plus dynamique que celle de l’Union européenne (UE) ou de la Grande-Bretagne, et l’écart ne cesse de se creuser. Le retard européen va bien au-delà de la simple comparaison des niveaux de vie. La dépendance de l’Europe à l’égard des États-Unis en matière de technologie, d’énergie, de capitaux et de protection militaire ne cesse de saper les aspirations de l’UE à atteindre “l’autonomie stratégique”.

En 2008, les économies de l’UE et des États-Unis se valaient à peu près. Mais depuis la crise financière mondiale, leurs trajectoires économiques ont radicalement divergé. Comme le soulignent Jeremy Shapiro et Jana Puglierin, du Conseil européen des relations internationales, “en 2008, l’économie de l’UE était légèrement plus importante que celle des États-Unis : 16 200 milliards de dollars contre 14 700 milliards. En 2022, l’économie américaine a atteint 25 000 milliards de dollars, tandis que l’UE et le Royaume-Uni n’ont atteint ensemble que 19 800 milliards de dollars. L’économie américaine est aujourd’hui supérieure d’un tiers à celle de l’Europe, voire de plus de 50 % si l’on retire des calculs le Royaume-Uni”.

“L’économie américaine est supérieure d’un tiers à celle de l’Europe, voire de 50 % si l’on retire des calculs le Royaume-Uni”

Ces chiffres globaux sont choquants. Ils renvoient l’image d’une Europe qui a pris du retard dans de nombreux secteurs. Le paysage technologique européen est dominé par des entreprises américaines telles qu’Amazon, Microsoft [...]

 

 

Dépistage du cancer : la France en retard

Dépistage du cancer : la France en retard

 

La France est à la traîne sur la prévention et le dépistage du cancer par rapport à ses voisins européens, selon un rapport de l’Organisation européenne du cancer publié lundi 13 mai. 

L’Organisation européenne du cancer note que la France obtient de bons résultats pour soigner les cancers. Le taux de survie à cinq ans pour le cancer du sein en France est de 87% contre 83% au niveau européen, jusqu’à 93% pour le cancer de la prostate contre 87% en moyenne pour l’Europe.

Mais par rapport à ses voisins, la France est à la traîne sur la prévention et le dépistage. Si elle est au-dessus de la moyenne européenne pour le cancer de l’utérus avec 58,8% de taux de dépistage contre 56% en Europe, la France a pris du retard pour le cancer du sein 46,9% contre 54% en Europe près de huit points d’écart, 34,6% en Europe contre 36% pour le cancer colorectal, selon les chiffres de ce rapport.

Il faut donc insister sur les campagnes de dépistage, soulignent les auteurs de cette étude.

La réindustrialisation de la France prend du retard

La réindustrialisation de la France prend du retard

 

 

Le débat autour de la place et de la dynamique de l’industrie au sein de l’Union européenne (UE) n’est pas aisé, tant il est phagocyté par des considérations nationales, entre des pays dotés d’un secteur manufacturier puissant, comme l’Allemagne, et d’autres aux prises avec un déclin amorcé il y a plusieurs décennies, comme la France. Au-delà de cette hétérogénéité au sein de l’UE, le décrochage de cette dernière en matière d’investissements dans les secteurs stratégiques (notamment pour la transition écologique) est inquiétant.

 

par Thomas Grjebine, Économiste, Responsable du programme Macroéconomie et finance internationales, CEPII

et Jérôme Héricourt, Professeur d’économie, conseiller scientifique au CEPII, Université d’Evry – Université Paris-Saclay dans The Conversation

Sur la période 2016-2023, l’Union européenne n’a en effet représenté que 6,5 % des investissements industriels annoncés dans le monde, là où les États-Unis en captaient 17 %, la Chine 19 % et l’ensemble de l’Asie 55 %, selon les chiffres du cabinet d’études Trendeo. L’écart est encore plus important pour les méga-investissements industriels – plus de 5 milliards de dollars – annoncés dans le monde, où la part de l’UE tombe à 2 % sur la période.

Si les entreprises européennes ont une capacité d’investissement forte (et proche de celle des entreprises américaines), elle est surtout employée hors de l’UE : les entreprises européennes investissent davantage à l’étranger, si bien que l’UE ne reçoit que l’équivalent d’un peu plus de la moitié de leur capacité d’investissement (et les investissements étrangers en Europe ne permettent pas de compenser).

Le tableau ne s’améliore guère du côté de la production, notamment dans le secteur clé de l’automobile électrique : l’Europe produit certes 25 % des voitures électriques, contre 10 % aux États-Unis, mais la Chine plus de la moitié. S’agissant des batteries, la Chine produit plus de 75 % des batteries issues de la technologie dominante, contre 7 % tant pour l’Europe que pour les États-Unis.
Le retard pris par les pays de l’UE est donc substantiel. Une politique vigoureuse d’investissement apparaît comme un moyen nécessaire, parmi d’autres, pour y remédier.La comparaison des stratégies américaines et européennes en la matière ne plaide pas en faveur de l’Europe. Les moyens avancés par les États-Unis sont bien supérieurs à ceux mis en œuvre par l’UE. Pour les premiers, l’Inflation Reduction Act (IRA), dont le coût sur dix ans était estimé à 385 milliards de dollars, pourrait représenter plus de 1 000 milliards d’argent public : la plupart des mesures ne sont en effet pas plafonnées, que ce soit en volume ou en valeur, et le coût total dépendra du degré d’utilisation des crédits d’impôt, qui s’est révélé jusqu’à présent beaucoup plus élevé que prévu.

Du côté européen, si le caractère disparate des différents dispositifs, additionnant financements publics (européens ou nationaux) et privés, financements directs et crédits (par exemple, de la Banque européenne d’investissement), rend délicates les comparaisons, les montants publics mobilisés semblent néanmoins bien plus limités.

Un des plans phares, le Net Zero Industrial Act (NZIA), destiné à soutenir la production de technologies propres au sein de l’UE, affiche par exemple un montant de 92 milliards d’euros pour la période 2023-2030. Mais il s’agit d’un montant reposant sur un effet de levier substantiel : ces investissements de 92 milliards reposeraient sur seulement 16 à 18 milliards d’euros de soutiens publics directs.

L’écart entre les deux rives de l’Atlantique est encore plus flagrant lorsque l’on compare les aides, non pas d’un point de vue macroéconomique, mais à l’échelle des projets. Par exemple, le soutien américain pour les producteurs de batteries serait en moyenne plus de 3 fois supérieur aux aides européennes.

Ce retard à l’allumage de l’Europe n’est pas surprenant. La Commission européenne a longtemps rejeté l’idée même de politique industrielle : jusqu’à récemment, elle estimait que celle-ci devait idéalement reposer sur la politique de concurrence au niveau du marché unique, le libre-échange et une politique de recherche et développement, sans que les contours de cette dernière soient réellement précisés.
Il faut cependant souligner deux inflexions significatives dans le logiciel européen. Tout d’abord, la création du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), entré en vigueur dans sa phase transitoire le 1er octobre 2023, a pu être interprétée comme marquant l’émergence d’une forme de protectionnisme vert européen.

nt des productions de l’UE vers des pays ayant des politiques climatiques moins exigeantes et leur remplacement par des importations carbonées. Pour cela, les importateurs européens de certains produits, comme l’acier ou l’aluminium, devront payer le même prix pour le carbone contenu dans les produits importés que celui payé par les producteurs européens.

Si le MACF marque une inflexion très nette du logiciel européen, il souffre à l’heure actuelle de deux failles. D’une part, il pourrait pénaliser la compétitivité à l’exportation des industriels européens, d’abord car les exportateurs européens vont payer leurs intrants plus cher du fait du MACF, et deuxièmement car ils devront progressivement, lorsqu’ils produisent en Europe, s’acquitter de quotas carbone (jusqu’alors gratuits pour les sites les plus intensifs en énergie) alors que leurs concurrents sur les marchés à l’exportation n’ont pas à s’acquitter d’un tel coût.

D’autre part, le dispositif actuel ne couvre que quelques grands intrants industriels et non les produits finis ni la majorité des semi-finis. Il existe donc un risque de « délocalisation » de l’aval des chaines de production : un produit fini ou semi-fini à base d’acier ou d’aluminium mais transformé hors de l’UE échappe au MACF, ce qui peut inciter les producteurs à délocaliser pour réimporter ensuite au sein des Vingt-Sept.

 

 

Par ailleurs, la montée en puissance des projets importants d’intérêt européen commun (PIEEC) constitue une deuxième inflexion significative aux règles de libre concurrence de l’UE : ils visent à promouvoir l’innovation dans des domaines industriels stratégiques et d’avenir, au travers de projets européens transnationaux. Leur particularité est de ne pas reposer sur des financements de l’UE, mais sur les budgets nationaux, pour des montants allant au-delà des limites habituellement fixées par la réglementation européenne en matière d’aides d’État.

Le plan France 2030 s’inscrit dans ce cadre : plus de la moitié de l’enveloppe de 54 milliards prévue dans ce plan a été engagée en deux ans. En tenant compte de l’effet de levier sur les financements privés, cela représente plus de 40 milliards d’euros engagés depuis 2021, et plus de 85 milliards d’euros qui devraient être investis sur cinq ans dans des projets visant à stimuler l’innovation dans des secteurs stratégiques (véhicules électriques, hydrogène, spatial, quantique, etc.), des montants très importants à l’échelle française.
L’assouplissement des règles permis par le cadre des PIIEC pose néanmoins la question de l’hétérogénéité des marges de manœuvre budgétaires nationales et du risque de fragmentation. La monnaie unique a, en effet, accentué les divergences réelles au sein de la zone euro : comme l’avait anticipé le prix « Nobel » d’économie Paul Krugman, dans un contexte de forte mobilité des facteurs de production, une intégration accrue entre pays aboutit à un renforcement de leurs spécialisations.

À cet égard, l’assouplissement des PIIEC risque de réserver les investissements massifs aux pays budgétairement « vertueux », qui sont très souvent déjà ceux disposant d’un secteur industriel puissant. Maintenir une base industrielle forte permet en effet de générer de la richesse à long terme, et d’avoir ainsi moins recours à l’endettement pour stimuler l’activité économique. Ces facteurs contribuent à ce que les pays les plus industrialisés aient les marges de manœuvre budgétaires les plus fortes, ce qui représente un autre facteur puissant de divergence au sein de la zone euro.

Une augmentation de l’endettement au niveau européen permettrait de répondre à ce risque de fragmentation accrue. Ceci réclamerait un engagement de plusieurs centaines de milliards de dollars, qui pourraient être financé selon des modalités proches de celles retenues dans le cadre du plan de relance européen Next Generation EU initié en 2020 (750 milliards d’euros financés par un emprunt au niveau de l’UE), à condition de parvenir à un nouvel accord politique en ce sens.

L’Europe dispose d’un atout qui pourrait être davantage mobilisé : un mix énergétique moins carboné. Le développement de clauses de conditionnalité environnementale – sur le modèle du nouveau bonus français sur les voitures électriques – apparaît ainsi comme une voie prometteuse pour favoriser la production européenne, tout en respectant le cadre légal de l’UE.

Ces clauses permettent d’atteindre des objectifs proches des clauses de contenu local, en contournant l’interdiction de ces dernières : aucun modèle de voiture électrique produit en Asie, et particulièrement en Chine, n’a ainsi été éligible au bonus écologique français en 2024. S’appuyer sur des clauses de conditionnalité environnementale est aussi une façon de réorienter la commande publique vers la production française et européenne.

Il s’agit d’un enjeu de taille : la commande publique représente de 10 % à 20 % du PIB des pays membres de l’UE. La loi française « Industrie verte », adoptée en octobre 2023, fait un premier pas en ce sens, avec la création d’un label permettant d’intégrer les critères environnementaux dans la commande publique.

Réindustrialisation : du retard

Réindustrialisation : du retard

 

Le débat autour de la place et de la dynamique de l’industrie au sein de l’Union européenne (UE) n’est pas aisé, tant il est phagocyté par des considérations nationales, entre des pays dotés d’un secteur manufacturier puissant, comme l’Allemagne, et d’autres aux prises avec un déclin amorcé il y a plusieurs décennies, comme la France. Au-delà de cette hétérogénéité au sein de l’UE, le décrochage de cette dernière en matière d’investissements dans les secteurs stratégiques (notamment pour la transition écologique) est inquiétant.

 

par , Économiste, Responsable du programme Macroéconomie et finance internationales, CEPII

 et , Professeur d’économie, conseiller scientifique au CEPII, Université d’Evry – Université Paris-Saclay dans The Conversation 

Sur la période 2016-2023, l’Union européenne n’a en effet représenté que 6,5 % des investissements industriels annoncés dans le monde, là où les États-Unis en captaient 17 %, la Chine 19 % et l’ensemble de l’Asie 55 %, selon les chiffres du cabinet d’études Trendeo. L’écart est encore plus important pour les méga-investissements industriels – plus de 5 milliards de dollars – annoncés dans le monde, où la part de l’UE tombe à 2 % sur la période.

Si les entreprises européennes ont une capacité d’investissement forte (et proche de celle des entreprises américaines), elle est surtout employée hors de l’UE : les entreprises européennes investissent davantage à l’étranger, si bien que l’UE ne reçoit que l’équivalent d’un peu plus de la moitié de leur capacité d’investissement (et les investissements étrangers en Europe ne permettent pas de compenser).

Le tableau ne s’améliore guère du côté de la production, notamment dans le secteur clé de l’automobile électrique : l’Europe produit certes 25 % des voitures électriques, contre 10 % aux États-Unis, mais la Chine plus de la moitié. S’agissant des batteries, la Chine produit plus de 75 % des batteries issues de la technologie dominante, contre 7 % tant pour l’Europe que pour les États-Unis.

Le retard pris par les pays de l’UE est donc substantiel. Une politique vigoureuse d’investissement apparaît comme un moyen nécessaire, parmi d’autres, pour y remédier.La comparaison des stratégies américaines et européennes en la matière ne plaide pas en faveur de l’Europe. Les moyens avancés par les États-Unis sont bien supérieurs à ceux mis en œuvre par l’UE. Pour les premiers, l’Inflation Reduction Act (IRA), dont le coût sur dix ans était estimé à 385 milliards de dollars, pourrait représenter plus de 1 000 milliards d’argent public : la plupart des mesures ne sont en effet pas plafonnées, que ce soit en volume ou en valeur, et le coût total dépendra du degré d’utilisation des crédits d’impôt, qui s’est révélé jusqu’à présent beaucoup plus élevé que prévu.

Du côté européen, si le caractère disparate des différents dispositifs, additionnant financements publics (européens ou nationaux) et privés, financements directs et crédits (par exemple, de la Banque européenne d’investissement), rend délicates les comparaisons, les montants publics mobilisés semblent néanmoins bien plus limités.

Un des plans phares, le Net Zero Industrial Act (NZIA), destiné à soutenir la production de technologies propres au sein de l’UE, affiche par exemple un montant de 92 milliards d’euros pour la période 2023-2030. Mais il s’agit d’un montant reposant sur un effet de levier substantiel : ces investissements de 92 milliards reposeraient sur seulement 16 à 18 milliards d’euros de soutiens publics directs.

L’écart entre les deux rives de l’Atlantique est encore plus flagrant lorsque l’on compare les aides, non pas d’un point de vue macroéconomique, mais à l’échelle des projets. Par exemple, le soutien américain pour les producteurs de batteries serait en moyenne plus de 3 fois supérieur aux aides européennes.

Ce retard à l’allumage de l’Europe n’est pas surprenant. La Commission européenne a longtemps rejeté l’idée même de politique industrielle : jusqu’à récemment, elle estimait que celle-ci devait idéalement reposer sur la politique de concurrence au niveau du marché unique, le libre-échange et une politique de recherche et développement, sans que les contours de cette dernière soient réellement précisés.

Il faut cependant souligner deux inflexions significatives dans le logiciel européen. Tout d’abord, la création du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), entré en vigueur dans sa phase transitoire le 1er octobre 2023, a pu être interprétée comme marquant l’émergence d’une forme de protectionnisme vert européen.

nt des productions de l’UE vers des pays ayant des politiques climatiques moins exigeantes et leur remplacement par des importations carbonées. Pour cela, les importateurs européens de certains produits, comme l’acier ou l’aluminium, devront payer le même prix pour le carbone contenu dans les produits importés que celui payé par les producteurs européens.

Si le MACF marque une inflexion très nette du logiciel européen, il souffre à l’heure actuelle de deux failles. D’une part, il pourrait pénaliser la compétitivité à l’exportation des industriels européens, d’abord car les exportateurs européens vont payer leurs intrants plus cher du fait du MACF, et deuxièmement car ils devront progressivement, lorsqu’ils produisent en Europe, s’acquitter de quotas carbone (jusqu’alors gratuits pour les sites les plus intensifs en énergie) alors que leurs concurrents sur les marchés à l’exportation n’ont pas à s’acquitter d’un tel coût.

D’autre part, le dispositif actuel ne couvre que quelques grands intrants industriels et non les produits finis ni la majorité des semi-finis. Il existe donc un risque de « délocalisation » de l’aval des chaines de production : un produit fini ou semi-fini à base d’acier ou d’aluminium mais transformé hors de l’UE échappe au MACF, ce qui peut inciter les producteurs à délocaliser pour réimporter ensuite au sein des Vingt-Sept.

 

 

Par ailleurs, la montée en puissance des projets importants d’intérêt européen commun (PIEEC) constitue une deuxième inflexion significative aux règles de libre concurrence de l’UE : ils visent à promouvoir l’innovation dans des domaines industriels stratégiques et d’avenir, au travers de projets européens transnationaux. Leur particularité est de ne pas reposer sur des financements de l’UE, mais sur les budgets nationaux, pour des montants allant au-delà des limites habituellement fixées par la réglementation européenne en matière d’aides d’État.

Le plan France 2030 s’inscrit dans ce cadre : plus de la moitié de l’enveloppe de 54 milliards prévue dans ce plan a été engagée en deux ans. En tenant compte de l’effet de levier sur les financements privés, cela représente plus de 40 milliards d’euros engagés depuis 2021, et plus de 85 milliards d’euros qui devraient être investis sur cinq ans dans des projets visant à stimuler l’innovation dans des secteurs stratégiques (véhicules électriques, hydrogène, spatial, quantique, etc.), des montants très importants à l’échelle française.

L’assouplissement des règles permis par le cadre des PIIEC pose néanmoins la question de l’hétérogénéité des marges de manœuvre budgétaires nationales et du risque de fragmentation. La monnaie unique a, en effet, accentué les divergences réelles au sein de la zone euro : comme l’avait anticipé le prix « Nobel » d’économie Paul Krugman, dans un contexte de forte mobilité des facteurs de production, une intégration accrue entre pays aboutit à un renforcement de leurs spécialisations.

À cet égard, l’assouplissement des PIIEC risque de réserver les investissements massifs aux pays budgétairement « vertueux », qui sont très souvent déjà ceux disposant d’un secteur industriel puissant. Maintenir une base industrielle forte permet en effet de générer de la richesse à long terme, et d’avoir ainsi moins recours à l’endettement pour stimuler l’activité économique. Ces facteurs contribuent à ce que les pays les plus industrialisés aient les marges de manœuvre budgétaires les plus fortes, ce qui représente un autre facteur puissant de divergence au sein de la zone euro.

Une augmentation de l’endettement au niveau européen permettrait de répondre à ce risque de fragmentation accrue. Ceci réclamerait un engagement de plusieurs centaines de milliards de dollars, qui pourraient être financé selon des modalités proches de celles retenues dans le cadre du plan de relance européen Next Generation EU initié en 2020 (750 milliards d’euros financés par un emprunt au niveau de l’UE), à condition de parvenir à un nouvel accord politique en ce sens.

L’Europe dispose d’un atout qui pourrait être davantage mobilisé : un mix énergétique moins carboné. Le développement de clauses de conditionnalité environnementale – sur le modèle du nouveau bonus français sur les voitures électriques – apparaît ainsi comme une voie prometteuse pour favoriser la production européenne, tout en respectant le cadre légal de l’UE.

Ces clauses permettent d’atteindre des objectifs proches des clauses de contenu local, en contournant l’interdiction de ces dernières : aucun modèle de voiture électrique produit en Asie, et particulièrement en Chine, n’a ainsi été éligible au bonus écologique français en 2024. S’appuyer sur des clauses de conditionnalité environnementale est aussi une façon de réorienter la commande publique vers la production française et européenne.

Il s’agit d’un enjeu de taille : la commande publique représente de 10 % à 20 % du PIB des pays membres de l’UE. La loi française « Industrie verte », adoptée en octobre 2023, fait un premier pas en ce sens, avec la création d’un label permettant d’intégrer les critères environnementaux dans la commande publique.

Économie : pourquoi le retard de l’Europe par rapport aux États-Unis

Économie : pourquoi le retard de l’Europe par rapport aux États-Unis

Depuis trente ans, les États-Unis enregistrent des taux de croissance du PIB nettement supérieurs à ceux de la zone euro. De 2003 à 2022, le PIB/habitant américain est passé de 49.950 dollars à 62.835 dollars, alors que celui de la zone euro est passé de 31.925 dollars à 37.530 dollars (données OCDE) (les chiffres sont ajustés pour l’inflation depuis 2015). Une partie de cette différence de croissance s’explique par les politiques économiques mises en œuvre en réponse aux chocs conjoncturels, comme dernièrement pour la crise du Covid-19. Les Etats-Unis ont mis en place un stimulus budgétaire colossal de 26% du PIB financé par un endettement public tout aussi colossal. Outre les déficits, le prix à payer a été la forte inflation depuis 2022 provoquant la mise en place d’un durcissement monétaire.

Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, professeurs à l’Essec dans la Tribune.

L’arrêt de l’approvisionnement en gaz russe, abondant et bon marché
L’invasion de l’Ukraine par la Russie renforce l’écart de croissance en pesant fortement sur la croissance européenne. En effet, l’arrêt de l’approvisionnement en gaz russe, abondant et bon marché, pèse sur les coûts de fabrication des produits manufacturés et sur la facture d’énergie en général.

Mais les chocs externes ne peuvent pas expliquer les tendances de fond. L’essentiel des facteurs expliquant l’écart de croissance favorable aux Etats-Unis sur une aussi longue période sont structurels.

Un premier élément structurel est la taille du marché. Dans la zone euro, le marché unique reste encore fragmenté ou sujet à de nombreuses frictions administratives, juridiques et linguistiques. Les Etats-Unis disposent d’un marché des biens et services intégré, de règles commerciales uniformes et d’une seule langue de travail. Les ajustements de production sont rapides et l’échelle de production plus efficace. Le secteur du numérique illustre particulièrement cette différence entre un marché américain unifié et un marché européen fragmenté avec comme conséquence l’absence d’équivalent européen aux firmes américaines comme Google, Apple, Facebook Amazon et Microsoft

Un deuxième élément structurel majeur est la présence d’un écosystème complet favorable à l’innovation technologique et au lancement de nouvelles firmes. Outre le contexte intellectuel favorable à la liberté d’entreprendre, les Etats-Unis sont l’endroit où il est le plus facile de lever du capital et de financer une nouvelle entreprise à toutes les étapes de son évolution. De même, les partenariats de recherche entre les entreprises et les institutions d’enseignement supérieur, sont à un niveau inégalé dans le monde.

Tous les secteurs de la tech connaissent un fort dynamisme aux Etats-Unis que ce soient les biotechnologies, le numérique, l’intelligence artificielle, l’aérospatial et surtout actuellement les secteurs de la « greentech » et de la transition énergétique. Les dépenses en R&D aux Etats-Unis sont très élevées, et depuis longtemps. En 2021, les Etats-Unis dépensaient 3,5% de leur PIB en R&D, comparé à 2,2% en moyenne en Europe, respectivement 3,1% en Allemagne et 2,2% en France.

Un troisième élément structurel provient de la différence entre les taux de croissance de la population active. Aux Etats-Unis, la croissance naturelle plus élevée et les flux migratoires plus importants génèrent une croissance de la population active bien supérieure.

Un quatrième élément structurel est la flexibilité du marché du travail américain. Certains pays d’Europe du Nord ont également un marché du travail flexible mais ce n’est pas le cas des pays du Sud de l’Europe comme la France ou l’Italie. Le marché du travail américain est efficace pour intégrer les travailleurs immigrés et assurer une réallocation rapide de la main d’œuvre des secteurs en difficultés vers les secteurs en croissance. En septembre 2023, le taux de participation à 62,8% est quasiment revenu au niveau d’avant 2019. De son côté, le taux de chômage est extrêmement faible depuis longtemps, à 3,8%.

Un cinquième élément structurel est la différence entre les niveaux d’éducation. Le niveau d’éducation supérieure des Américains est très élevé. En 2022, l’indicateur d’éducation supérieure dans la classe d’âge 55-64 ans est à 44,7% et surpassent tous les pays de la zone euro. Dans la classe d’âge 25-34 ans, l’indicateur est à 51,3% contre 50,4 % en France.

Un sixième élément structurel est la moindre place prise par l’État
dans l’économie laissant davantage d’espace au secteur privé, plus efficace. Sur les 25 dernières années (hors période Covid-19), la dépense publique est de l’ordre de 35% du PIB aux Etats-Unis contre 45% dans la zone euro. Cette part de l’État plus importante a pour conséquence une taxation plus lourde dans la zone euro impliquant des effets incitatifs négatifs sur l’entreprenariat, la dynamique économique et, in fine, l’emploi.

Un dernier élément structurel est l’accès à une énergie abondante et bon marché. Les Etats-Unis sont devenus le premier producteur mondial de pétrole et de gaz et sont des exportateurs de ces deux hydrocarbures. Dopés par l’IRA de Joe Biden, les Etats-Unis montent en puissance rapide dans les énergies renouvelables (13% dans la production totale d’énergie en 2022) avec comme objectifs des percées technologiques majeurs dans le domaine des batteries, de l’hydrogène, de la fusion, de la capture de carbone et le déploiement à grande échelle de l’électricité d’origine solaire et éolienne. Les 400 milliards d’investissement et subventions de l’IRA vont fortement augmenter l’attractivité des Etats-Unis pour les firmes étrangères de la greentech. De son côté, l’Europe qui doit apprendre à vivre sans le gaz russe n’a pas les moyens budgétaires de s’aligner sur le plan de financement américain des énergies vertes et risque de prendre du retard dans ce domaine.

Les Etats-Unis ont leurs problèmes structurels. Le niveau d’inégalité des revenus et des patrimoines est supérieur à celui de l’Europe. Ce facteur est cependant à mettre en perspective. Une partie des inégalités américaines vient plutôt de la croissance des hauts revenus que de la stagnation ou la baisse des revenus les plus bas. On pourrait dire que les Etats-Unis ont autant de pauvres que l’Europe mais beaucoup plus de « riches ». Selon la Banque Mondiale, en 2021, 4,25% des Américains vivaient avec moins de 20 dollars par jour, soit le même taux qu’en Allemagne. En dépit de ce niveau d’inégalité supérieur, depuis quelques années les bas-salaires progressent plus vite aux Etats-Unis qu’en Europe du fait de la plus grande flexibilité du travail et du fait du plein emploi.


La simplification administrative

Le futur de la croissance américaine n’est pas assuré pour autant. Le niveau d’endettement public déjà très élevé ne pourra plus augmenter dans les mêmes proportions. Les grandes stimulations budgétaires à la Trump et Biden ne seront plus possibles dans le futur. Le retour à l’orthodoxie budgétaire aura pour conséquence de réduire l’écart de croissance entre les Etats-Unis et l’Europe pour ce qui est de la part de la croissance soutenue par l’argent public. Concernant la part de la croissance soutenue par l’innovation, bien que le futur ne soit pas connu, il est probable que les Etats-Unis restent le lieu des ruptures technologiques et de leur intégration. L’ambition du président Macron de développer la french tech est louable et va dans le bon sens. Il faut maintenant passer à l’acte en simplification administrative et en flexibilité.

Salaires: Toujours en retard

Salaire : toujours en retard.

En dépit des nombreuses informations qui sortent de l’INSEE, les salaires sont malheureusement toujours en retard sur l’inflation. Curieusement l’INSEE inonde les médias d’information mettant en avant le rattrapage des salaires sur l’inflation. Pourtant d’après les chiffres mêmes de l’institut de l’État les salaires n’auront augmenté que d’un peu moins de 3 % en 2022 et de moins de 5 % en 2023. Au total une perte de 2 %. Le problème est que ce calcul est effectué sur un indice des prix complètement obsolète qui ne rend pas compte de l’évolution structurelle de la consommation.

Face à la perte de pouvoir d’achat les ménages ont en effet réduit leurs achats en volume et en nature. Pour les bas salaires et les salaires moyens, le pouvoir d’achat a été très fortement entamé notamment par la hausse de l’alimentation (+20 % sur deux ans) et au moins autant sur le carburant. Sur les biens et services essentiels, la hausse a dépassé les 10 %. Des biens essentiels qui représentent 80 % du budget des ménages. Même d’après les chiffres de l’INSEE, la perte moyenne est donc de 5 %. En réalité elle est d’environ de 10 % pour les bas salaires et les salaires moyens.

Mais pour l’institut de l’État, les salaires rattrapent l’inflation ! «Le salaire moyen par tête (primes incluses qui fausse le résultat notamment) en 2023 va augmenter comme les prix, soit autour de 5%», a déclaré le directeur général de l’Insee aux Échos ce vendredi. Pour rappel, la hausse générale des prix s’est fixée à 4,9% au mois de septembre et devrait atteindre 5% en moyenne sur l’ensemble de l’année 2023. «Quand il y a un choc inflationniste, les salaires suivent toujours avec retard la hausse des prix ; ils le font désormais», a essayé de justifier Jean-Luc Tavernier, à la tête de l’Insee depuis 2012.

HAUT-KARABAGH: Pédale douce et en retard de l’Europe et de Macron

HAUT-KARABAGH: Pédale douce et en retard de l’Europe et de Macron

Il est clair que l’Union européenne ami un retard considérable pour réagir face au conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan à propos du Haut-Karabakh. Pire, elle a mis la pédale douce pour ne pas trop condamner l’Azerbaïdjan pays avec lequel on vient de passer un accord pour obtenir le gaz que ne fournit plus la Russie. Bref de la diplomatie sous tutelle du business qui ne grandit pas l’Europe.

Le président français, lui, s’est exprimé ce jeudi depuis Grenade en Espagne où près de 50 dirigeants du continent européen se sont rassemblés pour afficher « leur unité » dans l’immobilisme.

Le président français a annoncé que « le temps n’est pas aux sanctions ». « Elles seraient contre-productives et elles ne permettraient pas au mieux de protéger le territoire arménien et ses populations », a-t-il justifié.

Pourtant, le Parlement européen s’est prononcé jeudi en faveur de sanctions « ciblées » contre Bakou, dénonçant dans un texte voté à une très large majorité, une « épuration ethnique » au Haut-Karabakh.

Numérique : l’État très en retard en matière d’effectifs

Numérique : l’État très en retard en matière d’effectifs

Après avoir recruté «en deçà des besoins» ces dernières années, la filière numérique de l’État «va devoir faire face dans les cinq prochaines années à un effort de rattrapage considérable», souligne jeudi un rapport rédigé par les services du ministère de l’Économie. Communiqué à l’AFP en marge du salon VivaTech à Paris, le document plaide pour que l’État recrute 2500 experts du numérique chaque année, «soit 50% de plus qu’actuellement». C’est seulement à cette condition que la France «pourra conserver la maîtrise de son activité numérique», largement externalisée. À l’heure actuelle, l’État emploie 21.000 experts du numérique dans des emplois civils, le ministère des Armées comptant pour sa part 28.000 spécialistes.

Selon l’IGF et le Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des technologies, coauteurs du rapport, «l’ensemble des achats de l’État de prestations dans le domaine +informatique et télécom+ représente 3,2 milliards d’euros en 2021». «Au cours des quatre dernières années, ces achats ont augmenté au rythme moyen de 12% par an», indique encore Bercy. Si «le recours par l’État à des prestations intellectuelles informatiques n’est pas en soi une pratique anormale», les auteurs du rapport déplorent l’absence de doctrine «précise et opérationnelle» des pouvoirs publics en matière d’externalisation. Or «la mission estime qu’en moyenne, recourir à un prestataire est plus coûteux d’au moins 20% pour l’État que le recrutement d’un agent disposant des mêmes compétences». D’où son appel à réinternaliser les compétences, bien que l’État y soit «mal préparé» avec son image «peu avantageuse» d’employeur numérique et ses pratiques de fidélisation des agents accusant «un fort retard par rapport au privé».

L ‘innovation bancaire en retard

L ‘innovation bancaire en retard 

 

 Les résultats en matière d’innovation sont mitigés et les banques traditionnelles ont eu du mal à tirer profit de ce nouvel environnement, comparativement à ceux observés en Asie dont l’Europe pourrait s’inspirer. Par Matilde Guilhon, doctorante à ESCP Business School et chercheuse chez Square Management (Square Research Center)*.

 

Alors que le moteur de l’Open Banking en Europe est principalement réglementaire, dans la plupart des pays asiatiques, la motivation est surtout commerciale. L’illustration la plus extrême est la Chine, où les régulateurs ont laissé le champ ouvert au développement des « BATX », comme Alibaba et Tencent, dans le secteur financier. Ces plateformes ont pu créer des « superapps » qui fonctionnent comme des écosystèmes offrant solutions financières et extra-financières à leurs utilisateurs.

Dans les pays où les systèmes bancaires sont plus proches des pays européens, comme Hong Kong ou Singapour, les réglementations sont moins contraignantes que celles de DSP2 et de la CMA. A Singapour, les réglementations prennent la forme de recommandations sur la mise en place de modèles Banking-as-a-Service et d’API. Malgré le caractère non obligatoire de ces règlementations, les banques singapouriennes ont été diligentes dans la collaboration avec les nouveaux entrants. Par exemple, DBS Bank a développé la plus grande plateforme d’API bancaire au monde, avec plus de 200 APIs couvrant une diversité de services bancaires et extra-bancaires.

Les réglementations européennes exhortent les banques à ouvrir leurs données à des tierces parties. Cela correspond à une situation d’innovation imposée, où la pression des institutions réglementaires est forte tandis que les incitations économiques à mettre en œuvre l’innovation sont relativement faibles. Le discours des régulateurs était orienté vers la promotion de l’innovation et de la concurrence en faisant pression sur les banques en position dominante.

Or, la capacité des acteurs en place à développer une réponse efficace à une innovation imposée dépend fortement de la perception de l’innovation, à la fois comme une menace pour leur secteur, mais aussi et surtout comme une opportunité de créer un avantage concurrentiel. Cela a conduit les banques traditionnelles à adopter une attitude défiante vis-à-vis des Fintechs et des start-ups lors de l’introduction des réglementations, plutôt que d’explorer les opportunités de collaboration.

Dans la mesure où elles ont précédé l’innovation, les réglementations européennes ont manqué de clarté et de précision dans le traitement de questions clés telles que la responsabilité légale dans la collaboration entre les banques et les tiers. Au sein de l’UE, il a fallu près de trois ans entre l’adoption de la DSP2 et son entrée en vigueur – années que les acteurs en place ont davantage passées à décrypter des réglementations lourdes et à initier la mise en conformité, plutôt qu’à développer des stratégies d’innovation appropriées. En outre, la volonté d’introduire un standard de normes au niveau européen sans tenir compte des spécificités bancaires nationales a entraîné une mise en œuvre hétérogène des directives.

La réglementation constitue un catalyseur pour l’innovation en Open Banking. Toutefois, tout en reconnaissant les spécificités culturelles, politiques et économiques de chaque pays qui conditionnent le potentiel d’innovation, on constate que les pays adoptant des réglementations flexibles favorisent davantage l’innovation au sein du secteur bancaire. De plus, l’ouverture forcée d’un secteur à forte inertie risque de servir involontairement les « Big Tech », recréant ainsi une situation de monopole à long terme.

Comment établir un environnement propice à l’innovation tout en maintenant la stabilité du secteur bancaire de détail ? Une plus grande coordination entre les régulateurs et une approche réglementaire progressive et flexible sont bienvenues. Il n’est évidemment pas question de maintenir des positions dominantes au détriment du consommateur. Néanmoins, avec leurs décennies d’expérience en matière de sécurité des données et leur expertise, les banques traditionnelles doivent rester au centre du système financier pour assurer sa stabilité et garantir la protection de leurs clients.

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(*) Membre du Square Research Center de Square Management

Intelligence artificielle : le retard européen

Intelligence artificielle : le retard européen

Par Cyrille Lachevre  fondateur de l’agence de conseil Cylans ( L’OPINION).

 

L’intelligence artificielle pourrait-elle nous aider à lutter plus efficacement contre le réchauffement climatique ? Dans une étude publiée début juillet, le Boston consulting group (BCG) détaille comment l’IA s’impose comme un outil indispensable dans la stratégie des entreprises et des institutions publiques pour réduire leurs émissions de carbone. En pleine canicule, ce thème n’a évidemment même pas effleuré le débat en France, signe supplémentaire du retard pris par l’Hexagone, en ligne avec celui de l’Europe globalement, dans ce domaine.

Le cabinet a interrogé plus de 1055 leaders de la tech et du climat, dans 14 pays : « 87 % d’entre eux considèrent l’IA comme un outil essentiel dans la lutte contre le réchauffement climatique et ils sont déjà 55 % à y avoir recours », résume-t-il. Aux Etats-Unis, plus d’un leader sur deux envisage de le faire, mais à l’échelle du reste du monde cette réflexion tombe à 40 %, preuve qu’il reste encore un certain travail de conviction à mener autour de l’utilité de l’IA dans les autres pays.

La définition très large et très différente d’une zone à l’autre de ce que l’on entend par intelligence artificielle rend très difficile les comparaisons entre les pays, mais tous les chiffres pointent le décalage en train de se creuser sur le Vieux Continent. Les investissements en Europe en matière d’IA représenteraient ainsi environ 3 % seulement de ceux des seuls Gafa. Selon le think-tank Skema Publika, au cours des trente dernières années, 30 % des brevets liés à l’IA ont été déposés par les Etats-Unis, 26 % par la Chine et 12 % par le Japon. L’Allemagne représente 5 %, la France seulement 2,4 %.

Les Etats-Unis et l’Asie ne sont pas les seuls à mener une politique tambour battant. Israël continue à creuser son sillon en conjuguant IA et cybersécurité, tandis que l’Inde avance à bas bruit mais très rapidement, en formant à la chaîne des ingénieurs qui constitueront les futurs bataillons de cette industrie bien plus humaine qu’on ne le pense.

Les solutions concrètes se multiplient sur le terrain, partout dans ces pays. Aux Etats-Unis, un écosystème de start-up liées à des entreprises de plus grande taille présente des produits très opérationnels, à l’image de Remark holdings, spécialiste de l’intelligence artificielle coté au Nasdaq, qui gère la sécurité des trains sur la ligne Brightline en Floride en détectant notamment les intrusions et les comportements suspects, pour assurer la protection des voyageurs.

Autre application aux Etats-Unis, une étude publiée dans la revue scientifique Nature le 30 juin souligne qu’une intelligence artificielle a réussi à prédire les lieux et dates de crimes dans plusieurs villes américaines, avec un succès frisant les 90 %. En Chine, l’intelligence artificielle est désormais très largement intégrée dans les processus de recrutement des candidats. Ces exemples, multipliables à l’envi, témoignent de la multiplicité des applications opérationnelles de l’IA et de son caractère éminemment stratégique.

Où en est l’Europe ? Dans une certaine mesure, elle ne reste pas inactive, sous l’impulsion du commissaire européen Thierry Breton qui travaille à l’élaboration de nombreux textes réglementaires destinés à offrir un cadre juridique, à garantir la confiance dans l’IA ou encore à définir des règles du jeu communes entre les Vingt-Sept. Une démarche inverse de celle des autres pays : « Les Etats-Unis et la Chine investissent d’abord et réglementent ensuite, alors que nous en Europe nous réglementons d’abord pour essayer d’investir ensuite », ironise un acteur du secteur, pour qui les initiatives de la Commission sont certes bienvenues mais ne serviront à rien si on ne change pas rapidement d’échelle en matière de montants investis.

Mais là aussi, l’argent ne suffira pas. « Le problème de fond n’est pas celui des capitaux disponibles ou mobilisables, qui existent en Europe, mais bel et bien de changer en profondeur les mentalités et de comprendre fondamentalement de quoi on parle, résume Guillaume Leboucher, fondateur d’Open Value. Trop de gens conçoivent l’IA sous un angle émotionnel comme on l’imagine dans les films Star wars ou 2001 l’Odyssée de l’espace, alors qu’il ne s’agit ni plus ni moins que de l’information augmentée, de l’informatique assistée ». Autrement dit, d’un outil d’aide à la décision, un instrument de gestion prévisionnelle qui ne nécessite pas des compétences particulièrement pointues mais plutôt une masse d’ingénieurs capables de rentrer les données.

« L’IA est un outil de captation de la donnée, un parc génétique comparable à l’ADN en médecine », poursuit Guillaume Leboucher. Vu sous cet angle, le retard européen n’est donc pas tant en termes des compétences techniques que d’industrialisation des processus, avec l’urgente nécessité de former des gens capables de travailler dans ce secteur encore si méconnu.

Pour convaincre les décideurs politiques de favoriser son éclosion, il suffirait de montrer le potentiel considérable de l’IA en termes de politique publique : les outils prédictifs pourraient permettre d’anticiper précisément les évolutions ponctuelles de besoin de main-d’œuvre afin d’ajuster au mieux les ressources humaines disponibles, ou encore aider à piloter la consommation d’énergie dans un monde plus contraint. Sans oublier les gains considérables qui pourraient être réalisés en santé, dans l’accompagnement des personnes âgées, en décelant très en avance les troubles cognitifs.

Le nerf de la guerre est donc de former ces « ouvriers de l’informatique ». C’est-à-dire donner le goût aux élèves et aux étudiants de s’intéresser à l’IA en sortant des sentiers battus. Petit à petit, cette matière commence à entrer à l’école. Mais le chemin à parcourir est considérable. Car il ne s’agit pas uniquement de s’appuyer sur l’intelligence artificielle pour mieux former les élèves, l’enjeu est aussi d’expliquer aux futurs citoyens de demain comment réduire leurs préjugés sur ce domaine, pour s’y intéresser enfin vraiment !

Cyrille Lachevre est fondateur de l’agence de conseil Cylans.

Monnaie numérique: L’Europe en retard

 Monnaie numérique: L’Europe en retard

Par Rafik Ammar est chargé de la communication et du développement au sein de l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE) dans l’Opinion .

 

 

 

Les nouveaux systèmes de paiement sont d’importance mondiale. Les autorités des différentes juridictions doivent veiller à la conformité de leurs principes et règles à ceux pratiqués au niveau international. Le rôle des autorités est de veiller à l’existence de règles qui encouragent la concurrence entre fournisseurs tout en utilisant une approche réglementaire neutre sur le plan technologique. Afin de créer une réglementation prudente pour les émetteurs et les consommateurs, l’Union européenne devrait établir des exigences spécifiques pour l’obtention d’une licence bancaire par les nouveaux organismes.

Les stablecoins ou cryptomonnaies stables ont un caractère mondial, elles existent dans de nombreux pays et beaucoup d’autres les adopteront à l’avenir. La Chine est l’un des pays les plus avancés dans l’utilisation de la blockchain avec son projet pilote sur le yuan numérique annoncé en 2020. Elle a inclus des dispositions relatives à la monnaie numérique dans le champ d’application de la loi.

Face à ces initiatives, l’UE est à la traîne. En revanche, le Royaume-Uni fait des progrès. Le comité de politique financière de sa banque centrale doit publier un rapport sur les effets des stablecoins, qui traitera aussi d’une monnaie numérique de banque centrale. Il cherche à montrer comment le système de réglementation devrait être ajusté pour garantir la confiance tout en soutenant l’innovation.

De nombreux pays n’ont pas de base juridique nationale et ne considèrent pas les monnaies numériques comme égales à la monnaie fiduciaire en raison de leur valeur instable. De ce fait, les fournisseurs de stablecoins ne sont pas protégés. Pour parvenir à une réglementation mondiale, des règles doivent être créées en matière d’informations fournies par les clients aux émetteurs. Les utilisateurs de ces monnaies doivent savoir comment leurs données personnelles sont utilisées et stockées. Actuellement, banques et sociétés de crédit sont réglementées par des lois dans tous les pays et un niveau de réglementation similaire devrait s’appliquer en matière de monnaie numérique.

Au niveau de l’UE, la législation qui doit régir l’utilisation des stablecoins en tant que catégorie de monnaies numériques est la « Réglementation des marchés des crypto-actifs » (MiCA). Voici quelques points d’améliorations souhaitables. Une différenciation plus claire est nécessaire entre plateformes de monnaie électronique, stablecoins à domaine ouvert, et projets d’entreprise qui doivent être soutenus de manière appropriée sur le plan fiscal. Des normes techniques de réglementation doivent être publiées par les autorités européennes de surveillance afin de remédier à toute ambiguïté sur la distinction entre les crypto-actifs, au titre de MiCA, et les instruments financiers, si une telle ambiguïté survenait avec le développement du secteur.

Le règlement européen devrait prévoir des règles plus proportionnées afin d’inciter les petites entreprises à entrer sur le marché, notamment en fixant des exigences de fonds propres à un niveau raisonnablement élevé. Il faut alléger les obligations disproportionnées imposées aux entreprises par la législation et encourager l’innovation afin de retrouver plus de souveraineté dans le secteur financier. L’UE doit rebattre les cartes dans la course à la création de monnaie numérique de banque centrale.

Rafik Ammar est chargé de la communication et du développement au sein de l’Association française des trésoriers d’entreprise (AFTE).

Transition énergétique :Le BTP en retard

Transition énergétique :Le  BTP  en retard  

 

Si les entreprises du bâtiment et des travaux publics se savent contraintes de changer de modèle, elles ne savent pas encore à quel rythme et à quel prix, regrettent le consultant Sébastien Delpont et le chercheur Andreas Rüdinger, dans une tribune au « Monde ».

 

On aime à dire que « quand le bâtiment va, tout va ». Mais à l’heure d’organiser sa décarbonation, il est peu de monde pour dire que tout va bien dans le BTP, secteur responsable de 40 % des émissions de dioxyde de carbone de l’Union européenne. Les entreprises peinent à se projeter, faute de politiques publiques suffisamment précises. Quels financements, quelles obligations, quels partis pris ? Elles voient un cap, mais ni l’itinéraire ni les points d’étape pour planifier leur transition en matière de gestion des compétences, de développements technologiques et de modèles d’affaires.

Tous reconnaissent que l’on utilisera des matériaux décarbonés et que l’on bâtira moins d’ouvrages neufs, avec une part moindre de maisons individuelles pour moins artificialiser les sols. Les marchés de demain seront ceux de la rénovation performante, pour baisser les factures d’énergie et s’adapter aux canicules, et de la reconversion de bureaux (moins utilisés avec l’essor du télétravail) en logements et lieux multifonctionnels.

Mais il reste un pas à franchir pour transformer ces tendances qualitatives en une planification quantitative crédible, avec des moyens financiers alignés sur des ambitions précises. Sans cette visibilité, les entreprises hésitent à investir. La définition légale de ce qu’est une rénovation performante est à géométrie trop variable. Les travaux, les besoins financiers et en formation seront très différents à cinq, dix ou vingt ans, si l’on veut basculer tous les logements en classe énergie E, F et G à la classe D, ou si l’on souhaite que 30 % des logements atteignent un niveau de classe B en une fois.

Pour rénover bien plus et bien mieux, il faudra multiplier le nombre d’emplois par 2,5. Un sujet majeur alors que 30 % des artisans partiront à la retraite dans les dix prochaines années et que la filière peine à recruter. Trois voies sont possibles : reconvertir des artisans issus de la construction neuve, reconvertir des salariés d’industries en déclin ou former des jeunes. L’organiser nécessite une clarté sur ce que l’on veut faire : quels travaux, quels niveaux de performance, quels types de bâtiments, sur quels territoires et en quel nombre par an ? Une abondance de plaquistes en Alsace ne résout pas une pénurie d’électriciens en Ariège. Il y aura aussi des postes à pourvoir pour coordonner ces différents corps de métier et pour améliorer la qualité architecturale.

Les entreprises ont des paris à tenir : vers une majorité de compagnons spécialisés, les uns installant des isolants et d’autres des pompes à chaleur, ou vers une majorité de compagnons polyvalents, formés à la plomberie, à l’électricité, à la menuiserie ? Faut-il adapter les modes de construction aux compétences des compagnons, ou les former à de nouvelles techniques ? Le fait de couler de la terre crue ou de projeter du béton de chanvre ressemble aux gestes de celui qui sait couler du béton, alors que c’est tout autre chose de construire en bois, en paille, ou de déconstruire pour réutiliser. Basculer des tâches du chantier vers l’usine, avec l’essor de la préfabrication, facilitera aussi le développement de l’emploi féminin, aujourd’hui inférieur à 15 % dans le BTP mais de 45 % dans l’industrie.

Nucléaire: Le réacteur EPR finlandais en service avec 12 ans de retard

Nucléaire: Le réacteur EPR  finlandais en service avec 12 ans de retard

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Le réacteur nucléaire finlandais EPR d’Olkiluoto-3 a été mis en service pour la première fois samedi, a annoncé l’exploitant de la centrale. La production d’électricité de l’EPR finlandais, construit par le consortium Areva-Siemens, débute douze ans après la date de mise en service prévue initialement.

Le réacteur fournira environ 14% de l’électricité de la Finlande avec 1650 mégawatts, a-t-il indiqué. Le réacteur Olkiluoto-3 va devenir l’un des plus puissants d’Europe. Deux autres réacteurs sont en service sur la côte ouest de la Finlande à Eurajoki.

Nucléaire – l’EPR finlandais : Nouveau retard

Nucléaire - l’EPR finlandais : Nouveau retard

Un nouveau retard sans doute d’un mois pour la production d’électricité de l’EPR finlandais. Un retard finalement négligeable que le programme a déjà été décalé de 12 ans !

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La production d’électricité avait déjà été reportée à fin février, au lieu de janvier comme annoncé précédemment , soit douze ans après la date de mise en service prévue initialement. Une mise en service normale est attendue en juillet 2022.

Au terme de ce chantier lancé en 2005 dans le sud-ouest de la Finlande, devenu pour Areva un chemin de croix miné par les retards et les dérives financières, l’EPR finlandais va devenir le plus puissant réacteur en opération en Europe. Avec une capacité de production de 1.650 mégawatts, il doit fournir environ 15 % de la consommation du pays nordique. Avant Olkiluoto-3, seuls deux réacteurs EPR sont entrés en fonctionnement dans le monde, ceux de la centrale de Taishan en Chine.

Cela traduit à l’évidence une perte de compétence française qui prend sa source dans le fait que la France a laissé en l’état pendant des années et des dizaines d’années son parc nucléaire.

Croissance : la France encore en retard sur 2019

Croissance : la France encore en retard sur 2019

La France a beau  affiché des taux de croissance flatteur de 6 à 7 % pour 2021, le niveau de l’activité est encore inférieur à celui de 2019. En France, selon l’Insee, la croissance du PIB atteint 3% au troisième trimestre, contre 1,3% au second trimestre. Du coup, le PIB retrouve quasiment son niveau d’ »avant-crise » du Covid. C’est toujours la consommation des ménages qui tire le rebond de l’activité, soit une hausse de 5% au troisième trimestre (contre 1,2% au trimestre précédent). Cette consommation est portée par la consommation de services (restaurants et hôtels) mais également par la culture et les loisirs.

À noter cependant que, le pouvoir d’achat des ménages est resté stable au troisième trimestre. Une situation qui ne saurait durer très très longtemps car la France vient d’enregistrer fin octobre une inflation officielle de près de 3 %. Une évolution qui va rapidement poser la question du revenu du travail et de l’épargne. Les Français commencent donc à puiser dans leur épargne excédentaire, estimée à près de 160 milliards d’euros. Le taux d’épargne, de plus de 20% en début d’année, s’établit à la fin du troisième trimestre à 17,5%, un niveau encore supérieur à celui d’avant-crise (15% en 2019).

 

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