La véritable restitution du Trésor du Bénin : la démocratie
Alors que nombre de gauchistes décoloniaux crient victoire après la restitution de certaines œuvres d’art au Bénin, plusieurs avocats considèrent que la véritable restitution au peuple relève de l’État de droit et de la démocratie.
Notons que la restitution systématique des œuvres d’art créerait une pagaille monstre car tous les musées dans le monde détiennent des œuvres étrangères. À titre d’exemple citons le nombre incroyable de peintures impressionnistes françaises détenues dans des musées étrangers qu’il serait ridicule de revendiquer dès lors que sont organisés des prêts et des échanges entre pays
Tribune.
Si la République du Bénin va enfin pouvoir récupérer des œuvres majeures de son patrimoine culturel dont elle fut spoliée des décennies durant, ce n’est pas tant le « trésor de Béhanzin » qui retient l’attention de la société civile, des journalistes politiques et des défenseurs des droits humains. Ces derniers s’inquiètent plutôt du sort d’un autre trésor sévèrement menacé au Bénin : celui des valeurs des droits humains, de l’Etat de droit et de la démocratie. Le peuple béninois doit se les voir restituer en urgence.
Derrière le décorum qui met à l’honneur des valeurs de justice, d’amitié et de respect mutuel dans les relations entretenues entre le Bénin et la France, et qui colorent les préparatifs des cérémonies de ces restitutions tant attendues, on entrevoit un paysage bien plus sinistre.
Dans le pays de l’ancien royaume d’Abomey, une chasse aux sorcières est à l’œuvre. Les opposants politiques, les journalistes, les défenseurs des droits humains et les intellectuels y sont arrêtés, sans mandat, sans motif, et sans juge, et détenus de manière cruelle. Ils n’ont commis ni crime, ni délit, mais ont osé exprimer une opinion dissidente, formuler une critique du régime, ou manifester leur intérêt pour participer activement à la vie politique.
Les voilà censurés, enfermés, menacés, par un gouvernement complexé et inquiet, qui jalouse, plus que tout, le monopole du pouvoir, le dogme du chef, et les dérives autoritaires. Entre les mains de leurs geôliers, ces intellectuels et dissidents sont exposés à l’arbitraire, dans le seul et unique but de les briser, socialement, politiquement et psychologiquement.
Le constitutionnaliste Joël Aïvo, professeur à l’Université d’Abomey-Calavi et intellectuel béninois engagé, fut arrêté et continue d’être détenu pour avoir osé exprimer des opinions politiques dissidentes et pour avoir lu à haute voix la Constitution du Bénin, dont il rappelait les garanties. Des opinions et des critiques, véhiculées par les médias français, qui ne furent pas du goût du régime justifièrent son arrestation brutale, suivie d’une détention à durée indéterminée, sans charges, sans motifs, validée par une institution judiciaire paralysée, asservie et incapable de regagner l’indépendance qui fait sa grandeur.
Aussi, pendant les cérémonies de restitution des trésors d’Abomey, celles et ceux qui chérissent les droits humains et les valeurs de l’Etat de droit poursuivront leur lutte, avec l’espoir que le bruit des réceptions diplomatiques ne masque point les souffrances de ces dissidents politiques bâillonnés.
Nous appelons chaque acteur, qu’il soit président, ministre, diplomate, conservateur de musée, journaliste, étudiant, impliqué ou observant ces cérémonies, à ne pas les oublier et même à les soutenir, et à solliciter, avec tact, force, insistance, la restitution du trésor de l’Etat de droit au Bénin. Cela exige à tout le moins d’organiser un autre type de cérémonie, à laquelle la communauté internationale peut contribuer : la libération des opposants politiques au Bénin.