« Procès Buzyn » : comment évaluer la responsabilité des ministres
- Fabien Bottini, qualifié aux fonctions de Professeur des Universités en droit public, Université Le Havre Normandie pose la problématique juridique de jugement des ministres ( dans le JDD, extrait)
Une approche intéressante mais essentiellement juridique qui fait trop l’impasse sur la crise démocratique.NDLR
Les conséquences judiciaires de la crise sanitaire relancent une nouvelle fois le débat récurrent sur la responsabilité des membres du gouvernement.
Une responsabilité pénale ou simplement politique?
Ceux-ci doivent-ils être pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions ou bien leur responsabilité ne peut-elle être que politique? La sanction la plus adaptée aux manquements des devoirs de leur charge est-elle en d’autres termes la prison et/ou une peine d’amende ou la simple perte de leur mandat? Qui des parlementaires ou des simples justiciables et du juge pénal est dans tous les cas mieux à même d’engager leur responsabilité et de les juger? Faut-il traiter de façon différente les délits intentionnels (comme la corruption) et non intentionnels (comme la mise en danger de la vie d’autrui)?
Depuis la Révolution française ces questions n’ont de cesse de diviser élus, juristes et citoyens eux – mêmes, deux thèses s’affrontant en la matière.
La première est celle de la responsabilité exclusivement politique des membres du gouvernement surtout lorsqu’ils sont mis en cause ès qualité pour des infractions non intentionnelles, comme c’est souvent le cas dans les scandales sanitaires. L’impossibilité de tout prévoir, la complexité du monde moderne, la nécessité d’éviter une paralysie de la prise de décision publique sont autant d’arguments invoqués à l’appui de cette solution.
Mais ces arguments sont réversibles, notamment parce que l’inaction par crainte de poursuites pénales peut elle-même être pénalement répréhensible. Sans compter que les va-et-vient des politiques entre sphère publique et sphère privée a atteint une telle ampleur de nos jours, que la perte de la fonction ministérielle n’apparaît plus comme une véritable sanction : puisque les membres du gouvernement peuvent valoriser sur le marché le réseau d’influence qu’ils ont tissé pendant leur mandat en devenant avocats d’affaires ou en se livrant à une activité de conseil.
C’est la raison pour laquelle la thèse de la responsabilité exclusivement politique est contestée par celle d’une responsabilité également pénale. Nul n’étant au-dessus des lois en démocratie, il est nécessaire, disent ses partisans, que les membres du gouvernement, puissent également rendre compte des violations qu’ils commettent à la loi pénale. Car l’exemple doit venir d’en haut, comme l’enseigne la doctrine du gouvernement spéculaire – entendu comme un gouvernement miroir de la société – depuis le IXe siècle.
D’autant que les actes détachables de l’exercice de leurs fonctions, tels que des faits de corruption, de subornation de témoins ou d’abus de biens sociaux, sont déjà jugés selon les règles ordinaires.
La procédure pénale a en effet considérablement évolué au tournant des années 1980, sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’Homme, pour garantir à tout prévenu, simple particulier ou décideur public, son droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial du pouvoir politique et faire en sorte que la loi pénale soit la même pour tous, « soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » comme le commande l’article 6 de la DDHC.
Qui pour engager la responsabilité des ministres?
Qui pour engager la responsabilité des ministres : les parlementaires et une juridiction d’exception ou les citoyens et le juge pénal?
Quelle que soit la thèse retenue, la question se pose en effet de la procédure à suivre et de la juridiction compétente pour les poursuivre et, éventuellement, les condamner à raison de faits commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Doivent-ils être directement destitués dans le cas de la responsabilité politique par les citoyens eux-mêmes lorsqu’ils refusent de quitter la fonction, comme c’est le cas aux États-Unis où un pouvoir de « recall » (c’est-à-dire de révocation) leur est parfois reconnu? Ou bien faut-il laisser au parlement seul le soin de les renverser?
Cette solution existe en droit français où l’Assemblée nationale – et non le Sénat – a le pouvoir d’engager la responsabilité collective des membres du gouvernement en votant une motion de censure contre l’ensemble des ministres, en se transformant ainsi en une sorte de juridiction d’exception politique. Aucune n’a toutefois jamais aboutie ni même été déposée pour dénoncer la mise en cause pénale d’un ministre.
Ne faudrait-il pour cette raison pas aller plus loin et reconnaître aux chambres un pouvoir de révocation individuelle, de façon à destituer le seul ministre mis en cause ès qualité pour sa gestion des affaires? Certains le pensent et voient même dans l’absence de cette faculté la raison première de la pénalisation – entendue comme le recours au juge pénal – de la responsabilité ministérielle.
Mais une telle réforme suffirait-elle à renforcer la confiance des citoyens envers le fonctionnement des institutions? Sa mise en œuvre effective ne se heurterait-elle pas à la solidarité de fait qui existe en pratique entre la majorité et ses ministres, conduisant celle-ci à protéger ceux-là envers et contre tout, au nom de la maxime latine : hodie tibi, cras mihi (« aujourd’hui moi, demain toi »)? Rien n’est moins sûr. C’est pourquoi les partisans de leur responsabilité pénale préconisent de confier leur jugement au juge du même nom, pour qu’ils répondent de leurs actes devant lui comme n’importe quel justiciable.
La Cour de justice de la République fait l’unanimité contre elle
Créée dans le contexte de l’affaire du sang contaminé en 1993, la Cour de justice de la République peut être vue comme la tentative de trouver une solution de compromis entre les thèses politique et pénale.
À la thèse pénale, elle empreinte l’idée que le filtrage des plaintes visant les ministres, l’instruction des faits qui leur sont reprochés et leur jugement doivent être confiés à des instances où siègent des magistrats judiciaires expérimentés dont l’un préside la Cour.
Mais à la thèse politique, on doit la présence de magistrats administratifs et financiers dans l’instance chargée de trier les plaintes – ceux-ci étant considéré plus à même de comprendre les contraintes du mandat ministériel – et une surreprésentation des parlementaires dans l’instance de jugement au détriment des magistrats professionnels (12 contre 3).
Or, à l’usage, l’institution n’a pas fait ses preuves, tant elle nourrit le soupçon de partialité envers le ministre poursuivi.
Qu’il soit du côté de la majorité ou de l’opposition, il est toujours facile de voir rétrospectivement dans le sens du verdict le résultat d’un complot, à tort ou à raison : qu’il lui soit trop clément et la majorité lui aura été favorable ; qu’il soit trop sévère et elle l’aura cloué au pilori.
Le poison du soupçon pèse donc sur la crédibilité de la Cour dont la décision est toujours jugée trop politique. Sous couvert de respecter les idéaux de la démocratie libérale, la justice d’exception qu’elle incarne les méconnaît pour cette raison : en ignorant que la démocratie postule en toutes circonstances le respect de la volonté générale ; et le libéralisme l’obligation de chacun d’assumer personnellement la responsabilité de ses actes dans le respect de son droit à un procès équitable – surtout lorsqu’il s’agit de faits pénalement répréhensibles.
Comment appliquer « la rigueur de la loi » soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ?
À la question de savoir comment faire pour que les ministres soient placés sous toute la « rigueur de la loi », « soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », et que leur droit élémentaire à un procès équitable soit pleinement respecté, le rapport Jospin de 2012 et le projet de révision constitutionnelle du 9 mai 2018 s’accordent dans les grandes lignes sur une solution alternative. Celle-ci revient à confier leurs poursuites au juge pénal, sous réserve d’aménagements à la procédure suivie devant lui, pour tenir compte des spécificités du mandat ministériel.
Une telle évolution est facilitée par l’essor des procédés de déontologie qui permettent de prévenir les manquements au devoir de probité qui ont longtemps constitué la première cause de poursuites contre les élus. Dès lors en effet que de tels mécanismes existent, les risques de poursuites se trouvent considérablement atténués sur le terrain des infractions intentionnelles et les ministres redoutent moins d’être mis en cause pour de tels faits.
C’est sans doute pourquoi le rapport comme le projet de révision proposaient tous deux de confier l’instruction et le jugement des plaintes les visant à un collège de magistrats expérimentés. S’ils divergent sur les modalités concrètes de leur désignation, on pourrait imaginer de confier à un panel de trois magistrats siégeant d’ordinaire dans les Chambres de l’instruction des Cours d’appel l’instruction à charge ET à décharge des faits qui leur sont reprochés.
Il serait de même possible d’imaginer que l’affaire soit délocalisée loin de Paris, par exemple à Bordeaux, pour prévenir les tentatives de pression sur ces juges et ceux de la formation de jugement éventuellement saisie de l’affaire.
La tentation de soustraire les ministres à toute responsabilité pénale non intentionnelle
Mais un examen attentif du projet de révision de 2018 montre que l’idée d’une réforme achoppe toujours sur un point : celui de la responsabilité pénale des ministres pour des faits non intentionnels.
Le projet voulait en effet conditionner les poursuites de ceux coupables d’inaction au fait que
« Le choix de ne pas agir leur est directement et personnellement imputable. »(art. 13)
Ce qui serait concrètement revenu à dire, si la réforme était passée, que toutes les plaintes déposées contre les membres du gouvernement dans le contexte de la crise sanitaire auraient été déclarées irrecevables.
On imagine l’impact sur l’opinion publique du sentiment d’injustice que les victimes ou leurs familles n’auraient pas manqué d’éprouver alors même qu’une telle réforme paraît des plus inutiles : les conditions à réunir pour pouvoir retenir la condamnation d’un justiciable au titre des délits non intentionnels ont été réformées en 2000, de façon à trouver un point d’équilibre satisfaisant entre ce qui relève de la faute pénale et ce qui lui est étranger.
La relaxe d’un certain nombre d’exécutifs locaux poursuivis pour de tels faits le prouve. Remédier à la crise de la démocratie suppose que les gouvernants en prennent conscience, s’ils veulent véritablement substituer à la Cour de justice de la République un régime de responsabilité conforme à l’idéal républicain de bonne administration de la justice.
Fabien Bottini, Qualifié aux fonctions de Professeur des Universités en droit public, Université Le Havre NormandieCet article est republié à partir de The Conversation .
« Procès Buzyn » : comment évaluer la responsabilité des ministres
« Procès Buzyn » : comment évaluer la responsabilité des ministres
Une approche intéressante mais essentiellement juridique qui fait trop l’impasse sur la crise démocratique.NDLR
Les conséquences judiciaires de la crise sanitaire relancent une nouvelle fois le débat récurrent sur la responsabilité des membres du gouvernement.
Une responsabilité pénale ou simplement politique?
Ceux-ci doivent-ils être pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions ou bien leur responsabilité ne peut-elle être que politique? La sanction la plus adaptée aux manquements des devoirs de leur charge est-elle en d’autres termes la prison et/ou une peine d’amende ou la simple perte de leur mandat? Qui des parlementaires ou des simples justiciables et du juge pénal est dans tous les cas mieux à même d’engager leur responsabilité et de les juger? Faut-il traiter de façon différente les délits intentionnels (comme la corruption) et non intentionnels (comme la mise en danger de la vie d’autrui)?
Depuis la Révolution française ces questions n’ont de cesse de diviser élus, juristes et citoyens eux – mêmes, deux thèses s’affrontant en la matière.
La première est celle de la responsabilité exclusivement politique des membres du gouvernement surtout lorsqu’ils sont mis en cause ès qualité pour des infractions non intentionnelles, comme c’est souvent le cas dans les scandales sanitaires. L’impossibilité de tout prévoir, la complexité du monde moderne, la nécessité d’éviter une paralysie de la prise de décision publique sont autant d’arguments invoqués à l’appui de cette solution.
Mais ces arguments sont réversibles, notamment parce que l’inaction par crainte de poursuites pénales peut elle-même être pénalement répréhensible. Sans compter que les va-et-vient des politiques entre sphère publique et sphère privée a atteint une telle ampleur de nos jours, que la perte de la fonction ministérielle n’apparaît plus comme une véritable sanction : puisque les membres du gouvernement peuvent valoriser sur le marché le réseau d’influence qu’ils ont tissé pendant leur mandat en devenant avocats d’affaires ou en se livrant à une activité de conseil.
C’est la raison pour laquelle la thèse de la responsabilité exclusivement politique est contestée par celle d’une responsabilité également pénale. Nul n’étant au-dessus des lois en démocratie, il est nécessaire, disent ses partisans, que les membres du gouvernement, puissent également rendre compte des violations qu’ils commettent à la loi pénale. Car l’exemple doit venir d’en haut, comme l’enseigne la doctrine du gouvernement spéculaire – entendu comme un gouvernement miroir de la société – depuis le IXe siècle.
D’autant que les actes détachables de l’exercice de leurs fonctions, tels que des faits de corruption, de subornation de témoins ou d’abus de biens sociaux, sont déjà jugés selon les règles ordinaires.
La procédure pénale a en effet considérablement évolué au tournant des années 1980, sous l’influence de la Cour européenne des droits de l’Homme, pour garantir à tout prévenu, simple particulier ou décideur public, son droit à un procès équitable devant un tribunal indépendant et impartial du pouvoir politique et faire en sorte que la loi pénale soit la même pour tous, « soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse » comme le commande l’article 6 de la DDHC.
Qui pour engager la responsabilité des ministres?
Qui pour engager la responsabilité des ministres : les parlementaires et une juridiction d’exception ou les citoyens et le juge pénal?
Quelle que soit la thèse retenue, la question se pose en effet de la procédure à suivre et de la juridiction compétente pour les poursuivre et, éventuellement, les condamner à raison de faits commis dans l’exercice de leurs fonctions.
Doivent-ils être directement destitués dans le cas de la responsabilité politique par les citoyens eux-mêmes lorsqu’ils refusent de quitter la fonction, comme c’est le cas aux États-Unis où un pouvoir de « recall » (c’est-à-dire de révocation) leur est parfois reconnu? Ou bien faut-il laisser au parlement seul le soin de les renverser?
Cette solution existe en droit français où l’Assemblée nationale – et non le Sénat – a le pouvoir d’engager la responsabilité collective des membres du gouvernement en votant une motion de censure contre l’ensemble des ministres, en se transformant ainsi en une sorte de juridiction d’exception politique. Aucune n’a toutefois jamais aboutie ni même été déposée pour dénoncer la mise en cause pénale d’un ministre.
Ne faudrait-il pour cette raison pas aller plus loin et reconnaître aux chambres un pouvoir de révocation individuelle, de façon à destituer le seul ministre mis en cause ès qualité pour sa gestion des affaires? Certains le pensent et voient même dans l’absence de cette faculté la raison première de la pénalisation – entendue comme le recours au juge pénal – de la responsabilité ministérielle.
Mais une telle réforme suffirait-elle à renforcer la confiance des citoyens envers le fonctionnement des institutions? Sa mise en œuvre effective ne se heurterait-elle pas à la solidarité de fait qui existe en pratique entre la majorité et ses ministres, conduisant celle-ci à protéger ceux-là envers et contre tout, au nom de la maxime latine : hodie tibi, cras mihi (« aujourd’hui moi, demain toi »)? Rien n’est moins sûr. C’est pourquoi les partisans de leur responsabilité pénale préconisent de confier leur jugement au juge du même nom, pour qu’ils répondent de leurs actes devant lui comme n’importe quel justiciable.
La Cour de justice de la République fait l’unanimité contre elle
Créée dans le contexte de l’affaire du sang contaminé en 1993, la Cour de justice de la République peut être vue comme la tentative de trouver une solution de compromis entre les thèses politique et pénale.
À la thèse pénale, elle empreinte l’idée que le filtrage des plaintes visant les ministres, l’instruction des faits qui leur sont reprochés et leur jugement doivent être confiés à des instances où siègent des magistrats judiciaires expérimentés dont l’un préside la Cour.
Mais à la thèse politique, on doit la présence de magistrats administratifs et financiers dans l’instance chargée de trier les plaintes – ceux-ci étant considéré plus à même de comprendre les contraintes du mandat ministériel – et une surreprésentation des parlementaires dans l’instance de jugement au détriment des magistrats professionnels (12 contre 3).
Or, à l’usage, l’institution n’a pas fait ses preuves, tant elle nourrit le soupçon de partialité envers le ministre poursuivi.
Qu’il soit du côté de la majorité ou de l’opposition, il est toujours facile de voir rétrospectivement dans le sens du verdict le résultat d’un complot, à tort ou à raison : qu’il lui soit trop clément et la majorité lui aura été favorable ; qu’il soit trop sévère et elle l’aura cloué au pilori.
Le poison du soupçon pèse donc sur la crédibilité de la Cour dont la décision est toujours jugée trop politique. Sous couvert de respecter les idéaux de la démocratie libérale, la justice d’exception qu’elle incarne les méconnaît pour cette raison : en ignorant que la démocratie postule en toutes circonstances le respect de la volonté générale ; et le libéralisme l’obligation de chacun d’assumer personnellement la responsabilité de ses actes dans le respect de son droit à un procès équitable – surtout lorsqu’il s’agit de faits pénalement répréhensibles.
Comment appliquer « la rigueur de la loi » soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse ?
À la question de savoir comment faire pour que les ministres soient placés sous toute la « rigueur de la loi », « soit qu’elle protège, soit qu’elle punisse », et que leur droit élémentaire à un procès équitable soit pleinement respecté, le rapport Jospin de 2012 et le projet de révision constitutionnelle du 9 mai 2018 s’accordent dans les grandes lignes sur une solution alternative. Celle-ci revient à confier leurs poursuites au juge pénal, sous réserve d’aménagements à la procédure suivie devant lui, pour tenir compte des spécificités du mandat ministériel.
Une telle évolution est facilitée par l’essor des procédés de déontologie qui permettent de prévenir les manquements au devoir de probité qui ont longtemps constitué la première cause de poursuites contre les élus. Dès lors en effet que de tels mécanismes existent, les risques de poursuites se trouvent considérablement atténués sur le terrain des infractions intentionnelles et les ministres redoutent moins d’être mis en cause pour de tels faits.
C’est sans doute pourquoi le rapport comme le projet de révision proposaient tous deux de confier l’instruction et le jugement des plaintes les visant à un collège de magistrats expérimentés. S’ils divergent sur les modalités concrètes de leur désignation, on pourrait imaginer de confier à un panel de trois magistrats siégeant d’ordinaire dans les Chambres de l’instruction des Cours d’appel l’instruction à charge ET à décharge des faits qui leur sont reprochés.
Il serait de même possible d’imaginer que l’affaire soit délocalisée loin de Paris, par exemple à Bordeaux, pour prévenir les tentatives de pression sur ces juges et ceux de la formation de jugement éventuellement saisie de l’affaire.
La tentation de soustraire les ministres à toute responsabilité pénale non intentionnelle
Mais un examen attentif du projet de révision de 2018 montre que l’idée d’une réforme achoppe toujours sur un point : celui de la responsabilité pénale des ministres pour des faits non intentionnels.
Le projet voulait en effet conditionner les poursuites de ceux coupables d’inaction au fait que
« Le choix de ne pas agir leur est directement et personnellement imputable. »(art. 13)
Ce qui serait concrètement revenu à dire, si la réforme était passée, que toutes les plaintes déposées contre les membres du gouvernement dans le contexte de la crise sanitaire auraient été déclarées irrecevables.
On imagine l’impact sur l’opinion publique du sentiment d’injustice que les victimes ou leurs familles n’auraient pas manqué d’éprouver alors même qu’une telle réforme paraît des plus inutiles : les conditions à réunir pour pouvoir retenir la condamnation d’un justiciable au titre des délits non intentionnels ont été réformées en 2000, de façon à trouver un point d’équilibre satisfaisant entre ce qui relève de la faute pénale et ce qui lui est étranger.
La relaxe d’un certain nombre d’exécutifs locaux poursuivis pour de tels faits le prouve. Remédier à la crise de la démocratie suppose que les gouvernants en prennent conscience, s’ils veulent véritablement substituer à la Cour de justice de la République un régime de responsabilité conforme à l’idéal républicain de bonne administration de la justice.
Fabien Bottini, Qualifié aux fonctions de Professeur des Universités en droit public, Université Le Havre NormandieCet article est republié à partir de The Conversation .