Archive pour le Tag 'Résister'

Défense: L’armée française incapable de résister à une guerre d’ampleur

Défense: L’armée française incapable de résister à une guerre d’amapleur

Depuis l’agression russe contre l’Ukraine le 22 février 2022, les gouvernements européens touchent du doigt la différence entre les postures et la réalité économique et industrielle en matière de défense de l’Europe. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, professeurs à l’Essec dans « La Tribune ».

Le mythe des « dividendes de la paix », véhiculé en son temps par Laurent Fabius comme un coup politique populiste, a résulté trente ans plus tard en un large sous-investissement dans le bien public que constitue la défense nationale. Le sous-investissement en infrastructure routière conduit à des routes surchargées et accidentogène. Le sous-investissement dans la santé publique aboutit à des hôpitaux concentrés et surchargés avec des services d’urgence débordés. Le sous-investissement dans la défense nationale conduit à une incapacité à soutenir l’effort de guerre d’un allié tant en termes de munitions qu’en termes de matériels. Selon de nombreux experts, l’armée française, pourtant la plus capable en Europe occidentale, serait incapable de mener une guerre terrestre à haute intensité comme celle qui ébranle le flanc Est de l’Union européenne (UE). Il y a d’abord un problème de stock de munitions disponibles, de matériels roulants et volants disponibles, d’équipements de dernière génération disponibles, et du nombre de militaires. Il y a également une base industrielle sous-développée, sous capitalisée, fragmentée, et en grande difficulté pour produire et livrer munitions et matériels.

Quelle est la situation presque deux ans après le début du conflit ? Au vu des postures martiales de Emmanuel Macron qui parle d’« économie de guerre », on peut penser que bon an mal an, avec du retard à l’allumage, les chaînes de production ont été réactivées via des commandes publiques suffisantes à la fois pour servir le conflit en cours et remplir les stocks.

Les commandes ont un peu augmenté dans la nouvelle mouture de la loi de programmation militaire mais pas assez pour que les lignes de production tournent à pleine capacité. Cette embellie en termes de commandes reste une embellie de court terme. Plus fondamentalement, il ne s’agit pas d’un plan structuré de financement et de soutien des PME et entreprises de la BITD (base industrielle et technologique de défense) française. La perception européenne et française des industries de défense reste négative dans le contexte actuel d’investissement ESG. Les grandes banques françaises ne veulent pas plus financer de forages pétroliers dans l’Arctique ou dans une réserve africaine que de programme d’armement.

Avant le conflit en Ukraine, un rapport parlementaire du 17 février 2021 a alerté sur les difficultés majeures de financement du secteur industriel de la défense française, et notamment des PMEs. Peu de choses ont changé depuis.

Jamais à court de petites solutions improvisées, le gouvernement propose de consacrer une partie de la collecte du livret A au financement des entreprises de défense, qui pourraient alors obtenir des prêts à un taux bonifié. En fléchant une partie des quelques 200 milliards libres vers les PMEs de la défense, cela permettrait de combler une partie de la pénurie de fonds. La mesure permettrait aux banques de se cacher derrière l’obligation réglementaire en faisant valoir qu’elles n’ont pas le choix et qu’elles ne dépassent pas le quota alloué à cette industrie.

Les cris d’orfraie poussés par un certain nombre de syndicats et de partis de gauche illustrent bien la réalité de la difficulté pour les banques de financer le secteur et l’opportunité de se cacher derrière une obligation légale.

Mais les vraies mesures, que le gouvernement ne semble pas avoir le courage de prendre, sont d’une toute autre nature. Si les banques et les investisseurs privés hésitent encore pour investir dans les entreprises françaises de la défense, c’est en raison du risque important qu’ils perçoivent par rapport au secteur et ils ont sûrement raison. Si le gouvernement français et la société française finissent par réaliser l’importance de la défense nationale et de sa base industrielle lorsqu’une guerre à haute intensité est menée aux portes de l’Europe, il sera beaucoup moins risqué d’investir dans l’industrie de la défense et les solutions administratives seront inutiles voire inefficaces.

En premier lieu, il faut en finir avec l’idéologie qui oppose l’industrie de la défense et les objectifs sociaux et sociétaux. La guerre en Ukraine montre à tous ceux qui veulent regarder que seule la défense nationale peut protéger nos valeurs de liberté et nos concitoyens. La soutenabilité de notre modèle démocratique face aux autocraties repose sur la défense nationale ce qui rend moral et responsable son financement.

En second lieu, si le budget des armés est en augmentation, ces augmentations sont modestes au regard de la redéfinition des menaces, de l’inflation et de la hausse du coûts des équipements de plus en plus complexes (conformément à la « loi d’Augustine »). Comme le secteur de l’énergie, le secteur de la défense doit être en mesure de fournir le service attendu en situation de crise. Des stocks importants et des capacités productives doivent être maintenues en réserve pour une réouverture en cas de crise. Il s’agit d’un changement de philosophie dans la production d’armements que la chute des budgets avait réduit au modèle de réduction des coûts de l’industrie privée marchande. Ces deux aspects plaident pour une plus forte augmentation du budget de la défense en termes réels.

Enfin, il est crucial de mettre en place des contrats d’achat d’armes à long terme. Aucune banque ne pourra financer des projets d’investissement à 15 ans lorsque les commandes passées par le gouvernement couvrent une période plus courte. Les prêts à 15 ans doivent faire face à des projets de développement d’armes, d’achat d’armes et munitions d’au moins une même durée. Un tel alignement ferait baisser de manière substantielle le cout du financement, donc le coût unitaire de l’arme au bénéfice du budget des armées.

Il serait avisé pour le gouvernement de ne pas gaspiller cette période où nos concitoyens sont sensibilisés à la menace extérieure pour lancer une réforme. Il serait dommage pour la sécurité à long terme de notre pays de s’en tenir à une petite extension budgétaire sans réforme en profondeur ni ambition de remise en état de nos capacités à nous protéger et protéger nos alliés menacés.

Défense -L’armée française incapable de résister à une guerre de haute intensité

Défense -L’armée française incapable de résister à une guerre de haute intensité

Depuis l’agression russe contre l’Ukraine le 22 février 2022, les gouvernements européens touchent du doigt la différence entre les postures et la réalité économique et industrielle en matière de défense de l’Europe. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, professeurs à l’Essec dans « La Tribune ».

Le mythe des « dividendes de la paix », véhiculé en son temps par Laurent Fabius comme un coup politique populiste, a résulté trente ans plus tard en un large sous-investissement dans le bien public que constitue la défense nationale. Le sous-investissement en infrastructure routière conduit à des routes surchargées et accidentogène. Le sous-investissement dans la santé publique aboutit à des hôpitaux concentrés et surchargés avec des services d’urgence débordés. Le sous-investissement dans la défense nationale conduit à une incapacité à soutenir l’effort de guerre d’un allié tant en termes de munitions qu’en termes de matériels. Selon de nombreux experts, l’armée française, pourtant la plus capable en Europe occidentale, serait incapable de mener une guerre terrestre à haute intensité comme celle qui ébranle le flanc Est de l’Union européenne (UE). Il y a d’abord un problème de stock de munitions disponibles, de matériels roulants et volants disponibles, d’équipements de dernière génération disponibles, et du nombre de militaires. Il y a également une base industrielle sous-développée, sous capitalisée, fragmentée, et en grande difficulté pour produire et livrer munitions et matériels.

Quelle est la situation presque deux ans après le début du conflit ? Au vu des postures martiales de Emmanuel Macron qui parle d’« économie de guerre », on peut penser que bon an mal an, avec du retard à l’allumage, les chaînes de production ont été réactivées via des commandes publiques suffisantes à la fois pour servir le conflit en cours et remplir les stocks.

Les commandes ont un peu augmenté dans la nouvelle mouture de la loi de programmation militaire mais pas assez pour que les lignes de production tournent à pleine capacité. Cette embellie en termes de commandes reste une embellie de court terme. Plus fondamentalement, il ne s’agit pas d’un plan structuré de financement et de soutien des PME et entreprises de la BITD (base industrielle et technologique de défense) française. La perception européenne et française des industries de défense reste négative dans le contexte actuel d’investissement ESG. Les grandes banques françaises ne veulent pas plus financer de forages pétroliers dans l’Arctique ou dans une réserve africaine que de programme d’armement.

Avant le conflit en Ukraine, un rapport parlementaire du 17 février 2021 a alerté sur les difficultés majeures de financement du secteur industriel de la défense française, et notamment des PMEs. Peu de choses ont changé depuis.

Jamais à court de petites solutions improvisées, le gouvernement propose de consacrer une partie de la collecte du livret A au financement des entreprises de défense, qui pourraient alors obtenir des prêts à un taux bonifié. En fléchant une partie des quelques 200 milliards libres vers les PMEs de la défense, cela permettrait de combler une partie de la pénurie de fonds. La mesure permettrait aux banques de se cacher derrière l’obligation réglementaire en faisant valoir qu’elles n’ont pas le choix et qu’elles ne dépassent pas le quota alloué à cette industrie.

Les cris d’orfraie poussés par un certain nombre de syndicats et de partis de gauche illustrent bien la réalité de la difficulté pour les banques de financer le secteur et l’opportunité de se cacher derrière une obligation légale.

Mais les vraies mesures, que le gouvernement ne semble pas avoir le courage de prendre, sont d’une toute autre nature. Si les banques et les investisseurs privés hésitent encore pour investir dans les entreprises françaises de la défense, c’est en raison du risque important qu’ils perçoivent par rapport au secteur et ils ont sûrement raison. Si le gouvernement français et la société française finissent par réaliser l’importance de la défense nationale et de sa base industrielle lorsqu’une guerre à haute intensité est menée aux portes de l’Europe, il sera beaucoup moins risqué d’investir dans l’industrie de la défense et les solutions administratives seront inutiles voire inefficaces.

En premier lieu, il faut en finir avec l’idéologie qui oppose l’industrie de la défense et les objectifs sociaux et sociétaux. La guerre en Ukraine montre à tous ceux qui veulent regarder que seule la défense nationale peut protéger nos valeurs de liberté et nos concitoyens. La soutenabilité de notre modèle démocratique face aux autocraties repose sur la défense nationale ce qui rend moral et responsable son financement.

En second lieu, si le budget des armés est en augmentation, ces augmentations sont modestes au regard de la redéfinition des menaces, de l’inflation et de la hausse du coûts des équipements de plus en plus complexes (conformément à la « loi d’Augustine »). Comme le secteur de l’énergie, le secteur de la défense doit être en mesure de fournir le service attendu en situation de crise. Des stocks importants et des capacités productives doivent être maintenues en réserve pour une réouverture en cas de crise. Il s’agit d’un changement de philosophie dans la production d’armements que la chute des budgets avait réduit au modèle de réduction des coûts de l’industrie privée marchande. Ces deux aspects plaident pour une plus forte augmentation du budget de la défense en termes réels.

Enfin, il est crucial de mettre en place des contrats d’achat d’armes à long terme. Aucune banque ne pourra financer des projets d’investissement à 15 ans lorsque les commandes passées par le gouvernement couvrent une période plus courte. Les prêts à 15 ans doivent faire face à des projets de développement d’armes, d’achat d’armes et munitions d’au moins une même durée. Un tel alignement ferait baisser de manière substantielle le cout du financement, donc le coût unitaire de l’arme au bénéfice du budget des armées.

Il serait avisé pour le gouvernement de ne pas gaspiller cette période où nos concitoyens sont sensibilisés à la menace extérieure pour lancer une réforme. Il serait dommage pour la sécurité à long terme de notre pays de s’en tenir à une petite extension budgétaire sans réforme en profondeur ni ambition de remise en état de nos capacités à nous protéger et protéger nos alliés menacés.

L’armée française incapable de résister à une guerre de haute intensité

L’armée française incapable de résister à une guerre de haute intensité

Depuis l’agression russe contre l’Ukraine le 22 février 2022, les gouvernements européens touchent du doigt la différence entre les postures et la réalité économique et industrielle en matière de défense de l’Europe. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, professeurs à l’Essec dans « La Tribune ».

Le mythe des « dividendes de la paix », véhiculé en son temps par Laurent Fabius comme un coup politique populiste, a résulté trente ans plus tard en un large sous-investissement dans le bien public que constitue la défense nationale. Le sous-investissement en infrastructure routière conduit à des routes surchargées et accidentogène. Le sous-investissement dans la santé publique aboutit à des hôpitaux concentrés et surchargés avec des services d’urgence débordés. Le sous-investissement dans la défense nationale conduit à une incapacité à soutenir l’effort de guerre d’un allié tant en termes de munitions qu’en termes de matériels. Selon de nombreux experts, l’armée française, pourtant la plus capable en Europe occidentale, serait incapable de mener une guerre terrestre à haute intensité comme celle qui ébranle le flanc Est de l’Union européenne (UE). Il y a d’abord un problème de stock de munitions disponibles, de matériels roulants et volants disponibles, d’équipements de dernière génération disponibles, et du nombre de militaires. Il y a également une base industrielle sous-développée, sous capitalisée, fragmentée, et en grande difficulté pour produire et livrer munitions et matériels.

Quelle est la situation presque deux ans après le début du conflit ? Au vu des postures martiales de Emmanuel Macron qui parle d’« économie de guerre », on peut penser que bon an mal an, avec du retard à l’allumage, les chaînes de production ont été réactivées via des commandes publiques suffisantes à la fois pour servir le conflit en cours et remplir les stocks.

Les commandes ont un peu augmenté dans la nouvelle mouture de la loi de programmation militaire mais pas assez pour que les lignes de production tournent à pleine capacité. Cette embellie en termes de commandes reste une embellie de court terme. Plus fondamentalement, il ne s’agit pas d’un plan structuré de financement et de soutien des PME et entreprises de la BITD (base industrielle et technologique de défense) française. La perception européenne et française des industries de défense reste négative dans le contexte actuel d’investissement ESG. Les grandes banques françaises ne veulent pas plus financer de forages pétroliers dans l’Arctique ou dans une réserve africaine que de programme d’armement.

Avant le conflit en Ukraine, un rapport parlementaire du 17 février 2021 a alerté sur les difficultés majeures de financement du secteur industriel de la défense française, et notamment des PMEs. Peu de choses ont changé depuis.

Jamais à court de petites solutions improvisées, le gouvernement propose de consacrer une partie de la collecte du livret A au financement des entreprises de défense, qui pourraient alors obtenir des prêts à un taux bonifié. En fléchant une partie des quelques 200 milliards libres vers les PMEs de la défense, cela permettrait de combler une partie de la pénurie de fonds. La mesure permettrait aux banques de se cacher derrière l’obligation réglementaire en faisant valoir qu’elles n’ont pas le choix et qu’elles ne dépassent pas le quota alloué à cette industrie.

Les cris d’orfraie poussés par un certain nombre de syndicats et de partis de gauche illustrent bien la réalité de la difficulté pour les banques de financer le secteur et l’opportunité de se cacher derrière une obligation légale.

Mais les vraies mesures, que le gouvernement ne semble pas avoir le courage de prendre, sont d’une toute autre nature. Si les banques et les investisseurs privés hésitent encore pour investir dans les entreprises françaises de la défense, c’est en raison du risque important qu’ils perçoivent par rapport au secteur et ils ont sûrement raison. Si le gouvernement français et la société française finissent par réaliser l’importance de la défense nationale et de sa base industrielle lorsqu’une guerre à haute intensité est menée aux portes de l’Europe, il sera beaucoup moins risqué d’investir dans l’industrie de la défense et les solutions administratives seront inutiles voire inefficaces.

En premier lieu, il faut en finir avec l’idéologie qui oppose l’industrie de la défense et les objectifs sociaux et sociétaux. La guerre en Ukraine montre à tous ceux qui veulent regarder que seule la défense nationale peut protéger nos valeurs de liberté et nos concitoyens. La soutenabilité de notre modèle démocratique face aux autocraties repose sur la défense nationale ce qui rend moral et responsable son financement.

En second lieu, si le budget des armés est en augmentation, ces augmentations sont modestes au regard de la redéfinition des menaces, de l’inflation et de la hausse du coûts des équipements de plus en plus complexes (conformément à la « loi d’Augustine »). Comme le secteur de l’énergie, le secteur de la défense doit être en mesure de fournir le service attendu en situation de crise. Des stocks importants et des capacités productives doivent être maintenues en réserve pour une réouverture en cas de crise. Il s’agit d’un changement de philosophie dans la production d’armements que la chute des budgets avait réduit au modèle de réduction des coûts de l’industrie privée marchande. Ces deux aspects plaident pour une plus forte augmentation du budget de la défense en termes réels.

Enfin, il est crucial de mettre en place des contrats d’achat d’armes à long terme. Aucune banque ne pourra financer des projets d’investissement à 15 ans lorsque les commandes passées par le gouvernement couvrent une période plus courte. Les prêts à 15 ans doivent faire face à des projets de développement d’armes, d’achat d’armes et munitions d’au moins une même durée. Un tel alignement ferait baisser de manière substantielle le cout du financement, donc le coût unitaire de l’arme au bénéfice du budget des armées.

Il serait avisé pour le gouvernement de ne pas gaspiller cette période où nos concitoyens sont sensibilisés à la menace extérieure pour lancer une réforme. Il serait dommage pour la sécurité à long terme de notre pays de s’en tenir à une petite extension budgétaire sans réforme en profondeur ni ambition de remise en état de nos capacités à nous protéger et protéger nos alliés menacés.

Face à Poutine, résister ou se soumettre

Face à Poutine, résister ou se soumettre

 

Résister se soumettre face à Poutine qui précisément compte sur la fatigue et la faiblesse de l’opinion publique des pays notamment en Europe ( papier des Echos)

Vladimir Poutine nous tient par notre talon d’Achille : le pouvoir d’achat. Il a bien compris la faiblesse de nos sociétés, enivrées de confort, de vacances et d’avantages sociaux, bercées par la certitude de la paix que certains ont appelée la fin de l’Histoire. L’issue de la guerre en Ukraine dépendra bien sûr des forces en présence, de la résistance du front mais aussi de celle des arrières. « Pourvu que l’arrière tienne bon », disaient les poilus de 14-18. Pourvu que la conscience de l’Occident ne nous oublie pas, ne serait-ce que le temps des vacances, pensent sûrement les combattants ukrainiens du front du Donbass !

D’un côté, les Russes, un peuple biberonné à la propagande, habitué aux privations et à l’indigence du quotidien, soutenu par des mythes historiques fabriqués et transmis par les générations de la Grande Guerre patriotique ; de l’autre, des peuples européens oublieux, habitués aux appartements et aux villas bien chauffés, à l’abondance des linéaires et aux prix bas garantis, aux congés payés et aux RTT. Il suffit pour s’en convaincre d’observer les migrations internes vers les littoraux en cet été 2022, par le train, l’avion et la voiture, en dépit du prix du litre de carburant, supérieur à 2 euros. Tragique été pour le pouvoir d’achat, dit-on du matin au soir sur les chaînes d’info… et pourtant !

Les militaires affirment que la guerre russe en Ukraine tourne progressivement à la guerre d’épuisement. Le camp qui gagnera sera celui qui résistera le plus longtemps aux rigueurs du conflit, celui qui sera le plus en mesure de s’infliger des privations pour venir à bout de l’autre camp.

Les plus belles pages sur l’histoire du sacrifice ont été écrites par Ernest Renan au XIXe siècle. Il s’agissait, à l’époque et dans les faits, du sacrifice suprême de la vie. Celui qui nous est demandé aujourd’hui n’est pas le sacrifice du sang mais celui bien moins douloureux et bien plus relatif de notre confort, et encore, pour un temps très limité. Face à Poutine, nous avons, nous peuples européens, le choix entre la résistance et la soumission. Le maître du Kremlin compte sur le mécontentement des Européens. Il les sait sensibles au prix des carburants. Il utilise contre nos opinions l’arme de la terreur. Non pas la terreur telle qu’on se l’imagine, avec ses échafauds et ses prisons sordides, mais une terreur bien plus sourde… celle qui vient percuter les habitudes de vie.

La terreur poutinienne ne menace pas nos vies mais plutôt nos modes de vie. Elle s’adresse à nos égoïsmes collectifs et individuels. Alors, réveillez-vous peuples européens, et vous Français, rappelez-vous que la nation est tout à la fois un héritage indivis et un plébiscite du quotidien. Nous sommes appelés à la résistance car le choix est simple. Face à un adversaire qui utilise les sources d’énergie, les productions alimentaires comme des armes de guerre par destination, il n’y a que deux voies. La résistance par l’effort ou la soumission par lâcheté. L’Europe est un grand marché solvable. Elle est attractive grâce à ses consommateurs, mais c’est aussi le continent des faiblesses de la démocratie. Riches mais faibles ! L’expérience montre que céder une fois à un chantage, c’est accepter d’y céder mille fois.

Comme il ne faut pas gâcher une crise, tirons profit de celle-ci. Elle nous invite à traiter avec raison les questions de notre souveraineté énergétique et de notre production alimentaire. Il faut avoir autant de méfiance à l’égard des ennemis de l’extérieur qu’à l’égard de leurs idiots utiles à l’image de tous ceux qui nous incitent à nous désarmer sur le plan économique pour céder à leurs caprices idéologiques.

 

Politique -Corse: résister à l’extrêmisme

 

Politique -Corse: résister à l’extrêmisme 

 

Alors que la tension ne retombe pas depuis l’assassinat d’Yvan Colonna, Jean-Charles Orsucci, le maire (LRM) de Bonifacio, salue la volonté de dialogue du gouvernement. Dans une tribune au « Monde », il assure le président du conseil exécutif de Corse de son soutien « pour trouver la voie de l’apaisement ».

 

Tribune.

Je suis né à Aulnay-sous-Bois au début des années 1970. Je suis le fils de deux fonctionnaires corses qui n’aspiraient qu’à retrouver leur île natale, le dernier d’une fratrie dont l’enfance a baigné dans la nostalgie d’une Corse idéalisée en vacances.

Revenu à l’âge de l’adolescence à Bonifacio (Corse-du-Sud), mon berceau familial, j’y ai grandi durant les années difficiles que connut notre région.

J’ai étudié à l’université de Corse, où j’ai connu mes premiers débats enfiévrés sur l’autonomie et les manières turbulentes de les exprimer. J’y ai forgé ma conscience politique propre où mêlent la ferme assurance de faire partie d’un petit peuple fier et l’idéal républicain, ouvert et tolérant, cher à mon mentor, Michel Rocard.

Je me définis comme corse par mes origines et français par ma naissance. Je suis la synthèse complexe de cette double filiation et je ne compte renoncer ni à l’une ni à l’autre.

Comme tous les Corses, j’ai été horrifié par l’assassinat abject du préfet Claude Erignac [le 6 février 1998, à Ajaccio], que rien ne peut justifier. J’ai défilé au lendemain de ce drame avec 40 000 compatriotes pour exprimer ma plus profonde désapprobation et mon rejet de cette violence.

Mais j’ai aussi été meurtri par la culpabilisation générale et la responsabilité collective que certains ont voulu nous imputer après ce crime : aux yeux de certains, les Corses étaient tous coupables. Ces faux procès, ces accusations injustes, ont instillé le poison d’une incompréhension réciproque.

Je suis devenu maire de Bonifacio en 2008, puis conseiller à l’Assemblée de Corse en 2010. Fidèle à mon engagement politique, je n’ai eu de cesse d’œuvrer pour trouver une issue politique pacifiée aux problèmes que rencontrent les Corses : la pauvreté, la précarité, les difficultés à accéder à l’emploi et à la propriété, la vie chère.

Figurent aussi des abcès plus symboliques, comme le rapprochement des prisonniers corses près de leur famille, conformément à la loi. A cet égard, j’ai participé à l’écriture et au vote de plusieurs délibérations demandant que soit respecté ce droit que l’on reconnaît ailleurs aux tueurs d’enfants ou aux assassins djihadistes. En retour, un silence méprisant nous a été opposé, ou le maintien abusif d’un statut de « détenu particulièrement signalé » (DPS) (on a vu ce qu’il en était [c’était le cas d’Yvan Colonna]). Tout cela a été mal vécu.

Aussi, lorsque le 2 mars, un terroriste salafo-islamiste a tenté d’assassiner Yvan Colonna [mort le 21 mars], j’ai immédiatement craint et anticipé un embrasement en Corse. Yvan Colonna ne devait pas mourir en prison et certainement pas de cette façon horrible.

Immigration : résister à l’odieux chantage de Loukachenko

Immigration : résister à l’odieux chantage  de Loukachenko

 

 

Un papier du Monde dénonce l’odieux chantage de la Biélorussie qui attire les immigrés à la frontière de l’Europe pour déstabiliser l’Union Européenne

 

Le  dirigeant biélorusse Alexandre Loukachenko a organisé depuis l’été des filières aériennes pour attirer les migrants et demandeurs d’asile du Moyen-Orient vers son pays en leur faisant miroiter un passage vers l’Union européenne (UE).

Une fois en Biélorussie, ils sont activement poussés à franchir illégalement la frontière avec la Lituanie et la Pologne. Beaucoup sont alors repoussés et quelque 2 000 d’entre eux sont actuellement bloqués dans la forêt glaciale entre les deux frontières. Sur le terrain, la situation humanitaire est dramatique ; au moins huit personnes sont déjà mortes.

 

Il s’agit, clairement, d’une agression contre les pays frontaliers qui abritent l’opposition biélorusse en exil et, au-delà, contre l’UE. Les dirigeants européens ont finalement pris la mesure de cette opération qu’ils qualifient à présent d’« attaque hybride », une expression utilisée par les Baltes depuis le début mais que Bruxelles jugeait excessive.

En visite à Washington, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, s’en est entretenue avec le président Joe Biden. « Il ne s’agit pas d’une crise migratoire, a-t-elle dit. Il s’agit d’une tentative de déstabilisation menée par un régime autoritaire contre ses voisins démocratiques. C’est l’ensemble de l’UE qui est défiée. »


Que peut faire l’UE ? Prendre une nouvelle série de sanctions contre Minsk, avec toutes leurs imperfections. Soulever la question à l’ONU, comme l’ont fait la France, l’Irlande et l’Estonie, jeudi 11 novembre, en convoquant une réunion d’urgence du Conseil de sécurité, qui s’est soldée par une déclaration conjointe des Occidentaux demandant à la Biélorussie de cesser. Agir auprès des compagnies aériennes impliquées. Aller voir les dirigeants des pays de départ, quand c’est possible, pour obtenir qu’ils ne se rendent pas complices de ce trafic humain : c’est ce qu’a entrepris le commissaire européen Margaritis Schinas.

Le vrai levier, cependant, se trouve à Moscou. La chancelière Angela Merkel a appelé deux fois en deux jours le président Vladimir Poutine, qui a commencé par lui répondre de s’adresser directement à Loukachenko – dont l’UE ne reconnaît pas la légitimité. Les propos publics du chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, illustrent le parfait cynisme de Moscou dans l’affaire : il est clair que l’embarras dans lequel cette crise plonge l’UE fait le jeu du Kremlin.

L’Europe ne doit pas céder à l’intimidation ni aux menaces de Loukachenko de couper la fourniture de gaz russe qui transite par son pays. Une attitude de fermeté, y compris sur la protection des frontières de l’UE, est la seule possible. Dans l’immédiat, un impératif s’impose d’urgence : résoudre la désastreuse situation humanitaire à la frontière polonaise, avec l’aide du Haut-Commissariat aux réfugiés, pour éviter un drame de plus grande ampleur. Cela implique que Varsovie accepte de coopérer avec les structures européennes, malgré ses différends avec Bruxelles. La Pologne ne peut surmonter cette crise qu’avec l’UE. Car si la souveraineté de l’Europe est menacée, la sienne ne vaudra plus grand-chose.

Résister quand tout s’effondre

 Résister quand tout s’effondre

Pour l’autrice de « La Langue géniale », invitée du prochain Forum philo « Le Monde » Le Mans, l’Enée de Virgile est le héros vers qui se tourner en période de crise.

 

 

Elle est passée, presque du jour au lendemain, de l’ombre à la lumière. L’immense succès mondial de La Langue géniale (Les Belles Lettres, 2018), traduit en vingt-sept langues, a fait d’Andrea Marcolongo une star inattendue. La jeune professeure de grec ancien a montré depuis que cette révélation n’était pas un feu de paille. De livre en livre, explorant de grandes œuvres de l’Antiquité, elle a imposé un style très personnel, alliant érudition sans faille et sensibilité à fleur de peau. Son nouvel essai, L’Art de résister, scrute l’Enéide, de Virgile (70-19 av. J.-C.), en l’éclairant d’une lumière contemporaine.

Ce poème épique, il faut le rappeler, enseigne à endurer les crises : sortant de Troie en flammes avec son jeune fils et son père impotent, Enée doit traverser la Méditerranée à la recherche d’une nouvelle patrie. Après sept années d’épreuves, il fait naufrage à Carthage, où il s’éprend de la reine Didon. Elle se suicide quand Enée la quitte pour poursuivre sa mission. Arrivé en Italie, il mène une longue guerre ouvrant la voie à la fondation de Rome.

Virgile est célèbre, mais pas populaire. Pour quelles raisons ?

Comme presque tout le monde, j’ai rencontré Virgile pour la première fois au lycée. Et je l’ai retrouvé évidemment à l’université au cours de mes études de lettres classiques. Mais je n’avais jamais véritablement ressenti ce qu’Enée et l’Enéide avaient d’admirable. C’est toujours Homère que l’on aime, c’est à Ulysse, ou Achille que l’on s’attache. Jamais, autour de moi, je n’ai entendu personne dire qu’Enée était son héros préféré ! Même s’il a fondé l’Italie, et préparé l’essor de l’Empire romain, il n’est pas vraiment admiré, ne suscite aucune ferveur.

Alors, comment l’avez-vous redécouvert, et lu avec d’autres yeux ?

Je travaillais déjà à ce livre quand la pandémie et le confinement m’ont fait comprendre que le poème de Virgile, qui évoque avant tout une histoire collective, la vie d’un peuple, et pas simplement celle d’un héros, se perçoit très différemment dans une période de crise. Quand tout va bien, que le monde est stable et que le bien-être et la sécurité règnent, on préfère Homère. Quand des malheurs s’annoncent et que la peur s’installe, c’est vers Virgile qu’on peut se tourner, parce qu’Enée est le héros qui enseigne à se tenir debout malgré tout, à résister quand tout s’effondre.


Cet « art de résister » dont Enée constitue selon vous le modèle, en quoi consiste-t-il ?

Etre sérieux, faire ce qui doit être fait, sans céder à l’abattement, à la douleur, au désespoir. C’est pourquoi ce n’est pas un héros spectaculaire ni éclatant. Il remplit sa mission, quoi qu’il advienne. Si on le lit dans une période où tout va bien, on pourra lui reprocher d’être terne, austère, et même plutôt triste, incapable par exemple de vivre sa passion amoureuse. En revanche, quand tout va mal, on admire sa grandeur, qui consiste avant tout à ne pas agir pour lui-même mais pour les siens – son vieux père, son fils, son peuple – et pour leur avenir. Il traverse toutes les souffrances du présent pour préserver un futur différent. C’est un héros pour temps de crise. Virgile l’a conçu à un tournant de l’histoire de Rome, le déclin de la République et la naissance de l’Empire. Dante l’a magnifié à un moment où les cités italiennes traversaient une crise politique majeure. Nous le retrouvons dans les effondrements qui nous menacent.




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