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Sécheresse, barrages et réservoirs : cercle vicieux ?

Barrages et réservoirs : cercle vicieux ? 

par Florence Habets,Directrice de recherche CNRS en hydrométéorologie, professeure, École normale supérieure (ENS) – PSL

 

Pour lutter contre les sécheresses, le stockage de l’eau est souvent prôné comme une solution. L’idée est de faire des réserves avec l’eau disponible en périodes pluvieuses (hiver) afin d’en conserver pour des usages ultérieurs (en été).

Cela se traduit notamment par la volonté de construire des barrages ou réservoirs, comme l’indiquent les projets dits de territoires, visant à stocker de l’eau et à la partager dans une même zone.

Le monde compterait plus de 16 millions de barrages, totalisant une capacité de stockage estimée entre 7 000 et 10 000 km³. Soit 2 à 3 fois les volumes d’eau contenus dans les rivières du globe.

Les quantités stockées ont fortement augmenté depuis le début du XXe siècle, afin de répondre à une demande croissante d’eau pour les activités humaines. Cela a permis d’étudier l’impact de ces retenues, à la fois sur la ressource et sur la demande, et d’identifier des conséquences sur l’occurrence de sécheresses.

En stockant de l’eau durant les périodes d’abondance pour en favoriser l’usage lors des périodes de basses eaux, les retenues permettent de réduire l’impact de nombreuses crues et sécheresses.

Des sécheresses amplifiées par l’activité humaine

Cette efficacité est toutefois limitée aux événements peu intenses. De fait, de nombreuses études montrent que l’efficacité des barrages est très réduite pour les sécheresses longues (comme, par exemple, dans la péninsule ibérique, en Autriche ou aux États-Unis).

Au Nord de la Chine, durant les 30 dernières années, les activités humaines ont amplifié la sévérité et la durée des sécheresses – certaines durant jusqu’à plus de deux ans. En Espagne, l’analyse des sécheresses entre 1945 et 2005 a mis en évidence que les épisodes secs les plus sévères et les plus longs avaient lieu sur les bassins les plus régulés par la présence de barrages. Cela conduit en outre à un renforcement des sécheresses à l’aval des bassins.

Il apparaît ainsi que la création de grands volumes de stockage d’eau pour l’irrigation ne permet pas d’assurer une alimentation en eau lors des longues sécheresses, du fait à la fois de la difficulté à remplir les barrages et d’un usage de l’eau supérieur à la ressource.

Le cercle vicieux de la dépendance à l’eau

L’amplification des sécheresses par les activités humaines est si marquée qu’a émergé la notion de sécheresse « anthropique » : elle implique uniquement les épisodes secs dus aux prélèvements et à la gestion par des réservoirs, indépendamment des conditions climatiques

Cette notion de sécheresse induite par l’homme est particulièrement bien illustrée par les cas emblématiques de grands lacs, comme la mer d’Aral et le lac Urmia en Iran, qui s’assèchent car l’eau des rivières alimentant ses lacs est détournée pour des usages humains.

Il ne s’agit pas que d’une fatalité, liée à un besoin en eau, mais d’un cercle vicieux : un déficit en eau – c’est-à-dire un usage de l’eau supérieur à la ressource – conduit à des dégâts socio-économiques et génère une pression pour créer de nouveaux stocks d’eau : on augmente alors les réservoirs et les volumes stockés.

Mais ce gain de réserves est en fait compensé par une augmentation des usages : par exemple, l’augmentation des surfaces irriguées ou la croissance démographique qui élève la consommation en eau potable. Ces évolutions sont aggravées par des facteurs climatiques qui évoluent. De nouveaux déficits en eau apparaissent alors, et avec eux d’autres dégâts socioéconomiques.

Plutôt que de développer des stratégies de réduction des consommations, on induit une dépendance accrue aux infrastructures d’approvisionnement en eau : ce qui renforce la vulnérabilité et les dégâts économiques en cas de pénurie d’eau.

Or, le changement climatique implique de façon quasi-certaine la multiplication de ces carences.Des études s’intéressent spécifiquement aux impacts de la gestion de l’eau sur les futures sécheresses à l’échelle globale. Mais elles n’intègrent pas ce mécanisme de cercle vicieux, et anticipent donc un nombre de réservoirs constant dans le temps. Seuls les volumes pour l’irrigation varient en fonction du climat. Dans ce contexte, qui ne tient pas compte de l’évolution des besoins en eau potable, les aménagements humains permettront de réduire de 10 % la hausse des sécheresses agronomiques, c’est-à-dire, le déficit d’eau dans les sols, mais conduiront à une augmentation de 50 % de l’intensité des sécheresses en rivière.

La multiplication des retenues d’eau nuit à leur fonctionnalité, en limitant leur capacité de remplissage, puisqu’elles sont plus nombreuses à partager une même ressource limitée. Même si ces réservoirs ne font pas l’objet de prélèvement pour des activités humaines, ils connaissent des pertes par évaporation, ce qui réduit la ressource en eau.

Ces facteurs sont particulièrement aggravés lors de sécheresses longues, événements malheureusement voués à devenir plus fréquents dans le contexte du dérèglement climatique. Toutes les actions de réduction de la consommation en eau seront bénéfiques pour diminuer notre vulnérabilité lors de ces événements.

 

dans The Conversation

Contre les méga réservoirs d’eau agricoles

Contre les méga réservoirs d’eau agricoles

 

Plus de deux cents personnalités, politiques, scientifiques, artistes, représentants d’associations et de syndicats, parmi lesquelles la juriste Valérie Cabanes, le porte-parole de la Confédération paysanne, Nicolas Girod, demandent, dans une tribune au « Monde », l’arrêt immédiat de la construction de « ces projets aberrants d’accaparement de l’eau ».

 

Tribune. 

Dans le Poitou-Charentes, des coopératives agro-industrielles tentent de faire main basse sur l’eau dans le but de prolonger un mode de production destructeur du vivant et dont il est aujourd’hui urgent de s’affranchir.

Quatre-vingt-treize « mégabassines » dont plus d’une dizaine dans le Marais poitevin – deuxième plus grande zone humide en France – risquent d’être érigées dans les trois prochaines années.

Ces énormes cratères plastifiés de cinq à quinze hectares sont le dernier artifice de l’agro-industrie pour concilier raréfaction accrue de la ressource en eau et maintien de l’irrigation intensive.

Depuis quelques mois, le mouvement tissé patiemment entre habitants du Marais poitevin et d’ailleurs, paysans et naturalistes pour donner un coup d’arrêt aux chantiers de mégabassines, a pris un essor national. Samedi 6 novembre, à l’appel de Bassines non merci, de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), de la Confédération paysanne et des Soulèvements de la Terre, plus de 3 000 personnes et 20 tracteurs se sont retrouvés à Mauzé-sur-le-Mignon (Deux-Sèvres), non loin d’une mégabassine en construction interdite d’accès aux manifestants.

 

Après avoir traversé champs, rivières et nuages de gaz lacrymogènes, les manifestants ont collectivement investi le site d’une autre mégabassine, illégale et qui a déjà fait l’objet de cinq condamnations par la justice.

Action collective de « désarmement »

Un élément de l’installation de pompage qui alimentait cette bassine a été démonté par des paysans. Une fois la foule montée sur le talus de la bassine, un débâchage a été effectué pour la mettre hors d’état de nuire. Cette action collective de « désarmement » était un appel à reconsidérer les manières de préserver et partager la ressource en eau. Elle témoigne de la nécessité assumée, au vu de l’urgence climatique, d’utiliser les outils de la désobéissance civile quand des projets « écocidaires » passent en force.

Ces énormes cratères plastifiés de cinq à quinze hectares sont le dernier artifice de l’agro-industrie pour concilier raréfaction accrue de la ressource en eau et maintien de l’irrigation intensive

S’il a fallu en arriver là, c’était aussi pour répondre, en pleine COP26, à un gouvernement qui, derrière ses prétentions écologiquement vertueuses, finance à 70 % ces bassines et dont le ministre de l’agriculture, Julien Denormandie, prétend qu’elles s’emplissent avec les « pluies diluviennes » de l’hiver. Le morceau de tuyau ramené jusqu’aux portes de son ministère après avoir été prélevé sur le forage de la bassine, venait le mettre face à son mensonge ou à son incompétence, en matérialisant le fait que les bassines s’emplissent aussi et surtout en pompant dans les nappes phréatiques.




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