Réseau poubelle-Quitter le réseau X (ex Twitter)
« Être sur X s’est s’exposer volontairement à toute sa toxicité », estime Matthias Savignac, président de MGEN, qui a décidé d’engager le groupe mutualiste dans un retrait de X. ( dans « La Tribune »)
Partir ou rester ? C’est la question que l’on se pose à beaucoup d’étapes de notre vie. On négocie avec soi-même entre la violence d’une situation qui nous accable et la crainte de faire le saut en avant, avec son cortège de conséquences.
Twitter a été une révolution, utilisé par des peuples qui ont défié les autocrates. L’accès à l’information a été bouleversé, devenant le lieu des témoignages directs, des rumeurs commençantes. Ce qui se passait dans le monde était partagé en premier sur Twitter. Puis la plateforme est devenue un espace d’échanges, de débats, de partage… et aussi d’invectives. Quiconque ouvre un compte sur cet espace est à portée de tweet. Cela a permis des interactions inédites, une pression nouvelle de l’immédiateté pour les personnes publiques et les entreprises qui s’y sont installées, et aussi une grande libération de la parole violente, instrumentalisée souvent par des groupes aux intentions peu avouables, et non souhaitables.
Pour toute personne, morale, publique ou privée, la question se pose sérieusement d’encourager l’existence de ce qu’est devenu Twitter, désormais X, en y conservant un point d’accès. Partir c’est se couper d’une communauté de diffuseurs et d’une sphère d’influence. Rester, c’est s’efforcer de regarder ailleurs en pensant qu’il suffit de diffuser des contre-messages pour ne pas cautionner les dérives d’un réseau dont nous sommes nombreux à ne plus reconnaitre les valeurs de départ.
Pour se décider s’il faut partir ou rester sur X, réfléchissons en mutualistes.
La valeur fondamentale d’une mutuelle c’est « 1 personne = 1 voix ». Cela signifie que, sur un principe d’égalité, toutes les voix sont importantes, donc respectables et respectées. Nos instances démocratiques permettent à toutes les sensibilités d’être représentées – les mutuelles comptent parmi les derniers lieux où se cultive l’altérité. Les différents points de vue s’y expriment, se croisent, se complètent. Le respect de toutes les opinions est primordial et ne rentre pas en contradiction avec l’impératif de faire fonctionner ce projet commun qui est la protection sociale de tous les adhérents, et l’émancipation de toutes et de tous.
Elon Musk (le président de X et bientôt membre du gouvernement de Trump) clame le droit à la liberté d’expression. Très bien. Mais pour qu’une liberté d’expression soit possible, encore faut-il que toutes les voix puissent être légitimes à s’exprimer. La plateforme X est devenue un lieu où il n’est plus question de débattre mais uniquement d’avoir raison.
Quand Musk insulte le chancelier Allemand dans un tweet, lorsqu’il encourage un mouvement MEGA (Make Europe Great Again) et soutient les listes et les candidats d’extrême droite, il exacerbe tout sauf la liberté d’expression. Quand la modération ne vient même plus sanctionner l’expression de la haine raciste, antisémite, LGBTphobe et misogyne, la liberté d’expression des opinions contributrice au débat n’est plus possible.
D’autres cadres, d’autres manières de faire débat existent.
Comme président de la première mutuelle des agents du service public, qui protège et accueille toutes celles et ceux qui ont à cœur l’intérêt général, je ne peux pas regarder ailleurs. Je crois fondamentalement qu’on ne peut pas se réclamer de l’Economie Sociale et Solidaire et ne pas s’interroger sur le maintien d’une présence sur le réseau de Musk.Est-il est normal que le niveau de violence sur cette plateforme soit un mal nécessaire pour continuer à contacter une entreprise ou un service public, au mépris de l’impact sur sa santé mentale ? Non. Est-ce qu’une entreprise doit impérativement être sur les réseaux sociaux ? Une plateforme (ou un autocrate) n’a que le pouvoir qu’on accepte de lui confier. Est-ce que les conditions sont actuellement réunies pour faire valoir notre point de vue sur les grandes causes sociales, sociétales, humanistes, universalistes qui nous animent ? Non. D’autres cadres, d’autres manières de faire débat existent et n’impliquent pas ce niveau permanent d’animosité. Quitter X ce n’est pas fuir le débat, c’est refuser les conditions dans lesquelles il s’exerce, ou plutôt tente de s’exercer.
Enfin, sommes-nous à l’aise avec l’idée d’apporter du flux à une plateforme qui accepte les publicités de sectes, sert de tremplin à toutes les fake news, et in fine va servir de portevoix à celles et ceux qui veulent mettre l’Europe en pièces dans un contexte de nouvelle guerre économique ? Pas du tout.
Être mutualiste c’est avoir en aversion la violence, l’humiliation, la domination de quelques-uns sur tous les autres. Être mutualiste c’est également penser en termes de prévention des risques. Au-delà des risques pour la démocratie, la manière dont fonctionne X aujourd’hui ne peut pas être sans impact sur la santé mentale. Être sur X s’est s’exposer volontairement à toute sa toxicité.
C’est pourquoi, en mutualiste, j’ai décidé d’agir en cohérence avec nos principes et j’ai engagé MGEN dans un retrait de X.
A l’instar de la voie sur laquelle MGEN s’engage aujourd’hui, je plaide pour une suspension de l’activité des entreprises de l’Economie Sociale et Solidaire sur X. Agissons en militants de la liberté d’expression. Une liberté d’expression responsable, contributrice au débat et respectueuse de chacun. Une liberté d’expression qui n’exacerbe pas les quant à soi et qui cultive l’intérêt général.