« Pour des représentants des salariés contre les fonds activistes »
Jean-Baptiste Barfety, Haut-fonctionnaire
Olivier Favereau, Economiste
Christophe Clerc,Avocat
plaident, dans une tribune au « Monde », pour une présence renforcée des salariés dans les conseils d’administration, afin de contrer le court-termisme des actionnaires
Tribune. A la fin du dernier millénaire, le modèle de la suprématie de l’actionnaire sur les sociétés était le paradigme du gouvernement d’entreprise. Remis en cause par la crise de 2008 et par les interrogations nées de la pandémie en 2020 et 2021, est-il en voie de disparition ? A l’évidence, non. Le cas de Danone le montre.
Avec seulement 3 % du capital, la société d’investissement américaine Artisan Partners a fait vaciller l’entreprise emblématique de l’agroalimentaire français. Danone est profitable, son rendement est de plus de 3 % et, jusqu’en 2020, il faisait partie des « aristocrates du dividende », ces sociétés dont les distributions ont augmenté chaque année pendant vingt-cinq ans.
Une augmentation insuffisante, a décrété Artisan Partners, qui a demandé la tête de son dirigeant, Emmanuel Faber, et l’a obtenue. Le PDG a d’abord été écarté, puis chassé. La vente de la filiale chinoise Mengniu pourra être finalisée et son prix (environ 850 millions d’euros) distribué aux actionnaires via des rachats d’actions. Et la rémunération des dirigeants sera mieux alignée sur les gains de ses actionnaires.
Il y a huit mois, Danone avait pourtant adopté un statut prometteur, celui de « société à mission ». Plébiscité par les salariés, approuvé par 99,4 % des actionnaires, il devait l’aider à dépasser les contraintes du capitalisme financier. De fait, ce statut est un outil précieux de mobilisation de l’entreprise autour d’un projet collectif dont le profit n’est pas le centre de gravité.
Malheureusement, comme le cas Danone le montre, ce régime n’offre qu’une faible capacité de résistance contre les menées des actionnaires activistes. Or, ces derniers demeurent puissants et leurs campagnes sont toujours plus nombreuses : en 2020, environ 500 ont eu lieu en Amérique du Nord, 40 au Royaume-Uni et 50 en Europe continentale.
Artisan Partners, comme nombre de ses pairs, clame son soutien à l’investissement socialement responsable mais se garde bien, sur son site, de donner aucune information précise sur ses pratiques réelles. Le gain de court terme est toujours la vraie motivation de ce type d’acteurs.
Il faut donc le constater : la société à mission, créée par la loi Pacte de 2019, n’est pas suffisante pour faire pièce aux fonds activistes et à leurs exigences de rendement. Car leur stratégie repose sur la capacité des actionnaires à piloter à distance les décisions des administrateurs. Or, le droit leur facilite