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Reporting climatique : souvent du bidon

Reporting climatique : souvent du bidon 

 

Walid Ben Amar,Professeur à l’Ecole de gestion Telfer, université d’Ottawa, Isabelle Martinez, Professeur à Toulouse School of Management, université Toulouse-Capitole plaident, dans une tribune au « Monde », pour une normalisation rapide, permettant des comparaisons au niveau international, des mesures prises par les entreprises pour limiter leur empreinte carbone, sous peine d’inefficacité.

 

Après un été 2022 marqué par une série d’événements météorologiques extrêmes et la crise énergétique de cette rentrée, l’urgence climatique est au cœur des préoccupations. Tous appellent à des efforts importants et, en premier lieu, les entreprises sont invitées à maîtriser, voire à limiter, leur empreinte carbone.

Mais les engagements qu’elles prennent en faveur du climat sont-ils réellement crédibles et cohérents avec l’objectif de neutralité carbone à échéance 2050, fixé par les accords de Paris [de 2015] ?

Dans une étude récente, (« Intégration des enjeux climatiques dans les états financiers », par Walid Ben Amar et Isabelle Martinez, rapport d’étude pour l’Autorité des normes comptables, 2022), réalisée ​ sur la période 2019-2021 sur un échantillon de 199 entreprises européennes cotées, appartenant à l’indice Stoxx Europe 600 [qui regroupe 600 grandes valeurs européennes], réparties dans dix-sept pays et six secteurs climatiquement sensibles, nous montrons que, de fait, l’intégration des enjeux climatiques dans les états financiers et les rapports d’audit reste pour l’instant très marginale.

En moyenne, seulement 5 % du total des informations qui seraient susceptibles d’être rendues publiques sur le sujet se retrouvent dans les comptes des entreprises. Les rapports annuels mentionnent par exemple assez souvent l’impact des risques climatiques sur le modèle d’affaires à travers l’analyse de différents scénarios ou la mesure de la performance climatique.

En revanche, l’incidence du changement climatique est peu prise en compte au niveau comptable et financier, alors que les entreprises devraient ajuster par exemple la durée d’utilisation de leurs immobilisations en fonction du dérèglement en cours, ou inscrire des provisions et des passifs éventuels pour les amendes et pénalités en cas de non-respect des objectifs liés au climat.

ESG : La question du reporting social

ESG  : La question du reporting  social

 

Pour l’instant, en  matière d’ESG on en reste surtout au discours il manque évidemment des données objectives pour permettre de transformer les situations.

Depuis le Pacte Vert dévoilé le 11 décembre 2019, l’Union européenne porte une ambition forte : faire de l’Europe le premier continent neutre en carbone à horizon 2050. Le développement de la finance durable et de son évaluation via la remontée de données constitue l’un des principaux leviers stratégiques pour atteindre cet objectif. Par Jérémie Joos, Associé KPMG, Head of ESG Reporting ( dans la Tribune).

 

Dans le sillage de la taxonomie durable européenne, les députés européens et les gouvernements de l’Union sont parvenus à un accord avec la Commission sur la Directive concernant le Reporting Social et Environnemental des entreprises (CSRD). Ce texte, qui devrait être voté dans les prochains jours au Parlement européen, obligera les entreprises à rendre compte de leur performance ESG. Ces dernières sont donc appelées à jouer un rôle moteur dans la transition environnementale et sociale.

Pour y parvenir et ainsi faire évoluer leur approche de la création de valeur, elles devront optimiser la collecte et la structuration des données figurant dans leur reporting extra-financier.

 

Avec l’instauration des obligations de publication financière et extra-financière revues par les commissaires aux comptes et par les organismes tiers indépendants, le niveau d’exigence se trouve considérablement relevé. Autrement dit, la collecte de données ESG de qualité devient cruciale. Pour ce faire, elles pourront s’appuyer sur des acteurs susceptibles de les accompagner dans ce travail d’accès à une information précise et fiable. Et ce, en fonction de leur situation spécifique.

Les entreprises cotées ou d’intérêt public sont d’ores et déjà soumises à la taxonomie durable européenne. De ce fait, elles s’inscrivent dans une logique de précision et d’expression de leur performance extra-financière traduite en termes financiers. Le travail est déjà en cours dans les grands groupes émetteurs sur les marchés financiers pour progresser sur ce sujet. Pour ces entreprises, les efforts devront porter sur l’intégration des critères techniques environnementaux dans les processus financiers (investissements notamment) et sur la question des droits humains. Sur ce dernier point, la mesure de l’impact social suppose une information tout au long de la chaîne de valeur particulièrement complexe à obtenir.

La situation est nettement différente du côté des entreprises qui ne sont pas encore soumises à la taxonomie durable européenne, en particulier les ETI les filiales européennes de groupes côtés hors UE. Ces dernières vont devoir conduire un travail d’anticipation préalable de qualification des données nécessaires, puis de collecte et de structuration. Celui-ci induit une maîtrise de la donnée afin de garantir des reportings à la hauteur de l’enjeu, notamment dans l’optique de normaliser le dialogue avec leurs investisseurs.

D’ailleurs, de l’autre côté du spectre, les investisseurs (banques, assurances, Gestion d’Actifs) doivent eux aussi structurer la collecte des données tout au long de leurs processus et des données émises par leurs clients ou participations.

 

La CSRD va nécessiter une transformation particulièrement structurante pour les acteurs financiers. Par exemple pour les banques, le financement des clients est en enjeu majeur car elles investissent dans de nombreux actifs non-alignés sur les critères de la Taxonomie européenne. Ces dernières vont donc devoir accompagner leurs clients dans leur transition environnementale pour réduire leurs expositions au scope 3* et garantir l’atteinte de leurs propres objectifs ESG. Les interactions avec les entreprises seront donc cruciales car elles ont besoin de collecter des données extra-financières fiables.

Par ailleurs, différentes normes sectorielles de l’EFRAG seront publiées au printemps 2022 pour compléter le projet de normes « communes ». Trois normes sectorielles concerneront le secteur financier et préciseront les indicateurs ESG à publier par les assurances, les banques et les acteurs de marchés de capitaux. Celles-ci viendront se cumuler à différents autres règlements s’appliquant déjà aux acteurs comme le SFDR, MIFID 2, ou encore les piliers 2 et piliers 3 pour les banques. Dans ce contexte, des données extra-financières de « qualité comptable » seront indispensables pour piloter la stratégie de transition.

 

De manière générale, la taxonomie durable européenne et la CSRD font peser sur les entreprises un effort de mise à niveau réglementaire significatif. Pour autant, celles qui fourniront des données fiables sur leur impact feront la différence aussi bien auprès des investisseurs, des consommateurs, que de leurs collaborateurs.

En effet, ces différentes parties prenantes s’avèrent être particulièrement attentives à la décarbonation de l’économie et réticentes à frayer avec des entreprises qui n’engagent pas les transitions nécessaires. Face à ces attentes, les sociétés qui travaillent à rendre leur impact minimal ont ainsi tout à gagner : la capacité de lever des fonds rapidement, élargir leur clientèle et engager leurs équipes. En un mot, les entreprises doivent intégrer de façon concrète les problématiques ESG dans leur prise de décision. Comme maintes fois répété : l’entreprise de demain sera responsable ou ne sera pas.

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(*) Émissions indirectes liées au reste de la chaîne de valeur : pour les banques, il s’agit notamment pour partie des financements accordées aux clients, qui représentent la plus grande part des émissions.




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