Remplacement du nucléaire allemand par le gaz : l’erreur !
Après la décision de Bruxelles d’inclure le nucléaire et le gaz dans la taxonomie verte, Xavier Moreno Président du Cercle d’Étude Réalités Écologiques et Mix Énergétique (Cérémé), revient sur la politique énergétique allemande en déplorant qu’elle ait sacrifié le climat au nom du dogme antinucléaire.
La Commission européenne classe le gaz dans la taxonomie européenne bien qu’il s’agisse d’une source d’énergie polluante. Cette décision dommageable pour le climat est le résultat de la volonté de l’Allemagne de supprimer progressivement ses centrales nucléaires, le développement des énergies renouvelables intermittentes, comme l’éolien et le solaire, imposant le recours aux énergies fossiles comme le gaz.
La Commission européenne a récemment rendu publique sa décision d’accorder un label vert au gaz et à l’énergie nucléaire, ce qui revient à les classer dans la taxonomie européenne parmi les activités qui contribuent à réduire les émissions de CO2 sans nuire à l’environnement. Une reconnaissance qui est toutefois soumise à des contraintes. Le gaz est uniquement autorisé à venir en remplacement de centrales thermiques davantage polluantes, notamment celles fonctionnant au charbon ou au lignite. Et les centrales nucléaires sont évidemment tenues de se conformer aux normes de sécurité en vigueur en Europe. Plus encore, cette reconnaissance du caractère durable est assortie de limites temporelles car ces activités, à défaut de technologie, seraient nécessaires mais seulement transitoires. Elles sont par conséquent limitées par des échéances qui avaient été fixées, dans le projet initial, à 2030 pour le gaz (sans captage du CO2) et à 2045 pour le nucléaire (pour les générations actuelles de réacteurs qui ne sont pas encore exempts de déchets).
Épargnons-nous les détails techniques complexes de ces conditions et concentrons-nous sur l’évidence : les pays comme l’Allemagne qui ferment leurs centrales nucléaires et annoncent les remplacer par l’éolien ou le solaire trompent le monde. En réalité, ils remplacent le nucléaire par le gaz, temporairement relayé par l’énergie éolienne quand le vent le décide, car il doit y en avoir suffisamment, mais pas beaucoup. Mais aussi par l’énergie solaire en période de plein soleil. Voilà qui explique clairement pourquoi jeudi dernier encore, les Français ont émis 72 g de CO2 par Kwh d’électricité et les Allemands en ont émis 362 g, soit 5 fois plus!
Le grand argument avancé par les Allemands est que nous sommes à la veille de pouvoir capturer le CO2 dans les cheminées des centrales à gaz et de pouvoir remplacer le gaz fossile – le méthane – par de l’hydrogène vert obtenu par électrolyse, avec de l’électricité éolienne ou solaire. C’est pourquoi la Commission européenne avait prévu, dans son projet initial, de durcir les normes d’émission de CO2 tolérées pour les centrales électriques au gaz : à 300g jusqu’en 2029 et à 100g à partir de 2030.
Au terme d’un mois de lobbying intense, l’industrie allemande a fait tomber le masque des illusions : elle a obtenu le report du calendrier des obligations de passage des centrales à gaz au gaz renouvelable à 2035 ! Nous sortons enfin du déni : la sortie du nucléaire impose des centrales à gaz qui ne disposent pas de moyens technologiquement et économiquement viables de réduire leurs émissions de CO2 dans les 20 prochaines années. L’Allemagne sacrifie donc le climat au nom du dogme antinucléaire. Son industrie pâtira durablement des coûts élevés de l’électricité, de la dépendance au gaz russe et des pénalités sur les émissions de CO2.
Il est compréhensible qu’elle ait lutté avec autant d’acharnement contre l’avantage que le nucléaire donnera aux Français. Le masque de l’écologie est tombé. Seules apparaît, outre le ravage pour le climat de l’idéologie anti-nucléaire, la puissance du lobby des énergies renouvelables intermittentes et la volonté de l’Allemagne de faire disparaître l’atout de compétitivité que tirera la France d’une ambitieuse relance de la production d’électricité d’origine nucléaire. Les écologistes français, qui luttent contre leur camp et leur pays, en ralentissant le nucléaire et en poussant l’éolien et le solaire, ont sous les yeux la preuve de leurs illusions. Il est grand temps qu’ils le comprennent.