« Le complotisme comme les religions: opium du peuple »
La Tribune a interrogé Sylvain Delouvée, maître de conférences en psychologie sociale à l’Université Rennes 2, spécialisé dans les croyances collectives. Quels sont les mécanismes derrière ces fameuses rumeurs sur Internet ? Comment devient-on complotiste ? Peut-on encore se débarrasser des fake news et autres méthodes de désinformation ? Décryptage.
Les fake news et les théories du complot sont largement médiatisées depuis l’élection présidentielle américaine de 2016. Depuis, chaque événement majeur d’actualité semble être propice à la désinformation en ligne. Comment expliquer cet écho ?
SYLVAIN DELOUVÉE - La désinformation, les théories du complot et autres rumeurs sont aussi vieilles que le monde et les systèmes d’information. Mais il est vrai que nous assistons ces dernières années à une explosion de leur diffusion et de leur impact, en partie dû aux réseaux sociaux et à Internet. Ces derniers rendent accessible à n’importe qui les nouvelles les plus farfelues, de façon quasi-immédiate, en quelques clics.
Je remonterais jusqu’au 11 septembre 2001 pour dater le développement et la professionnalisation du complotisme en ligne. Suite à cet attentat inimaginable -les Etats-Unis, première puissance mondiale, été attaqués pour la première fois sur leur propre sol- des pseudo-experts ont commencé à faire du prosélytisme sur leurs croyances et présenter des versions alternatives de la vérité. Depuis, la diffusion de fausses nouvelles va crescendo au gré des actualités qui ont un retentissement international, comme les virus par exemple : Ebola, Zika, et désormais, la Covid-19.
En raison de la pandémie mondiale du coronavirus, l’année 2020 a été particulièrement marquée par diverses théories du complot concernant l’existence même du virus, les masques et les vaccins… Les crises (sanitaire, économique…) sont-elles des accélérateurs de fake news ?
Les périodes de crise sont des catalyseurs de fake news car ce sont des mouvements d’instabilité. Or, l’être humain a une tendance naturelle à un besoin de contrôle, de quête de sens et d’explications. Cela peut donc conduire à une fascination envers les explications complotistes car elles se veulent simples et évidentes.