Technologie-Religion 5G: pour une évangélisation plus massive !
Arthur Dreyfuss (Fédération française des télécoms) milite dans une tribune à l’opinion pour une évangélisation plus massive vis-à-vis de la 5G.
Notons que nombre de zones ne disposent même pas de la 4G ( Contrairement aux chiffres avancés). Que la 5G ne changera pas grand-chose dans l’immédiat et que les applications nouvelles ne sont pas pour demain. La religion n’est pas accessible à tous! Le même constat sera à faire par rapport à la fibre NDLR).
Interview dans l’Opinion.
Les défis restent nombreux dans l’univers des opérateurs télécoms. Entre déploiement de la 5G et de la fibre, et concurrence de plus en plus vive des géants américains du numérique, les chantiers se succèdent. « Il faut réinventer l’équation économique pour l’ensemble des acteurs », estime Arthur Dreyfuss, président de la Fédération française des télécoms (FFT).
Le confinement n’a finalement pas perturbé le déploiement de la fibre, c’est une bonne surprise ?
Le confinement et ces dix-huit derniers mois ont montré le besoin majeur de connectivité des Français, en particulier en fibre optique. Grâce aux investissements massifs des opérateurs (11,5 milliards d’euros dans les réseaux fixes et mobiles l’an dernier, un record) et à la mobilisation des sous-traitants, nous avons pu maintenir un niveau tout à fait exceptionnel de déploiement de la fibre. Il s’agit, je le rappelle, du plus grand chantier d’infrastructure en cours dans notre pays. Aujourd’hui, près de 26 millions de foyers français y sont raccordables, ce qui fait de la France le pays le plus fibré d’Europe.
Mais le gendarme des télécoms, l’Arcep, déplore les problèmes de raccordement observés dans 30 % à 40 % des cas. Quelles solutions proposez-vous ?
La filière qui déploie la fibre à une cadence inédite se mobilise aujourd’hui pour trouver des solutions à ces problèmes. Nous allons remettre dans les prochains jours au gouvernement et à la présidente de l’Arcep un livre blanc sur le sujet. Nous avons le même objectif : que la fibre soit accessible à tous dans les meilleures conditions. En tant qu’opérateur, le raccordement n’est pas une option, il fait partie du modèle économique puisqu’après avoir déployé la fibre, le but est d’attirer les clients, de les fidéliser et de leur proposer des services.
Concrètement, ce livre blanc prévoit la mise en place de procédures nouvelles de détection et de reprise des malfaçons, ainsi que l’instauration de sanctions progressives, et financières. Cela peut aller jusqu’à l’exclusion d’un sous-traitant responsable de dégradations avérées et répétées. Par ailleurs, nous allons développer des outils numériques pour centraliser les malfaçons, depuis leur notification jusqu’à leur résolution, de manière à réagir dans un délai très court. Autre exemple très concret : un nouvel outil numérique existe, check voisinage, qui permet aux opérateurs qui l’utilisent de s’assurer que personne n’a été déconnecté accidentellement comme cela arrive parfois lors d’une intervention chez un client. Les sous-traitants qui interviennent sur les points de mutualisation, ces bornes remplies de câbles, devront aussi prendre une photo avant et après leur passage, témoignant de la qualité de leur travail. Un point concerne la formation des sous-traitants et des techniciens pour assurer leur montée en compétences. Ce sont des solutions de bon sens qui amélioreront grandement la qualité de toute la chaîne opérationnelle.
Au titre du dispositif « couverture ciblée » du new deal, nous avons construit en trois ans 762 pylônes pour résorber des zones blanches. Ils sont d’ailleurs inaugurés dans des villages, où école, maternité, bureau de presse ont parfois disparu depuis des années
Les objectifs du plan France Très haut débit (apporter une connexion Internet ultrarapide à tous les Français d’ici fin 2022) et du new deal mobile (fin des zones blanches en zone rurale) seront-ils tenus ?
Absolument, ces objectifs seront tenus. Toutes les semaines, de nouveaux sites mobiles sont construits et mis en service. L’an prochain, tous les sites 3G seront passés en 4G, sachant que plus de 99 % de la population est d’ores et déjà couverte en 4G. Au titre du dispositif « couverture ciblée » du new deal, nous avons construit en trois ans 762 pylônes pour résorber des zones blanches. Ils sont d’ailleurs inaugurés dans des villages, où école, maternité, bureau de presse ont parfois disparu depuis des années. Nous apportons de la vie numérique, c’est un grand succès d’aménagement du territoire. Nous avons aussi amélioré substantiellement la connectivité sur les axes routiers et ferroviaires.
La compétition à quatre opérateurs reste forte, dans un environnement de tarifs bas. Dans ce contexte, les débuts de la 5G sont-ils toujours décevants ?
Les Français ont la chance d’avoir des opérateurs aussi engagés dans l’avenir numérique du pays. Nous avons la fiscalité la plus élevée d’Europe, conjuguée aux investissements les plus massifs et aux tarifs les plus bas des grands pays occidentaux. L’équation des opérateurs est faite de défis quotidiens. Nous demandons au minimum une stabilité réglementaire. Le sempiternel retour de sujets autour de la mutualisation et des modes de distribution des terminaux crée de la perturbation inutile.
L’innovation étant le moteur de notre industrie, nous espérons aussi une conversion plus rapide des Français à la 5G. Nous avons fait notre part du job, en déployant cette technologie aussi vite que possible, tout en répondant à l’ensemble des interrogations des élus. Nous sommes au début de l’histoire de cette technologie, disponible dans plusieurs dizaines de villes, et potentiellement accessible pour des dizaines de millions de Français. Il n’y a aucun doute qu’ils se rendront compte progressivement de la nécessité de passer à la 5G. Nous travaillons avec des PME, des ETI et des grands groupes pour élaborer de nouveaux modèles économiques afin que cette technologie soit créatrice de valeur pour tout le monde. Y compris pour les opérateurs télécoms, faute de quoi ils ne pourront pas maintenir le même niveau d’investissement. D’ores et déjà, une partie de la valeur du numérique est accaparée par les plateformes étrangères du secteur.
Un euro investi par le secteur dans les infrastructures génère 6 euros de PIB pour le pays, mais là-dessus 3 euros de prélèvements obligatoires sont payés par les opérateurs. Ils doivent pourtant être suffisamment solides pour jouer dans la même cour que les plateformes américaines qui sont à la fois des concurrents, des partenaires et des clients…
La perspective d’une taxation plus élevée des géants du numérique règle-t-elle en partie le problème ?
C’est une étape qui témoigne de la prise de conscience collective de l’absolue nécessité d’avoir une concurrence équitable. Cela passe par la fiscalité, par la réglementation, et par les investissements qui sont aujourd’hui exclusivement assumés par les opérateurs télécoms. Nous subissons par ailleurs un niveau de taxation vingt-cinq fois supérieur à celui des géants de l’Internet. Un euro investi par le secteur dans les infrastructures génère 6 euros de PIB pour le pays, mais là-dessus 3 euros de prélèvements obligatoires sont payés par les opérateurs. Ils doivent pourtant être suffisamment solides pour jouer dans la même cour que les plateformes américaines qui sont à la fois des concurrents, des partenaires et des clients… L’enjeu est d’ailleurs européen. Que l’on soit à Paris, Berlin ou Lisbonne, certains soirs, 80 % de la bande passante mise à disposition grâce aux investissements massifs dans les réseaux, est utilisée par Google avec Youtube, Netflix et Facebook. Nous devons changer d’ère. Après les déploiements massifs, nous voilà dans les usages massifs. Il faut réinventer l’équation économique pour l’ensemble des acteurs.
Le monde est aussi entré dans une nouvelle ère écologique…
Les télécoms ont dix ans d’avance sur les sujets environnementaux. Le secteur des infrastructures numériques investit depuis des années pour optimiser sa consommation énergétique. La fibre consomme trois fois moins d’énergie que le réseau cuivre. Chaque nouvelle génération, 3G, 4G, 5G, permet de réduire par 10 la consommation d’énergie nécessaire pour transmettre 1 giga octet. La forte concurrence entre les opérateurs fait que chacun prend des initiatives pour améliorer son efficacité énergétique. Sur le recyclage des téléphones, nous travaillons depuis des années avec les éco-organismes. Nous avons récolté dans nos boutiques plus de 6 millions de téléphones depuis 2016. Le numérique responsable engage toute la chaîne, depuis l’investissement jusqu’au consommateur en passant par les équipementiers qui ont aussi un rôle essentiel à jouer.
Que vous inspire la proposition de la Commission de la copie privée d’une taxe de 7,20 euros sur les smartphones reconditionnés ?
C’est un sujet sur lequel nous discutons depuis près de dix ans, sur lequel nous avançons à tout petits pas alors que nous pourrions aller plus vite avec un peu plus de volontarisme et de détermination collective. Le reconditionné permet à tous les consommateurs d’accéder à des smartphones haut de gamme, cette taxe les pénalise. Il est contradictoire de vouloir développer les terminaux reconditionnés et de les taxer. C’est toute l’économie du reconditionnement qui pourrait en pâtir.
Quelle leçon tirer du grave incident d’Orange sur les numéros d’urgence ?
Orange a déjà communiqué sur son enquête interne. Au-delà, cet incident renvoie à la nécessaire modernisation des appels d’urgence, que les opérateurs réclament depuis très longtemps. Améliorer la localisation des appelants, numériser les appels téléphoniques de secours, rationaliser le nombre des numéros d’appel : cette panne doit être l’occasion d’avancer sur ces sujets.