Archive pour le Tag 'Réinsertion'

Prison : une réinsertion bidon

Prison : une réinsertion bidon 

 

La crise du Covid, qui a vu la surpopulation carcérale refluer, démontre que la régulation n’a rien d’impossible, estime dans une tribune au « Monde » Georges Loss, vice-président de l’Association nationale des visiteurs de prison. La régulation passe, selon lui, par une concertation des principaux acteurs de la chaîne pénale.

 

Une opinion que je partage en tant qu’ancien visiteur à Fresnes (Gaston René Bessay)

 

Le 30 juin, Dominique Simonnot, contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, visitait de manière impromptue la prison de Gradignan (Gironde), près de Bordeaux. Avec un taux d’occupation de 230 %, elle n’a pu que constater des conditions d’incarcération particulièrement indignes et dégradantes, aggravées par la canicule, au point d’adresser des « recommandations d’urgence » à l’administration.

Gradignan n’est que la partie émergée de l’iceberg. Nos mille bénévoles qui rencontrent régulièrement des détenus voient bien les effets délétères de cette situation. Or, malgré un parc immobilier qui s’accroît en permanence, le nombre d’incarcérations augmente plus vite encore, générant une surpopulation chronique et croissante.

Que l’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas seulement le « confort de vie » des détenus qui est en jeu : la promiscuité, l’insalubrité, l’oisiveté, combinées avec des personnels fatigués et énervés, génèrent une configuration de chaudron, que la moindre étincelle peut faire exploser.

Sans parler des effets délétères à long terme sur le comportement des détenus : la pénurie aggravée de travail, de formations, et d’activités en général, obère les chances de réinsertion de nombreux détenus et augmente les risques de récidive contre laquelle l’administration investit par ailleurs des moyens significatifs.

Pourtant, pendant que nous incarcérons de plus en plus (plus 9,7 % sur un an, selon les chiffres du ministère de la justice), les pays voisins, notamment l’Allemagne et les Pays-Bas, réduisent le nombre de détenus et ferment des prisons. Les différents gouvernements qui se sont succédé depuis une quinzaine d’années ont pourtant bien essayé de mettre fin au « tout carcéral » en développant, entre autres, les peines alternatives (notamment la contrainte pénale, promue par Christiane Taubira).

En dépit de programmes massifs de construction, les magistrats ont continué à enfermer et l’administration à gérer des prisons de plus en plus saturées. Les raisons précises pour lesquelles nous ne parvenons pas en France à endiguer cette surpopulation croissante restent à analyser.

Faute de quoi nous continuerons à construire de plus en plus de prisons qui continueront à se remplir et à générer de plus en plus de récidives (de 65 % à 70 % de récidive après cinq ans !). Saturant ainsi très vite les constructions nouvelles. Ainsi, en l’absence d’une politique volontariste novatrice, la déflation carcérale, pourtant indispensable, n’est pas pour demain.

Réinsertion des condamnés : un manque de suivi lié aux moyens

Réinsertion des condamnés : un manque de suivi lié aux moyens

 

Après le féminicide de Mérignac se pose la question du suivi de l’insertion qui d’après la CGT manque de moyens. La mission d’inspection pour Mérignac a d’ailleurs souligné un certain nombre de défaillances.

 

INTERVIEW -de Julien Magnier, secrétaire national CGT insertion et probation,

 

 La mission d’inspection mandatée la semaine passée a pointé « une série de défaillances » dans le suivi judiciaire de l’auteur du féminicide de Mérignac, notamment dans la communication entre services. Julien Magnier, secrétaire national CGT insertion et probation, souligne que son métier demande du temps, et déplore qu’il soit aussi peu connu.

Interview (extrait)

 

En quoi consiste le métier de conseiller d’insertion et de probation?
Les services pénitentiaires interviennent en milieu ouvert ou fermé. En milieu fermé [en prison, ndlr], nous prenons en charge le suivi des personnes détenues pour préparer leur sortie et agir pour le maintien des liens familiaux, des activités sociales et culturelles, et pousser les personnes détenues à s’occuper, à travailler leur sortie. En milieu ouvert [hors de la prison], ce qui représente les trois quarts des personnes prises en charge par le Spip, on agit sous mandat judiciaire, c’est-à-dire qu’un juge nous mandate pour prendre en charge une personne. Cela peut être le juge d’instruction s’il s’agit d’un contrôle judiciaire, sinon dans la très grande majorité des cas, c’est le juge d’application des peines. La peine en milieu ouvert est souvent une alternative à l’incarcération ou une alternative à l’aménagement de peine prononcé en milieu fermé. Dans ce cas-là, on veille au respect des obligations, des interdictions, et on accompagne la personne pour favoriser l’insertion par le logement, le travail ou le remboursement des parties civiles.

Diriez-vous que votre travail est proche de celui d’un travailleur social?
Je partage tout à fait cette affirmation, nous sommes des travailleurs sociaux experts dans l’éducation aux peines, c’est comme ça qu’on pourrait le mieux le définir. Travailleur social car on travaille avec de l’humain pour faire évoluer une personne, prévenir au maximum la récidive et donc la faire adhérer à notre suivi, lui faire accepter la condamnation pénale. Même si le préalable reste le mandat judiciaire.

Comment s’accomplit ce travail social?
Les personnes ont des obligations de travail, de soins ou d’indemnisation des parties civiles. Ensuite, tout cela va être décliné : on va travailler sur le logement avec des personnes instables ou sans domicile fixe, on est souvent partenaires avec des foyers d’hébergement temporaires ou de long terme, on oriente les personnes vers des structures de soin… Cela passe aussi par l’obligation de travail, on oriente vers des partenaires de formation ou d’emploi – évidemment l’indemnisation des parties civiles est plus facile quand la personne a un revenu. Tout cela se complète, forme un tout et participe à la prévention de la récidive.

 

Combien de dossiers traite en moyenne un conseiller de probation et d’insertion?
Il y a forcément des variations importantes, avec des établissements plus petits et des publics plus spécialisés, comme dans les maisons centrales, où on suit 40 ou 50 personnes. Dans d’autres endroits, on devra traiter jusqu’à 120 ou 130 dossiers. Mais en moyenne, 80 à 90 personnes sont suivies par un conseiller d’insertion et de probation. Il n’y a pas énormément de conseillers sur le territoire, 3.500 en tout. Dès qu’il y a une absence dans un service, cela pèse.

 

A quoi est lié ce rythme de travail?
C’est une question de volonté politique, d’une part, le fait qu’on parte de loin aussi : les missions des Spip et des conseillers augmentent au fil du temps et les moyens ne suivent pas. Quand le président Macron, en mars 2018, s’est rendu à l’Ecole d’administration pénitentiaire, son objectif était de 50 personnes suivies par conseiller [Emmanuel Macron avait écrit dans son programme présidentiel vouloir augmenter les moyens du SPIP pour atteindre « une moyenne de 40 personnes » suivies par agents. En mars 2018, le chef de l’Etat a annoncé la création de 1.500 postes supplémentaires de conseillers d’insertion et de probation, ndlr]. Vous voyez qu’on n’y est pas.

 

Certains conseillers ont-ils le sentiment de mal faire leur travail?
Ils n’ont pas forcément le sentiment de mal faire mais ont un goût d’inachevé, puisque toutes les démarches qu’on souhaiterait mettre en place comme accompagner la personne sur une structure, aller la visiter à domicile, organiser des réunions avec des structures de soin ou des foyers, sont des choses qu’on n’a plus le temps de faire. On se concentre beaucoup sur le respect des interdictions et obligations, et on met un peu de côté toutes les autres démarches qui permettent vraiment une prévention de la récidive. C’est ce sur quoi on doit d’abord rendre des comptes car c’est mesurable, le reste dépend du long terme.




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