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Réindustrialisation et compétitivité : c’est pas gagné

Réindustrialisation et compétitivité : c’est pas gagné

 

Si les « gros » investissements sont au rendez-vous depuis quelques années, il n’y a pas globalement de forte hausse des investissements directs étrangers vers la France. Des projets qui restent par ailleurs peu créateurs d’emplois d’après un papier de BFM. 

 
Un millésime record. 15 milliards d’euros d’annonces d’investissements de la part de grands groupes étrangers, et des patrons de multinationales toujours plus nombreux à se presser à Versailles pour le sommet Choose France. Pour l’exécutif, ces bons chiffres sont le fruit d’une politique pro-business qui n’a pas varié d’un iota depuis 2017.

 

Emmanuel Macron y voit ainsi « la reconnaissance du travail mené depuis sept ans basé sur la valorisation de nos savoir-faire, le maintien de notre énergie décarbonée, la création d’un cadre normatif favorable et la stabilité fiscale. »
Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire de son côté se félicitait ce matin que « la nation de consommateurs [redevenait] une nation de producteurs. »

Ces chiffres flatteurs suivent de quelques jours le rapport annuel du cabinet EY qui plaçait début mai la France en tête du classement de l’attractivité en Europe et ce pour la cinquième année consécutive. Avec 1194 projets d’implantation ou d’extension de sites, l’Hexagone fait mieux que le Royaume-Uni (985) et l’Allemagne (733).

Dans une Europe prise en étau entre les États-Unis et leurs généreuses subventions et la Chine prête à redécoller, la France semble faire figure d’exception.

Les facteurs d’attractivité sont nombreux. Position géographique centrale en Europe, qualité des infrastructures routières et de transports, formations d’excellence dans les domaines des mathématique et de l’ingénierie, énergie disponible, décarbonée et relativement peu coûteuse grâce au nucléaire… Ce sont les éléments mis en avant par les grands patrons de passage à Versailles.

La politique favorable aux entreprises depuis sept ans y a aussi contribué. Avec la baisse des impôts de production, la réduction du taux d’impôt sur les sociétés ou encore la création de la « flat-tax » sur la fiscalité du capital.

« Des efforts ont été faits, qui ont mis la France sur le devant de la scène, ça vaut donc la peine de les poursuivre, estime Ted Pick, le patron de la banque américaine Morgan Stanley. La France met beaucoup de sérieux et d’attention à être considérée comme un acteur mondial fiable et solide. C’est important. »
Évidemment, pour s’attirer les bonnes grâces des investisseurs internationaux, la France déroule le tapis rouge et n’hésite pas à sortir le chéquier. Pour convaincre par exemple le fabricant de batteries ProLogium d’installer son usine à Dunkerque, une subvention publique de 1,5 milliard d’euros a été proposée au groupe taïwanais. Mais c’est ce que font tous les États désireux d’attirer d’importants investissements. L’Allemagne a ainsi subventionné à hauteur de 10 milliards d’euros la future méga-usine d’Intel de Magdebourg.

Il faut néanmoins relativiser ces bons chiffres de l’attractivité française. D’abord parce que ces investissements restent peu créateurs d’emplois. Les 15 milliards d’euros de Choose France devraient créer en moyenne 179 emplois par projet (10.000 emplois annoncés pour l’ensemble des 56 projets). L’année dernière, les investissements n’étaient « que » de 13 milliards mais les emplois plus nombreux: 285 par projet (8.000 emplois annoncés pour 28 projets).

De son côté, l’étude EY (qui porte sur un autre périmètre) recence 35 emplois créés en moyenne par investissement étranger en France contre 49 en Allemagne, 61 au Royaume-Uni ou encore 299 en Espagne.

Coût du travail qui reste plus élevé que la moyenne européenne, peu de main d’oeuvre disponible, droit du travail plus contraignant… La question de l’emploi reste préoccupante en France.
Mais plus globalement, certains économistes estiment que ces annonces sont un peu l’arbre qui cache la forêt. Derrière ces annonces spectaculaires et bienvenues, l’attractivité de la France ne serait pas sur une pente aussi ascensionnelle que ça.

« L’évolution des IDE (investissements directs à l’étranger) entrants et sortants évolue en dents de scie, indique Sylvain Bersinger, du cabinet Asteres. Dans l’ensemble, il ne semble pas y avoir eu de hausse régulière de flux d’IDE entrants depuis une dizaine d’années. Au vu de la variation des flux d’IDE, il semblerait que l’attractivité du pays ait globalement stagné. »

Ainsi si les investissements étrangers se sont élevés à 34,6 milliards d’euros en 2022 en France, indique l’Insee, le montant du flux était supérieur à 35 milliards en 2018 et avait même frôlé les 40 milliards en 2015.

Concernant l’industrie, s’il y a bien un sursaut dans le pays depuis quelques années avec notamment plus de 100.000 emplois recréés, la production a elle tendance à stagner.

« En mars 2024, le volume de production industrielle était identique à ce qu’il était en janvier 2010, constate Sylvain Bersinger. [...] cela signifie que la productivité moyenne des emplois industriels diminue, ce qui peut être un signe inquiétant quant au niveau de gamme de l’industrie française si la tendance s’avérait durable. »
Si les signaux envoyés par Chose France sont positifs, le chemin vers la réindustrialisation est encore très long.

Quelle réindustrialisation en France

Quelle réindustrialisation en France

En 40 ans, la France a, collectivement, sacrifié son industrie. Dévalorisé par rapport aux services, le secteur industriel français a régressé au fil des décennies, passant de 26 % des emplois en 1980 (5,3 millions de travailleurs) à seulement 13,3 % (3,2 millions) aujourd’hui. La conséquence est bien connue : un décrochage de la France, qui avait pourtant à son actif des réussites industrielles de premier plan, vis-à-vis de ses voisins européens, à commencer par l’Allemagne.

par le cercle des économistes

Cependant, une lueur d’optimisme commence à poindre. La France semble enfin prendre conscience de l’importance de produire localement et proprement. La preuve : elle a créé plus de 100 000 emplois industriels au cours des dernières années. Pour réaliser un véritable rebond industriel, il est essentiel de s’appuyer sur la transition écologique et énergétique et de surmonter les obstacles persistants.

Parmi ces obstacles, citons des délais administratifs trop longs, une image qui peine encore à attirer les jeunes générations, un investissement insuffisant dans la recherche et développement et une formation insuffisante des jeunes aux métiers industriels.

Introduction
« Nous avons, chacun de nous, notre responsabilité dans cette affaire », concluait le haut fonctionnaire Louis Gallois dans l’ouvrage de Nicolas Dufourcq sur la désindustrialisation de la France. En quarante ans, le secteur industriel, qui employait 5,3 millions de Français en 1980 (26 % des emplois du pays), ne représente aujourd’hui plus que 13,3 % de l’emploi pour 3,2 millions de travailleurs. C’est le triste résultat de notre manque d’attachement collectif à l’égard de notre industrie depuis la fin du dernier siècle. Le courant Fabless, longtemps influent, pensait que l’Hexagone pouvait se passer de ses usines et de ses métiers, jugés dégradants et peu valorisés car physiques et manuels, et rêvait d’une société intégralement tournée vers les activités de services et de loisir, intellectuelles et épanouissantes. Cet abandon d’une ambition industrielle, après les réussites éclatantes de l’après-guerre (nucléaire, lignes à grande vitesse, Concorde), explique pourquoi la France est aujourd’hui considérée comme un pays désindustrialisé. Un décrochage particulièrement marqué, lorsque l’on compare la France à ses voisins européens, à commencer par l’Allemagne. Aveuglés par ce concept d’un pays qui n’aurait pas besoin d’usines, nous redécouvrons que l’écosystème industriel est semblable à une poupée russe : derrière chaque produit fini, il y a en amont une série de fournisseurs et prestataires qui apportent des matériaux, des outils, des machines, de nouvelles pièces. Le bien que nous achetons dans un magasin ou sur internet est le produit du travail de toute cette chaine de valeur. Une fois détruite, cette chaine est bien difficile à reconstruire, car il faut rebâtir chacun de ses maillons. Qu’un seul fournisseur du processus industriel manque à l’appel, et c’est tout un écosystème qui demeure bloqué.

Une forme d’optimisme est toutefois aujourd’hui de mise. La France, depuis quelques années, semble avoir pris profondément conscience de cette désindustrialisation latente et de son intérêt – si ce n’est sa sécurité – à produire localement, de façon propre et en renforçant son indépendance économique. Le solde de création d’emploi industriel s’élève désormais à plus de 100 000 emplois sur les six dernières années. Cette dynamique est bien marginale lorsqu’on la compare aux quelque 2 millions d’emplois manufacturiers perdus depuis 1980. Mais elle est certainement le signe qu’un rebond industriel est possible, à la condition de s’appuyer sur (i) une dynamique favorable portée par la transition écologique et énergétique et de (ii) corriger les obstacles auxquels se heurte encore l’industriel français.

Le constat d’une dynamique favorable à un rebond industriel
La crise de la Covid-19 a souligné la criticité pour les puissances européennes de sécuriser leurs approvisionnements, en les diversifiant, et de s’appuyer sur des chaines de valeur locales, ou à minima proches géographiquement. Ce concept de nearshoring, qui a parfaitement fonctionné durant la pandémie, mérite d’être approfondi. Il n’est en effet pas souhaitable que l’obstruction du canal de Suez par un cargo en panne, ou encore une inondation des usines thaïlandaises de batteries, puissent temporairement bloquer des pans entiers de l’économie tricolore du fait de notre incapacité à produire certains types de pièces ou de composants. Se rendre totalement dépendant de sous-traitants étrangers opérant dans des pays aux conditions de droits humains discutables, plutôt que de fabriquer en France, pouvait déjà être questionné, au moins sur le plan social. Désormais, le risque est également géopolitique, dans un monde de plus en plus instable, avec la poursuite de la guerre en Ukraine, le conflit israélo-palestinien, l’attaque de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabagh, une opposition de plus en plus systématique entre le bloc chinois et la sphère américaine, ou encore les situations politiques dégradées dans certains pays africains.

Se réindustrialiser est donc synonyme de liberté vis-à-vis des affaires du monde, et cela d’autant plus à l’heure de la transition écologique et énergétique, qui sera synonyme de raréfaction des ressources. Le rapport annuel 2023 de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE), publié il y a quelques jours, rappelle que la demande mondiale en énergie devra se réduire dans les prochaines années afin de tenir l’objectif d’un réchauffement de la planète autour des 1,5°C. Cette transformation posera irrémédiablement des conflits d’usages énergétiques, avec des conséquences déjà concrètes pour les entreprises. Celles-ci évoluent dans un contexte d’inflation des prix de l’énergie (le prix du baril de pétrole, actuellement autour des 90€, est largement supérieur à ce qu’il devrait être étant donné le ralentissement de l’économie mondiale). Elles font aussi face à des obligations réglementaires accrues au niveau européen. Le prix de la tonne de CO2, longtemps resté modéré autour des 20€, a récemment explosé et se retrouve désormais proche des 100€ la tonne. Le nombre de quotas carbone émis commençant à se rapprocher du volume nécessaire à l’activité économique, certaines entreprises se trouvent contraintes d’acheter davantage de droits à polluer, accroissant logiquement les prix. La tonne de CO2 devient une ressource rare et donc chère. Afin de lutter de façon équitable avec le reste du monde, préserver un level playing field et ne pas risquer de pénaliser son industrie, l’Union européenne n’aura probablement pas d’autre choix que mettre en place un nouveau mécanisme de taxe carbone aux frontières. Dans ce contexte, le renchérissement de la production soit délocalisée à l’autre bout de la planète soit intense en carbone, sera un levier puissant en faveur de la production proche et propre. L’industrie aura besoin de se (re)localiser là où l’énergie est décarbonée et à un prix relativement maîtrisé. L’Europe et la France ont ici une carte à jouer.

La transition écologique et énergétique requiert des investissements locaux très importants. La Stratégie nationale bas carbone évalue à 36 Mds€ par an les investissements à réaliser sur la période 2024-2028 pour le seul secteur des Transports, 18 Mds€ par an pour le bâtiment, 10 Mds€ par an pour l’énergie et réseaux. Le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz apprécie dans un même ordre de grandeur les dépenses supplémentaires nécessaires à la transition écologique, autour de deux points de PIB par an d’ici 2030 (soit environ 60 Mds€ par an). Les pouvoirs publics, endettés aujourd’hui à plus de 110 % du PIB, ne seront pas en mesure de faire face à ces montants. La bonne nouvelle est que ces besoins, massifs, peuvent être financés par l’épargne des ménages français. L’épargne longue représente près de 3 200 Mds€ en considérant l’assurance-vie (1 870 Mds€), l’épargne réglementée (860 Mds€) et l’actionnariat en actifs cotés (420 Mds€). Un stock d’épargne qui ne cesse d’augmenter, la collecte nette annuelle étant en croissance et supérieure à 110 Mds€ depuis la pandémie. L’épargne française a donc les moyens et les ressources pour financer la transition énergétique et écologique de l’industrie. La réindustrialisation de la France devient dès lors une formidable opportunité de renforcer la cohésion économique et sociale française autour d’un projet fédérateur : financer la décarbonation de notre économie, grâce à une industrie locale propre, en recourant à une épargne et un actionnariat populaires.

Longtemps délaissée, l’industrie française bénéficie d’une fenêtre d’opportunité et d’un regain d’intérêt. Il appartient à la puissance publique d’accompagner cet élan en réduisant les obstacles persistants qui entravent ce rebond entrepreneurial et industriel.

Les verrous à débloquer pour permettre un rebond industriel
Si le pari lancé par le Président de la République en janvier 2022 d’ouvrir « 100 nouveaux sites industriels par an dans le pays » d’ici 2025 est en passe d’être tenu, les barrières du mille-feuille administratif français demeurent. En témoigne, l’écart entre le délai théorique de la procédure d’autorisation environnementale (9 mois) et le délai réel d’implantation d’une usine (17 mois). Ces retards presque systématiques présentent des surcoûts non négligeables pour un entrepreneur : la Caisse des dépôts et consignations évalue à 700 000 € l’impact négatif d’un décalage de 8 mois d’un projet d’implantation pour une PME de 10 m€ d’euros de chiffre d’affaires. Il est plus que temps de s’engager à mettre fin aux retards administratifs devenus la norme, et de réduire le calendrier théorique de la procédure d’autorisation environnementale. En Allemagne, pour la même mission, les délais théoriques s’élèvent à huit mois (et sont respectés !). En Suède, ils se situent entre six et huit mois, en Pologne autour des cinq mois. Ce désavantage français s’explique en grande partie par la conditionnalité de l’enquête publique à l’instruction administrative et l’avis porté par l’autorité environnementale sur l’étude d’impact. En clair, le public est invité à exprimer ses remarques à un stade tardif de la procédure. La demande sociale de participation, insuffisamment satisfaite, ainsi que le long calendrier administratif portent préjudice aussi bien aux parties prenantes qu’aux entreprises. Une parallélisation des procédures, afin d’éliminer les retards intercalaires, accélérerait l’instruction tout en renforçant le rôle du public, consulté plus tôt et qui pourrait irriguer l’enquête de ses observations. Le projet de loi « Industries vertes », promulgué le 23 octobre 2023, va dans la bonne direction, avec la volonté de diviser par deux les délais de délivrance des autorisations environnementales. Par ailleurs, la promesse de créer « 50 sites clés en main » est également un signal favorable envoyé aux industriels. Elle démontre que réindustrialisation et l’objectif de « zéro artificialisation nette des sols » à horizon 2050 sont compatibles, à condition de faire converger temps administratif et temps industriel.

Le renouveau industriel de la France passera également par un changement de paradigme autour de son image dans l’imaginaire collectif, à commencer par celui du politique. Trop longtemps (et encore) associée aux romans d’Emile Zola, la figure de l’ouvrier travaillant de longues heures à l’usine est restée prégnante au sein de la société française, à tort. Car un emploi industriel est justement un « emploi riche » : il crée en moyenne 1,5 emploi indirect et 3 emplois induits dans le reste de l’économie. Alors que la baisse du taux de chômage semble se ralentir, la reprise industrielle devient une solution efficace. L’industrie se démarque également par la qualité du narratif qu’elle partage avec ses collaborateurs : elle propose des travaux valorisants, avec des résultats visibles. On participe à construire des voitures électriques, des avions décarbonés, des turbines pour des barrages, des trains à hydrogène, des vélos du quotidien, ou même des chaussures : en bref, des produits qui contribuent à l’utilité sociale. Rappelons que 83% des salariés français pensent qu’il est important de travailler pour une entreprise qui partage leurs valeurs. A l’heure où un nombre croissant d’étudiants issus de grandes écoles refusent des carrières prestigieuses au motif qu’ils n’arrivent pas à donner un sens à leur travail, l’industrie propose des métiers opérationnels, concrets et locaux. Les plus de 800 000 contrats d’apprentissage signés au cours de l’année 2022, dont 14 % dans le secteur industriel, sont à ce titre encourageants et témoignent d’un regain d’intérêt des jeunes générations pour découvrir de façon « active » et opérationnelle des métiers bénéfiques à la société. Le Groupe ADP peut en témoigner, avec des dizaines de contrats en apprentissage dans ses aéroports, au plus près de ses besoins en métiers industriels, bien payés et valorisants.

Les pouvoirs publics, en plus de redorer l’image de l’industrie, doivent également jouer sur les montants alloués à la recherche et développement. La France est en retard dans ce domaine. L’effort en R&D représentait près de 3 % du PIB tricolore dans les années 1970. Il s’est depuis effrité jusqu’à atteindre un peu plus de 2 % dans les années 2000. L’Etat, conscient de l’importance de cet indicateur dans la production de la richesse nationale, a depuis tenté de le relancer (via le CICE notamment). Mais ces dépenses demeurent encore trop faibles, stagnant autour de 2,2 % du PIB. A titre de comparaison, l’Allemagne, les Etats Unis ou les pays nordiques consacrent environ 3 % de leur richesse nationale à la R&D, et ce ratio atteint même 5 % en Corée du Sud. Cet investissement dans l’innovation, à commencer par celui des pouvoirs publics dans la recherche fondamentale, est pourtant vital, quand l’avantage concurrentiel des entreprises se joue sur leur spécialisation sur les segments à forte valeur ajoutée, et donc intensifs en capital. Investir, ce n’est d’ailleurs pas seulement préparer l’industrie de demain, investir est un acte du quotidien nécessaire pour se maintenir au plus haut niveau technologique et améliorer chaque jour ses façons de produire. La R&D prend tout son sens alors que la productivité des travailleurs français a reculé d’environ 3 % depuis 2019.

Conclusion
La France doit donc renouer avec son audace, qui a inspiré le monde. Le Concorde, le nucléaire, le TGV sont autant de prouesses qui ont démontré son savoir-faire industriel, mais aussi fédéré la société. Aujourd’hui, un défi vertigineux s’ouvre devant nous : celui de la transition écologique et énergétique. La prise de risque des investisseurs sera nécessaire pour y parvenir, afin d’engager des flux financiers considérables vers des activités ayant des taux de rentabilité inférieurs aux standards actuels. Si l’on doit n’en retirer qu’une leçon, c’est que cette transformation passera par la recherche et par l’innovation, mais avant tout par l’éducation. Il est de notre responsabilité de former et d’entrainer les jeunes générations vers les métiers industriels, encore trop peu valorisés malgré une utilité sociale et des bénéfices environnementaux indéniables.

Economie-Réindustrialisation : former une main-d’œuvre qualifiée

Economie-Réindustrialisation : former  une main-d’œuvre qualifiée
Il y a près d’un an, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, annonçait : « Pour la première fois depuis plusieurs décennies, on ouvre plus d’usines qu’on en ferme. » Ce constat appelle immédiatement une question : a-t-on la main-d’œuvre nécessaire pour poursuivre l’ambitieuse politique de réindustrialisation de notre pays ?

 

Avec 60 000 emplois industriels vacants, la pénurie de compétences est généralisée et constitue un frein puissant à notre renouveau productif, alerte, dans une tribune au « Monde », Martial Martin, président de l’assemblée des directeurs d’instituts universitaires de technologie.

 

Cette interrogation est déjà au cœur des préoccupations des industriels, qui peinent à pourvoir tous les postes offerts. Entre 2017 et 2022, le nombre d’emplois industriels vacants a été multiplié par trois, pour atteindre 60 000. La pénurie de compétences est généralisée, et elle constitue un frein puissant à notre renouveau productif.

Ce problème est en partie dû à notre appareil de formation. Dans une note récente, la plate-forme de réflexion La Fabrique de l’industrie affirme que ce dernier est théoriquement en mesure de fournir la main-d’œuvre nécessaire aux besoins de recrutement dans l’industrie. Mais environ la moitié des cohortes formées « s’évaporent », fuyant ainsi les métiers industriels pour se diriger vers d’autres horizons professionnels, en particulier vers le titre d’ingénieur. Il faut impérativement combler ce déficit mais pas seulement.

Il faut aussi s’assurer de former au bon niveau de qualification. L’attention se porte principalement sur la pénurie d’ingénieurs. Mais on ne prend pas pleinement conscience de l’impérieuse nécessité de former aussi des techniciens et des cadres techniques. Dans une usine, ces cadres sont à l’interface entre des opérateurs et des ingénieurs à qui ils apportent leurs connaissances des procédés et des installations.

Ils sont les piliers du dispositif industriel. Mais la France n’en forme pas assez, alors que de nombreux secteurs économiques auront besoin de techniciens qualifiés, par exemple pour la maintenance dans le bâtiment et l’énergie, ou l’industrie militaire. Le flux actuel de 50 000 techniciens diplômés par an devrait certainement être triplé.

La réalité des chiffres est brutale. Comme le souligne l’Académie des technologies, cette carence risque d’obérer toute politique de réindustrialisation et de transition énergétique. Aujourd’hui, seulement un quart des bacheliers technologiques sont diplômés des sections orientées vers la production : sciences et technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D) et sciences et technologies de laboratoire (STL). Seule la moitié d’entre eux se dirige vers un institut universitaire de technologie (IUT) ou une section de techniciens supérieurs (STS), ce qui est largement insuffisant pour nourrir les formations de techniciens en production.

 

Réindustrialisation : il faudra des années

Réindustrialisation : il faudra des années

Dans une interview à BFM Business, le directeur général de Bpifrance s’est dit ce lundi « toujours confiant » sur la réindustrialisation en cours de la France, reconnaissant toutefois que cela « va prendre des années ». Pour y arriver, Nicolas Dufourcq préconise plus de foncier, de capitaux, mais aussi davantage d’ingénieurs et d’intelligence artificielle. 
« On a toujours été lucides (…), on n’a jamais dit que ça serait facile, ça va prendre des années », a-t-il déclaré ce lundi sur BFM Business, s’affichant néanmoins « toujours confiant ».
Selon lui, depuis 2017, l’industrie a créé « à peu près 100.000 emplois », mais il en faudrait « 600.000 de plus » pour parvenir à l’objectif d’une industrie pesant 12% du PIB après 2035, a-t-il observé. « C’est considérable » et il va « falloir redresser un peu la tendance », a-t-il ajouté. « Là, on est grosso modo à plus 1,5% par an. Il faut qu’on monte à plus 3,5% par an », a-t-il constaté, ce qui signifie « plus d’ouverture d’usines ».

« On ouvre beaucoup d’usines innovantes, a-t-il souligné, (mais) des usines pas innovantes continuent de fermer, l’industrie, c’est comme ça, c’est plastique », a-t-il estimé.

Pour atteindre cet objectif, Nicolas Dufourcq a indiqué qu’il faut « plus de tout ». À savoir « plus de foncier, plus de jeunes qui deviennent ingénieurs, de filles ingénieures, d’ingénieurs dans l’industrie, parce que deux tiers des ingénieurs ne vont pas dans l’industrie, plus de techniciens sortis des BTS, d’intelligence artificielle, de capitaux », a-t-il énuméré, appelant le monde financier à « aller vers une sorte de prise de risque un peu rugissante à l’américaine sur des nouveaux projets industriels ».

Nicolas Dufourcq s’est en outre félicité de la tenue à Paris du salon Global Industrie, qui a démarré ce lundi 25 mars et doit se clore ce jeudi. Au programme : 500 intervenants et 2.300 exposants présentant 3.000 machines. « Une occasion en or d’incarner les choses », selon le directeur général de Bpifrance. « On ne peut pas avoir une industrie fière d’elle-même si on n’a pas un très grand salon », a-t-il observé, soulignant que les Allemands « ont un salon extraordinaire, à Hanovre, qui est à chaque fois une démonstration de puissance ». La « Hanover Messe » (ou « Foire d’Hanovre ») aura, elle, lieu du 22 au 26 avril prochain.

 

Reste que, comme l’a rappelé fin janvier l’Académie des Technologies, la réindustrialisation doit se faire « avec les citoyens »« Il faut une démarche participative, de l’empathie, de l’écoute pour viser une acceptabilité et transformer les inquiétudes en projets adaptés », a déclaré son président, Patrick Peleta, ex-directeur général délégué de Renault. Selon cet organisme, la France a perdu 3 millions d’emplois industriels en 40 ans entre 1975 et 2014 et se situe aujourd’hui à la 22e place sur 27 en taux d’emploi industriel au sein de l’UE.

 

Economie- Réindustrialisation : former aussi une main-d’œuvre qualifiée

Economie- Réindustrialisation : former aussi une main-d’œuvre qualifiée

 
Il y a près d’un an, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, annonçait : « Pour la première fois depuis plusieurs décennies, on ouvre plus d’usines qu’on en ferme. » Ce constat appelle immédiatement une question : a-t-on la main-d’œuvre nécessaire pour poursuivre l’ambitieuse politique de réindustrialisation de notre pays ?

 

Avec 60 000 emplois industriels vacants, la pénurie de compétences est généralisée et constitue un frein puissant à notre renouveau productif, alerte, dans une tribune au « Monde », Martial Martin, président de l’assemblée des directeurs d’instituts universitaires de technologie.

 

Cette interrogation est déjà au cœur des préoccupations des industriels, qui peinent à pourvoir tous les postes offerts. Entre 2017 et 2022, le nombre d’emplois industriels vacants a été multiplié par trois, pour atteindre 60 000. La pénurie de compétences est généralisée, et elle constitue un frein puissant à notre renouveau productif.

Ce problème est en partie dû à notre appareil de formation. Dans une note récente, la plate-forme de réflexion La Fabrique de l’industrie affirme que ce dernier est théoriquement en mesure de fournir la main-d’œuvre nécessaire aux besoins de recrutement dans l’industrie. Mais environ la moitié des cohortes formées « s’évaporent », fuyant ainsi les métiers industriels pour se diriger vers d’autres horizons professionnels, en particulier vers le titre d’ingénieur. Il faut impérativement combler ce déficit mais pas seulement.

Il faut aussi s’assurer de former au bon niveau de qualification. L’attention se porte principalement sur la pénurie d’ingénieurs. Mais on ne prend pas pleinement conscience de l’impérieuse nécessité de former aussi des techniciens et des cadres techniques. Dans une usine, ces cadres sont à l’interface entre des opérateurs et des ingénieurs à qui ils apportent leurs connaissances des procédés et des installations.

Ils sont les piliers du dispositif industriel. Mais la France n’en forme pas assez, alors que de nombreux secteurs économiques auront besoin de techniciens qualifiés, par exemple pour la maintenance dans le bâtiment et l’énergie, ou l’industrie militaire. Le flux actuel de 50 000 techniciens diplômés par an devrait certainement être triplé.

La réalité des chiffres est brutale. Comme le souligne l’Académie des technologies, cette carence risque d’obérer toute politique de réindustrialisation et de transition énergétique. Aujourd’hui, seulement un quart des bacheliers technologiques sont diplômés des sections orientées vers la production : sciences et technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D) et sciences et technologies de laboratoire (STL). Seule la moitié d’entre eux se dirige vers un institut universitaire de technologie (IUT) ou une section de techniciens supérieurs (STS), ce qui est largement insuffisant pour nourrir les formations de techniciens en production.

 

Réindustrialisation : former aussi une main-d’œuvre qualifiée

Réindustrialisation : former aussi une main-d’œuvre qualifiée

 
Il y a près d’un an, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, annonçait : « Pour la première fois depuis plusieurs décennies, on ouvre plus d’usines qu’on en ferme. » Ce constat appelle immédiatement une question : a-t-on la main-d’œuvre nécessaire pour poursuivre l’ambitieuse politique de réindustrialisation de notre pays ?

 

Avec 60 000 emplois industriels vacants, la pénurie de compétences est généralisée et constitue un frein puissant à notre renouveau productif, alerte, dans une tribune au « Monde », Martial Martin, président de l’assemblée des directeurs d’instituts universitaires de technologie.

 

Cette interrogation est déjà au cœur des préoccupations des industriels, qui peinent à pourvoir tous les postes offerts. Entre 2017 et 2022, le nombre d’emplois industriels vacants a été multiplié par trois, pour atteindre 60 000. La pénurie de compétences est généralisée, et elle constitue un frein puissant à notre renouveau productif.

Ce problème est en partie dû à notre appareil de formation. Dans une note récente, la plate-forme de réflexion La Fabrique de l’industrie affirme que ce dernier est théoriquement en mesure de fournir la main-d’œuvre nécessaire aux besoins de recrutement dans l’industrie. Mais environ la moitié des cohortes formées « s’évaporent », fuyant ainsi les métiers industriels pour se diriger vers d’autres horizons professionnels, en particulier vers le titre d’ingénieur. Il faut impérativement combler ce déficit mais pas seulement.

Il faut aussi s’assurer de former au bon niveau de qualification. L’attention se porte principalement sur la pénurie d’ingénieurs. Mais on ne prend pas pleinement conscience de l’impérieuse nécessité de former aussi des techniciens et des cadres techniques. Dans une usine, ces cadres sont à l’interface entre des opérateurs et des ingénieurs à qui ils apportent leurs connaissances des procédés et des installations.

Ils sont les piliers du dispositif industriel. Mais la France n’en forme pas assez, alors que de nombreux secteurs économiques auront besoin de techniciens qualifiés, par exemple pour la maintenance dans le bâtiment et l’énergie, ou l’industrie militaire. Le flux actuel de 50 000 techniciens diplômés par an devrait certainement être triplé.

La réalité des chiffres est brutale. Comme le souligne l’Académie des technologies, cette carence risque d’obérer toute politique de réindustrialisation et de transition énergétique. Aujourd’hui, seulement un quart des bacheliers technologiques sont diplômés des sections orientées vers la production : sciences et technologies de l’industrie et du développement durable (STI2D) et sciences et technologies de laboratoire (STL). Seule la moitié d’entre eux se dirige vers un institut universitaire de technologie (IUT) ou une section de techniciens supérieurs (STS), ce qui est largement insuffisant pour nourrir les formations de techniciens en production.

 

La réindustrialisation de la France prend du retard

La réindustrialisation de la France prend du retard

 

 

Le débat autour de la place et de la dynamique de l’industrie au sein de l’Union européenne (UE) n’est pas aisé, tant il est phagocyté par des considérations nationales, entre des pays dotés d’un secteur manufacturier puissant, comme l’Allemagne, et d’autres aux prises avec un déclin amorcé il y a plusieurs décennies, comme la France. Au-delà de cette hétérogénéité au sein de l’UE, le décrochage de cette dernière en matière d’investissements dans les secteurs stratégiques (notamment pour la transition écologique) est inquiétant.

 

par Thomas Grjebine, Économiste, Responsable du programme Macroéconomie et finance internationales, CEPII

et Jérôme Héricourt, Professeur d’économie, conseiller scientifique au CEPII, Université d’Evry – Université Paris-Saclay dans The Conversation

Sur la période 2016-2023, l’Union européenne n’a en effet représenté que 6,5 % des investissements industriels annoncés dans le monde, là où les États-Unis en captaient 17 %, la Chine 19 % et l’ensemble de l’Asie 55 %, selon les chiffres du cabinet d’études Trendeo. L’écart est encore plus important pour les méga-investissements industriels – plus de 5 milliards de dollars – annoncés dans le monde, où la part de l’UE tombe à 2 % sur la période.

Si les entreprises européennes ont une capacité d’investissement forte (et proche de celle des entreprises américaines), elle est surtout employée hors de l’UE : les entreprises européennes investissent davantage à l’étranger, si bien que l’UE ne reçoit que l’équivalent d’un peu plus de la moitié de leur capacité d’investissement (et les investissements étrangers en Europe ne permettent pas de compenser).

Le tableau ne s’améliore guère du côté de la production, notamment dans le secteur clé de l’automobile électrique : l’Europe produit certes 25 % des voitures électriques, contre 10 % aux États-Unis, mais la Chine plus de la moitié. S’agissant des batteries, la Chine produit plus de 75 % des batteries issues de la technologie dominante, contre 7 % tant pour l’Europe que pour les États-Unis.
Le retard pris par les pays de l’UE est donc substantiel. Une politique vigoureuse d’investissement apparaît comme un moyen nécessaire, parmi d’autres, pour y remédier.La comparaison des stratégies américaines et européennes en la matière ne plaide pas en faveur de l’Europe. Les moyens avancés par les États-Unis sont bien supérieurs à ceux mis en œuvre par l’UE. Pour les premiers, l’Inflation Reduction Act (IRA), dont le coût sur dix ans était estimé à 385 milliards de dollars, pourrait représenter plus de 1 000 milliards d’argent public : la plupart des mesures ne sont en effet pas plafonnées, que ce soit en volume ou en valeur, et le coût total dépendra du degré d’utilisation des crédits d’impôt, qui s’est révélé jusqu’à présent beaucoup plus élevé que prévu.

Du côté européen, si le caractère disparate des différents dispositifs, additionnant financements publics (européens ou nationaux) et privés, financements directs et crédits (par exemple, de la Banque européenne d’investissement), rend délicates les comparaisons, les montants publics mobilisés semblent néanmoins bien plus limités.

Un des plans phares, le Net Zero Industrial Act (NZIA), destiné à soutenir la production de technologies propres au sein de l’UE, affiche par exemple un montant de 92 milliards d’euros pour la période 2023-2030. Mais il s’agit d’un montant reposant sur un effet de levier substantiel : ces investissements de 92 milliards reposeraient sur seulement 16 à 18 milliards d’euros de soutiens publics directs.

L’écart entre les deux rives de l’Atlantique est encore plus flagrant lorsque l’on compare les aides, non pas d’un point de vue macroéconomique, mais à l’échelle des projets. Par exemple, le soutien américain pour les producteurs de batteries serait en moyenne plus de 3 fois supérieur aux aides européennes.

Ce retard à l’allumage de l’Europe n’est pas surprenant. La Commission européenne a longtemps rejeté l’idée même de politique industrielle : jusqu’à récemment, elle estimait que celle-ci devait idéalement reposer sur la politique de concurrence au niveau du marché unique, le libre-échange et une politique de recherche et développement, sans que les contours de cette dernière soient réellement précisés.
Il faut cependant souligner deux inflexions significatives dans le logiciel européen. Tout d’abord, la création du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), entré en vigueur dans sa phase transitoire le 1er octobre 2023, a pu être interprétée comme marquant l’émergence d’une forme de protectionnisme vert européen.

nt des productions de l’UE vers des pays ayant des politiques climatiques moins exigeantes et leur remplacement par des importations carbonées. Pour cela, les importateurs européens de certains produits, comme l’acier ou l’aluminium, devront payer le même prix pour le carbone contenu dans les produits importés que celui payé par les producteurs européens.

Si le MACF marque une inflexion très nette du logiciel européen, il souffre à l’heure actuelle de deux failles. D’une part, il pourrait pénaliser la compétitivité à l’exportation des industriels européens, d’abord car les exportateurs européens vont payer leurs intrants plus cher du fait du MACF, et deuxièmement car ils devront progressivement, lorsqu’ils produisent en Europe, s’acquitter de quotas carbone (jusqu’alors gratuits pour les sites les plus intensifs en énergie) alors que leurs concurrents sur les marchés à l’exportation n’ont pas à s’acquitter d’un tel coût.

D’autre part, le dispositif actuel ne couvre que quelques grands intrants industriels et non les produits finis ni la majorité des semi-finis. Il existe donc un risque de « délocalisation » de l’aval des chaines de production : un produit fini ou semi-fini à base d’acier ou d’aluminium mais transformé hors de l’UE échappe au MACF, ce qui peut inciter les producteurs à délocaliser pour réimporter ensuite au sein des Vingt-Sept.

 

 

Par ailleurs, la montée en puissance des projets importants d’intérêt européen commun (PIEEC) constitue une deuxième inflexion significative aux règles de libre concurrence de l’UE : ils visent à promouvoir l’innovation dans des domaines industriels stratégiques et d’avenir, au travers de projets européens transnationaux. Leur particularité est de ne pas reposer sur des financements de l’UE, mais sur les budgets nationaux, pour des montants allant au-delà des limites habituellement fixées par la réglementation européenne en matière d’aides d’État.

Le plan France 2030 s’inscrit dans ce cadre : plus de la moitié de l’enveloppe de 54 milliards prévue dans ce plan a été engagée en deux ans. En tenant compte de l’effet de levier sur les financements privés, cela représente plus de 40 milliards d’euros engagés depuis 2021, et plus de 85 milliards d’euros qui devraient être investis sur cinq ans dans des projets visant à stimuler l’innovation dans des secteurs stratégiques (véhicules électriques, hydrogène, spatial, quantique, etc.), des montants très importants à l’échelle française.
L’assouplissement des règles permis par le cadre des PIIEC pose néanmoins la question de l’hétérogénéité des marges de manœuvre budgétaires nationales et du risque de fragmentation. La monnaie unique a, en effet, accentué les divergences réelles au sein de la zone euro : comme l’avait anticipé le prix « Nobel » d’économie Paul Krugman, dans un contexte de forte mobilité des facteurs de production, une intégration accrue entre pays aboutit à un renforcement de leurs spécialisations.

À cet égard, l’assouplissement des PIIEC risque de réserver les investissements massifs aux pays budgétairement « vertueux », qui sont très souvent déjà ceux disposant d’un secteur industriel puissant. Maintenir une base industrielle forte permet en effet de générer de la richesse à long terme, et d’avoir ainsi moins recours à l’endettement pour stimuler l’activité économique. Ces facteurs contribuent à ce que les pays les plus industrialisés aient les marges de manœuvre budgétaires les plus fortes, ce qui représente un autre facteur puissant de divergence au sein de la zone euro.

Une augmentation de l’endettement au niveau européen permettrait de répondre à ce risque de fragmentation accrue. Ceci réclamerait un engagement de plusieurs centaines de milliards de dollars, qui pourraient être financé selon des modalités proches de celles retenues dans le cadre du plan de relance européen Next Generation EU initié en 2020 (750 milliards d’euros financés par un emprunt au niveau de l’UE), à condition de parvenir à un nouvel accord politique en ce sens.

L’Europe dispose d’un atout qui pourrait être davantage mobilisé : un mix énergétique moins carboné. Le développement de clauses de conditionnalité environnementale – sur le modèle du nouveau bonus français sur les voitures électriques – apparaît ainsi comme une voie prometteuse pour favoriser la production européenne, tout en respectant le cadre légal de l’UE.

Ces clauses permettent d’atteindre des objectifs proches des clauses de contenu local, en contournant l’interdiction de ces dernières : aucun modèle de voiture électrique produit en Asie, et particulièrement en Chine, n’a ainsi été éligible au bonus écologique français en 2024. S’appuyer sur des clauses de conditionnalité environnementale est aussi une façon de réorienter la commande publique vers la production française et européenne.

Il s’agit d’un enjeu de taille : la commande publique représente de 10 % à 20 % du PIB des pays membres de l’UE. La loi française « Industrie verte », adoptée en octobre 2023, fait un premier pas en ce sens, avec la création d’un label permettant d’intégrer les critères environnementaux dans la commande publique.

Réindustrialisation : du retard

Réindustrialisation : du retard

 

Le débat autour de la place et de la dynamique de l’industrie au sein de l’Union européenne (UE) n’est pas aisé, tant il est phagocyté par des considérations nationales, entre des pays dotés d’un secteur manufacturier puissant, comme l’Allemagne, et d’autres aux prises avec un déclin amorcé il y a plusieurs décennies, comme la France. Au-delà de cette hétérogénéité au sein de l’UE, le décrochage de cette dernière en matière d’investissements dans les secteurs stratégiques (notamment pour la transition écologique) est inquiétant.

 

par , Économiste, Responsable du programme Macroéconomie et finance internationales, CEPII

 et , Professeur d’économie, conseiller scientifique au CEPII, Université d’Evry – Université Paris-Saclay dans The Conversation 

Sur la période 2016-2023, l’Union européenne n’a en effet représenté que 6,5 % des investissements industriels annoncés dans le monde, là où les États-Unis en captaient 17 %, la Chine 19 % et l’ensemble de l’Asie 55 %, selon les chiffres du cabinet d’études Trendeo. L’écart est encore plus important pour les méga-investissements industriels – plus de 5 milliards de dollars – annoncés dans le monde, où la part de l’UE tombe à 2 % sur la période.

Si les entreprises européennes ont une capacité d’investissement forte (et proche de celle des entreprises américaines), elle est surtout employée hors de l’UE : les entreprises européennes investissent davantage à l’étranger, si bien que l’UE ne reçoit que l’équivalent d’un peu plus de la moitié de leur capacité d’investissement (et les investissements étrangers en Europe ne permettent pas de compenser).

Le tableau ne s’améliore guère du côté de la production, notamment dans le secteur clé de l’automobile électrique : l’Europe produit certes 25 % des voitures électriques, contre 10 % aux États-Unis, mais la Chine plus de la moitié. S’agissant des batteries, la Chine produit plus de 75 % des batteries issues de la technologie dominante, contre 7 % tant pour l’Europe que pour les États-Unis.

Le retard pris par les pays de l’UE est donc substantiel. Une politique vigoureuse d’investissement apparaît comme un moyen nécessaire, parmi d’autres, pour y remédier.La comparaison des stratégies américaines et européennes en la matière ne plaide pas en faveur de l’Europe. Les moyens avancés par les États-Unis sont bien supérieurs à ceux mis en œuvre par l’UE. Pour les premiers, l’Inflation Reduction Act (IRA), dont le coût sur dix ans était estimé à 385 milliards de dollars, pourrait représenter plus de 1 000 milliards d’argent public : la plupart des mesures ne sont en effet pas plafonnées, que ce soit en volume ou en valeur, et le coût total dépendra du degré d’utilisation des crédits d’impôt, qui s’est révélé jusqu’à présent beaucoup plus élevé que prévu.

Du côté européen, si le caractère disparate des différents dispositifs, additionnant financements publics (européens ou nationaux) et privés, financements directs et crédits (par exemple, de la Banque européenne d’investissement), rend délicates les comparaisons, les montants publics mobilisés semblent néanmoins bien plus limités.

Un des plans phares, le Net Zero Industrial Act (NZIA), destiné à soutenir la production de technologies propres au sein de l’UE, affiche par exemple un montant de 92 milliards d’euros pour la période 2023-2030. Mais il s’agit d’un montant reposant sur un effet de levier substantiel : ces investissements de 92 milliards reposeraient sur seulement 16 à 18 milliards d’euros de soutiens publics directs.

L’écart entre les deux rives de l’Atlantique est encore plus flagrant lorsque l’on compare les aides, non pas d’un point de vue macroéconomique, mais à l’échelle des projets. Par exemple, le soutien américain pour les producteurs de batteries serait en moyenne plus de 3 fois supérieur aux aides européennes.

Ce retard à l’allumage de l’Europe n’est pas surprenant. La Commission européenne a longtemps rejeté l’idée même de politique industrielle : jusqu’à récemment, elle estimait que celle-ci devait idéalement reposer sur la politique de concurrence au niveau du marché unique, le libre-échange et une politique de recherche et développement, sans que les contours de cette dernière soient réellement précisés.

Il faut cependant souligner deux inflexions significatives dans le logiciel européen. Tout d’abord, la création du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), entré en vigueur dans sa phase transitoire le 1er octobre 2023, a pu être interprétée comme marquant l’émergence d’une forme de protectionnisme vert européen.

nt des productions de l’UE vers des pays ayant des politiques climatiques moins exigeantes et leur remplacement par des importations carbonées. Pour cela, les importateurs européens de certains produits, comme l’acier ou l’aluminium, devront payer le même prix pour le carbone contenu dans les produits importés que celui payé par les producteurs européens.

Si le MACF marque une inflexion très nette du logiciel européen, il souffre à l’heure actuelle de deux failles. D’une part, il pourrait pénaliser la compétitivité à l’exportation des industriels européens, d’abord car les exportateurs européens vont payer leurs intrants plus cher du fait du MACF, et deuxièmement car ils devront progressivement, lorsqu’ils produisent en Europe, s’acquitter de quotas carbone (jusqu’alors gratuits pour les sites les plus intensifs en énergie) alors que leurs concurrents sur les marchés à l’exportation n’ont pas à s’acquitter d’un tel coût.

D’autre part, le dispositif actuel ne couvre que quelques grands intrants industriels et non les produits finis ni la majorité des semi-finis. Il existe donc un risque de « délocalisation » de l’aval des chaines de production : un produit fini ou semi-fini à base d’acier ou d’aluminium mais transformé hors de l’UE échappe au MACF, ce qui peut inciter les producteurs à délocaliser pour réimporter ensuite au sein des Vingt-Sept.

 

 

Par ailleurs, la montée en puissance des projets importants d’intérêt européen commun (PIEEC) constitue une deuxième inflexion significative aux règles de libre concurrence de l’UE : ils visent à promouvoir l’innovation dans des domaines industriels stratégiques et d’avenir, au travers de projets européens transnationaux. Leur particularité est de ne pas reposer sur des financements de l’UE, mais sur les budgets nationaux, pour des montants allant au-delà des limites habituellement fixées par la réglementation européenne en matière d’aides d’État.

Le plan France 2030 s’inscrit dans ce cadre : plus de la moitié de l’enveloppe de 54 milliards prévue dans ce plan a été engagée en deux ans. En tenant compte de l’effet de levier sur les financements privés, cela représente plus de 40 milliards d’euros engagés depuis 2021, et plus de 85 milliards d’euros qui devraient être investis sur cinq ans dans des projets visant à stimuler l’innovation dans des secteurs stratégiques (véhicules électriques, hydrogène, spatial, quantique, etc.), des montants très importants à l’échelle française.

L’assouplissement des règles permis par le cadre des PIIEC pose néanmoins la question de l’hétérogénéité des marges de manœuvre budgétaires nationales et du risque de fragmentation. La monnaie unique a, en effet, accentué les divergences réelles au sein de la zone euro : comme l’avait anticipé le prix « Nobel » d’économie Paul Krugman, dans un contexte de forte mobilité des facteurs de production, une intégration accrue entre pays aboutit à un renforcement de leurs spécialisations.

À cet égard, l’assouplissement des PIIEC risque de réserver les investissements massifs aux pays budgétairement « vertueux », qui sont très souvent déjà ceux disposant d’un secteur industriel puissant. Maintenir une base industrielle forte permet en effet de générer de la richesse à long terme, et d’avoir ainsi moins recours à l’endettement pour stimuler l’activité économique. Ces facteurs contribuent à ce que les pays les plus industrialisés aient les marges de manœuvre budgétaires les plus fortes, ce qui représente un autre facteur puissant de divergence au sein de la zone euro.

Une augmentation de l’endettement au niveau européen permettrait de répondre à ce risque de fragmentation accrue. Ceci réclamerait un engagement de plusieurs centaines de milliards de dollars, qui pourraient être financé selon des modalités proches de celles retenues dans le cadre du plan de relance européen Next Generation EU initié en 2020 (750 milliards d’euros financés par un emprunt au niveau de l’UE), à condition de parvenir à un nouvel accord politique en ce sens.

L’Europe dispose d’un atout qui pourrait être davantage mobilisé : un mix énergétique moins carboné. Le développement de clauses de conditionnalité environnementale – sur le modèle du nouveau bonus français sur les voitures électriques – apparaît ainsi comme une voie prometteuse pour favoriser la production européenne, tout en respectant le cadre légal de l’UE.

Ces clauses permettent d’atteindre des objectifs proches des clauses de contenu local, en contournant l’interdiction de ces dernières : aucun modèle de voiture électrique produit en Asie, et particulièrement en Chine, n’a ainsi été éligible au bonus écologique français en 2024. S’appuyer sur des clauses de conditionnalité environnementale est aussi une façon de réorienter la commande publique vers la production française et européenne.

Il s’agit d’un enjeu de taille : la commande publique représente de 10 % à 20 % du PIB des pays membres de l’UE. La loi française « Industrie verte », adoptée en octobre 2023, fait un premier pas en ce sens, avec la création d’un label permettant d’intégrer les critères environnementaux dans la commande publique.

Economie- Réindustrialisation : pour un livret A industrie durable

Réindustrialisation : pour un livret A industrie durable

Trois députés – Thomas Gassilloud (Renaissance), Christophe Plassard (Horizon) et Jean-Louis Thiériot (Les Républicains) – ont à nouveau déposé un amendement qui propose d’assigner « l’épargne des Livrets A et de développement durable et solidaire aux entreprises, notamment petites et moyennes sur les technologies de défense. Mais le problème se pose pour l’ensemble de l’industrie ( Notons que la proposition a encore été balayée pour les questions constitutionnelles

Le problème du financement de l’industrie dépasse celui du seul secteur de la défense. Par ailleurs se pose la question de l’utilisation effective des livrets d’épargne réglementée. Or sur cette question,, c’est le grand flou. Théoriquement l’essentiel des livrets d’épargne devrait être laissé vers le logement. Dans la pratique, c’est loin d’être le cas compte tenu de l’opacité sur ce sujet des banques qui collectent une grande partie des ressources

Par ailleurs, les travaux du rapporteur spécial des programmes 144 et 146 pour ce projet de loi de finances ont démontré que, depuis 2008, les banques contournent l’obligation qui est la leur de rendre public annuellement un rapport présentant l’emploi des ressources collectées au titre de ces deux livrets et non centralisées, en faisant figurer dans ce rapport l’ensemble de leurs fonds investis, et pas seulement les ressources collectées dans les livrets réglementés.

L’amendement propose donc « de préciser, clairement, que cette obligation faite aux établissements bancaires ne concerne que ces ressources collectées au titre des livrets, et pas les autres ».

Il serait temps et même urgent de créer un livret d’épargne a dessiné à l’industrie durable dans le cadre de la réindustrialisation du pays.

Réindustrialisation : pour un livret A industrie durable

Réindustrialisation : pour un livret A industrie durable

Trois députés – Thomas Gassilloud (Renaissance), Christophe Plassard (Horizon) et Jean-Louis Thiériot (Les Républicains) – ont à nouveau déposé un amendement qui propose d’assigner « l’épargne des Livrets A et de développement durable et solidaire aux entreprises, notamment petites et moyennes sur les technologies de défense. Mais le problème se pose pour l’ensemble de l’industrie ( Notons que la proposition a encore été balayée pour les questions constitutionnelles

Le problème du financement de l’industrie dépasse celui du seul secteur de la défense. Par ailleurs se pose la question de l’utilisation effective des livrets d’épargne réglementée. Or sur cette question,, c’est le grand flou. Théoriquement l’essentiel des livrets d’épargne devrait être laissé vers le logement. Dans la pratique, c’est loin d’être le cas compte tenu de l’opacité sur ce sujet des banques qui collectent une grande partie des ressources

Par ailleurs, les travaux du rapporteur spécial des programmes 144 et 146 pour ce projet de loi de finances ont démontré que, depuis 2008, les banques contournent l’obligation qui est la leur de rendre public annuellement un rapport présentant l’emploi des ressources collectées au titre de ces deux livrets et non centralisées, en faisant figurer dans ce rapport l’ensemble de leurs fonds investis, et pas seulement les ressources collectées dans les livrets réglementés.

L’amendement propose donc « de préciser, clairement, que cette obligation faite aux établissements bancaires ne concerne que ces ressources collectées au titre des livrets, et pas les autres ».

Il serait temps et même urgent de créer un livret d’épargne a dessiné à l’industrie durable dans le cadre de la réindustrialisation du pays.

Réindustrialisation- Impossible de retrouver les 2, 5 millions d’emplois détruits

Réindustrialisation- Impossible de retrouver les 2, 5 millions d’emplois détruits

Nommé par Bercy à la tête d’une nouvelle mission pour plancher sur la réindustrialisation à l’horizon 2035, l’expert Olivier Lluansi mise beaucoup sur les territoires pour accélérer la transition écologique. A l’occasion de la semaine de l’industrie, le gouvernement veut enclencher la vitesse supérieure sur les investissements et les implantations d’usines. Mais la réindustrialisation pourrait se transformer en parcours du combattant.( dans la « Tribun »e)

Olivier Lluansi est enseignant à l’Ecole des Mines de Paris, senior Fellow ESCP Business School

Les ministères de l’Economie, des Finances et de l’Industrie viennent de vous mandater pour une mission sur l’industrie en 2035. En quoi va-t-elle consister ? Quelle est votre feuille de route ?

OLIVIER LLUANSI – Il y a aujourd’hui une volonté de réindustrialiser la France. La question est de savoir quels sont les objectifs et à quelles échéances. Le chiffre de 15% du PIB a été exprimé, mais sans échéance, tandis que l’industrie manufacturière est aujourd’hui à 10%. D’autres défendent un objectif de 12% à l’horizon 2035, comme le directeur de BpiFrance, Nicolas Dufourcq. Dans un scénario catastrophe, la part de l’industrie dans le PIB pourrait passer à 8%.

Notons aussi que, le PIB est un indicateur contesté, car il ne représente pas les aspects de bien-être ou d’impacts environnementaux. La mission élargit le champ des indicateurs. Elle doit prendre en compte des indicateurs sur la trajectoire carbone, le poids de l’économie circulaire à viser en 2035. L’autre volet important de cette mission est de travailler sur des leviers à renforcer comme le Made in France. Nous devons rendre nos premiers travaux à la fin du premier trimestre 2024.

Allez-vous intégrer l’objectif des 5 points de PIB supplémentaires dans votre feuille de route ?

Oui, nous allons intégrer ce scénario dans l’étude. Cependant, certains économistes soulignent que cet objectif est très ambitieux à l’horizon de 2035. Il faut aussi rappeler que l’objectif de 15% se rapproche de la moyenne européenne (16%). Or, dans une société qui se veut sobre, et dans une industrie avec des gains de productivité, est-ce que la référence européenne va rester à ce même niveau dans les 10 années à venir ?

Comment la politique industrielle devrait-elle se caractériser au cours de la prochaine décennie ?

Ce sujet doit être une réflexion collective avec des points d’accord et de divergence. Les grands axes actuels concernent les filières avec des comités stratégiques, l’innovation de rupture, la capacité de la France à exporter et à attirer des investissements étrangers. Si la France veut réussir le pari de la réindustrialisation, il faudra sans doute avancer sur la question des territoires, le Made in France, les innovations incrémentales et frugales

Quels seraient les secteurs et les filières à privilégier selon vous ?

A partir d’un héritage gaullo-pompidolien, la France a beaucoup mis l’accent sur les filières stratégiques. Mais quand on regarde de près, il y a des éléments stratégiques dans toutes les filières. Si on réfléchit plus en termes de territoires et d’écosystème, on peut même se dire qu’il serait bénéfique de produire en France des produits à moyenne, voire faible valeur ajoutée.

Dans le cadre de la mission, je souhaiterai poser la question de l’élargissement de la notion de filières stratégiques ou pas. Le vélo, le textile ou l’horlogerie ne sont pas des filières stratégiques. Or, ces secteurs ont d’indéniables potentiels, au niveau national ou d’un territoire. Comment réussir la renaissance industrielle au-delà des filières stratégiques ?

Comment réussir la réindustrialisation en limitant l’impact sur l’emploi dans le contexte du réchauffement climatique ?

Il faut avoir un discours de vérité sur l’emploi. Une réindustrialisation même réussie ne recréera pas les 2,5 millions d’emplois détruits depuis 1975. Dans certains scénarios déjà ambitieux, il faudrait s’attendre à une création nette de 300.000 à 400.000 emplois industriels pour un poids de l’industrie dans le PIB à 12% d’ici 2035. Et ce ne sont pas les mêmes emplois que ceux qui ont disparu. Si la France arrive à créer ces emplois dans les 10 ans à venir, ce sera un bon marqueur de la réindustrialisation.

La question est, par exemple, de savoir où vont se situer ces emplois. Est-ce que l’on continue à concentrer la création de valeur ajoutée autour des métropoles, comme on l’a fait en favorisant une économie tertiaire ? Est-ce que la politique industrielle doit comporter un volet sur l’aménagement du territoire ? Il ne faut pas forcément choisir l’un ou l’autre, mais essayer d’être bien équilibré. Si on regarde France 2030, 70% des lauréats sont à proximité des douze principales métropoles françaises. Il y a certes un effet « siège », mais aussi une logique : les start-ups, industrielles ou pas, fondées sur des innovations de rupture s’appuient sur la recherche et l’enseignement supérieur, lesquels sont principalement situés dans les métropoles. Et pourtant, il y a beaucoup de projets qui restent dans les cartons, dans les ETI et les PMI dans les territoires. Comment les activer pour équilibrer notre réindustrialisation ?

L’une des valeurs les plus importantes est la cohésion sociale et territoriale. Les efforts en matière de réindustrialisation ne se feront pas en opposant les filières stratégiques et les autres, les ruraux aux urbains, les villes moyennes aux grandes métropoles. On n’arrivera jamais à répartir l’effort nécessaire face aux défis qui sont les nôtres, avec le poison de la division.

Faut-il mieux parler de réindustrialisation ou de relocalisation ?

Je pense qu’il faut plutôt parler de renaissance industrielle. Nous vivons un changement de paradigme. On vivait auparavant dans un monde de mondialisation et de consommation, voire de consommation de masse. Les chocs géopolitiques récents ont remis en avant le thème de la souveraineté. L’environnement est devenu un thème phare en raison du dépassement des limites planétaires. Nous sommes en train de changer de projet de société. Dans l’histoire récente, un outil productif a toujours servi un projet de société. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, De Gaulle et Pompidou veulent rendre la France indépendante et plus moderne avec des grands groupes internationaux et grands programmes. Notre outil productif s’est calé sur ce projet politique.

A partir des années 1970, l’économie a basculé dans un monde beaucoup plus mondialisé et une société de consommation. La France a basculé dans une société post-industrielle. A l’époque, produire n’est plus une priorité nationale. La préférence est donnée aux services. Pour gagner en pouvoir d’achat, il est logique de délocaliser. La France a restreint son outil productif en répondant à son projet de société. Aujourd’hui, un nouvel outil productif va devoir répondre aux enjeux de souveraineté et d’environnement. Il va falloir faire des choix. La France ne va pas faire revenir l’industrie d’avant.

Comment rendre la réindustrialisation plus socialement acceptable dans les années à venir ?

La réindustrialisation va être une course d’obstacles. Le premier obstacle franchi est d’avoir arrêté d’opposer industrie et environnement. Depuis 2021, on a compris que l’on ne pouvait pas répondre aux enjeux environnementaux sans réindustrialiser pour des questions d’empreinte carbone par exemple. Le deuxième obstacle franchi est de mettre la réindustrialisation comme une priorité dans l’agenda politique. Pendant la campagne présidentielle de 2022, il y a eu un consensus politique sur cette question. En mai 2023, le président de la République Emmanuel Macron a consacré la réindustrialisation comme « la mère des batailles ». Il reste néanmoins quelques grandes barrières à franchir. Par exemple, la question de l’électricité décarbonée et de sa compétitivité : difficile de livrer une telle bataille sans mobiliser un atout maître, notre parc électronucléaire, en faveur de l’industrie. De même, la France est un pays de faible densité d’habitants par km2 : la disponibilité de foncier devrait aussi être un atout.

Par ailleurs, l’industrie a encore une image très négative. Déconstruire un imaginaire collectif est très compliqué. Mon sentiment est que l’on ne peut pas déconstruire l’image négative de l’industrie si on ne lui enlève pas quelques « sacs de plomb » qu’elle porte. Plusieurs enquêtes ont montré que 60% des jeunes ont une mauvaise image de l’industrie à cause des conditions de travail : pénibilité, management vertical, conditions peu compatibles pour assurer un équilibre vie pro-vie perso. Il faut avancer sur ces questions.

En parallèle, il faut un récit plus positif de notre industrie. L’industrie va nous permettre de reconquérir notre souveraineté, de répondre aux défis environnementaux, de faire de la cohésion sociale et territoriale. Il lui faut, peut-être, une nouvelle esthétique, puisqu’elle correspond à un nouveau projet de société. Il lui faut sans doute une autre place dans l’aménagement du territoire.

Enfin, l’acceptabilité doit passer par les territoires. Dans le programme Territoires d’industrie, on a associé les politiques et les industriels. On aurait pu associer les salariés et les habitants. Il est possible d’avoir une discussion collective sur le type d’industrie que les habitants sont prêts à accueillir si le sujet est bien amené. La réindustrialisation doit se faire autour d’un projet de territoire.

Dans le cadre de cette mission, quelles pourraient être les compétences à développer ?

ll est indispensable d’avoir des savoir-faire spécifiques dans l’industrie, des formations aux métiers industriels, et donc, des formations adaptées en quantité et en compétences. Toutefois, l’angle mort des débats est que les Français sont peu mobiles. Les salariés sont très attachés aux territoires sur lesquels ils travaillent. Il faut plus travailler sur les territoires pour les besoins du territoire avec les habitants du territoire. Il faut répondre aux besoins locaux des entreprises. A l’image du succès des écoles de production qui sont liées aux territoires. Les entreprises qui n’arrivaient pas à recruter se sont regroupées pour former des gens dont elles ont besoin.

La valeur la plus importante est la cohésion sociale et territoriale. Les efforts en matière de réindustrialisation ne se feront pas en opposant les ruraux aux urbains, les villes moyennes aux grandes métropoles. On n’arrivera jamais à répartir l’effort avec le poison de la division.

Le projet de loi industrie verte prévoit une simplification et une réduction des délais de procédures pour bâtir des usines. Quel regard portez-vous sur cette mesure ?

La simplification des textes est nécessaire. Mais nous avons eu peu de résultats en la matière jusqu’à présent. Les attentes de la société à l’égard des entreprises deviennent de plus en plus complexes. La société n’attend pas seulement de l’emploi et des résultats économiques. Elle souhaite aussi que les entreprises abordent la question de l’environnement, de l’inclusion, de la diversité et du bien-être au travail. La société imprime sur le monde économique une variété d’attentes parfaitement légitimes via des textes réglementaires.

La question est de savoir comment accompagner les chefs d’entreprise dans ce dédale ? Les fonctionnaires en charge d’appliquer la législation en sont les meilleurs connaisseurs. Nous devons leur faire confiance pour accompagner les porteurs de projets tout en gardant leur indépendance. C’est parfaitement possible, et cela se pratique dans d’autres pays.

La mise en parallèle des procédures prônée par la loi industrie verte exige que les fonctions publiques se fassent confiance, c’est un premier pas. Dans les Hauts-de-France, il y a un accord encore la Préfecture et la Présidence de région pour accorder une priorité aux projets industriels. Le traitement des dossiers industriels dans cette région respecte le droit. Mais cela va plus vite que dans d’autres régions. En se calant sur ces bonnes pratiques, il n’y a pas de raison pour que l’on n’y arrive pas à l’objectif fixé par cette loi.


Quel bilan tirez-vous de la mise en place de France 2030 ?

L’outil est nécessaire, indispensable pour nous repositionner sur les technologies de rupture et ses réalisations sont emblématiques, même s’il y a une lourdeur des procédures administratives dans la sélection des projets, selon une récente évaluation du comité de surveillance.

Le plan France 2030 permettrait d’augmenter la part de l’industrie de 0,5 point dans le PIB et créer de l’ordre de 100.000 emplois industriels, nous en avons aujourd’hui près de 3 millions. Est-ce que ce « seulement » +3% en emplois industriels est en phase avec nos ambitions de réindustrialisation ? Il faudra sans doute d’autres outils, complémentaires, pour une réindustrialisation à la hauteur des attentes.

Quel type de réindustrialisation ?

Quel type de réindustrialisation ?


Anaïs Voy-Gillis, chercheuse : « Il faut s’interroger sur la réindustrialisation que nous voulons ». La spécialiste des questions industrielles estime, dans un entretien au « Monde », que le retour de l’industrie en France doit s’accompagner d’une réflexion plus large sur les modèles de production et de consommation.

Chercheuse associée à l’Institut d’administration des entreprises de Poitiers et docteure en géographie, Anaïs Voy-Gillis est spécialiste des questions industrielles. Autrice, avec Olivier Lluansi, de Vers la renaissance industrielle (Editions Marie B, 2020), elle est, depuis peu, chargée de la stratégie au sein du groupe chimique français Humens, producteur de carbonate et de bicarbonate de sodium. ( dans « le Monde »)


Comment jugez-vous la réindustrialisation française ?

Timide. Depuis quelques années, la réindustrialisation est dans une dynamique positive, mais il est encore beaucoup trop tôt pour dire si c’est gagné ou pas. C’est un phénomène qui prend du temps et sa réussite ou son échec dépendent des critères retenus : doit-on seulement prendre en compte le nombre de créations et de fermetures d’usine ? Le nombre d’emplois créés ? La part de l’industrie dans le produit intérieur brut ? Le maintien et le renforcement du tissu industriel existant ?

Ou de sa finalité ? Réindustrialiser, oui, mais pour quoi faire ?

Les modèles industriels doivent évoluer sous l’effet des contraintes environnementales. Il faut donc s’interroger sur la réindustrialisation que nous souhaitons. Quels produits veut-on fabriquer ? Quels sont ceux que l’on veut importer ou rapatrier, dans quels volumes, etc. ? Il faut s’interroger plus globalement sur le modèle social que l’on veut construire.

Est-ce le cas ?
Non, pour l’instant, les débats sont très techniques au niveau des industriels et des élus, mais pas au niveau des citoyens et de l’ensemble de la société. Ces questions ont été, par exemple, très peu abordées durant les campagnes présidentielle et législatives en 2022. La croyance est encore trop forte que l’on va s’en sortir avec quelques aménagements à la marge et en décarbonant l’industrie.

La réindustrialisation ne recréera pas les 2,5 millions d’emplois détruits

La réindustrialisation ne recréera pas les 2,5 millions d’emplois détruits

Nommé par Bercy à la tête d’une nouvelle mission pour plancher sur la réindustrialisation à l’horizon 2035, l’expert Olivier Lluansi mise beaucoup sur les territoires pour accélérer la transition écologique. A l’occasion de la semaine de l’industrie, le gouvernement veut enclencher la vitesse supérieure sur les investissements et les implantations d’usines. Mais la réindustrialisation pourrait se transformer en parcours du combattant.( dans la « Tribun »e)

Olivier Lluansi est enseignant à l’Ecole des Mines de Paris, senior Fellow ESCP Business School

Les ministères de l’Economie, des Finances et de l’Industrie viennent de vous mandater pour une mission sur l’industrie en 2035. En quoi va-t-elle consister ? Quelle est votre feuille de route ?

OLIVIER LLUANSI – Il y a aujourd’hui une volonté de réindustrialiser la France. La question est de savoir quels sont les objectifs et à quelles échéances. Le chiffre de 15% du PIB a été exprimé, mais sans échéance, tandis que l’industrie manufacturière est aujourd’hui à 10%. D’autres défendent un objectif de 12% à l’horizon 2035, comme le directeur de BpiFrance, Nicolas Dufourcq. Dans un scénario catastrophe, la part de l’industrie dans le PIB pourrait passer à 8%.

Notons aussi que, le PIB est un indicateur contesté, car il ne représente pas les aspects de bien-être ou d’impacts environnementaux. La mission élargit le champ des indicateurs. Elle doit prendre en compte des indicateurs sur la trajectoire carbone, le poids de l’économie circulaire à viser en 2035. L’autre volet important de cette mission est de travailler sur des leviers à renforcer comme le Made in France. Nous devons rendre nos premiers travaux à la fin du premier trimestre 2024.

Allez-vous intégrer l’objectif des 5 points de PIB supplémentaires dans votre feuille de route ?

Oui, nous allons intégrer ce scénario dans l’étude. Cependant, certains économistes soulignent que cet objectif est très ambitieux à l’horizon de 2035. Il faut aussi rappeler que l’objectif de 15% se rapproche de la moyenne européenne (16%). Or, dans une société qui se veut sobre, et dans une industrie avec des gains de productivité, est-ce que la référence européenne va rester à ce même niveau dans les 10 années à venir ?

Comment la politique industrielle devrait-elle se caractériser au cours de la prochaine décennie ?

Ce sujet doit être une réflexion collective avec des points d’accord et de divergence. Les grands axes actuels concernent les filières avec des comités stratégiques, l’innovation de rupture, la capacité de la France à exporter et à attirer des investissements étrangers. Si la France veut réussir le pari de la réindustrialisation, il faudra sans doute avancer sur la question des territoires, le Made in France, les innovations incrémentales et frugales

Quels seraient les secteurs et les filières à privilégier selon vous ?

A partir d’un héritage gaullo-pompidolien, la France a beaucoup mis l’accent sur les filières stratégiques. Mais quand on regarde de près, il y a des éléments stratégiques dans toutes les filières. Si on réfléchit plus en termes de territoires et d’écosystème, on peut même se dire qu’il serait bénéfique de produire en France des produits à moyenne, voire faible valeur ajoutée.

Dans le cadre de la mission, je souhaiterai poser la question de l’élargissement de la notion de filières stratégiques ou pas. Le vélo, le textile ou l’horlogerie ne sont pas des filières stratégiques. Or, ces secteurs ont d’indéniables potentiels, au niveau national ou d’un territoire. Comment réussir la renaissance industrielle au-delà des filières stratégiques ?

Comment réussir la réindustrialisation en limitant l’impact sur l’emploi dans le contexte du réchauffement climatique ?

Il faut avoir un discours de vérité sur l’emploi. Une réindustrialisation même réussie ne recréera pas les 2,5 millions d’emplois détruits depuis 1975. Dans certains scénarios déjà ambitieux, il faudrait s’attendre à une création nette de 300.000 à 400.000 emplois industriels pour un poids de l’industrie dans le PIB à 12% d’ici 2035. Et ce ne sont pas les mêmes emplois que ceux qui ont disparu. Si la France arrive à créer ces emplois dans les 10 ans à venir, ce sera un bon marqueur de la réindustrialisation.

La question est, par exemple, de savoir où vont se situer ces emplois. Est-ce que l’on continue à concentrer la création de valeur ajoutée autour des métropoles, comme on l’a fait en favorisant une économie tertiaire ? Est-ce que la politique industrielle doit comporter un volet sur l’aménagement du territoire ? Il ne faut pas forcément choisir l’un ou l’autre, mais essayer d’être bien équilibré. Si on regarde France 2030, 70% des lauréats sont à proximité des douze principales métropoles françaises. Il y a certes un effet « siège », mais aussi une logique : les start-ups, industrielles ou pas, fondées sur des innovations de rupture s’appuient sur la recherche et l’enseignement supérieur, lesquels sont principalement situés dans les métropoles. Et pourtant, il y a beaucoup de projets qui restent dans les cartons, dans les ETI et les PMI dans les territoires. Comment les activer pour équilibrer notre réindustrialisation ?

L’une des valeurs les plus importantes est la cohésion sociale et territoriale. Les efforts en matière de réindustrialisation ne se feront pas en opposant les filières stratégiques et les autres, les ruraux aux urbains, les villes moyennes aux grandes métropoles. On n’arrivera jamais à répartir l’effort nécessaire face aux défis qui sont les nôtres, avec le poison de la division.

Faut-il mieux parler de réindustrialisation ou de relocalisation ?

Je pense qu’il faut plutôt parler de renaissance industrielle. Nous vivons un changement de paradigme. On vivait auparavant dans un monde de mondialisation et de consommation, voire de consommation de masse. Les chocs géopolitiques récents ont remis en avant le thème de la souveraineté. L’environnement est devenu un thème phare en raison du dépassement des limites planétaires. Nous sommes en train de changer de projet de société. Dans l’histoire récente, un outil productif a toujours servi un projet de société. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, De Gaulle et Pompidou veulent rendre la France indépendante et plus moderne avec des grands groupes internationaux et grands programmes. Notre outil productif s’est calé sur ce projet politique.

A partir des années 1970, l’économie a basculé dans un monde beaucoup plus mondialisé et une société de consommation. La France a basculé dans une société post-industrielle. A l’époque, produire n’est plus une priorité nationale. La préférence est donnée aux services. Pour gagner en pouvoir d’achat, il est logique de délocaliser. La France a restreint son outil productif en répondant à son projet de société. Aujourd’hui, un nouvel outil productif va devoir répondre aux enjeux de souveraineté et d’environnement. Il va falloir faire des choix. La France ne va pas faire revenir l’industrie d’avant.

Comment rendre la réindustrialisation plus socialement acceptable dans les années à venir ?

La réindustrialisation va être une course d’obstacles. Le premier obstacle franchi est d’avoir arrêté d’opposer industrie et environnement. Depuis 2021, on a compris que l’on ne pouvait pas répondre aux enjeux environnementaux sans réindustrialiser pour des questions d’empreinte carbone par exemple. Le deuxième obstacle franchi est de mettre la réindustrialisation comme une priorité dans l’agenda politique. Pendant la campagne présidentielle de 2022, il y a eu un consensus politique sur cette question. En mai 2023, le président de la République Emmanuel Macron a consacré la réindustrialisation comme « la mère des batailles ». Il reste néanmoins quelques grandes barrières à franchir. Par exemple, la question de l’électricité décarbonée et de sa compétitivité : difficile de livrer une telle bataille sans mobiliser un atout maître, notre parc électronucléaire, en faveur de l’industrie. De même, la France est un pays de faible densité d’habitants par km2 : la disponibilité de foncier devrait aussi être un atout.

Par ailleurs, l’industrie a encore une image très négative. Déconstruire un imaginaire collectif est très compliqué. Mon sentiment est que l’on ne peut pas déconstruire l’image négative de l’industrie si on ne lui enlève pas quelques « sacs de plomb » qu’elle porte. Plusieurs enquêtes ont montré que 60% des jeunes ont une mauvaise image de l’industrie à cause des conditions de travail : pénibilité, management vertical, conditions peu compatibles pour assurer un équilibre vie pro-vie perso. Il faut avancer sur ces questions.

En parallèle, il faut un récit plus positif de notre industrie. L’industrie va nous permettre de reconquérir notre souveraineté, de répondre aux défis environnementaux, de faire de la cohésion sociale et territoriale. Il lui faut, peut-être, une nouvelle esthétique, puisqu’elle correspond à un nouveau projet de société. Il lui faut sans doute une autre place dans l’aménagement du territoire.

Enfin, l’acceptabilité doit passer par les territoires. Dans le programme Territoires d’industrie, on a associé les politiques et les industriels. On aurait pu associer les salariés et les habitants. Il est possible d’avoir une discussion collective sur le type d’industrie que les habitants sont prêts à accueillir si le sujet est bien amené. La réindustrialisation doit se faire autour d’un projet de territoire.

Dans le cadre de cette mission, quelles pourraient être les compétences à développer ?

ll est indispensable d’avoir des savoir-faire spécifiques dans l’industrie, des formations aux métiers industriels, et donc, des formations adaptées en quantité et en compétences. Toutefois, l’angle mort des débats est que les Français sont peu mobiles. Les salariés sont très attachés aux territoires sur lesquels ils travaillent. Il faut plus travailler sur les territoires pour les besoins du territoire avec les habitants du territoire. Il faut répondre aux besoins locaux des entreprises. A l’image du succès des écoles de production qui sont liées aux territoires. Les entreprises qui n’arrivaient pas à recruter se sont regroupées pour former des gens dont elles ont besoin.

La valeur la plus importante est la cohésion sociale et territoriale. Les efforts en matière de réindustrialisation ne se feront pas en opposant les ruraux aux urbains, les villes moyennes aux grandes métropoles. On n’arrivera jamais à répartir l’effort avec le poison de la division.

Le projet de loi industrie verte prévoit une simplification et une réduction des délais de procédures pour bâtir des usines. Quel regard portez-vous sur cette mesure ?

La simplification des textes est nécessaire. Mais nous avons eu peu de résultats en la matière jusqu’à présent. Les attentes de la société à l’égard des entreprises deviennent de plus en plus complexes. La société n’attend pas seulement de l’emploi et des résultats économiques. Elle souhaite aussi que les entreprises abordent la question de l’environnement, de l’inclusion, de la diversité et du bien-être au travail. La société imprime sur le monde économique une variété d’attentes parfaitement légitimes via des textes réglementaires.

La question est de savoir comment accompagner les chefs d’entreprise dans ce dédale ? Les fonctionnaires en charge d’appliquer la législation en sont les meilleurs connaisseurs. Nous devons leur faire confiance pour accompagner les porteurs de projets tout en gardant leur indépendance. C’est parfaitement possible, et cela se pratique dans d’autres pays.

La mise en parallèle des procédures prônée par la loi industrie verte exige que les fonctions publiques se fassent confiance, c’est un premier pas. Dans les Hauts-de-France, il y a un accord encore la Préfecture et la Présidence de région pour accorder une priorité aux projets industriels. Le traitement des dossiers industriels dans cette région respecte le droit. Mais cela va plus vite que dans d’autres régions. En se calant sur ces bonnes pratiques, il n’y a pas de raison pour que l’on n’y arrive pas à l’objectif fixé par cette loi.


Quel bilan tirez-vous de la mise en place de France 2030 ?

L’outil est nécessaire, indispensable pour nous repositionner sur les technologies de rupture et ses réalisations sont emblématiques, même s’il y a une lourdeur des procédures administratives dans la sélection des projets, selon une récente évaluation du comité de surveillance.

Le plan France 2030 permettrait d’augmenter la part de l’industrie de 0,5 point dans le PIB et créer de l’ordre de 100.000 emplois industriels, nous en avons aujourd’hui près de 3 millions. Est-ce que ce « seulement » +3% en emplois industriels est en phase avec nos ambitions de réindustrialisation ? Il faudra sans doute d’autres outils, complémentaires, pour une réindustrialisation à la hauteur des attentes.

Grégoire Normand

Réindustrialisation: Tout reste à faire et pour longtemps

Réindustrialisation: Tout reste à faire et pour longtemps

Alors que le salon du Made in France se tient porte de Versailles à Paris jusqu’à dimanche prochain, force est de constater que la désindustrialisation a atteint un tel niveau que le redressement demandera un effort considérable et pour longtemps. La balance commerciale toujours dramatiquement très déficitaire témoigne d’ailleurs du manque de compétitivité de l’insuffisance de produits de qualité en France. Pendant des dizaines d’années, on a en effet privilégier la délocalisation transformant au passage certains territoires en véritables déserts économiques voire sociaux et sociétaux.

La France, peut malheureusement s’honorer du titre de championne des délocalisations selon France Stratégie ( Institution rattachée au Premier ministre)

Les Français achètent certes en grande majorité (85%) des produits fabriqués dans l’Hexagone, selon un sondage réalisé par OpinionWay pour CCI France. Mais plus de deux tiers (67%) estiment que l’inflation a eu un impact sur cette consommation.

La part du « fabriqué en France » dans la demande intérieure finale française a perdu 11 points entre en 50 ans, passant de 89% à 78%, selon une analyse de l’Insee, publiée il y a quelques jours. Cette baisse est d’autant plus prononcée pour les produits manufacturés, où la part représentée par le Made in France a chuté de 82% à 38% en cinq décennies.

Résultat, des secteurs entiers se retrouvent en fortes difficultés à l’instar de l’industrie du textile. Ces dernières années, le gouvernement a certes multiplié les plans et les aides en faveur de l’industrie (Territoires d’industrie, plan de relance, France 2030). Mais le niveau d’activité de l’industrie manufacturière n’a pas encore retrouvé son niveau d’avant crise sanitaire souligne l’Insee. Autant dire que le chantier de la réindustrialisation semble colossal.

Pourrait industrialiser la France, il faudra aussi trouver les moyens financiers et de ce point de vue la création d’un livret A industrie durable serait fort utile pour aider au redressement

Réindustrialisation : pour un livret A industrie durable

Réindustrialisation : pour un livret A industrie durable

Trois députés – Thomas Gassilloud (Renaissance), Christophe Plassard (Horizon) et Jean-Louis Thiériot (Les Républicains) – ont à nouveau déposé un amendement qui propose d’assigner « l’épargne des Livrets A et de développement durable et solidaire aux entreprises, notamment petites et moyennes sur les technologies de défense. Mais le problème se pose pour l’ensemble de l’industrie

Pour des questions constitutionnelles plus ou moins artificielles, la proposition déjà déposée précédemment avait été rejetée par le gouvernement car considérée comme irrecevable vis-à-vis de la constitution.

Le problème du financement de l’industrie dépasse celui du seul secteur de la défense. Par ailleurs se pose la question de l’utilisation effective des livrets d’épargne réglementée. Or sur cette question,, c’est le grand flou. Théoriquement l’essentiel des livrets d’épargne devrait être laissé vers le logement. Dans la pratique, c’est loin d’être le cas compte tenu de l’opacité sur ce sujet des banques qui collectent une grande partie des ressources

Par ailleurs, les travaux du rapporteur spécial des programmes 144 et 146 pour ce projet de loi de finances ont démontré que, depuis 2008, les banques contournent l’obligation qui est la leur de rendre public annuellement un rapport présentant l’emploi des ressources collectées au titre de ces deux livrets et non centralisées, en faisant figurer dans ce rapport l’ensemble de leurs fonds investis, et pas seulement les ressources collectées dans les livrets réglementés.

L’amendement propose donc « de préciser, clairement, que cette obligation faite aux établissements bancaires ne concerne que ces ressources collectées au titre des livrets, et pas les autres ».

Il serait temps et même urgent de créer un livret d’épargne a dessiné à l’industrie durable dans le cadre de la réindustrialisation du pays.

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