« Six idées pour redresser la France »
Yvon Gattaz l’ancien président de l’organisation patronale évoque les solutions pour sortir de la crise (chronique dans l’Opinion )
Comme dans toute crise, je lis beaucoup d’analyses qui pointent les faiblesses (réelles) de notre pays et en concluent à un déclassement inéluctable. Mais ce constat déprimant n’est pas accompagné d’un plan d’actions. Or, comme chef d’entreprise et comme responsable patronal, je crois que rien n’est perdu. Partons des besoins de nos concitoyens pour retrouver le bien-être et l’optimisme, et la prospérité de notre pays suivra. Je vois six besoins qui doivent se penser comme une pyramide qui, à l’instar de celle de Maslow, ne peut trouver sa cohérence que sur la solidité des couches de la base.
Le premier besoin est la sécurité : sécurité physique et matérielle minimum, sécurité de l’environnement familial, sécurité sanitaire, sécurité environnementale. C’est clairement l’urgence et c’est le plus compliqué. Rétablir la sécurité dans les villes, dans la vie de tous les jours, restaurer l’Etat de droit, le respect de la police et de la justice, le respect des citoyens, et permettre néanmoins un droit d’expression sans haine et sans violence, que ce soit au travers des idées ou de manifestations… Cela suppose de changer d’approche : d’édicter des règles simples et compréhensibles, de faire confiance aux acteurs de terrain et de les accompagner, tout en sanctionnant les fautes. Bref, de repenser notre approche législative, réglementaire et notre organisation administrative.
Le deuxième besoin est l’éducation et la formation. L’éducation de base à l’école, bien évidemment pour les acquis indispensables, dont les notions de citoyenneté et de laïcité. Mais aussi la formation à un métier en variant les approches pédagogiques, en misant réellement sur l’apprentissage si maltraité en France depuis quarante ans, et pourtant tellement essentiel pour nos jeunes. Et, bien sûr, organiser la formation tout au long de la vie puisque tout bouge continuellement et que rien n’est définitivement acquis.
Le troisième besoin est l’emploi. Besoin essentiel pour tout être humain. L’emploi, et donc le métier, apporte ressources financières, épanouissement, fierté et dignité humaine. Mais sans entreprise performante, pas d’emploi durable et viable. C’est pour cela qu’il est important que l’économie du pays fonctionne correctement, notamment au niveau industriel. C’est l’économie qui tire le social. Pas l’inverse.
Le quatrième besoin est le pouvoir d’achat. Si l’emploi n’est pas suffisamment rémunérateur, ou si le niveau de taxation est trop élevé, alors il peut y avoir une énorme frustration. On travaille mais pour rien ! La fiscalité joue un rôle considérable sur les ressources nettes de chaque concitoyen et de chaque entreprise. Si cette fiscalité est trop lourde en raison notamment de dépenses publiques trop élevées, alors nos concitoyens seront asphyxiés et nos entreprises exsangues. Il faut donc diminuer les dépenses publiques au niveau de la moyenne européenne, à 49% du PIB. Nous sommes à 56 % à fin 2019, avant la crise. Une France surtaxée est asphyxiante pour ces entreprises et ces concitoyens.
Le cinquième besoin est l’espoir. L’espoir est essentiel dans le bien-être de chacun. Si les étages inférieurs de la pyramide sont assouvis mais s’il n’y a pas d’espoir pour un individu ou pour sa famille, alors il peut y avoir pessimisme, dépression ou colère. Il est donc fondamental pour le pays, comme pour une entreprise, de construire l’avenir, de lancer des projets, notamment en répondant aux grands défis de l’humanité qui sont autant de marchés à développer et d’espoir à retrouver : les énergies renouvelables, les nouvelles mobilités, la santé, la révolution digitale, l’entreprenariat sous toutes ses formes… La France doit de nouveau regarder l’avenir et le construire. L’audace, l’innovation et le courage en sont les principaux ingrédients.
Enfin, le sixième besoin est la fierté. La fierté, c’est celle du travail accompli individuellement, collectivement, au niveau d’une entreprise ou d’une association, d’un pays ou d’une communauté de pays. Même si les cinq étages précédents sont correctement assouvis, s’il manque la fierté d’être Français et Européen, alors la pyramide sera imparfaite et vacillante. Comme dans nos entreprises et dans tout projet humain, la fierté est un très grand moteur de motivation pour avancer, accélérer, surmonter les épreuves, et à la fin gagner.
Redonner confiance à tous nos compatriotes, regarder ensemble vers le futur, le construire, et in fine redresser durablement notre pays, c’est possible. Il faut y croire !
Ancien président du Medef, Pierre Gattaz est président du directoire de Radiall et président de l’association patronale européenne Business Europe.