Archive pour le Tag 'Reconnecter'

Se reconnecter à la nature

Se reconnecter à la nature

Consommer moins et mieux, se déplacer en transport en commun, produire moins de déchets et les trier correctement… Favoriser l’émergence de comportements pro-environnementaux chez les individus constitue un défi majeur et urgent face au changement climatique. Les motivations pour agir dans l’intérêt de la planète sont très diverses et peuvent être propres aux individus ou stimulées par des facteurs externes ou sociaux. Les pouvoirs publics peuvent en effet avoir recours à de multiples leviers pour encourager les comportements durables. De manière globale, l’individu est sensible au contexte dans lequel il prend ses décisions. Nous savons aussi que notre état émotionnel n’est pas neutre dans la lutte contre le réchauffement climatique et que la nature influence directement et positivement à la fois notre état physique et psychologique.

par
Lisette Ibanez
Directrice de recherche en économie comportementale et environnementale, CEE-M, Inrae

Sébastien Roussel
Professeur des Universités en Sciences Economiques, CEE-M & EPSYLON, Université Paul Valéry – Montpellier III

Les individus évoluent le plus souvent dans un environnement urbanisé et passent une grande partie de leur temps loin de la nature, en raison de leurs activités professionnelles et personnelles. Cela contribue à une déconnexion physique et psychologique avec la nature alors que favoriser cette connexion pourrait promouvoir la réalisation de comportements pro-environnementaux.

Nous nous sommes demandé si le fait de favoriser la connexion à la nature pourrait stimuler le sentiment d’appartenance à la biosphère, et inciter les individus à être plus enclins à protéger l’environnement. Le cas échéant, cela constituerait une stratégie efficace et peu coûteuse. Nous avons donc étudié l’impact potentiel d’une exposition virtuelle à la nature (via le visionnage d’une vidéo) sur les comportements pro-environnementaux.

Nous testons ce lien de causalité dans le cadre d’une expérience en laboratoire où 113 sujets regardent une vidéo de 12 minutes. En fonction du traitement expérimental dans lequel ils se trouvent, les sujets visionnent soit une vidéo présentant un environnement urbain (extrait d’un documentaire sur l’architecture de la ville de New York), soit une vidéo présentant un environnement naturel (extrait du documentaire Wild Yellowstone réalisé par la chaîne National Geographic).

Pour évaluer l’impact, nous étudions deux décisions réelles effectuées suite au visionnage : une décision monétaire, correspondant à un don auprès d’une ONG de protection de l’environnement, puis une décision non monétaire, en l’occurrence un éco-geste de recyclage de charlottes hygiéniques pour un casque audio.

Nous avons inclus dans le protocole expérimental un questionnaire pour évaluer la conscience écologique des participants (échelle New Ecological Paradigm). Cet outil mesure les attitudes à l’égard de la nature, de sa sauvegarde, des menaces qui pèsent sur elle, et des comportements humains à proscrire ou à encourager pour sa préservation. Il permet de classer les individus en fonction du niveau de leur conscience écologique. Chaque individu obtient un score moyen compris entre 1 (aucune conscience écologique) et 5 (très forte conscience écologique). En s’appuyant sur la procédure Johnson-Neyman, nous avons scindé l’échantillon en deux groupes : les individus avec une conscience écologique relativement faible (inférieur à 4), et ceux avec une conscience écologique relativement élevée (supérieur ou égal à 4).
L’analyse des réponses collectées lors de cette expérience démontre qu’une exposition virtuelle à la nature augmente à la fois le don monétaire (+0,83 euro en moyenne sur une gamme de dons possibles comprise entre 0 et 10 euros) et l’éco-geste (+15 %) par rapport aux sujets virtuellement exposés à un environnement urbain. Autrement dit, l’exposition à la nature agit à la fois sur la disposition à faire un effort financier, ainsi que sur la disposition à faire un effort physique en faveur de l’environnement.

Le résultat particulièrement intéressant de cette expérience est que l’accroissement de comportements pro-environnementaux provient principalement des individus qui déclarent au préalable avoir une conscience écologique relativement faible. Au sein de ce groupe, après le visionnage d’une vidéo sur la nature, les dons augmentent de 1,47 € en moyenne, et plus de la moitié des individus effectuent l’éco-geste.

Un autre point à noter est que nous n’avons pas trouvé d’effets d’entraînement entre le don monétaire et l’éco-geste. En d’autres termes, le fait de donner n’augmente pas ou ne diminue pas la probabilité d’effectuer un éco-geste.

Pour nous assurer de la pertinence de nos résultats et bien comprendre les mécanismes à l’œuvre, nous avons intégré dans notre protocole expérimental deux vérifications de robustesse.

Nous avons vérifié que l’impact provenait de la thématique de la vidéo présentant un environnement naturel et non de sa composante émotionnelle. Pour cela, nous avons réalisé une expérience de contrôle avec un nouveau groupe. À la place de la vidéo présentant un environnement naturel, les participants ont visionné une succession de scènes tirées de films sans aucune référence à la nature, mais générant le même type d’émotions positives (Bruce Tout-Puissant, Sister Act, Ce que veulent les femmes, Wall-E). Il apparaît que pour un même type d’émotions ressenties, le don est significativement plus fort lorsque les sujets visionnent une vidéo qui fait référence à la nature (+1,13 euro en moyenne).

En 2009, de nombreux observateurs se sont demandé si la diffusion du film Home deux jours avant les élections européennes avait stimulé les votes pour le parti Europe Ecologie.

Nous avons également examiné si la thématique « naturelle » de la vidéo avait une influence sur le choix du destinataire du don. Pour cela, nous avons réalisé une autre expérience de contrôle avec un nouveau groupe, en leur proposant de faire un don à une ONG humanitaire n’opérant pas dans le domaine de la protection de l’environnement. Nous avons constaté que, quel que soit le champ d’action de l’ONG, le montant du don n’est pas significativement différent.

Dans l’ensemble les résultats de cette expérience semblent démontrer qu’il existe un impact positif d’une exposition virtuelle à la nature sur les comportements pro-environnementaux. Les implications politiques sont nombreuses. Les décideurs publics pourraient avoir recours à des solutions ludiques et facilement accessibles, s’apparentant à des coups de pouce/nudges verts, où l’individu serait exposé de manière répétée voire permanente à la nature. Les colonnes de tri, les bus et tramway pourraient par exemple être habillés d’images rappelant la nature. Ces solutions sont en général peu coûteuses, non contraignantes, et faciles à mettre en œuvre.

Ce type de solutions est complémentaire de la renaturalisation urbaine en réduisant la distance vers des espaces verts urbains, en installant des jardins partagés, en plantant plus d’arbres pour lutter contre les îlots de chaleurs, ou en créant des murs végétalisés. Combiner des solutions virtuelles et des solutions opérationnelles peut créer des synergies positives permettant de reconnecter les individus vers la nature, et ainsi promouvoir des comportements pro-environnementaux.

Reconnecter à la nature

Reconnecter à la nature

Consommer moins et mieux, se déplacer en transport en commun, produire moins de déchets et les trier correctement… Favoriser l’émergence de comportements pro-environnementaux chez les individus constitue un défi majeur et urgent face au changement climatique. Les motivations pour agir dans l’intérêt de la planète sont très diverses et peuvent être propres aux individus ou stimulées par des facteurs externes ou sociaux. Les pouvoirs publics peuvent en effet avoir recours à de multiples leviers pour encourager les comportements durables. De manière globale, l’individu est sensible au contexte dans lequel il prend ses décisions. Nous savons aussi que notre état émotionnel n’est pas neutre dans la lutte contre le réchauffement climatique et que la nature influence directement et positivement à la fois notre état physique et psychologique.

par
Lisette Ibanez
Directrice de recherche en économie comportementale et environnementale, CEE-M, Inrae

Sébastien Roussel
Professeur des Universités en Sciences Economiques, CEE-M & EPSYLON, Université Paul Valéry – Montpellier III

Les individus évoluent le plus souvent dans un environnement urbanisé et passent une grande partie de leur temps loin de la nature, en raison de leurs activités professionnelles et personnelles. Cela contribue à une déconnexion physique et psychologique avec la nature alors que favoriser cette connexion pourrait promouvoir la réalisation de comportements pro-environnementaux.

Nous nous sommes demandé si le fait de favoriser la connexion à la nature pourrait stimuler le sentiment d’appartenance à la biosphère, et inciter les individus à être plus enclins à protéger l’environnement. Le cas échéant, cela constituerait une stratégie efficace et peu coûteuse. Nous avons donc étudié l’impact potentiel d’une exposition virtuelle à la nature (via le visionnage d’une vidéo) sur les comportements pro-environnementaux.

Nous testons ce lien de causalité dans le cadre d’une expérience en laboratoire où 113 sujets regardent une vidéo de 12 minutes. En fonction du traitement expérimental dans lequel ils se trouvent, les sujets visionnent soit une vidéo présentant un environnement urbain (extrait d’un documentaire sur l’architecture de la ville de New York), soit une vidéo présentant un environnement naturel (extrait du documentaire Wild Yellowstone réalisé par la chaîne National Geographic).

Pour évaluer l’impact, nous étudions deux décisions réelles effectuées suite au visionnage : une décision monétaire, correspondant à un don auprès d’une ONG de protection de l’environnement, puis une décision non monétaire, en l’occurrence un éco-geste de recyclage de charlottes hygiéniques pour un casque audio.

Nous avons inclus dans le protocole expérimental un questionnaire pour évaluer la conscience écologique des participants (échelle New Ecological Paradigm). Cet outil mesure les attitudes à l’égard de la nature, de sa sauvegarde, des menaces qui pèsent sur elle, et des comportements humains à proscrire ou à encourager pour sa préservation. Il permet de classer les individus en fonction du niveau de leur conscience écologique. Chaque individu obtient un score moyen compris entre 1 (aucune conscience écologique) et 5 (très forte conscience écologique). En s’appuyant sur la procédure Johnson-Neyman, nous avons scindé l’échantillon en deux groupes : les individus avec une conscience écologique relativement faible (inférieur à 4), et ceux avec une conscience écologique relativement élevée (supérieur ou égal à 4).
L’analyse des réponses collectées lors de cette expérience démontre qu’une exposition virtuelle à la nature augmente à la fois le don monétaire (+0,83 euro en moyenne sur une gamme de dons possibles comprise entre 0 et 10 euros) et l’éco-geste (+15 %) par rapport aux sujets virtuellement exposés à un environnement urbain. Autrement dit, l’exposition à la nature agit à la fois sur la disposition à faire un effort financier, ainsi que sur la disposition à faire un effort physique en faveur de l’environnement.

Le résultat particulièrement intéressant de cette expérience est que l’accroissement de comportements pro-environnementaux provient principalement des individus qui déclarent au préalable avoir une conscience écologique relativement faible. Au sein de ce groupe, après le visionnage d’une vidéo sur la nature, les dons augmentent de 1,47 € en moyenne, et plus de la moitié des individus effectuent l’éco-geste.

Un autre point à noter est que nous n’avons pas trouvé d’effets d’entraînement entre le don monétaire et l’éco-geste. En d’autres termes, le fait de donner n’augmente pas ou ne diminue pas la probabilité d’effectuer un éco-geste.

Pour nous assurer de la pertinence de nos résultats et bien comprendre les mécanismes à l’œuvre, nous avons intégré dans notre protocole expérimental deux vérifications de robustesse.

Nous avons vérifié que l’impact provenait de la thématique de la vidéo présentant un environnement naturel et non de sa composante émotionnelle. Pour cela, nous avons réalisé une expérience de contrôle avec un nouveau groupe. À la place de la vidéo présentant un environnement naturel, les participants ont visionné une succession de scènes tirées de films sans aucune référence à la nature, mais générant le même type d’émotions positives (Bruce Tout-Puissant, Sister Act, Ce que veulent les femmes, Wall-E). Il apparaît que pour un même type d’émotions ressenties, le don est significativement plus fort lorsque les sujets visionnent une vidéo qui fait référence à la nature (+1,13 euro en moyenne).

En 2009, de nombreux observateurs se sont demandé si la diffusion du film Home deux jours avant les élections européennes avait stimulé les votes pour le parti Europe Ecologie.

Nous avons également examiné si la thématique « naturelle » de la vidéo avait une influence sur le choix du destinataire du don. Pour cela, nous avons réalisé une autre expérience de contrôle avec un nouveau groupe, en leur proposant de faire un don à une ONG humanitaire n’opérant pas dans le domaine de la protection de l’environnement. Nous avons constaté que, quel que soit le champ d’action de l’ONG, le montant du don n’est pas significativement différent.

Dans l’ensemble les résultats de cette expérience semblent démontrer qu’il existe un impact positif d’une exposition virtuelle à la nature sur les comportements pro-environnementaux. Les implications politiques sont nombreuses. Les décideurs publics pourraient avoir recours à des solutions ludiques et facilement accessibles, s’apparentant à des coups de pouce/nudges verts, où l’individu serait exposé de manière répétée voire permanente à la nature. Les colonnes de tri, les bus et tramway pourraient par exemple être habillés d’images rappelant la nature. Ces solutions sont en général peu coûteuses, non contraignantes, et faciles à mettre en œuvre.

Ce type de solutions est complémentaire de la renaturalisation urbaine en réduisant la distance vers des espaces verts urbains, en installant des jardins partagés, en plantant plus d’arbres pour lutter contre les îlots de chaleurs, ou en créant des murs végétalisés. Combiner des solutions virtuelles et des solutions opérationnelles peut créer des synergies positives permettant de reconnecter les individus vers la nature, et ainsi promouvoir des comportements pro-environnementaux.

Reconnecter notre économie aux réalités de la nature

 Reconnecter notre économie aux réalités de la nature

 

 Tribune d’un collectif dans le monde

Alors que la crise sanitaire a démontré la fragilité de notre modèle agricole, un collectif de personnalités engagées pour une transition écologique et solidaire plaide pour un nouveau pacte entre villes et campagne et invite à repenser notre relation à la terre.

Tribune. Le Covid-19 aura eu au moins un mérite : révéler au plus grand nombre la vulnérabilité de notre système et rendre manifeste l’urgence de proposer de nouveaux modèles de production et de vivre-ensemble, plus résilients, porteurs de sens, créateurs de richesses et de solidarités. Face aux crises écologiques, économiques et sociales s’impose une évidence : la nécessité de (re)toucher terre. Un retour à la terre que nous entendons au sens large, c’est-à-dire repenser les relations ville-campagne, reconnecter notre société hors-sol au vivant et redonner une place centrale à l’agriculture et aux paysans.

Le modèle urbain consumériste arrive en bout de course. Cette impasse invite à changer de regard sur la ruralité. Loin des congestions automobiles et du stress, agriculteurs, entrepreneurs, associations, artistes et collectivités inventent chaque jour d’autres façons de produire, de travailler, d’habiter. Ils refont battre le cœur des villages, mettent de la poésie dans nos vies, permettent la résilience alimentaire et économique, mettent les gens en relation et ouvrent à de nouvelles solidarités.

Ce foisonnement d’expériences offre une occasion pour les campagnes de jouer un rôle politique fort dans la construction du monde de demain et invite à penser de nouveaux équilibres territoriaux. Oui, les campagnes qualifient les villes aujourd’hui ! Nous plaidons pour un nouveau pacte ville-campagne qui favoriserait les complémentarités et les mises en cohérence plutôt que l’irresponsable « laisser-faire » libéral.

Miser sur l’intelligence collective

Les nouveaux modes de travail et les technologies rendent aujourd’hui possible un exode urbain. Le confinement loin des villes aura permis à de nombreux citadins de l’expérimenter temporairement, et pour certains de sauter le pas définitivement. Mais pour que ce phénomène soit une véritable opportunité, il doit faire l’objet de « politiques d’accueil ». Et inversement, les projets des néoruraux doivent s’inscrire dans le respect des spécificités et des besoins locaux. Seul un projet politique qui s’inscrit dans des processus de rencontres entre les différents acteurs fera sens, et permettra à chacun de s’approprier le territoire et de travailler ensemble.

La diversité et le lien sont les seules réponses à la complexité. Les crises actuelles ont pris racine dans un mal invisible : celui de l’uniformisation des êtres et des territoires. Face à l’ineptie d’un monde cloisonné, nous devons concentrer nos efforts sur le lien à l’autre : entre citadins et ruraux, entre les mondes agricoles, économiques, politiques et artistiques. La résilience ne peut se créer qu’en misant sur nos complémentarités. L’innovation naît de l’intelligence collective.

 




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