Archive pour le Tag 'réarmement'

Un plan de « réarmement sexuel » ?

Un plan de « réarmement sexuel » ?

Comme le président de la république annonce des plans de réarmement dans tous les domaines, le plan sexuel pourrait bien aussi en bénéficier. On pourrait par exemple distribuer des chèques, prévoir des réductions fiscales et pourquoi pas un ministère ? En effet, Les Français et les Françaises font de moins en moins l’amour, selon un sondage Ifop réalisé au mois de janvier et dévoilé ce mardi 6 février. En clair: 76% des personnes interrogées ont eu un rapport sexuel au cours des douze derniers mois. Ce qui représente un plus bas sans précédent depuis cinquante ans.

Cette baisse de l’activité sexuelle semble toucher particulièrement les jeunes: plus d’un quart des 18 à 24 ans initiés sexuellement reconnaissent ne pas avoir eu de rapport sexuel en un an. Soit cinq fois plus qu’il y a une vingtaine d’années.Pourquoi ne pas aussi intégrer cette préoccupation dans le service national unifié ( ancien service militaire transformé en colonie de vacances de trois semaines)

En ce qui concerne les causes de cette récession sexuelle, si elles restent multiples, l’Ifop pointe tout de même la concurrence d’activités numériques et souligne le fait que la vie sexuelle d’aujourd’hui est « moins intense qu’avant l’ère du smartphone et du haut débit ».

Pour le temps sexuel on serait plutôt en bas débit !

Bientôt un plan de « réarmement sexuel »

Bientôt un plan de « réarmement sexuel »

Comme le président de la république annonce des plans de réarmement dans tous les domaines, le plan sexuel pourrait bien aussi en bénéficier. On pourrait par exemple distribuer des chèques, prévoir des réductions fiscales et pourquoi pas un ministère ? En effet, Les Français et les Françaises font de moins en moins l’amour, selon un sondage Ifop réalisé au mois de janvier et dévoilé ce mardi 6 février. En clair: 76% des personnes interrogées ont eu un rapport sexuel au cours des douze derniers mois. Ce qui représente un plus bas sans précédent depuis cinquante ans.

Cette baisse de l’activité sexuelle semble toucher particulièrement les jeunes: plus d’un quart des 18 à 24 ans initiés sexuellement reconnaissent ne pas avoir eu de rapport sexuel en un an. Soit cinq fois plus qu’il y a une vingtaine d’années.Pourquoi ne pas aussi intégrer cette préoccupation dans le service national unifié ( ancien service militaire transformé en colonie de vacances de trois semaines)

En ce qui concerne les causes de cette récession sexuelle, si elles restent multiples, l’Ifop pointe tout de même la concurrence d’activités numériques et souligne le fait que la vie sexuelle d’aujourd’hui est « moins intense qu’avant l’ère du smartphone et du haut débit ».

Pour le temps sexuel on serait plutôt en bas débit !

« Réarmement  » de Macron : une révolution sémantique de salon

« Réarmement « : une révolution sémantique de salon

Partout désormais c’est le mot d’ordre de réarmement qui domine la plupart des sujets politiques dans le domaine civique, dans le domaine de la santé, celui de la formation, de l’industrialisation de la démographie et de la simplification.

Une sémantique de type marketing bien mal adapté au sujet qu’elle prétend traiter. Le véritable armement en tout cas le premier est celui de la sécurité et de la défense. Or Attal a tout simplement oublié d’évoquer la situation géopolitique très tendue qui se manifeste aujourd’hui par une guerre proche des frontières de l’Europe. Or si la France dispose d’une armée complète c’est une armée cependant miniature qui ne résisterait pas un mois face aux russes. Certes il y a la programmation de la loi militaire. Des promesses déjà faites mais rarement tenues. Et ce service national qui ne ressemble strictement à rien de deux ou trois semaines qui n’a rien de militaire et qui ressemble à une colonie de vacances. Par l’expérience des récents conflits au Proche-Orient comme en Ukraine montre qu’en dernier ressort ce sont les troupes au sol qui compte et qui se font massacrer faute de matériel certes mais surtout aussi de formation.

Pour le reste le réarmement constitue un terme bien inadéquate pour parler de santé, d’économie, d’éducation et pire, de démographie.

Comment croire à ce concept de réarmement évoqué en président en permanence par un président qui n’a pas jugé bon de faire son service militaire. Ce discours guerrier n’a d’écho que dans les salons. En outre il fait l’impasse sur nombre de champs régaliens où là il faudrait effectivement durcir comme le trafic de drogue, la sécurité ou l’islamisme. Face au vide, on tente de combler par des mots inadaptés et creux « Nous sommes prêts à affronter pour avancer. La France n’a jamais été et ne sera jamais une nation qui subit. Ni hier, ni aujourd’hui, ni demain. »

« Notre agriculture est une force. Pas simplement parce qu’elle nous alimente au sens propre du terme, mais parce qu’elle constitue l’un des fondements de notre identité, de nos traditions »

Mais où est l’analyse, la vision, la prospective ?

Un seul exemple des contradictions en matière de simplification. Le premier ministre promet de supprimer tous les organismes plus ou moins paritaires et-ou administratifs qui ne se seraient pas réunis pendant un an. Et ce qui au contraire se réunissent trop souvent et qui ne cesse de produire procédures , contrôles et sanctions inutiles ?

Ce ne sont pas les institutions qui roupillent qu’il convient de supprimer en premier mais les institutions qui débordent de hauts fonctionnaires qui justifient leur salaire en en complexifiant la vie économique et sociale et la société.

Concept de « Réarmement « : surtout une révolution purement sémantique

Concept de « Réarmement « : surtout une révolution purement sémantique de salon

Partout désormais c’est le mot d’ordre de réarmement qui domine la plupart des sujets politiques dans le domaine civique, dans le domaine de la santé, celui de la formation, de l’industrialisation de la démographie et de la simplification.

Une sémantique de type marketing bien mal adapté au sujet qu’elle prétend traiter. Le véritable armement en tout cas le premier est celui de la sécurité et de la défense. Or Attal a tout simplement oublié d’évoquer la situation géopolitique très tendue qui se manifeste aujourd’hui par une guerre proche des frontières de l’Europe. Or si la France dispose d’une armée complète c’est une armée cependant miniature qui ne résisterait pas un mois face aux russes. Certes il y a la programmation de la loi militaire. Des promesses déjà faites mais rarement tenues. Et ce service national qui ne ressemble strictement à rien de deux ou trois semaines qui n’a rien de militaire et qui ressemble à une colonie de vacances. Par l’expérience des récents conflits au Proche-Orient comme en Ukraine montre qu’en dernier ressort ce sont les troupes au sol qui compte et qui se font massacrer faute de matériel certes mais surtout aussi de formation.

Pour le reste le réarmement constitue un terme bien inadéquate pour parler de santé, d’économie, d’éducation et pire, de démographie.

Comment croire à ce concept de réarmement évoqué en président en permanence par un président qui n’a pas jugé bon de faire son service militaire. Ce discours guerrier n’a d’écho que dans les salons. En outre il fait l’impasse sur nombre de champs régaliens où là il faudrait effectivement durcir comme le trafic de drogue, la sécurité ou l’islamisme. Face au vide, on tente de combler par des mots inadaptés et creux « Nous sommes prêts à affronter pour avancer. La France n’a jamais été et ne sera jamais une nation qui subit. Ni hier, ni aujourd’hui, ni demain. »

« Notre agriculture est une force. Pas simplement parce qu’elle nous alimente au sens propre du terme, mais parce qu’elle constitue l’un des fondements de notre identité, de nos traditions »

Mais où est l’analyse, la vision, la prospective ?

Un seul exemple des contradictions en matière de simplification. Le premier ministre promet de supprimer tous les organismes plus ou moins paritaires et-ou administratifs qui ne se seraient pas réunis pendant un an. Et ce qui au contraire se réunissent trop souvent et qui ne cesse de produire procédures , contrôles et sanctions inutiles ?

Ce ne sont pas les institutions qui roupillent qu’il convient de supprimer en premier mais les institutions qui débordent de hauts fonctionnaires qui justifient leur salaire en en complexifiant la vie économique et sociale et la société.

Concept de « Réarmement « : surtout une révolution purement sémantique de salon

Concept de « Réarmement « : surtout une révolution purement sémantique de salon

Partout désormais c’est le mot d’ordre de réarmement qui domine la plupart des sujets politiques dans le domaine civique, dans le domaine de la santé, celui de la formation, de l’industrialisation de la démographie et de la simplification.

Une sémantique de type marketing bien mal adapté au sujet qu’elle prétend traiter. Le véritable armement en tout cas le premier est celui de la sécurité et de la défense. Or Attal a tout simplement oublié d’évoquer la situation géopolitique très tendue qui se manifeste aujourd’hui par une guerre proche des frontières de l’Europe. Or si la France dispose d’une armée complète c’est une armée cependant miniature qui ne résisterait pas un mois face aux russes. Certes il y a la programmation de la loi militaire. Des promesses déjà faites mais rarement tenues. Et ce service national qui ne ressemble strictement à rien de deux ou trois semaines qui n’a rien de militaire et qui ressemble à une colonie de vacances. Par l’expérience des récents conflits au Proche-Orient comme en Ukraine montre qu’en dernier ressort ce sont les troupes au sol qui compte et qui se font massacrer faute de matériel certes mais surtout aussi de formation.

Pour le reste le réarmement constitue un terme bien inadéquate pour parler de santé, d’économie, d’éducation et pire, de démographie.

Comment croire à ce concept de réarmement évoqué en président en permanence par un président qui n’a pas jugé bon de faire son service militaire. Ce discours guerrier n’a d’écho que dans les salons. En outre il fait l’impasse sur nombre de champs régaliens où là il faudrait effectivement durcir comme le trafic de drogue, la sécurité ou l’islamisme. Face au vide, on tente de combler par des mots inadaptés et creux « Nous sommes prêts à affronter pour avancer. La France n’a jamais été et ne sera jamais une nation qui subit. Ni hier, ni aujourd’hui, ni demain. »

« Notre agriculture est une force. Pas simplement parce qu’elle nous alimente au sens propre du terme, mais parce qu’elle constitue l’un des fondements de notre identité, de nos traditions »

Mais où est l’analyse, la vision, la prospective ?

Un seul exemple des contradictions en matière de simplification. Le premier ministre promet de supprimer tous les organismes plus ou moins paritaires et-ou administratifs qui ne se seraient pas réunis pendant un an. Et ce qui au contraire se réunissent trop souvent et qui ne cesse de produire procédures , contrôles et sanctions inutiles ?

Ce ne sont pas les institutions qui roupillent qu’il convient de supprimer en premier mais les institutions qui débordent de hauts fonctionnaires qui justifient leur salaire en en complexifiant la vie économique et sociale et la société.

Samuel Paty: réarmement civique insuffisant

Samuel Paty: réarmement civique insuffisant

La sœur de Samuel Paty, l’enseignant assassiné, Mickaëlle Paty s’est montrée sceptique quant à l’efficacité du doublement des heures d’éducation morale et civique. «Je considère que cela ne sera pas suffisant pour avoir un contre-discours à apporter à nos enfants, qui eux, à l’extérieur, n’ont pas du tout un discours républicain, a-t-elle jugé. Il va sans doute falloir faire beaucoup plus pour essayer de faire comprendre l’intérêt de garder notre liberté d’expression, pleine et entière.»

Le président avait indiqué que l’instruction civique serait «refondée» en s’appuyant sur «les grands textes fondateurs de la nation». Il avait aussi annoncé un renforcement de l’éducation artistique et culturelle, avec des cours de théâtre à la rentrée prochaine et le retour de l’histoire de l’art. «Les mesures, il faut surtout les appliquer concrètement et avoir un suivi. On enchaîne tout un tas de réforme sans jamais les évaluer», a nuancé Mickaëlle Paty. Dans son discours, elle a aussi fustigé «les accommodements dits raisonnables servis à toutes les sauces et travestis sous des airs de pacifisme» qui pour elle, «accentuent la fracture et l’injustice».

« Réarmement « : surtout une révolution purement sémantique

« Réarmement « : surtout une révolution purement sémantique

Partout désormais c’est le mot d’ordre de réarmement qui domine la plupart des sujets politiques dans le domaine civique, dans le domaine de la santé, celui de la formation, de l’industrialisation de la démographie et de la simplification.

Une sémantique de type marketing bien mal adapté au sujet qu’elle prétend traiter. Le véritable armement en tout cas le premier est celui de la sécurité et de la défense. Or Attal a tout simplement oublié d’évoquer la situation géopolitique très tendue qui se manifeste aujourd’hui par une guerre proche des frontières de l’Europe. Or si la France dispose d’une armée complète c’est une armée cependant miniature qui ne résisterait pas un mois face aux russes. Certes il y a la programmation de la loi militaire. Des promesses déjà faites mais rarement tenues. Et ce service national qui ne ressemble strictement à rien de deux ou trois semaines qui n’a rien de militaire et qui ressemble à une colonie de vacances. Par l’expérience des récents conflits au Proche-Orient comme en Ukraine montre qu’en dernier ressort ce sont les troupes au sol qui compte et qui se font massacrer faute de matériel certes mais surtout aussi de formation.

Pour le reste le réarmement constitue un terme bien inadéquate pour parler de santé, d’économie, d’éducation et pire, de démographie.

Comment croire à ce concept de réarmement évoqué en président en permanence par un président qui n’a pas jugé bon de faire son service militaire. Ce discours guerrier n’a d’écho que dans les salons. En outre il fait l’impasse sur nombre de champs régaliens où là il faudrait effectivement durcir comme le trafic de drogue, la sécurité ou l’islamisme. Face au vide, on tente de combler par des mots inadaptés et creux « Nous sommes prêts à affronter pour avancer. La France n’a jamais été et ne sera jamais une nation qui subit. Ni hier, ni aujourd’hui, ni demain. »

« Notre agriculture est une force. Pas simplement parce qu’elle nous alimente au sens propre du terme, mais parce qu’elle constitue l’un des fondements de notre identité, de nos traditions »

Mais où est l’analyse, la vision, la prospective ?

Un seul exemple des contradictions en matière de simplification. Le premier ministre promet de supprimer tous les organismes plus ou moins paritaires et-ou administratifs qui ne se seraient pas réunis pendant un an. Et ce qui au contraire se réunissent trop souvent et qui ne cesse de produire procédures , contrôles et sanctions inutiles ?

Ce ne sont pas les institutions qui roupillent qu’il convient de supprimer en premier mais les institutions qui débordent de hauts fonctionnaires qui justifient leur salaire en en complexifiant la vie économique et sociale et la société.

Pour la sœur de Samuel Paty, réarmement civique insuffisant

Pour la sœur de Samuel Paty, réarmement civique insuffisant

La sœur de Samuel Paty, l’enseignant assassiné, Mickaëlle Paty s’est montrée sceptique quant à l’efficacité du doublement des heures d’éducation morale et civique. «Je considère que cela ne sera pas suffisant pour avoir un contre-discours à apporter à nos enfants, qui eux, à l’extérieur, n’ont pas du tout un discours républicain, a-t-elle jugé. Il va sans doute falloir faire beaucoup plus pour essayer de faire comprendre l’intérêt de garder notre liberté d’expression, pleine et entière.»

Le président avait indiqué que l’instruction civique serait «refondée» en s’appuyant sur «les grands textes fondateurs de la nation». Il avait aussi annoncé un renforcement de l’éducation artistique et culturelle, avec des cours de théâtre à la rentrée prochaine et le retour de l’histoire de l’art. «Les mesures, il faut surtout les appliquer concrètement et avoir un suivi. On enchaîne tout un tas de réforme sans jamais les évaluer», a nuancé Mickaëlle Paty. Dans son discours, elle a aussi fustigé «les accommodements dits raisonnables servis à toutes les sauces et travestis sous des airs de pacifisme» qui pour elle, «accentuent la fracture et l’injustice».

Société- « Réarmement démographique » : Une sémantique guerrière douteuse

Société- « Réarmement démographique » : Une sémantique guerrière douteuse

L’expression employée par le président Emmanuel Macron pour décrire son plan de relance de la natalité et de lutte contre l’infertilité a suscité de vives réactions. Il ne s’agit pas ici de juger la pertinence de ce plan annoncé lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024. Notre objectif est d’analyser ce que cette formule révèle de la difficulté de décideurs, gouvernementaux notamment, à comprendre la psychologie des comportements (et changements comportementaux). Sans cette compréhension, ils s’avèrent incapables de déterminer quelles conditions et caractéristiques doivent être respectées pour qu’une communication à visée persuasive soit efficace.

par Marie-Laure Gavard-Perret
Professeure des universités en gestion, Grenoble IAE, laboratoire CERAG, spécialiste du marketing social et de la communication persuasive et préventive. Co-responsable de la chaire de recherche Marketing au Service de la Société (M2S) de Grenoble IAE., Grenoble IAE Graduate School of Management

Marie-Claire Wilhelm
Maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes, Grenoble INP, CERAG, co-responsable de la Chaire Marketing au Service de la Société (M2S) de Grenoble IAE, Grenoble IAE Graduate School of Management dans
The Conversation

La phrase d’Emmanuel Macron au sujet du « réarmement démographique » pour permettre « une France plus forte » « par la relance de la natalité » a pu être perçue comme réactionnaire. Elle a provoqué la colère de nombreuses personnalités politiques, notamment à la gauche de l’échiquier politique, mais aussi plus largement de diverses associations féministes ou concernées par les droits des femmes et des familles. Ce parti pris de formulation a occulté certaines mesures qui auraient pu être accueillies plus favorablement (par exemple, le plan de lutte contre l’infertilité attendu par certains spécialistes de la reproduction) et a amoindri l’effet d’une perspective qui aurait pu avoir une connotation positive (la vie au travers de naissances à venir).
Indépendamment d’un jugement sur le fond, la terminologie adoptée explique en partie ces réactions et marques de résistance. Tout d’abord, du fait de la rhétorique guerrière. L’historienne Marine Rouch a ainsi repéré « une sémantique ‘viriliste et guerrière’ qui n’a rien d’anodin ».

Le caractère guerrier de la métaphore a suscité de nombreuses réactions

Déjà mobilisé lors du Covid, ce lexique guerrier, par ses références en France à la première et à la Seconde Guerre mondiale, avait alors frappé les esprits (« Nous sommes en guerre » avait martelé Emmanuel Macron). Implicitement et symboliquement également, l’idée de réarmement fait référence à la guerre et peut se révéler anxiogène, a fortiori dans le contexte actuel où guerres et conflits armés réactivent, partout dans le monde, et en particulier sur le continent européen, des angoisses qu’on croyait oubliées.

Ce choix est dommageable, car une rhétorique guerrière entraîne un imaginaire anxiogène. Or, lorsque les individus ont peur, leur réponse inconsciente est souvent un mécanisme de défense psychologique d’évitement ou de déni. Autrement dit, une réaction défensive destinée à diminuer l’inconfort psychologique ressenti, mais qui est à l’opposé de celle recherchée. En effet, faire face à une situation stressante nécessite de développer des efforts, cognitifs en particulier, et une stratégie dite d’adaptation. L’individu stressé peut préférer ne pas voir la réalité, la déformer ou encore discréditer la source de l’information pour se protéger psychologiquement. Ces réactions compromettent bien sûr l’efficacité persuasive.

Un discours infantilisant et moralisateur

Le message a aussi été perçu comme infantilisant. En filigrane, certaines et certains y ont entendu que les femmes ne seraient pas suffisamment matures pour décider par elles-mêmes de décisions relatives à la natalité. Cela a pu être vu comme une « tentative de contrôler le corps des femmes », une volonté de « mettre les ventres des femmes au service de l’État ». « Laissez nos utérus en paix ! » a lancé de son côté la présidente de la Fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert.

Ce message était instillé par ailleurs dans une communication descendante, dont le caractère directif, voire autoritaire, apparait dans la qualification « d’injonctions natalistes » utilisée de nombreuses fois à son propos. De ce fait, le message, a priori incitatif, avait tout pour engendrer de la réactance (mécanisme de défense psychologique) en raison d’une liberté qui pouvait sembler menacée. Ainsi, la députée écologiste Sandrine Rousseau a réagi :

« Chaque femme est libre de choisir de faire des enfants ou de ne pas en faire » et

« Les femmes font absolument ce qu’elles veulent de leur corps ».

De plus, le discours émanait d’un représentant des pouvoirs publics envers lesquels la méfiance des Français est grandissante. Cette absence de confiance envers l’émetteur ne pouvait que renforcer la résistance par une diminution de la crédibilité perçue de la source du message.

Le délicat recours aux normes sociales

De même, une composante morale transparaît de ce discours incitatif. Délibérément ou involontairement convoquée, la responsabilité individuelle est ainsi associée à un devoir de reproduction de chaque Français(e). Ce « bon » comportement apparaît de façon plus ou moins explicite comme la clé pour revendiquer un statut de « bon » ou « bonne » citoyen(ne). Or, la stimulation d’un devoir de conformité à des normes sociales est indissociable de la responsabilité morale individuelle. Une communication incitative en faveur de la natalité cherche donc à amener les récepteurs et réceptrices à se conformer à ce qui est présenté comme la norme du groupe, de la communauté. Les cibles ressentent de ce fait une pression sociale. L’individu exposé à cette forme d’influence sociale cherchera donc à se soumettre pour obtenir l’approbation sociale ou éviter la désapprobation sociale.

Toutefois, le recours explicite ou implicite aux normes sociales exige d’être utilisé avec précaution. D’une part, certaines cibles ayant déjà internalisé une norme morale conforme à leurs valeurs, comme celle de faire des enfants, risquent finalement d’être rebutées par la volonté de persuasion – notamment si cette dernière est perçue comme manipulatrice. Elles peuvent aussi ressentir une menace sur leur liberté individuelle et développer de la réactance situationnelle.

De surcroît, en appeler à la responsabilité individuelle peut entrer en conflit avec la perception d’une nature infantilisante du message délivré. Il est en effet paradoxal de demander aux cibles de se conduire en adultes responsables et « en même temps » de leur délivrer un message perçu comme infantilisant. « nouveau, la contradiction dans les intentions perçues réduit la persuasion recherchée.

En outre, il existe deux types de normes. D’une part, les normes injonctives – fondées sur la perspective de récompenses ou sanctions sociales. D’autre part, les normes descriptives – qui résultent de ce que font les membres de la communauté et de ce qui est considéré comme le comportement « normal ». Ce second type de norme se base fortement sur l’exemple. Or sur ce point, Emmanuel Macron est dans l’impossibilité de se présenter comme l’exemple à suivre. Cela affaiblit l’effet de norme descriptive et peut sembler paradoxal, comme n’a pas manqué de le noter le collectif féministe Nous Toutes :

« Un homme cisgenre de 46 ans sans enfants qui vient nous donner des leçons sur la façon dont on doit utiliser nos utérus… »

De plus, la mobilisation de normes sociales ou morales risque d’activer des émotions négatives chez celles et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas les suivre : culpabilité et honte notamment. Il est alors question de réponses affectives de valence négative, susceptibles de déclencher elles aussi des comportements de défense, d’évitement, de déni, voire le fameux effet « boomerang » consistant à prendre le contre-pied exact de ce qui est préconisé.

La confiance, pierre angulaire de la persuasion ?

En conséquence, et comme le précise la philosophe Cristina Bicchieri, pour espérer convaincre en recourant à toutes ces mécaniques d’influence sociale, il ne faut rien négliger. En particulier, Bicchieri pointe la nécessité de :

« prévoir comment les gens vont interpréter un contexte donné, quels indices ressortiront comme saillants et comment des indices particuliers sont liés à certaines normes ».

Comme le souligne le chercheur en philosophie de la santé, David Simard, les Français ont un rapport complexe et ambigu à l’autorité et à l’État. De tendance facilement contestataire, ils valorisent la liberté individuelle mais en oublient parfois son corollaire, la responsabilité individuelle. De même, ils ne supportent pas les injonctions mais reprochent facilement à l’État de ne pas définir et/ou de ne pas faire respecter des règles. Cela rend l’exercice de la communication incitative encore plus compliqué, surtout à une époque où la confiance dans les élites, dans les médias, dans la Science, dans les politiques semble sérieusement altérée.

Or, en matière de communication liée à la santé (natalité et infertilité s’y rattachent), les chercheurs en psychologie sociale Gabriele Prati, Luca Pietrantoni et Bruna Zani ont montré que cette confiance représente une clé essentielle de l’efficacité persuasive.

Pour espérer persuader les Français de faire plus d’enfants, il faudrait donc avant toute chose faire (re)naître la confiance… Cela semble passer tout d’abord par une meilleure maîtrise de la psychologie comportementale.

Réarmement démographique : Une sémantique guerrière douteuse

Réarmement démographique : Une sémantique guerrière douteuse

L’expression employée par le président Emmanuel Macron pour décrire son plan de relance de la natalité et de lutte contre l’infertilité a suscité de vives réactions. Il ne s’agit pas ici de juger la pertinence de ce plan annoncé lors de sa conférence de presse du 16 janvier 2024. Notre objectif est d’analyser ce que cette formule révèle de la difficulté de décideurs, gouvernementaux notamment, à comprendre la psychologie des comportements (et changements comportementaux). Sans cette compréhension, ils s’avèrent incapables de déterminer quelles conditions et caractéristiques doivent être respectées pour qu’une communication à visée persuasive soit efficace.

par Marie-Laure Gavard-Perret
Professeure des universités en gestion, Grenoble IAE, laboratoire CERAG, spécialiste du marketing social et de la communication persuasive et préventive. Co-responsable de la chaire de recherche Marketing au Service de la Société (M2S) de Grenoble IAE., Grenoble IAE Graduate School of Management

Marie-Claire Wilhelm
Maître de conférences à l’Université Grenoble Alpes, Grenoble INP, CERAG, co-responsable de la Chaire Marketing au Service de la Société (M2S) de Grenoble IAE, Grenoble IAE Graduate School of Management dans
The Conversation

La phrase d’Emmanuel Macron au sujet du « réarmement démographique » pour permettre « une France plus forte » « par la relance de la natalité » a pu être perçue comme réactionnaire. Elle a provoqué la colère de nombreuses personnalités politiques, notamment à la gauche de l’échiquier politique, mais aussi plus largement de diverses associations féministes ou concernées par les droits des femmes et des familles. Ce parti pris de formulation a occulté certaines mesures qui auraient pu être accueillies plus favorablement (par exemple, le plan de lutte contre l’infertilité attendu par certains spécialistes de la reproduction) et a amoindri l’effet d’une perspective qui aurait pu avoir une connotation positive (la vie au travers de naissances à venir).
Indépendamment d’un jugement sur le fond, la terminologie adoptée explique en partie ces réactions et marques de résistance. Tout d’abord, du fait de la rhétorique guerrière. L’historienne Marine Rouch a ainsi repéré « une sémantique ‘viriliste et guerrière’ qui n’a rien d’anodin ».

Le caractère guerrier de la métaphore a suscité de nombreuses réactions

Déjà mobilisé lors du Covid, ce lexique guerrier, par ses références en France à la première et à la Seconde Guerre mondiale, avait alors frappé les esprits (« Nous sommes en guerre » avait martelé Emmanuel Macron). Implicitement et symboliquement également, l’idée de réarmement fait référence à la guerre et peut se révéler anxiogène, a fortiori dans le contexte actuel où guerres et conflits armés réactivent, partout dans le monde, et en particulier sur le continent européen, des angoisses qu’on croyait oubliées.

Ce choix est dommageable, car une rhétorique guerrière entraîne un imaginaire anxiogène. Or, lorsque les individus ont peur, leur réponse inconsciente est souvent un mécanisme de défense psychologique d’évitement ou de déni. Autrement dit, une réaction défensive destinée à diminuer l’inconfort psychologique ressenti, mais qui est à l’opposé de celle recherchée. En effet, faire face à une situation stressante nécessite de développer des efforts, cognitifs en particulier, et une stratégie dite d’adaptation. L’individu stressé peut préférer ne pas voir la réalité, la déformer ou encore discréditer la source de l’information pour se protéger psychologiquement. Ces réactions compromettent bien sûr l’efficacité persuasive.

Un discours infantilisant et moralisateur

Le message a aussi été perçu comme infantilisant. En filigrane, certaines et certains y ont entendu que les femmes ne seraient pas suffisamment matures pour décider par elles-mêmes de décisions relatives à la natalité. Cela a pu être vu comme une « tentative de contrôler le corps des femmes », une volonté de « mettre les ventres des femmes au service de l’État ». « Laissez nos utérus en paix ! » a lancé de son côté la présidente de la Fondation des femmes Anne-Cécile Mailfert.

Ce message était instillé par ailleurs dans une communication descendante, dont le caractère directif, voire autoritaire, apparait dans la qualification « d’injonctions natalistes » utilisée de nombreuses fois à son propos. De ce fait, le message, a priori incitatif, avait tout pour engendrer de la réactance (mécanisme de défense psychologique) en raison d’une liberté qui pouvait sembler menacée. Ainsi, la députée écologiste Sandrine Rousseau a réagi :

« Chaque femme est libre de choisir de faire des enfants ou de ne pas en faire » et

« Les femmes font absolument ce qu’elles veulent de leur corps ».

De plus, le discours émanait d’un représentant des pouvoirs publics envers lesquels la méfiance des Français est grandissante. Cette absence de confiance envers l’émetteur ne pouvait que renforcer la résistance par une diminution de la crédibilité perçue de la source du message.

Le délicat recours aux normes sociales

De même, une composante morale transparaît de ce discours incitatif. Délibérément ou involontairement convoquée, la responsabilité individuelle est ainsi associée à un devoir de reproduction de chaque Français(e). Ce « bon » comportement apparaît de façon plus ou moins explicite comme la clé pour revendiquer un statut de « bon » ou « bonne » citoyen(ne). Or, la stimulation d’un devoir de conformité à des normes sociales est indissociable de la responsabilité morale individuelle. Une communication incitative en faveur de la natalité cherche donc à amener les récepteurs et réceptrices à se conformer à ce qui est présenté comme la norme du groupe, de la communauté. Les cibles ressentent de ce fait une pression sociale. L’individu exposé à cette forme d’influence sociale cherchera donc à se soumettre pour obtenir l’approbation sociale ou éviter la désapprobation sociale.

Toutefois, le recours explicite ou implicite aux normes sociales exige d’être utilisé avec précaution. D’une part, certaines cibles ayant déjà internalisé une norme morale conforme à leurs valeurs, comme celle de faire des enfants, risquent finalement d’être rebutées par la volonté de persuasion – notamment si cette dernière est perçue comme manipulatrice. Elles peuvent aussi ressentir une menace sur leur liberté individuelle et développer de la réactance situationnelle.

De surcroît, en appeler à la responsabilité individuelle peut entrer en conflit avec la perception d’une nature infantilisante du message délivré. Il est en effet paradoxal de demander aux cibles de se conduire en adultes responsables et « en même temps » de leur délivrer un message perçu comme infantilisant. « nouveau, la contradiction dans les intentions perçues réduit la persuasion recherchée.

En outre, il existe deux types de normes. D’une part, les normes injonctives – fondées sur la perspective de récompenses ou sanctions sociales. D’autre part, les normes descriptives – qui résultent de ce que font les membres de la communauté et de ce qui est considéré comme le comportement « normal ». Ce second type de norme se base fortement sur l’exemple. Or sur ce point, Emmanuel Macron est dans l’impossibilité de se présenter comme l’exemple à suivre. Cela affaiblit l’effet de norme descriptive et peut sembler paradoxal, comme n’a pas manqué de le noter le collectif féministe Nous Toutes :

« Un homme cisgenre de 46 ans sans enfants qui vient nous donner des leçons sur la façon dont on doit utiliser nos utérus… »

De plus, la mobilisation de normes sociales ou morales risque d’activer des émotions négatives chez celles et ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas les suivre : culpabilité et honte notamment. Il est alors question de réponses affectives de valence négative, susceptibles de déclencher elles aussi des comportements de défense, d’évitement, de déni, voire le fameux effet « boomerang » consistant à prendre le contre-pied exact de ce qui est préconisé.

La confiance, pierre angulaire de la persuasion ?

En conséquence, et comme le précise la philosophe Cristina Bicchieri, pour espérer convaincre en recourant à toutes ces mécaniques d’influence sociale, il ne faut rien négliger. En particulier, Bicchieri pointe la nécessité de :

« prévoir comment les gens vont interpréter un contexte donné, quels indices ressortiront comme saillants et comment des indices particuliers sont liés à certaines normes ».

Comme le souligne le chercheur en philosophie de la santé, David Simard, les Français ont un rapport complexe et ambigu à l’autorité et à l’État. De tendance facilement contestataire, ils valorisent la liberté individuelle mais en oublient parfois son corollaire, la responsabilité individuelle. De même, ils ne supportent pas les injonctions mais reprochent facilement à l’État de ne pas définir et/ou de ne pas faire respecter des règles. Cela rend l’exercice de la communication incitative encore plus compliqué, surtout à une époque où la confiance dans les élites, dans les médias, dans la Science, dans les politiques semble sérieusement altérée.

Or, en matière de communication liée à la santé (natalité et infertilité s’y rattachent), les chercheurs en psychologie sociale Gabriele Prati, Luca Pietrantoni et Bruna Zani ont montré que cette confiance représente une clé essentielle de l’efficacité persuasive.

Pour espérer persuader les Français de faire plus d’enfants, il faudrait donc avant toute chose faire (re)naître la confiance… Cela semble passer tout d’abord par une meilleure maîtrise de la psychologie comportementale.

Le ministre de la Défense allemand pour le réarmement de l’Europe

Le ministre de la Défense allemand pour le réarmement de l’Europe

L’Allemagne se réveille aussi après avoir longtemps pactiser avec Poutine fournisseurs stratégique de gaz russe bon marché. Il est temps de se réarmer considère le ministre de la défense pour faire face aux intentions belliqueuses de la Russie

L’Europe doit s’assurer de pouvoir mieux se défendre, a déclaré le ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, lors d’une interview accordée au journal Welt am Sonntag. Il souligne l’augmentation de la production d’armes de la Russie, pour soutenir son invasion de l’Ukraine, tout en menaçant les Etats baltes, la Géorgie et la Moldavie.

« Nous, Européens, devons nous engager davantage pour garantir la sécurité sur notre propre continent », a déclaré Boris Pistorius, tout en admettant qu’il faudrait du temps à l’Europe pour augmenter sa production d’armes. « Nous avons environ cinq à huit ans pour rattraper notre retard, en termes de forces armées, d’industrie et de société », a-t-il estimé. Avec ou sans l’aide américaine.

Craignant que les Etats-Unis ne réduisent leur engagement militaire en Europe et que Washington ne parvienne pas à s’accorder sur un nouveau financement pour l’Ukraine (61 milliards d’euros sont toujours suspendus à la décision du Congrès), l’Europe est consciente, dit-il, qu’elle devra peut-être compenser cette aide américaine.


Un réarmement allemand au bénéfice des Américains ?

Un  réarmement allemand au bénéfice des Américains ?

Le réarmement allemand ne passera pas forcément par le développement des programmes en coopération avec la France, estime le groupe Vauban. Il profitera d’abord à l’industrie allemande et à ses maîtres d’oeuvre, qui pourront grâce à l’augmentation du budget de la défense, développer de nouvelles briques technologiques. Il profitera enfin aux groupes de défense américains. Par le groupe Vauban.

 

Le 27 février, sous le contrecoup de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, le Chancelier Scholz a évoqué un changement d’époque (Zeitenwende) en annonçant un réarmement massif de la Bundeswehr par deux leviers : la création d’un fonds spécial (Sondervermögen) doté de 100 milliards d’euros et un budget de défense à plus de 2% du PIB. Largement analysée tant à Paris qu’à Berlin comme un bond en avant positif pour la coopération bilatérale, l’augmentation massive des budgets d’investissements de la Bundeswehr pourrait paradoxalement aboutir à un enterrement de première classe des projets franco-allemands déjà moribonds.

Des acquisitions américaines loin d’être des solutions de transition

Certes, le ton a changé : dans le discours du 27 février, les projets avec la France sont décrits comme des « priorités absolues » pour le Chancelier : c’est la première fois en effet que la nouvelle coalition exprime de tels sentiments publics envers la France. Dans le contrat de coalition du 24 novembre 2021, la France avait été mentionnée mais rapidement, sans aucune mention de programmes clés, et juste avant d’autres partenaires puissants comme les Pays-Bas et la Norvège ou des voisins les plus proches comme la Pologne ou les États des Balkans (page 136).

Ces commentaires, pour bienvenues qu’ils soient, l’ont été cependant après de nombreuses déceptions enregistrées par Paris, qui ont ébranlé les fondements mêmes d’une coopération bilatérale étroite et de confiance. Il y eut d’abord le choix du P-8 Poseidon, comme solution transitoire, vécue à Paris comme une trahison brutale de l’Allemagne sur un programme de patrouilleur maritime – le MAWS - où elle avait obtenu pourtant la part du Lion, écartant les seuls industriels capables de construire un tel appareil et l’option de location d’Atlantique 2 français. Dans sa session du 23 juin 2021, le Bundestag a certes pris soin de qualifier cette décision de « solution de transition », mais l’avion de Boeing est un nouvel appareil dont la durée de vie et le coût – 1,43 milliard d’euros pour 5 unités – laissent en réalité très peu de chances à une résurrection du MAWS.

Il y eut ensuite le refus allemand de financer le programme de modernisation et d’extension capacitaire du Tigre Mark-3 avec, en filigrane, la tentation allemande de faire comme l’Australie : se débarrasser d’un hélicoptère mal aimé (car ne servant pas en opérations extérieures et souvent indisponible) et acheter de l’Apache. Si ce projet n’a pas – encore ? – vu le jour, la participation allemande au programme de modernisation de cette plateforme emblématique de la coopération européenne, même dans le domaine des systèmes d’armes air-sol, n’est toujours pas l’ordre du jour à la Hardthöhe

Il y eut enfin le faux psychodrame du successeur du Tornado pour la mission nucléaire de l’OTAN ; dans un premier temps, l’ancienne coalition avait penché, on le sait, pour la solution d’une flotte mixte : 40 Super Hornet pour la frappe nucléaire et 15 Super Growler pour la guerre électronique et la destruction des défenses sol-air ennemies. La Luftwaffe, qui avait clairement opté dès le début de ce dossier pour le choix du F-35A Lightening, s’était vue rappelée à l’ordre, et son chef, le général Müllner fut limogé ; dans un deuxième temps, la nouvelle coalition au pouvoir avait laissé entendre dans son contrat de coalition qu’elle prendrait le temps de la réflexion s’agissant de la mission nucléaire, laissant ainsi planer le doute sur la poursuite même de celle-ci ; dans un troisième temps (en février), le chancelier avait admis à huis clos qu’il allait acheter une petite quantité de F-35A (18) afin de maintenir la capacité nucléaire au service de l’OTAN, mais sans renoncer au projet SCAF.

Cet habile compromis vendu à un Paris réticent mais soulagé n’a pas tenu devant les impérieuses nécessités opérationnelles : une flotte de 35 appareils étant le minimum requis compte tenu de l’attrition toujours à prévoir s’agissant d’une mission de largage d’une bombe nucléaire à gravitation (en 2022 !), de la faible disponibilité du F-35A et de la formation nécessaire des équipages, l’habile compromis imaginé à la Chancellerie a volé en éclat : la commande sera bel et bien du format imaginé pour le Super Hornet, c’est-à-dire conséquente et équivalente à la commande belge (34) et coûteuse (2,8 milliards d’euros au bas mot).

Ces choix allemands, pour motivés qu’ils soient, ne sont pas cependant des solutions de transition, mais bel et bien des solutions du long terme puisque les deux plateformes américaines qui seront prochainement contractualisées sont les dernières générations des matériels chacun dans leur catégorie : le provisoire est en réalité une solution de 35 ans au moins avec la tentation évidente du côté des opérationnels allemands de les prolonger par des commandes additionnelles…

La servitude volontaire de l’Allemagne aux Etats-Unis

Ces développements illustrent une vérité crue : l’Allemagne n’a jamais importé de matériel français et a toujours considéré avec méfiance les projets bilatéraux. La raison de fond en est connue mais constamment oblitérée par l’optimisme naïf et altruiste de Paris : l’Allemagne, comme tous les autres pays de l’Alliance Atlantique hormis la France, considère que les Etats-Unis seuls peuvent lui apporter la paix, surtout en ces temps troublés par la guerre russo-ukrainienne. Déjà, le contrat de coalition avait purement et simplement évacué l’autonomie stratégique européenne à la française (alors que la précédente coalition en avait débattu même si ce fut brutalement) et prévenu que les initiatives européennes ne pouvaient en aucun cas se faire hors de l’OTAN mais en complémentarité obligée avec elle.

Depuis le 15 juin 1963, date à laquelle le Bundestag avait imposé au Traité de l’Élysée son préambule interprétatif ruinant tout espoir de constituer une défense franco-allemande étroite, la France bute sur cet ancrage allemand à l’OTAN, que sa réintégration en 2009 dans le commandement intégré n’a rien changé… L’Allemagne, de son côté, confirme la définition de l’OTAN donnée par le premier secrétaire général de l’OTAN (1952-1957), Lord Ismay : « to get the U.S in, the Soviets out and the Germans down ». La guerre russo-ukrainienne, comme naguère la Guerre froide, illustre l’actualité du mot humoristique mais réaliste du général britannique… Avec le fonds spécial, l’Allemagne ne fait en réalité qu’accepter enfin les charges financières de sa servitude volontaire et confirmer son statut d’allié aligné sur la politique étrangère des Etats-Unis.

Alors, dans ce contexte, peut-on s’attendre vraiment à ce que la Chancellerie en tire la conclusion qu’il faut épargner la France après l’avoir si brutalement traitée ?

Une analyse plus fine des déclarations de M. Scholz et de la scène industrielle et politique allemande laisse à penser que les déceptions devraient perdurer pour la France.

Premièrement, et c’est une tendance logique, le réarmement allemand devrait aller en priorité à l’industrie allemande de défense. Après tant d’années de pénurie, il faut en effet s’attendre que cet afflux massif de crédits soit investi principalement dans le « Standort » industriel allemand pour préserver les emplois et développer des technologies clés considérées comme devant être protégées par l’État fédéral. C’est le sens des décisions prises en 2015 et en 2019. La politique industrielle de protection des grands maîtres d’œuvre nationaux (KMW, Rheinmetall, Hensoldt, Diehl, OHB, TKMS et Lürssen) sera enfin financée par le Fonds spécial. Ce n’est pas un hasard si Rheinmetall a souhaité préempter le débat sur l’utilisation de ces crédits en proposant un paquet global de 42 milliards d’euros (près de la moitié du Fonds spécial !) composé de ses solutions (munitions, véhicules blindés PUMA, drones, radars et défense aérienne). ThyssenKrupp a également suspendu son projet de spin-off de sa filiale navale, TKMS, et ce n’est pas un hasard si TKMS envisage l’acquisition de nouvelles infrastructures de production (chez MV Werften)… Gageons que d’autres entreprises allemandes font de même de leur côté pour capter la partie la plus importante du Fonds spécial.

Deuxièmement, le développement coûteux d’une version « ECR-SEAD » de l’Eurofighter (une ineptie, soit-dit en passant, pour un chasseur conçu uniquement pour un rôle otanien d’intercepteur) devrait conduire Manching à développer de nouvelles briques technologiques et donc conduire Airbus Allemagne à de nouvelles exigences en dans le programme SCAF, ajoutant de nouvelles difficultés à une négociation franco-allemande déjà compliquée par les exigences allemandes en matière de commandes de vol, de propriétés intellectuelle (le fameux background) et de gouvernance générale du programme d’avion (la fameuse « co-co-co »).

Troisièmement et enfin, la liste des matériels que le ministère de la Défense souhaite acquérir, va multiplier les difficultés d’interopérabilité avec les programmes et systèmes français, surtout quand ces matériels sont américains.

Le fonds spécial ne règle rien des problèmes inhérents à la coopération franco-allemande. Au bilan, ces trois facteurs nouveaux déséquilibreront à coup sûr une coopération bilatérale, qui est avant tout politique et non menée dans le cadre d’une convergence de fond sur la doctrine d’emploi des forces. L’Allemagne poursuivra donc la politique d’armement qui est conforme à sa doctrine : américaine pour acheter sa sécurité et nationale pour faire vivre son industrie d’armement et mieux négocier les coopérations industrielles à son profit. Les programmes en coopération seront peut-être menés en partie avec la France, mais déjà sur nombre de segments, celle-ci est déjà laissée de côté. On l’a déjà vu avec le domaine spatial où l’Allemagne a choisi de briser l’accord bilatéral de Schwerin en choisissant de construire en national sa capacité d’observation optique ; on le voit actuellement avec l’alliance Airbus-Boeing pour le programme de remplacement des CH-53, on le verra demain avec le refus allemand de participer à l’armement air-sol du Tigre Mark-3.

Ajoutons enfin pour que le tableau soit complet que le projet de loi sur l’exportation d’armement, en cours d’élaboration au ministère de l’économie jusqu’à l’été, continue de faire peser une épée de Damoclès sur l’exportation de matériels français intégrant des sous-ensembles allemands, et continuera d’être la source de tensions futures entre Paris et Berlin. Avec une telle injection de crédits dans la sa défense, Berlin pourrait ainsi revenir au schéma de l’ancien Vice-Chancelier (SPD), Sigmar Gabriel : un budget annuel de défense robuste combiné avec des coopérations européennes ne nécessite plus d’exportations d’armement hors d’Europe et de l’OTAN… C’est à cette solution que poussent les écologistes allemands, le Parlement européen, les ONG et les institutions financières qui acceptent encore de financer la défense…

C’est pourquoi le Fonds spécial, loin de donner un nouvel élan à la coopération franco-allemande, pourrait, en fait, l’enterrer.

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(1) Le groupe Vauban regroupe une vingtaine de spécialistes en activité des questions de Défense.




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