Biodiversité et forêts : le danger de tout raser et de replanter
Les premiers éléments dévoilés par le gouvernement concernant la place de la forêt dans la planification écologique sont inquiétants, estime, dans une tribune au « Monde », un collectif de scientifiques, responsables associatifs et professionnels de la filière bois.
Dans les prochaines semaines, le gouvernement doit rendre ses derniers arbitrages concernant la place de la forêt dans la planification écologique.
Nous, scientifiques, acteurs de la filière forêt-bois, responsables associatifs, appelons à une refonte de notre politique forestière pour l’adapter aux enjeux des urgences climatiques et de préservation de la biodiversité. Nos forêts souffrent des premiers effets du changement climatique, mais, au-delà de ce constat partagé, le gouvernement peine à fixer un cap clair.
Dans un contexte où l’incertitude est en train de devenir la norme, il existe deux grands types de stratégies : faire le pari de mesures drastiques, au risque d’aggraver la crise en créant des maladaptations, ou bien adopter des mesures « sans regret » plus prudentes, qui, même si elles n’atteignent pas complètement leurs objectifs, n’auront pas d’effets négatifs. Les premiers éléments dévoilés par le gouvernement concernant la place de la forêt dans la planification écologique sont inquiétants.
Alors que le puits de carbone forestier est en chute, cette tendance pourrait être aggravée par l’objectif, qui reste central, d’augmenter massivement la récolte de bois. Il ne sera pas possible de satisfaire tous les besoins en biomasse énergie sans une politique forte de réduction des consommations. Nous ne devons pas mettre à contribution les forêts sans arbitrages clairs sur de nouveaux usages énergétiques, comme remplacer le charbon de nos centrales thermiques par du bois ou faire voler les avions avec des biocarburants à base de bois.
Le virage à prendre n’est pas celui de récolter plus de bois, mais de récolter mieux en s’appuyant sur les apports de la science et l’expérience accumulée par les gestionnaires de terrain. Ce que nous attendons de la planification écologique est de sortir du déni : toutes les sylvicultures ne se valent pas. Certaines pratiques sont à abandonner, d’autres à faire évoluer et d’autres à encourager.
Les grandes coupes rases, en particulier, font l’objet d’une remise en cause croissante. Il y a presque un an, un rapport d’expertise scientifique collective a été remis au gouvernement, appelant à mieux encadrer cette pratique controversée qui peut être dommageable au bon fonctionnement des écosystèmes et des sols. Des recommandations qui sont restées sans suite. Pire, face aux dépérissements qui se multiplient, le changement d’essences par coupe rase puis plantation semble occulter toutes les autres.