Economie: « De l’abondance à la rareté », changement de paradigme
« Nous passons d’un monde d’abondance à un monde de rareté », écrivent Patrick Artus et Olivier Pastré, économistes . Au vu des conséquences majeures à venir, un temps d’arrêt est jugé nécessaire.
Les deux économistes expliquent que la transition entre ces deux modèles concerne d’abord tous les membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) – cette institution discrète, née en 1961, dont le siège est à Paris, rassemble 38 pays parmi les plus riches de la planète, qui ont deux points communs : partager un système de gouvernement démocratique et défendre l’économie de marché. Mais, chemin faisant, c’est la planète tout entière qui sera touchée par ce chamboulement macro- et géoéconomique, lié au réchauffement climatique, suivant les prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat.
La conclusion est sans appel : « Le nouveau monde va être cher pour de multiples raisons », analysent les deux complices, car ce passage à une économie de rareté est lié à trois transformations majeures : moins de main-d’œuvre, moins d’épargne et moins de matières premières. Qui plus est, qui dit rareté, dit hausse des prix, avec comme corollaire le retour de l’inflation et la question brûlante du pouvoir d’achat pour les classes moyennes, socle de la démocratie.
L’épidémie de Covid-19 a été le révélateur de la dépendance des pays de l’OCDE, et de la France en particulier, aux produits chinois. Si relocalisations il y a, celles-ci doivent se concentrer sur des productions stratégiques, comme les vaccins ou les batteries électriques. La guerre en Ukraine a, elle, démontré la fragilité énergétique de l’Union européenne (UE), mais les efforts les plus urgents sont surtout à fournir pour la transition environnementale, « qui sera tout sauf un long fleuve tranquille », soulignent les deux auteurs. Elle doit être au centre des politiques de tous les gouvernements. En clair, le passage à l’économie de rareté entraîne une remise en cause du capitalisme néolibéral, qui s’est épanoui depuis le début des années 1980.
Autre conséquence, « la hausse du coût de l’énergie va imposer, pour être acceptable, des politiques redistributives nouvelles en faveur des ménages modestes qu’il faudra financer par une pression fiscale accrue », c’est-à-dire une augmentation des impôts, alertent les auteurs.
Pour conclure sur une note plus optimiste – quoique –, les deux économistes rappellent une célèbre phrase de Jean Monnet : « J’ai toujours pensé que l’Europe se ferait dans les crises. » Vu celles qui s’amoncellent sur ses épaules depuis 2020 (Covid-19, guerre en Ukraine, crise énergétique), l’UE ne peut progresser qu’à pas de géant…(suite dans LE Monde)