Archive pour le Tag 'rapporte »'

Apprentissage : une dépense publique qui rapporte

Apprentissage : une dépense publique qui rapporte

Dès le début de son premier mandat, le président de la République, Emmanuel Macron, a initié une réforme structurelle de l’apprentissage via la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. L’exécutif l’a ensuite accentuée dès juillet 2020 en réponse à la crise sanitaire octroyant une aide publique exceptionnelle aux employeurs pour tous les nouveaux contrats jusqu’à bac+5 inclus, aide d’un montant fixe de 6 000 euros en 2024. Les résultats de ces mesures sont spectaculaires car entre fin 2018 et fin 2022, le nombre d’entrées en apprentissage a été multiplié par 2,6 passant de 321 000 à 837 000 nouveaux contrats (et de 112 000 en 2017 à 522 000 en 2022 dans l’enseignement supérieur). Mieux, le système est devenu un véritable tremplin pour l’emploi puisqu’un an après leur sortie d’études, 70 % des apprentis étaient en poste dans le secteur privé pour les niveaux allant du CAP au BTS (niveau bac + 2) contre 50 % seulement des lycéens professionnels. Au niveau licence et master, l’écart reste encore de 5 points avec un taux d’emploi à 18 mois d’environ 90 %. Au niveau macro-économique les différentes études convergent pour attribuer à la politique d’apprentissage la création d’environ 250 000 emplois salariés entre fin 2019 et fin 2022.

par Éric Pichet
Professeur et directeur du Mastère Spécialisé Patrimoine et Immobilier, Kedge Business School dans The Conversation

Cette réussite a toutefois un coût élevé pour les finances publiques qui est passé de 6 milliards d’euros en 2018 à 16,8 en 2022, soit 3,4 fois plus en seulement 4 ans. Les bénéficiaires ayant doublé, le coût unitaire moyen a donc fortement progressé, de 14 403 à 22 736 euros par an de +57,9 %. À ces dépenses, il faudrait également ajouter l’estimation des droits sociaux acquis par les apprentis à savoir à court terme sur le chômage et à très long terme sur la retraite.

Outre le coût des réformes, c’est leur équité qui est largement critiquée au motif que le dispositif ne finance plus seulement des publics fragiles éloignés de l’emploi mais des formations d’excellence de niveau master. De fait, 37,6 % des nouveaux contrats visent l’obtention d’un diplôme de niveau baccalauréat ou inférieur en 2022 contre 63,2 % en 2017. Ces constations ont suscité une polémique jusque dans les rangs de la majorité présidentielle, le député Marc Ferracci (Renaissance) ayant déposé un amendement au Projet de loi de finances pour 2024 restreignant les aides aux diplômes de moins de bac+2 au motif que :

« L’apprentissage a un rendement décroissant avec le niveau de qualification, on doit se poser la question de l’efficacité des aides dans le supérieur ».

Cet amendement, soutenu par Bercy qui y voyait l’occasion d’économiser 700 millions d’euros de subventions publiques par an, a finalement été écarté par la première ministre Élisabeth Borne au nom de l’objectif du million d’apprentis avant la fin du présent quinquennat fixé par le président de la République.

L’apprentissage du supérieur favorise en effet l’acquisition de compétences techniques pointues dans une économie de la connaissance développée. Il incite les jeunes à allonger leur durée d’études et partant à obtenir une meilleure rémunération. Selon le Conseil d’analyse économique (CAE), un diplôme de niveau licence ou bac+3 permet de gagner 30 % de plus qu’un baccalauréat, un diplôme de niveau master (bac+5) 60 % de plus et un diplôme de grande école 80 % supplémentaire.

La littérature scientifique a évalué le rendement des études sur les revenus du travail tout au long de la vie en actualisant l’ensemble de ces revenus (nets de charges sociales et d’impôt sur le revenu) sur les 42 ans d’activité d’une carrière professionnelle tout en déduisant à la fois le coût des années d’études et le coût d’opportunité du manque à gagner pendant la formation. La conclusion est sans appel puisqu’un diplôme de grande école de niveau master (bac+5) assurerait en moyenne un revenu permanent actualisé net d’impôts et de coûts associés au diplôme de 720 000 euros contre 490 000 euros pour un bachelier et 500 000 euros pour un diplôme bac+3.

Encore faut-il noter que les réformes de 2018 et 2020 réduisent significativement le coût d’opportunité pour les apprentis car leur formation (pouvant aller jusqu’à 20 000 euros par an dans une grande école de management) est intégralement prise en charge et qu’ils touchent un salaire (certes plus faible qu’une première embauche) pendant leurs études.

Entre fin 2018 et fin 2022, le nombre d’entrées en apprentissage a été multiplié par 2,6. Shutterstock
À ces gains financiers liés à une plus grande capabilité, il faut ajouter d’autres avantages moins tangibles mais réels que souligne le CAE : une meilleure protection contre le chômage, de meilleures opportunités professionnelles, une meilleure reconnaissance sociale mais aussi une hausse des indicateurs de santé, de bien-être et d’espérance de vie et donc in fine des retraites plus confortables servies plus longtemps.

L’éducation augmentant la productivité de celui qui la reçoit (même si elle est logiquement plus faible au cours de la phase d’apprentissage), au niveau macro-économique les bienfaits de l’apprentissage doivent également être mis dans la balance.

Les bénéfices dits socio-économiques comprennent les rendements publics socio-fiscaux comme les recettes publiques (impôts sur le revenu, charges sociales, etc.) générées par des rémunérations du travail plus élevées, de l’ordre de 8,5 % de l’investissement public dans l’enseignement supérieur. Ces bénéfices intègrent par ailleurs des externalités positives additionnelles comme l’amélioration de la santé globale de la population ou encore une moindre délinquance. Les études disponibles l’évaluent grosso modo à environ 2,5 %, soit un rendement social global très élevé de l’enseignement supérieur de l’ordre de 11 % dans les pays OCDE.

Pour concilier logiques éducative, sociale et économique de l’apprentissage, il est toutefois possible d’améliorer la régulation d’une offre de formation devenue pléthorique en renforçant le contrôle de l’accès au financement public. France Compétences, l’organisme créé le 1er janvier 2019 pour vérifier la qualité des formations inscrites au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), retoquait déjà en 2022 près de 50 % des demandes de renouvellement ou de création des formations.

Le régulateur pourrait désormais renforcer sa mission en assurant un audit externe rigoureux de l’adéquation aux métiers des formations proposées par les universités dont les diplômes d’État sont encore actuellement reconnus de plein droit. Il pourrait également interdire la location de titres RNCP qui permet trop souvent à des officines privées sans véritable projet pédagogique de bénéficier du titre d’une formation accréditée moyennant une redevance opaque.

Social-La réforme des retraites « va coûter beaucoup plus cher qu’elle ne rapporte », François Hommeril (CFE-CGC)

Social-La réforme des retraites « va coûter beaucoup plus cher qu’elle ne rapporte », François Hommeril (CFE-CGC)

Le patron du syndicat des cadres, François Hommeril tire à boulets rouges sur la réforme des retraites du gouvernement à la veille d’un mouvement de grève.( dans la Tribune, extraits)

Quelle est votre stratégie à la CFE-CGC pour faire reculer l’exécutif alors que le texte arrive au Parlement ?
FRANÇOIS HOMMERIL – Notre stratégie est de construire un argumentaire et une position syndicale, de la défendre et de la faire connaître. Sur certains sujets, nous avons contribué à faire voler en éclats la position gouvernementale. Notre stratégie est aussi de poursuivre cette intersyndicale avec les organisations.
Cette intersyndicale, qui réunit les huit principaux syndicats, est le fruit d’un travail en profondeur depuis des années. Sur le sujet des retraites, nous travaillons ensemble depuis six mois. Le gouvernement a déjà reculé. L’objectif est qu’il retire le décalage de l’âge légal à 64 ans. Pour les autres sujets, nous sommes prêts à discuter.


Selon vous, le système de retraites est-il en « danger » comme l’affirme le gouvernement ?

Après les législatives de juin 2022, le gouvernement a beaucoup insisté sur « le déficit et la faillite du système de retraite ». Dans les syndicats, nous connaissons très bien la situation financière des caisses complémentaires des retraites en tant qu’administrateur, nous participons au conseil d’orientation des retraites (COR). En ne donnant pas les indicateurs en juin dernier, le gouvernement a empêché la publication du rapport du COR au début de l’été pour le rendre public à l’automne. Nous contestons les indicateurs retenus par le gouvernement.
Le président du Conseil d’orientation des retraites (COR) Pierre Louis Bras a affirmé récemment que « le système n’était pas en danger dans sa trajectoire ». Aujourd’hui, les réserves des régimes complémentaires augmentent. Les déficits prévus de la CNAV (Caisse nationale d’assurance vieillesse) seraient très faibles. Sur les régimes du privé, tout est à l’équilibre. Tout le déficit vient du régime des fonctionnaires.

C’est à ce moment que le gouvernement affirme qu’il va faire une réforme des retraites « juste ». Or, on s’est aperçus que les grandes perdantes sont les femmes mères de famille. Aujourd’hui, elles peuvent faire valoir des retraites à taux plein avant 62 ans. Le décalage à 64 ans va les obliger à travailler deux ans de plus. Dans l’étude d’impact, il est écrit que les femmes seront plus affectées que les hommes. Le gouvernement est dans une attitude de dénégation.


Une réforme justifiée ?

Non, C’est une réforme injustifiée et injuste. La seule motivation du gouvernement est que pour son budget le gouvernement a besoin de récupérer de l’argent donné aux entreprises. Il va chercher de l’argent dans les poches des salariés et des agents de la fonction publique. Ce qui lui permettra de diminuer son engagement à verser des pensions aux fonctionnaires. La seule raison est de faire monter les réserves dans les régimes complémentaires. Or, la mesure qui fait monter rapidement les réserves est le décalage de l’âge de départ à la retraite. Dans l’Agirc-Arrco, il est prévisible que les réserves vont monter en flèche. Le scénario a changé au moment des élections législatives. Le décalage de l’âge de départ à la retraite sélectionne des catégories d’individus qui vont tout payer. C’est une réforme qui ne touche pas tout le monde dans son équilibre.

En quoi la réforme des retraites est-elle défavorable aux cadres selon vous ?
Les gens qui ne sont pas touchés par la réforme correspondent aux cadres masculins, diplômés et qui entrent sur le marché du travail à 23 ans. Ce profil particulier dans la population cadre ne correspond pas à la majorité des salariés. Je représente en majorité des gens qui ont plus de 50 ans et sont entrés techniciens dans la banque à 20 ans, des techniciens dans la métallurgie qui sont entrés comme ouvriers à 18 ans. Cette image d’Epinal du cadre en cravate qui partira en retraite à 66 ans ne représente qu’une minorité. La réforme sera plus défavorable pour les générations nées à partir des années 70. Le décalage va se faire progressivement avec la montée en charge de la réforme.

La pénibilité chez les cadres est moins évoquée dans les débats. Est-elle prise en compte par l’exécutif ?
La pénibilité du travail chez les cadres n’est absolument pas prise en compte par l’exécutif. La première ministre Elisabeth Borne m’a dit que l’on ne pouvait rien faire. Elle a une vision des années 80 sur le sujet qui consiste à dire qu’il y a des individus plus fragiles que d’autres.
Cette vision est très grave. Les entreprises ont compris aujourd’hui que si elles ne prenaient pas en compte la question des risques psychosociaux, elles allaient dans le mur. La question des risques psychosociaux est liée aux conditions de travail et à l’environnement de travail. Le gouvernement n’a pas envie de traiter cette problématique.

Le gouvernement a annoncé la mise en place d’un index de l’emploi des seniors dans les entreprises
.
Le gouvernement n’a pas de maîtrise du dossier sur l’emploi des seniors. Leur seul argument est de dire que si on décale l’âge de deux ans, le taux d’emploi des 60-62 ans va augmenter.
Ce décalage va générer une population entre 62 et 64 ans qui ne sera pas en retraite mais va se retrouver au chômage. Dès qu’une personne dépasse l’âge de 60 ans, chaque année coûte beaucoup plus à la sécurité sociale car le risque de maladie augmente beaucoup. Sur le plan économique, c’est une réforme catastrophique qui va probablement coûter beaucoup plus cher qu’elle ne rapporte.




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol