Archive pour le Tag 'races »'

Non à la lutte des races (Elisabeth Moreno )

Non à la lutte des races (Elisabeth Moreno )

Les nouveaux avocats de la lutte antiraciste portent la voix d’un militantisme qui a pris « un tournant identitaire » et tend à segmenter les communautés, divisant plus qu’il ne rassemble, juge la ministre de la diversité et de l’égalité des chances Elisabeth Moreno dans une tribune au « Monde ».(extrait)

 

Tribune. 

 

Des frontons de nos institutions aux manuels scolaires de nos enfants, ces trois mots résonnent toujours avec la même force depuis 1848. Ils sont, comme la Marseillaise les soirs de victoire ou les vers de Victor Hugo les jours de deuil, des boussoles de notre République.

De ces valeurs, piliers de notre idéal universel découle, un principe : toutes les discriminations, quelles qu’elles soient, doivent être combattues. Pourtant, un constat s’impose aujourd’hui : l’universalisme est attaqué de toutes parts. Et avec lui, c’est l’unicité de la République qui s’effrite. Chemin faisant, c’est l’origine même de notre patrie à l’identité multiple que nous abîmons. Cet ensemble de couches qui fait qu’au bout du compte, « nous sommes tous des additionnés », pour reprendre Romain Gary [1914-1980].

En tant que femme noire née au Cap-Vert, produit de l’école républicaine, ces mots résonnent en moi avec un écho particulier. Néanmoins, depuis quelques années, mon « métissage identitaire » est pris en tenaille dans le débat public, malmené par de nouveaux vocables qui se sont invités dans les espaces médiatique, politique et universitaire : « racisé », « pensée décoloniale », « racisme d’Etat », etc. Des mots qui blessent ceux-là mêmes qu’ils sont censés qualifier et qui installent mécaniquement « ceux d’en face » sur le banc des accusés.

« Remplacer la lutte des classes par la lutte des races crée de la discorde à une époque où notre pays a plus que jamais besoin de concorde »

Le remède est pire que le mal. En segmentant les communautés, en essentialisant, en s’érigeant en procureurs permanents, une partie des nouveaux avocats de la lutte antiraciste déchirent le socle universaliste sur lequel repose notre modèle républicain. Résultat, ce nouveau militantisme divise plus qu’il ne rassemble, emprisonne plus qu’il ne libère, ravive des plaies plus qu’il ne les suture.


En remplaçant la lutte des classes par la lutte des races, en cherchant à réécrire le passé sous le tamis du présent, en pratiquant l’indignation sélective et l’excommunication permanente, ce nouveau militantisme crée de la discorde à une époque où notre pays a plus que jamais besoin de concorde. Et bien que les concernés s’en défendent, ce tournant identitaire, maladroitement importé des Etats-Unis et plaqué sur une réalité française tout autre, donne du grain à moudre à une extrême droite que l’on cherche pourtant à contenir.

La lutte des races comme substitut à la lutte des classes ?

La lutte des races comme substitut à la lutte des classes ?

Les nouveaux avocats de la lutte antiraciste portent la voix d’un militantisme qui a pris « un tournant identitaire » et tend à segmenter les communautés, divisant plus qu’il ne rassemble, juge la ministre de la diversité et de l’égalité des chances Elisabeth Moreno dans une tribune au « Monde ».(Extrait)

 

Des frontons de nos institutions aux manuels scolaires de nos enfants, ces trois mots résonnent toujours avec la même force depuis 1848. Ils sont, comme la Marseillaise les soirs de victoire ou les vers de Victor Hugo les jours de deuil, des boussoles de notre République.

De ces valeurs, piliers de notre idéal universel découle, un principe : toutes les discriminations, quelles qu’elles soient, doivent être combattues. Pourtant, un constat s’impose aujourd’hui : l’universalisme est attaqué de toutes parts. Et avec lui, c’est l’unicité de la République qui s’effrite. Chemin faisant, c’est l’origine même de notre patrie à l’identité multiple que nous abîmons. Cet ensemble de couches qui fait qu’au bout du compte, « nous sommes tous des additionnés », pour reprendre Romain Gary [1914-1980].

En tant que femme noire née au Cap-Vert, produit de l’école républicaine, ces mots résonnent en moi avec un écho particulier. Néanmoins, depuis quelques années, mon « métissage identitaire » est pris en tenaille dans le débat public, malmené par de nouveaux vocables qui se sont invités dans les espaces médiatique, politique et universitaire : « racisé », « pensée décoloniale », « racisme d’Etat », etc. Des mots qui blessent ceux-là mêmes qu’ils sont censés qualifier et qui installent mécaniquement « ceux d’en face » sur le banc des accusés.

« Remplacer la lutte des classes par la lutte des races crée de la discorde à une époque où notre pays a plus que jamais besoin de concorde »

Le remède est pire que le mal. En segmentant les communautés, en essentialisant, en s’érigeant en procureurs permanents, une partie des nouveaux avocats de la lutte antiraciste déchirent le socle universaliste sur lequel repose notre modèle républicain. Résultat, ce nouveau militantisme divise plus qu’il ne rassemble, emprisonne plus qu’il ne libère, ravive des plaies plus qu’il ne les suture.


En remplaçant la lutte des classes par la lutte des races, en cherchant à réécrire le passé sous le tamis du présent, en pratiquant l’indignation sélective et l’excommunication permanente, ce nouveau militantisme crée de la discorde à une époque où notre pays a plus que jamais besoin de concorde. Et bien que les concernés s’en défendent, ce tournant identitaire, maladroitement importé des Etats-Unis et plaqué sur une réalité française tout autre, donne du grain à moudre à une extrême droite que l’on cherche pourtant à contenir.

De la « lutte des classes » à la « lutte des races »

De la « lutte des classes » à la « lutte des races »

Le livre du sociologue et de l’historien balaye des siècles de controverses et d’évolutions du concept de race et des « études raciales ». Mais il ne convainc pas pleinement.(Chronique du monde Par Florent Georgesco)

« Race et sciences sociales. Essai sur les usages publics d’une catégorie », de Stéphane Beaud et Gérard Noiriel, Agone, « Epreuves sociales », 422 p., 22 €.

Ces dernières années, peu de livres ont suscité, avant leur sortie, autant de réactions que Race et sciences sociales, du sociologue Stéphane Beaud et de l’historien Gérard Noiriel. La publication d’extraits dans le numéro de janvier du Monde diplomatique a suffi à déchaîner une vague de protestations, beaucoup, comme le philosophe Norman Ajari sur son blog, y voyant une « incompréhension de la race » et « des effets réels du racisme ».

Etait-il trop tôt pour aboutir à une conclusion si tranchée, sans parler du tombereau d’injures et d’absurdes accusations de racisme sur les réseaux sociaux ? De Stéphane Beaud, dont les travaux sur les classes populaires font autorité, et Gérard Noiriel, pionnier de l’histoire de l’immigration en France, il y a lieu d’attendre qu’ils ne se contentent pas, lorsqu’ils portent un regard critique sur l’importance croissante des questions de race dans les sciences sociales, d’alimenter des polémiques sommaires.

De fait, l’objet du livre paraît être de critiquer le concept de race, non parce qu’il serait inadéquat, mais parce qu’il tendrait à devenir hégémonique, et d’ouvrir, à l’inverse, le spectre interprétatif à l’ensemble des « variables » – « appartenance de classe, sexe, situation de génération, couleur de peau, etc. » –, qu’il s’agit de « faire jouer conjointement ».

Sa structure même, composite, témoigne de cette volonté de voir plus large. Analyses de l’émergence de l’idée de race dans les champs politique et savant, récit du tournant des années 1970, qui débouchera dans les années 2000 sur une « institutionnalisation des études raciales », étude de cas : la généalogie du contemporain balaye des siècles de controverses, d’ajustements conceptuels, d’évolution des sociétés et de leurs représentations.

Il était difficile d’aller aussi loin et d’une manière aussi ample dans les soubassements de la question. La promesse d’ouverture du spectre est-elle pour autant tenue ? En réalité, des biais apparaissent bientôt, qui n’ont d’ailleurs rien à voir avec les errances qu’on a attribuées aux auteurs durant la polémique. Ainsi du choix de s’en tenir à la France : s’il est vrai, comme ils le répètent, que l’obsession pour la race est en grande part importée des Etats-Unis, pourquoi ne pas remonter à la source, et étudier les travaux d’auteurs américains ?




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