Plaidoyer pour le vélo du quotidien en France
Force est de constater que la passion des Français pour la petite reine s’exerce davantage devant l’écran que sur les routes. À l’heure où la mobilité cristallise les débats, il serait opportun que la popularité d’un tel événement permette d’accélérer les pratiques, à petite comme à grande échelle. Par Denis Saada, président de Betterway dans la Tribune.
4%, comme le nombre de Français qui se déplacent quotidiennement à bicyclette. Moins de 2%, comme la part modale du vélo en France, loin des 9% ambitionnés par le gouvernement français (source). Les chiffres ne sont guère flatteurs pour le pays du Tour de France. Pire, l’hexagone affiche un retard important sur ses voisins européens. Dans des villes réputées pour leur cyclabilité comme Copenhague ou Amsterdam, 35% des habitants se déplacent tous les jours à vélo. En Allemagne et en Suède, ce taux s’élève à 19%, à 15% en Belgique et à 13% en Italie. (source)
Le constat est clair : les Français aiment le vélo, c’est une certitude, mais ne l’utilisent que peu fréquemment. Parmi eux, 28 millions de salariés représentent une véritable ressource pour notre pays et sont un immense levier de changement. Et pour instaurer ce dernier, les entreprises ont un rôle prescripteur à endosser pour promouvoir la pratique du vélo auprès de leurs collaborateurs.
Bien sûr, elles méritent aussi d’être accompagnées pour proposer des dispositifs susceptibles d’encourager de nouvelles habitudes : système de vélo partagé, parking à vélo, bornes de recharge, etc. et les incitations financières restent nécessaires. Si le Forfait Mobilité Durable a, en deux années, contribué à initier un virage notable (38% des employeurs du privé ayant déclaré l’avoir déployé) incitant nombre de salariés à privilégier des modes de transports alternatifs à la voiture, il connaît néanmoins des freins non négligeables qui limitent l’essor d’un autre paradigme.
Et si pour lever les difficultés dans sa mise en œuvre, il s’agissait de penser d’ores et déjà plus largement et d’imaginer, la mise en place d’un Budget Mobilités Universel qui viendrait remplacer l’abonnement aux transports en commun et le Forfait Mobilités Durables. Ouvert à toutes les solutions de mobilités durables, il permettrait de motiver le plus grand nombre à changer facilement et à moindre coût ses habitudes de déplacement.
La puissance publique doit, elle aussi, se muer moteur en matière de mobilité. Depuis une quinzaine d’années, les collectivités investissent massivement en faveur du vélo en construisant des pistes cyclables, des véloroutes et des voies vertes. Les budgets ont d’ailleurs augmenté de 40% en 10 ans passant de 328 à 468 millions d’euros. Ce volontarisme n’est pas sans effet, mais les résultats se concentrent quasi exclusivement sur les grandes villes. En effet, selon une étude menée en 2020 par l’Ademe, entre 2010 et 2018, l’usage du vélo a augmenté de 30% à Paris et de 10% par an à Lyon pendant que celle-ci diminuait sur l’ensemble du territoire.
Par ailleurs, les sommes investies dans l’hexagone restent bien inférieures à celles consacrées par les Pays-Bas par exemple. Et ce même dans des villes particulièrement vélo friendly comme Grenoble, Strasbourg, Nantes et Bordeaux où les dépenses dans la politique vélo représentent 15 à 20 euros par habitant par an contre 33 euros depuis quarante ans dans les villes néerlandaises. Face à ce constat, les investissements doivent se poursuivre pour construire les conditions d’une pratique sereine du vélo aussi bien en zones urbaines que rurales. Pour cela, il est important de continuer à créer des zones dédiées – pistes cyclables, voies vertes – mais aussi de réduire les zones d’accès aux véhicules motorisés en ville pour garantir la sécurité des cyclistes.
Dans les banlieues, les zones périurbaines, ou dans les milieux ruraux, la bicyclette est délaissée, surtout par les plus jeunes d’entre nous. En 1982, 82% des écoliers européens se rendaient en classe à pied ou à bicyclette. Aujourd’hui, ils ne sont que 14%, alors même que les pratiques de mobilité des jeunes influencent leurs pratiques futures. Un travail de sensibilisation de la jeunesse est donc particulièrement nécessaire. Des mécanismes qui encouragent les jeunes Français à effectuer leurs trajets à vélo doivent être pensés : challenge à l’école, sorties scolaires à vélo, dispositifs de sécurisation des trajets-école – maison, …
Pour massifier la pratique du vélo, tout le monde doit prendre sa part. État, collectivités, entreprises et citoyens, chacun à un rôle important à jouer aussi bien sûr les infrastructures, la sensibilisation que sur les incitations et la volonté de changer ses habitudes. Des investissements plus conséquents sur les espaces dédiés au vélo, ainsi qu’une politique d’incitation en direction de la jeunesse, semblent désormais incontournables. Comme la nécessaire mise en place d’un Budget Mobilités Universel qui regorge d’un potentiel de mobilisation des salariés inégalé.
Denis Saada